Cette page est une version archivée le 02 avril 2006 du site/annuaire horizon local de Globenet.
Ce site est maintenant fermé; il n'est plus tenu à jour, les informations peuvent être datées ou erronées,
et le seront de plus en plus au fil du temps. Et les formulaires sont désactivés.

Les enjeux de l'Aide au secteur agricole en Afrique sub-saharienne

Partie I/ Aides publiques et coopération avec le secteur agricole
Partie II/ Les partenariats avec les organisations paysannes africaines
Partie III/ Modalités de mise en oeuvre de l'APD au secteur agricole


Partie II/ Les partenariats avec les organisations paysannes africaines

  1. LA COOPERATION AVEC LES DIVERSES ORGANISATIONS PAYSANNES
  2. LES INTERMEDIAIRES AU SEIN DU SYSTEME D'APD
  3. L'AIDE, FACTEUR DE RENFORCEMENT ET/OU DE FRAGILISATION DES INSTITUTIONS DU MONDE RURAL
  4. AGIR PAR DES INTERVENTIONS DIRECTES ET/OU PAR DES INTERVENTIONS INDIRECTES

5. LA COOPERATION AVEC LES DIVERSES ORGANISATIONS PAYSANNES

* Il est essentiel que les initiatives remontantes (depuis la base, depuis les quartiers, depuis les femmes) soient au centre du dispositif de coopération. Ce point est un point-clé dans la situation d’aujourd’hui. On voit les populations s’organiser par elles-mêmes, mais comment appuyer le passage du micro au meso puis au macro-institutionnel. Ceci en remontant. Mais comment le faire ? Il faut qu’à partir des nombreux semis qui sont en pépinière partout, une certaine dimension régionale et nationale soit atteinte. Alors si ce seuil est obtenu, les populations organisées elles-mêmes vont se battre pour forcer les politiques de leurs gouvernements et modifier les nôtres. (Adm., F.)

5.1. Qu'est-ce qu'un partenariat réussi, selon des responsables paysans ?

** "L’appui n'est pas une intervention unilatérale, c’est une relation qui engage simultanément celui qui l’apporte et celui qui l’utilise. Les pratiques d’appui ne peuvent évoluer et devenir fécondes que si les organismes d'appui et les OP les construisent ensemble. Ce qui suppose:

Exemple :

"Le partenariat entre une ONG belge et notre association (dans la région de Louga) nous paraît positif pour plusieurs raisons :

a) SOS-Faim n'a pas voulu nous suivre dans nos ambitions de départ : leur soumettre un gros programme et qu'ils mettent de grosses sommes à notre disposition. Ils ont préféré être francs avec nous, nous tenir un langage de vérité. Ils nous ont fait comprendre que nous ne nous connaissions pas et qu'avant de mettre des montants importants à notre disposition, nous devions nous connaître. C'est à travers des subventions de 6 puis 12 puis 15 millions que nous pourrions le faire. Même si cela devait prendre du temps, c'est comme cela qu'ils comptaient travailler avec nous.

b) Ils ont été très sensibles à tous les problèmes que nous leur avons posés et pour tous nous avons trouvé avec eux un début de solution : que ce soit pour les semences, l'embouche, la pêche ou notre fonctionnement.

c) Ils ont toujours répondu "présent" depuis 1992. Courant novembre 1997, nous avons élaboré ce programme quinquennal que nous comptons démarrer en janvier 1998. C'était un processus vraiment lent, mais SOS-Faim ne nous a jamais lâché.

d) A chaque fois, ils n'hésitent pas à venir sur le terrain pour se rendre avec nous auprès de nos groupements villageois, là où les activités se mènent, pour voir de visu ce que nous faisons, discuter avec les populations afin de mieux appréhender les difficultés que nous rencontrons sur le terrain. Ils ont fait preuve de compréhension dans pas mal de choses pour nous permettre d'arriver au niveau où nous sommes.

e) Sur le plan de la gestion, ils n'hésitent pas à nous faire les critiques indispensables permettant de nous améliorer. Ils auraient pu, ayant constaté des failles dans notre gestion ou dans nos types d'organisation, tirer une croix sur nos relations. Mais cela n'a pas eu lieu. Devant telle difficulté, n'importe laquelle, ils ont essayé de nous comprendre pour nous orienter dans un sens plus indiqué.

f) Ils ne nous ont jamais imposé quoi que ce soit.

g) Ils nous aident à travailler avec d'autres : on identifie les partenaires qui, dans un domaine identifié, pourront nous être utiles. Puis SOS-Faim met à notre disposition des moyens pour les faire venir et travailler avec nous". (Malick Sow, P, FAPAL, Sénégal)

"Ce que j'apprécie, c'est l'accompagnement que j'ai vécu avec certains partenaires, OXFAM GB surtout. Parce qu'une fois qu'une idée a germé en nous, OXFAM GB ne nous laisse pas; elle nous assiste. Elle nous incite même à voir jusqu'où nous pouvons aller dans notre idée. Je donne un exemple : la radio rurale. L'idée est venue de nous-mêmes. A un moment donné, nous nous sommes mis, entre nous dans notre bureau, pour discuter des problèmes de communication que nous avions. Nous en avons parlé à gauche et à droite, dans les groupements, dans les populations pour savoir comment nous allions les résoudre. On s'est demandé si on pouvait avoir une radio rurale. Et eux nous ont suivis et épaulés". (Sara Diouf, P, Jig-Jam, Sénégal)

5.2. Constats et points de vue de cadres du Sud

"Quand les paysans du Sahel viennent en disant : "nous, on a jamais résolu le problème de l'eau", il faut leur dire : "Vous n'êtes pas venus pour demander de l'eau, vous la demandez depuis des années, vous êtes là pour vous demander pourquoi le problème de l'eau n'est pas résolu". Ce qui revient pour eux à dire : "Quelle est notre place ? Est-ce qu'on nous écoute ? Pourquoi on ne nous écoute pas ? Est-ce que nous sommes dans les instances de décision ?" Voilà ce qui les préoccupe. Il y a des leaders aujourd'hui qui amènent les paysans à savoir que c'est ce rôle, c'est cette attitude qu'il faut avoir. Ce sont des réflexions qu'ils doivent avoir entre eux et non pas des positions de demandeurs, parce que, de toute manière, tous les appuis qu'ils reçoivent ne sont pas positifs et ne les ont pas aidés à résoudre leurs problèmes". (Cadre burkinabé, IRAM, p. 54)

"On est demandeur d'une coopération avec des paysans (du Nord), je suis d'accord. Mais il faut faire attention. Le rapport direct entre paysans, il faut savoir le gérer, parce que le paysan français, il a un niveau technologique avec ses gros tracteurs, sa consommation d'engrais, ceci-cela. Il a ses aides : Union Européenne, départements, régions. Il ne peut pas fonctionner au Bénin sans tout ça, ça conditionne aussi sa façon de réagir. Si on ne fait pas attention, il risque de venir ici avec des discours, des modèles, cela va engendrer une révolution qu'on ne saura pas gérer et ça va être le bordel". (Cadre béninois, IRAM, p. 235)

5.3. Expérience des organisations professionnelles agricoles du Nord dans leur travail avec des OP du Sud

a) Les interviews de responsables de l'AFDI nationale et d'AFDI régionaux indiquent trois axes de coopération de ces OPA du Nord avec des OP du Sud :

La démarche d'AFDI s’articule institutionnellement autour de la mise en place :

b) "FERT se positionne comme opérateur de programmes de développement. De par ses liens avec la profession agricole française, FERT propose des actions dans lesquelles la mobilisation d'un savoir-faire au sein des OPA françaises tient une place importante.

Très schématiquement, les actions menées par FERT sont de nature technico-économiques mais avec une finalité et une ingéniérie de l'action centrée sur l'engagement réel des producteurs dans les actions conduites et la construction d'organisations de producteurs agricoles autonomes.

D'une manière générale, FERT se donne trois objectifs :

1. Réaliser des actions démonstratives qui contribuent à la structuration du monde agricole entendue comme facteur de développement devant résoudre les problèmes vécus par les paysans (rôle d'opérateur).

2. Mobiliser des savoir-faire des OPA françaises à travers des équipes polyvalentes sur le terrain (rôle d'interface).

3. Travailler sur la conception et le montage de projets mieux adaptés aux exigences actuelles (objectif méthodologique)". (FERT, interview pour Inter-Réseaux, 1997)

c) * Le mérite des partenariats entre OPA du Nord et OP du Sud est de s’intéresser fortement à l’atteinte d’une autonomie économique et financière des organisations et non seulement au pôle revendicatif. Toutefois, on peut se demander si l’organisation professionnelle, ou par filière, tient compte de la réalité des paysans africains qui dans la plupart des cas obéissent à des logiques productives autour du patrimoine familial et au sein d'exploitations familiales où prédomine la pluri-activité économique et non pas à des logiques d’entreprises agricoles spécialisées autour d’une production. (Consultant, I.)

5.4. Principes proposés pour orienter les actions d'APD auprès des OP

** J.C. Devèze propose des caractéristiques/principes pour les actions de terrain :

Chaque intervention devrait:

5.5. Trois propositions de débats

Débat 1 : Quel(s) interlocuteur(s) au niveau local ?

** "L'objectif déclaré (des agences d'aide) de recherche de collaboration avec la société civile est peut-être illusoire faute d’organisations ou groupements traditionnels de type communautaire. Les groupements, souvent éphémères, sont créés de toute pièce par les projets. Les " groupements " et " comités " ne sont pas automatiquement l’embryon d’une société civile organisée en vue du développement, et ne sont pas nécessairement un pas en avant vers la création d’une dynamique communautaire et municipale. (...) Ils sont souvent perçus dans les villages comme des groupes d’intérêt particuliers, constitués par ceux qui ont su se positionner comme les interlocuteurs locaux des projets, pour chercher à s’approprier les ressources de ces projets. (...) On pourrait même soutenir qu’ils bloquent de ce fait l’émergence d’un sens du bien public et de l’intérêt collectif, qu’ils freinent un éventuel processus de " municipalisation "". (Olivier de Sardan, Note sur le Niger, 1998)

Débat 2 : Quelles autonomies pour les partenaires locaux ?

"On leur a dit : ce sont les paysans-animateurs qui font tout pour le groupement, il faut des indemnités au moins pour ces gens-là. Là, le bailleur s’est opposé. Nous avons dit : si on doit travailler réellement avec ce bailleur, il faudrait que l’on s’entende; eux quand ils viennent ici, ils voyagent avec l’argent du projet et ont des indemnités, alors il fallait que ces animateurs-là aient (au moins) des indemnités afin de pouvoir vivre comme tout à chacun. C’est ainsi que l’on a eu à discuter avec le bailleur, qui a finalement compris la préoccupation des gens et qui est arrivé à indemniser au moins les responsables de la formation, de la gestion et le secrétaire général de l’association". (Pascal Mané, P, Entente de Diouloulou, Sénégal)

Débat 3 : Quelles marges de manoeuvre pour les opérateurs ?

Ne risque-t-on pas de transférer le modèle de la cogestion des politiques agricoles de la France dans des contextes culturels et institutionnels profondément différents?

* Comment renforcer la capacité de négociation et la distanciation critique des divers acteurs locaux, privés, associatifs ou publics vis-à-vis des organismes d’appui-conseil, de financement, de prestation de services agissant sous mandat d’une Agence liée aux Etats du Sud et du Nord. (Consultant, F.)

6. LES INTERMEDIAIRES AU SEIN DU SYSTEME D'APD

** "Jusqu’aux années 1980, l’aide était plus souvent acheminée par des acteurs du Nord que directement envoyée aux acteurs du Sud. Les volontaires et les assistants techniques, agissant au sein d’organismes publics ou privés, étaient les supports de la distribution de l’aide financière et de l’appui technique au niveau des villages. Cette exclusivité a tendance à changer. Les acteurs du Sud, chargés de mettre en oeuvre des projets et des programmes d’aide extérieure, se multiplient au sein des collectivités locales, des ONG africaines et des organisations paysannes et des bureaux de consultants. Deviendront-ils à leur tour des intermédiaires, sinon des subordonnés, du système d’aide ?" (M.C. Gueneau, B.J. Lecomte, 1998)

6.1. Des intermédiaires (ONG, bureaux d'études, ...) contestés par les responsables paysans

"Malheureusement, les retards des apports des ONG qui nous aident nous ont obligés à consommer la trésorerie fournie par les entreprises ! En 1992 et 1993, l’ARAF a pris à sa charge à 100% les salaires de ses employés. Sur le revenu des pompes à essence, sur les revenus de nos magasins de semences, avec beaucoup de difficultés. Durant les 19 mois de négociation avec une ONG (spécialisée en renforcement institutionnel) il a toujours fallu continuer à payer le personnel. C’est la trésorerie des pompes à essence ainsi que nos cotisations qui nous ont permis de ne pas perdre notre personnel". (Joseph Sene, P, ARAF, Sénégal)

"Il y a beaucoup d'ONG dans la région de Louga. Nous travaillons avec certaines, mais aucune ONG ne nous a fait d'apports financiers. On sent, avec certaines ONG de la place, une rivalité avec le mouvement paysan. Elles assimilent la FAPAL à une ONG. Or, nous n'en avons pas le statut. Elles estiment qu'aujourd'hui nous n'avons pas besoin d'être soutenus financièrement par une ONG locale, dans la mesure où nous avons déjà un partenaire". (Malick Sow, P, FAPAL, Sénégal)

"Une difficulté qui casse un peu le dynamisme de la FAPAL, est que nous formons des animateurs que nous ne payons pas mensuellement. Les ONG qui interviennent ont besoin d'animateurs et elles ont des moyens que nous ne possèdons pas. Donc si une ONG intervient pour recruter un animateur villageois de la FAPAL et lui promet 40.000 ou 45.000 CFA mensuels, nous ne pouvons pas mettre cela à la disposition de l'animateur et on le perd. On recommence à zéro. [...] Une autre difficulté, plus rare désormais, est la concurrence entre deux activités identiques, l'une financée par une ONG, l'autre par la FAPAL. Par exemple, pour les fonds de crédit que nous avons mis à la disposition de nos membres, des ONG ont fait pareil dans le même village. Alors souvent, tu peux voir un membre qui bénéficie de ces deux fonds. Le problème qui se pose, c'est que les méthodes de gestion et de suivi ne sont pas les mêmes. Il y a alors une confusion puisque ceux qui utilisent l'argent sont les mêmes personnes". (Malick Sow, P, FAPAL, Sénégal)

"Il est courant de trouver un village dans lequel interviennent plusieurs partenaires à la fois, sans se connaître, sans se rencontrer. Chacun a sa manière d'intervenir. Ce qui intéresse les paysans, c'est le fait qu'il y ait de l'argent qui rentre même s'ils ne savent pas "tirer" les conséquences que cela entraîne; ceci cultive l'incohérence et entretient une certaine division sociale, parce que les gens n'ont plus à se mettre ensemble, ce qui développe une concurrence même au niveau interne du village. Nous avons identifié cela partout dans les villages. Cela nous a d'ailleurs poussé à essayer d'avoir une "organisation" de concertation au niveau de chacun des villages, afin d'identifier tous les responsables de groupements (qu'ils adhèrent ou non à notre fédération) et de susciter la nécessité qu'ils se retrouvent tous au niveau de chaque village, avec bien sûr les autorités villageoises". (Sara Diouf, P, Jig-Jam, Sénégal)

6.2. Des OP admirées et craintes par les organisations d'aide

"Actuellement il y a un processus nouveau de création d'organisations paysannes issues de la volonté des paysans eux-mêmes. Avant on incitait les paysans à s'unir, maintenant c'est eux qui imposent la reconnaissance de leur entité et de leurs droits et ils travaillent à cela. Ils travaillent à s'alphabétiser un peu plus. Tout ça, c'est un processus assez dynamique qui se traduira par une évolution de l'économie dans son ensemble". (Cadre malien, IRAM, p. 109-110)

"Vraiment, les organisations paysannes veulent être maître-d'ouvrage, et c'est leur problème. L'intermédiation des ONG ça ne les intéresse plus". (Cadre béninois, IRAM, p. 60)

6.3. Le risque du développement de l'assistanat en milieu rural

"Il y a un dynamisme, mais il semble qu'il y ait une sorte de cacophonie. Il y a beaucoup d'intervenants; tout le monde fait la même chose et finalement avec des méthodes et des approches totalement différentes. Ce que l'on a remarqué, et ce qui a abouti aux réformes économiques amorcées au début des années 80 est une sorte de division de la société en deux groupes : un groupe de gens qui sont en relation avec les institutions financières, notamment du Nord, les grandes ONG du Nord qui ont les moyens d'intervenir sous le couvert d'un développement local nouveau et mettent en jeu toute une stratégie pour capter des rentes, et la masse de ceux qui subissent et qui deviennent perpétuellement des assistés. On débouche sur un blocage". (Cadre béninois, IRAM, p. 109)

"Je ne suis pas contre les ONG, mais je pense qu'il faut que les gens se méfient de tous les discours qu'il y a autour. Je crois que cela aujourd'hui a dénaturé beaucoup la coopération, parce que c'est la coopération qui va devenir incontrôlable. Les Etats ne pourront plus le faire, on va leur dire à un moment : "Vous devez des sommes d'argent." Ils vont dire : "On n'a jamais eu ça" ou "On est intervenu sous cette forme dans votre pays." Qui va gérer ça ?" (Cadre béninois, IRAM, p. 223-224)

"Les ONG du Nord nous disent : " On a de l’argent pour tel ou tel domaine et c’est tout ". A nous, les ONG, ils demandent si on connaît des organisations paysannes qui peuvent rentrer dans leurs cadres. Si on en a, on les conseille et on leur donne des adresses. Mais il y en a aussi beaucoup qui repartent comme cela, car souvent leurs domaines sont des domaines qui n’existent pas ou bien leurs conditions ne sont pas accessibles aux gens". (Aminé Miantoloum, Agent d’appui, Tchad)

* Dans certains pays, les analyses globales mettent en avant la saturation des capacités locales devant les actions d’aide extérieure: trop de programmes, trop de conditionnalités, trop de projets, trop d’initiatives. Cela a pour première conséquence de submerger les institutions bénéficiaires. La gestion de l’aide supplante la gestion du développement comme coeur des préoccupations des institutions. (Consultant, F.)

* Nous avons - nous, ONG du Nord - à combattre d’abord contre nous-mêmes, contre notre tendance à nous perpétuer. Nous avons aussi à faire comprendre aux pouvoirs publics français qu’ils n’ont pas à s’appuyer seulement sur nous, structure française, mais qu’ils pourraient travailler directement avec les associations africaines qu’ils ne connaissent pas bien. Les ONG africaines nous disent : " Vous, vous nous bouchez la route vers les fonds d’aide ". En particulier parce qu’on ne peut pas sous-traiter ce qui nous a été confié par une agence. (ONG, F.)

6.4. Analyse : Entre logique paysanne, logique d’entreprise agricole et logique d'aide

** " Dans (la logique paysanne), le modèle d’organisation est l’autarcie, l’objectif économique est perçu dans une optique de régulation sociale par redistribution de surplus, les informations transmises de bouche à oreille sont passées au crible de l’expérience, la maîtrise du foncier ou la possession du troupeau est symbole de réussite, être maître chez soi est la première liberté etc. Dans la logique d'entreprise agricole, le modèle d’organisation vise à l’efficience, l’objectif est d’adapter des innovations permettant d’améliorer les performances sur tous les plans, l’information rapide est nécessaire pour s’adapter et pour maîtriser la conjoncture, la terre n'est qu’un instrument de travail, l’important est d’être libre de décider de l’orientation de son exploitation et de gérer les facteurs de production, etc." (Devèze, 1996, p.55)

** " Dans les relations tripartites entre un organisme étranger de financement, un organisme local d’appui et une organisation paysanne bénéficiaire, l’organisme de financement met en général les fonds à la disposition de l’organisation paysanne via un organisme local d’appui qui joue à la fois le rôle de conseiller/formateur et celui de contrôleur garant de la bonne marche du projet, ce qui aboutit à des ambiguïtés. Du point de vue des bailleurs de fonds, l’organisme d’appui est rendu responsable des éventuels dérapages au niveau des paysans. Du point de vue des paysans, l’organisme d’appui est assimilé aux bailleurs de fonds quand il y a des retards ou des difficultés, et il n'est pas rare qu’il soit directement soupçonné d’avoir détourné une partie des fonds aux dépens de l’organisation paysanne. En pratique, en cas de problème, chaque partenaire a la possibilité de choisir l’un des deux autres comme bouc émissaire. Finalement, dans ce jeu, les trois partenaires ont toujours la possibilité de se renvoyer mutuellement la balle et se retrouvent ainsi déresponsabilisés ou objet de soupçon. " (Devèze, 1996, p. 49)

6.5. Se connaître entre acteurs, reconnaître les autres, discuter et négocier

* L'absence d'interlocuteur face aux agents de l'Aide paralyse les bailleurs de fonds. Or discuter et regarder ensemble les avantages et les inconvénients de telle intervention ou de telle méthode est devenu tout à fait indispensable. Aujourd'hui tout le monde est conscient qu'il n'y pas de solution miracle, que ce n'est pas en apportant quelque chose de l'extérieur et en disant : "cela, ça va marcher" que quelque chose va changer. On sait que les problèmes ne sont pas solubles par des solutions parfaites mais que tout doit être discuté, articulé, suivi et donc qu'il ne faut pas se précipiter, qu'il faut prendre son temps, d'où l'importance de contribuer à ce que les interlocuteurs s'expriment, s'organisent entre eux pour établir ensemble une position, deviennent capables de négocier avec l'aide extérieure après avoir négocié entre eux. (Consultant, F.)

* Il faudrait, en quelque sorte, ouvrir ce marché de l'intermédiation, le rendre concurrentiel et performant, c’est à dire faire en sorte qu’il sélectionne ceux qui apportent le meilleur rapport qualité prix, y compris les leaders des organisations paysannes. Il faudrait arriver à ce qu'il y ait une sorte de concurrence d'offre des meilleures prestations et, pour cela, casser les frontières, y compris d'ailleurs au sein des organisations paysannes elles-mêmes. Alors qu’en fait, aujourd’hui, le système d'aide est terriblement compartimenté, chacun fait compte-rendu à celui qui est au-dessus de lui, qui fait compte-rendu à celui qui a apporté l'argent, mais les comptes-rendus vers la base sont très rares et très peu vont d'une organisation à une autre. Une information et une transparence sont à promouvoir. Et pour cela, les acteurs, de l'aide doivent comprendre qu'il ne faut pas qu'ils s'approprient les choses, qu'ils restent très ouverts. (Consultant, F.)

6.7. Un défi pour les ONG et beaucoup d'opérateurs actuels : le champ économique

* Un problème est celui de l’accès au marché. Par exemple à Bakel, une association existe (l’URCAK) : fondée par l’association des coopératives de la région de Kayes, elle entreprend à la fois des études et des actions pour l’amélioration des filières d’écoulement. Mais cette dimension économique n'est pas habituelle aux ONG ! Leurs administrateurs ou leurs fondateurs sont très rarement des banquiers, des assureurs ou des commerçants. Cela peut changer si nos interlocuteurs du Sud nous réclament d’être plus proches de l’économique. Il faudra bien que nous y arrivions. Mais cela me paraît redoutable car cela va nous demander des profils d’administrateurs et de permanents différents de ceux d’aujourd’hui. (ONG, F.)

6.8. Propositions de questions à débattre

* En France, la réforme en cours sépare les fonctions de conception et celle de mise en oeuvre. Comment éviter qu’au nom de la rationalisation et de la cohérence, la future Agence française de développement (AFD) prenne le monopole de la mise en oeuvre, au détriment de la richesse et de la diversité actuelle des divers intervenants. Ne risque-t-on pas de voir des organismes qui ont une tradition dans le domaine et un apport conséquent devoir se transformer en sous-traitants obligés de l’AFD ? (Consultant, I.)

* A mon sens, l'AFD doit pouvoir donner, à partir de son expérience et de sa réflexion, son avis sur l'orientation de l'Aide publique française, et travailler avec un ensemble d'acteurs de coopération qui s'adaptent aux situations du Sud et se professionnaliser.

7. L'AIDE, FACTEUR DE RENFORCEMENT ET/OU DE FRAGILISATION DES INSTITUTIONS DU MONDE RURAL

7.1. Effets d'abord positifs puis pervers de l'Aide, vus par des responsables paysans du Sud

Exemple :

"Au début (1980) sans aide extérieure, notre association fonctionnait normalement ; les membres s’entendaient bien. Avec le peu de cotisations que nous avions, nous n’avions pas d’autres idées. On travaillait normalement parce rien ne nous divisait. Dès que nous avons eu de l’aide extérieure, les membres n’ont plus voulu de travail collectif. Ils disent qu’il y a de l’argent ici et qu’ils ne vont pas se donner de la peine pour rien. Comme ils ont refusé de faire des travaux collectifs et des cotisations, cela a été difficile de maintenir l’entente.

Alors, après avoir démissionné de la présidence du CODEB, j'ai fondé, en 1996, une coopérative : la Coopérative de production agro-pastorale. Elle s’occupe de la production, de l’agriculture et de l’élevage et grâce à elle nous devons trouver de l’argent pas seulement par les cotisations mais par nos bénéfices. Elle compte 40 membres, tous de Bédogo, dont 18 femmes. L’idée de cette coopérative vient de moi, parce que j’avais constaté au sein de l'Union de groupements (CODEB) qu’il fallait faire des efforts par nous-mêmes avant de compter sur l’aide extérieure. Car dès que celle-ci se retire, on ne peut plus rien faire. Il faut créer nos activités avec nos propres moyens". (Vincent Guelmian, P, CODEB Tchad)

"Dans les premières années de collaboration, nous on élaborait nos projets, on les soumettait, et ces projets étaient financés à moitié par nous, à moitié par une ONG du Nord. Chaque fois qu’une activité était réalisée, il fallait envoyer un rapport avant de pouvoir accéder à un autre financement. Ils disaient qu’ils voulaient un répondant et, comme ils séjournaient dans les villages, ils disaient qu’ils voulaient qu’un tel soit le répondant. Après la première année d’expérience, il y a eu une première évaluation qui nous a permis de nous réorganiser et de trouver même quelques pistes de collaboration avec ces partenaires. Nous, on a dit ceci : si réellement le bailleur a donné son financement, ce n'est pas à lui de désigner son répondant, c’est à l’association de dire que le répondant est un tel. Parce que nous, on avait déjà mis en place un comité de gestion composé des responsables d’activité ; s’il y avait à écrire un rapport et à l’amender, c’était au comité de gestion de le faire". (Pascal Mané, P, Entente de Diouloulou, Sénégal)

7.2. Les difficultés de coopération entre responsables paysans et agents d'appui

** Parmi les motifs de l’incompréhension entre les organisations d'appui (OA) et les organisations paysannes (OP), les responsables paysans (réunis à Mbour (S) en 1998) ont retenu ceux-ci :

  1. Les OA le plus souvent parlent à la place des OP. Elles ne tiennent pas compte de la diversité des organisations du monde rural et apportent des appuis standardisés ou sectorialisés qui, loin de renforcer les OP, les divisent [...] comme par exemple celui des organisations professionnelles agricoles ou celui des chambres d’agriculture et ne peuvent pas s’appliquer partout.
  2. Les OA connaissent le plus souvent mal les organisations du monde rural parce qu’elles les appréhendent à travers un " étiquetage " des OP qui ne correspondent pas à la réalité vécue par les paysans; " elles ne regardent pas les OP telles qu’elles sont, mais telles qu’elles voudraient qu’elles soient ".
  3. Les OA sont peu ouvertes à l’auto-évaluation, ce qui constitue un blocage pour élucider leur relations avec les OP. On ne sent pas chez elles une " volonté de débattre avec les OP ".
  4. Le système de coopération contribue par plusieurs de ses aspects à fragiliser les OP. Il entretient la non transparence dans les relations entre OA, OP et bailleurs de fonds et favorise une concurrence entre ONG ou OA pour dépenser l’argent de l’Aide dont les OP sont l’enjeu. [...] En outre, les rigidités mentales, politiques, administratives et financières du système de coopération empêchent souvent celles des OA qui sont conscientes de l’inadaptation des approches dominantes d’appui de mettre en oeuvre des approches plus adaptées.(d'après un compte-rendu de la réunion de Mbour)

7.3. Des cadres du Sud coincés entre responsables paysans et bailleurs de fonds

"Vous voyez des bailleurs de fonds qui arrivent - j'en parle parce que je dirige une ONG - qui veulent vous caporaliser, vous faire faire ce que eux, ils veulent. Alors que votre réalité est tout autre et par dessus le marché, vous êtes une organisation de femmes, vous voulez investir dans les femmes rurales, mais on vous dit : "Non, ce n'est pas ceci, ce n'est pas cela, il faut prendre quelqu'un de l'extérieur"; alors que vous, vous avez besoin d'être renforcée. Même en tant qu'organisation qui travaille directement avec des bailleurs de fonds, vraiment, ils ne veulent rien faire pour les femmes". (Cadre nigérienne, IRAM, p. 75)

"La manière de faire est insupportable et finalement on ne débouche pas sur des succès parce que la manière de faire ne nous laisse pas jouer notre rôle". (Cadre burkinabé, IRAM, p. 231)

"Côté Sud, on s'est laissé dominer par l'idée que nous sommes inférieurs, par l'idée que nous avons besoin d'être comme les gens du Nord, qu'on a besoin de s'industrialiser, et d'atteindre un certain niveau de développement. Cela veut dire qu'on se place en-dessous et tout ce qui nous vient de l'extérieur, on l'accepte, on ne le remet pas en cause. C'est intériorisé à beaucoup de niveaux et ça vous met très mal à l'aise face au partenaire qui veut vous aider. Parce que quelqu'un qui vient à votre domicile, quand on le prend sur le plan privé, personne ne peut venir chez vous, à votre domicile et vous dicter ce que vous devez faire et dire "Ah ! ton poulailler c'est très mauvais, ou ta femme tu la maltraites", on a une souveraineté chez soi. Mais pourquoi au niveau national, ou au niveau public, on n'a pas ce sentiment de souveraineté et on n'impose pas. C'est cela le problème, je ne sais pas comment cela se passe et pourquoi cela persiste, mais je pense que nous devons avoir des attitudes de souveraineté de plus en plus marquées pour dire : "D'accord, tant au niveau étatique qu'au niveau des collectivités, vous voulez nous aider, mais attendez d'abord que nous nous entendions sur tel ou tel point". Mais on se sent tellement infantilisé par le fait que l'autre arrive avec tellement de moyens, il y a des tas de choses, des facteurs qui rendent la chose inégale et le dialogue qui doit s'instaurer ne s'instaure pas". (Cadre burkinabé, IRAM, p. 243-244)

7.4. Constats et points de vue d'acteurs du Nord sur les quatre pouvoirs : Etats, Agences, Firmes internationales, Organisations paysannes

** "L’organisation du monde rural, qui est un des principaux ressorts du changement, permet de renforcer les contre-pouvoirs qui obligeront les Etats à améliorer leurs capacités de réponse s’ils veulent être pris en considération par des interlocuteurs qui renforcent leur potentiel. Ce processus dialectique entre nouvelles structures sociales et organisations politiques et administratives est fondamental pour l’émergence d’un nouveau cadre favorable au développement". (Devèze, 1997, p.184)

** "Il existe (aujourd'hui entre les agences d'aide) un consensus large pour souligner que :

En revanche, il semble que l'action collective du système d'aide, en dépit de sa bonne volonté, n'a pas entraîné une amélioration de la capacité des pays sahéliens à gérer cette aide au service de la vision qu'ils ont de leur développement, et ne semble pas créer les conditions d'émergence de la vision partagée de l'avenir des institutions du secteur rural". (Club du Sahel, 1999)

* Il est clair que ce qui se passe actuellement va créer des laissés pour compte. Ce n'est pas pour cela qu'il faudra faire des programmes spécifiques contre la pauvreté mais plutôt épauler une réflexion au sein des sociétés, au sein des villages, sur des formes nouvelles à la fois d'exploitation familiale et de solidarité villageoise. Un point-clé dans la coopération est de prendre connaissance de ces diversités de situation, de ne pas parler du "secteur rural en général. (Consultant, F.)

7.5. Analyse : Diagnostic sur les capacités institutionnelles dans le secteur rural au Sahel

"Actuellement il y a un processus nouveau de création d'organisations paysannes issues de la volonté des paysans eux-mêmes. Avant on incitait les paysans à s'unir, maintenant c'est eux qui imposent la reconnaissance de leur entité et de leurs droits et ils travaillent à cela. Ils travaillent à s'alphabétiser un peu plus. Tout ça, c'est un processus assez dynamique qui se traduira par une évolution de l'économie dans son ensemble". (Cadre malien, IRAM, p. 48)

"Les groupements villageois et les unions ont une puissance financière vraiment importante qui leur permet de dire : "Aujourd'hui, nous sommes capables de faire telle piste, investissons-nous". Les organisations paysannes vont jouer un rôle déterminant. Elles le jouent déjà dans ces zones-là, pour ce qui concerne le développement au niveau local". (Cadre béninois, IRAM, p. 50)

"L'évolution de l'organisation du monde rural, c'est un fait là où il y a moins de problèmes de survie, là où il y a plus d'opportunités d'activités autour desquelles les gens peuvent trouver des intérêts, là où il y a des intervenants capables d'impulser aussi ces organisations". (Cadre malienne, IRAM, p. 50-51)

"Il y a un problème, peut-être, de compréhension profonde du fonctionnement d'une organisation communautaire. Il faut que les gens comprennent bien les mécanismes de transparence, de collégialité. Généralement, le problème, c'est que cela reste l'affaire des initiateurs, il n'y a pas de participation de l'ensemble du groupe. C'est surtout cela le problème. Il faut que tout le groupe puisse comprendre que c'est leur affaire, qu'ils doivent participer, qu'ils doivent s'investir et qu'ils doivent aussi par ce canal contrôler les dirigeants. Sans ce mécanisme les organisations restent faibles". (Cadre malienne, IRAM, p. 56)

"La coopération internationale doit arrêter de nous dicter. Aidez-nous à faire émerger des gens qui se tiennent. Aujourd'hui, je ne me gêne pas, que ça soit n'importe quelle coopération, de dire ce que je veux et ce que je ne veux pas faire. Il faut de plus en plus accepter qu'à travers le travail qu'on fait, il y ait un droit à l'erreur. Ce que j'appelle le droit à l'erreur positive, pas de détournement de fonds, pas de vol, mais que j'apprenne à faire mes pas, à faire mes bêtises et qu'on m'aide à me diriger". (Cadre burkinabé, IRAM, p. 254)

7.6. Propositions de questions à débattre

"Plusieurs questions centrales se posent désormais pour le système d'aide :

8. AGIR PAR DES INTERVENTIONS DIRECTES ET/OU PAR DES INTERVENTIONS INDIRECTES

* Travailler, en étant moins directement acteur et seulement l’un des acteurs, va nous obliger à travailler longuement sur la mise en place des règles du jeu, avant et au début des interventions. Pour que celles-ci puissent à la fois être décentralisées, souples, mais basées sur une discipline collective entre les différents acteurs. Bien entendu, en renforçant le suivi-évaluation indispensable pour ce type d’interventions moins directes et qui est un des points faibles en général. (Ch. prog., F.)

8.1. Trop d'intermédiaires sur le circuit de l'aide ?

"Les partenaires qui nous donnent de l'aide la demandent chez eux à d'autres sources mais en notre nom. Ici, des expériences que les gens ont vécues les poussent à dire que les partenaires ont besoin de nous. En effet, il arrive qu'on négocie un financement et qu'on n'en obtienne le tiers alors que les deux tiers sont retenus par le partenaire pour des raisons de fonctionnement ou d'autres raisons que nous ignorons". (Malick Sow, P, FAPAL, Sénégal)

"Moi je voudrais que l’aide extérieure vienne directement aux associations. Pour les femmes, nous avons beaucoup de projets qui sont passés et qui ont échoués. Si cela vient directement à nous, on saura comment gérer. Nous les femmes, nous ne voulons pas être "sous-couvert", nous voulons aller directement avec les bailleurs de fonds, discuter avec eux. Si c’est des crédits, nous signons notre crédit. Si c’est une subvention, toutes les femmes se rencontrent, la subvention est là, de tant de millions pour les femmes, toutes les femmes vont savoir que maintenant nous travaillons directement". (Alimata Souaré, présidente d'une ONG, Sénégal)

"L’aide peut être utile dans le cas où les bailleurs ne mettent aucune entrave entre eux et les bénéficiaires que sont les femmes. Aller vers les femmes, aller recenser leurs problèmes, demander leurs besoins et mettre cette aide à la disposition de ces bénéficiaires, c’est à dire ne mettre aucune entrave, aucune intercalation entre les bailleurs et les femmes bénéficiaires. Il faut que les bailleurs aillent au devant de ces femmes, mettre à leur disposition leur aide appropriée". (Fatoumata Inoussa, P, Niger)

8.2. Et, en même temps, trop d'offres venues du Nord ?

"L'aide extérieure, généralement et surtout dans notre pays, c'est ce que les bailleurs pensent et qu'ils imposent et non ce que la population elle-même souhaite avoir. Par ex., PpM (Pain pour le Monde) a proposé aux paysans des pompes parce qu'il pense qu'ils peuvent faire du jardinage. Quand le premier groupement a reçu une moto-pompe, tous les groupements, tout le long du Logone, ont demandé des moto-pompes. Ils les ont distribuées mais elles n'ont jamais fonctionné c'est resté comme ça. PpM est venu dans cette zone, il a demandé aux groupements de se constituer en associations villageoises et il va leur donner des chaînes de culture. Dans un village, ils peuvent donner 10 charrettes, 20 boeufs ou une charrue". (Marc Mougnan, ASSAILD, Tchad)

"Pour les membres de l'association, l'aide c'est la facilité d'avoir l'argent. L'aide est là. Les partenaires d'Afrique, on leur demande d'envoyer beaucoup de projets pour utiliser l'aide. Le Nord se précipite pour avoir des partenaires au Sud. Parfois, il y a financement d'opérations qui n'ont même pas démarré. Il est facile de créer une association et d'avoir de l'aide car "tiens, une nouvelle association; il faut l'aider" se disent les partenaires du Nord. Ils ne cherchent pas à comprendre". (Tamba Yancouba, FORAGE, Sénégal)

8.3. Le financement direct des organisations paysannes par l'APD, leurre ou solution ?

"L’Union des producteurs peut solliciter un bureau d’études, peut solliciter une ONG, mais c’est un contrat entre nous et le bureau d’études ou l’ONG. Et les partenaires du Nord mettent les fonds à la disposition de l’Union pour payer le bureau d’études, cela change tout". (Jacques Bonou, président d'une Fédération d'Unions d'OP, Bénin)

"On a au moins deux programmes actuellement où on n'est pas passé par l'intermédiaire d'ONG du tout, ni par l'intermédiaire de bureaux d'études, ce sont des relations directes entre bailleurs de fonds et unions de producteurs. C'est la première fois que cela arrive dans ce pays, des conventions ont été signées, c'est passé à la télévision, tout le monde a vu des paysans signer des conventions avec la Caisse Française de Développement (CFD devenue Agence Française de Développement AFD), pour accompagner leurs organisations, pour refectionner les pistes". (Cadre béninois, IRAM, p. 221)

* Mais n'est-ce pas là un cas d'ingérence ? (Adm., F.)

8.4. Un exemple d'intervention indirecte auprès des paysans éleveurs de volailles (Mali-Sud)

** Une expérience de transfert effectif de responsabilités vers les acteurs privés et associatifs du secteur élevage a été lancée depuis 1995, en zone Mali-Sud, de façon rapide et sous la "protection" institutionnelle de la CMDT, en partant d'une demande dans le domaine avicole. Trois points méthodologiques de base caractérisent cette intervention : a) la concertation des acteurs, au niveau local, sur un très petit nombre d'objectifs simples et à l'effet spectaculaire ; b) l'organisation des acteurs intéressés et le partage des tâches pour atteindre les objectifs, chacun engageant ses propres moyens, le projet prenant à sa charge les frais de formation des acteurs et d'informations des populations ; c) quelques actions de viabilisation et de renforcement de certains acteurs privés (vétérinaires, techniciens, transporteurs, ...) : par ex. l'organisation d'approvisionnements pharmaceutiques réguliers, formations, petites dotations ...

Des résultats rapides et spectaculaires : 2 millions de volailles vaccinées en 2e année de l'action (pour cette seule région, contre moins de 100 000 les années précédentes dans l'ensemble du pays), et ce de façon payante, sans subventions, par des vaccinateurs villageois formés, approvisionnés et encadrés par des vétérinaires privés.

Des conséquences institutionnelles : l'existence d'un fonds de garantie bancaire permettant l'accès au crédit pour des vétérinaires privés, amène à constituer une commission régionale (CRC) regroupant diverses institutions étatiques et professionnelles, pour aborder la question des critères et procédures d'attribution de crédit, et donc de la régulation, c'est à des dire des examens de légalité, de viabilité, de concurrence déloyale des installations. Un recensement détaillé des situations est effectué, et des propositions de régulation élaborées au sein de cette structure de concertation. (H. de Milly, 1999)

8.5. Propositions de débats

et/ou

à l'amélioration du cadre global dans lequel se déroulent les activités de ces organisations du monde rural (crédit, commercialisation, transport) ?

 

tout en soutenant

la mise en place d'une cadre global plus favorable mais qui laisse la place aux différents modes d'organisation et aux choix par les paysans des priorités ?

ou/et

promouvoir l'émergence dans le milieu d'entités autonomes de prestation de services auxquelles les organisations paysannes pourraient demander d'intervenir sur une base contractuelle ?

 


Inter - Réseaux

Pour plus d'informations, contacter:
Inter - Réseaux
32 rue Le Peletier 75009 Paris
Tél 01 42 46 57 13 - Fax 01 42 46 54 24
E-Mail - secretariat@inter-reseaux.org


| Sommaire |

Horizon Local 1996-2001
http://www.globenet.org/horizon-local/