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Dimensions Territoriales du Développement Durable

Par Professeur Denis Requier- Desjardins


Cet axe de recherche est nouveau dans le programme du C3ED mais a été développé depuis de nombreuses années par différents des ses membres, inscrits jusqu'alors dans des perspectives différentes. · Une approche régionaliste théorique, construite pour l'essentiel sur la littérature théorique néoclassique et institutionnaliste. · Une approche géo-économique bâtie sur l'articulation entre organisation productive locale et développement économique, qui s'appuie sur des approches de type Stiglitz-Krugman de la relation entre organisation industrielle et régulation concurrentielle et s'applique par exemple aux économies agro-alimentaires et aux "systèmes productifs locaux de la frontière américano-mexicaine. · Une approche plus sectorielle sur les ruptures entraînées localement par le retrait d'industries dominantes et sur les stratégies de reconversion. · Une approche en dynamique longue des économies industrielles vers la mondialisation, menée par Pierre Grou, où l'économie locale est dans une " hiérarchie " des niveaux géographiques : mondial, continental, national, régional. · Enfin une approche plus proche de l'économie industrielle sur l'évolution de la relation entre firmes et territoires, industries et territoires. Ces approches répondent à des interrogations communes et proposent des méthodes et des concepts voisins. Elles s'inscrivent dans les problématiques et méthodes du développement durable en élargissant le champ des acteurs étudiés et en enrichissant le concept de durabilité lui-même. Une véritable pertinence des politiques de développement durable suppose que les acteurs puissent traduire les objectifs généraux en objectifs individuels ou locaux. Il faut donc que ces politiques reposent sur une base d'information de qualité scientifiquement valable. Se pose alors un problème de niveau (central, local ou intermédiaire) et de compétence dans ce niveau. En effet, à chaque niveau correspondent des critères de décision et de gestion. L'influence d'un niveau peut s'exercer plus ou moins fort sur les autres, être ascendante ou descendante dans la hiérarchie : l'influence de l'Union européenne à travers la politique agricole commune, la directive " Nitrate " (1991) par exemple. Bien que l'impulsion ou la contrainte soient au niveau européen, la mise en place se réalise au niveau local, par des actions menées par les exécutifs régionaux, les chambres départementales d'agriculture, les agriculteurs eux-mêmes. La même observation peut être faite pour ce qui concerne la réduction des pollutions industrielles : les politiques visant au développement durable sont d'autant plus pertinentes qu'elles agissent à ce niveau où se décident les actions. L'inscription au niveau local des principes du développement durable peut entrer en conflit avec d'autres logiques. Ainsi par exemple opposera-t-on les nécessités immédiates du développement industriel à celles moins immédiates de la solidarité intergénérationnelle. Le développement local se trouve alors confronté à une autre logique de durabilité, celle qui prévaut en économie industrielle. Très sommairement définie, une configuration industrielle " durable " ou " soutenable " est telle qu'elle ne peut être envahie par une autre configuration, plus efficiente qu'elle. Le développement local durable doit donc internaliser de multiples dimensions, et notamment celles de la solidarité intergénérationnelle, et celle de l'efficacité productive dans la génération actuelle. Il serait donc pertinent dans la problématique du C3ED de développer ce nouvel axe de recherche autour de la notion de développement territorial. Cet axe propose d'élargir les travaux déjà conduits dans ce domaine et de leur donner une dimension nouvelle.

1- La relation territoire-industrie sous l'angle de la complexité

L'interrogation fondamentale traite de la relation entre industries et territoires. La théorie économique a longtemps ramené ces questions à des problèmes de coûts de transport. La baisse de ceux-ci et l'émergence d'une économie de l'immatériel ont bouleversé cette donne. Le poids relatif des autres sources de coûts a pris une importance relative accrue. Mais surtout la compétitivité des firmes et la croissance relative des industries se construisent sur des bases différenciées : coûts bien sûr, mais aussi qualité, réputation, pouvoir de marché, et encore adaptabilité à l'évolution des besoins et des technologies, à de nouvelles formes d'organisation, etc. La relation au territoire s'inscrit de plus en plus dans ces dimensions. La relation industrie/territoire devient plus complexe, multidimensionnelle avec un poids relatif variable des différentes dimensions, dynamique avec des interactions cumulatives. Le problème de l'efficience du territoire doit être appréhendé au regard de cette relation complexe. Les industries (et les firmes qui les constituent) déterminent la richesse et la dynamique des lieux où elles sont implantées. Symétriquement elles bénéficient de facteurs locaux qui influencent leur propre efficacité économique. En général, l'une des dimensions est rapportée à l'autre : les critères d'implantation proposent le territoire comme source d'efficacité économique pour l'entreprise; l'économie régionale n'envisage l'industrie ou l'entreprise que par leur implantation locale. Ce qui est proposé, c'est une confrontation dialectique de logique industrielle et de celle du territoire.

2- Une revisitation par le concept de système productif local

Ce concept a été souvent appelé en renfort de l'analyse, mais peu souvent explicité et développé en lui même. Il suggère un ensemble d'activités diversifiées, établissant entre elles des relations plus ou moins permanentes et donc se soutenant mutuellement. Il suggère également des interactions entre les activités productives et des organisations ou institutions locales de différents ordres. Mais le plus souvent, faute d'une construction rigoureuse du concept, il a conduit à des études descriptives des dispositifs productifs et de leur environnement sans permettre d'aller au fond des causalités. La redécouverte des districts industriels de Marshall, les études abondantes sur les pôles technologiques, de nombreuses recherches sur les villes nouvelles ont permis de mettre à jour des situations, des évolutions, des coïncidences entre les situations. Les observations faites ont conduit à l'idée que des réseaux étaient porteurs de dynamisme, que la proximité était génératrice de synergies, que l'agglomération produisait des effets cumulatifs. Mais aucune démonstration n'en est jamais apportée, comme si ce discours (auto)justificateur des politiques conduites suffisait à ceux qui financent les recherches. Souvent même la notion de système productif local a été mobilisée sans qu'on vérifie que dans ce cas précis, elle avait une pertinence. Il est proposé d'entreprendre une reconstruction conceptuelle. · Elle a pour objet de comprendre les dynamiques territoriales et plus précisément leur articulation aux dynamiques industrielles. · Dans ce cadre devra s'inscrire une réflexion sur l'inscription des dynamiques innovatrices dans celles des territoires et la pertinence de la notion de " système local d'innovation ". L'Ile-de-France, où se concentre la moitié des ressources technologiques françaises, constitue un terrain d'investigation et une source de réflexion analytique intéressantes. · Elle doit donc se nourrir des recherches déjà conduites sur les systèmes frontaliers, sur la conversion de régions monoindustrielles, sur les évolutions internes à la région Ile-de-France, mais aussi sur les districts industriels, les pôles technologiques, etc. · Mais elle doit aussi retrouver les fondements de la théorie des systèmes, les économies de contact, de réseau, de variété, l'interaction des stratégies et des politiques, les processus de régulation, d'adaptation aux ruptures, etc.

3- La concurrence des territoires : portée et limites d'une analogie

La réalité de la concurrence des territoires s'est amplifiée en Europe avec la fermeture ou les délocalisations d'industries des vieilles régions manufacturières. La persistance de taux de chômage élevés ont conduit les responsables politiques et économiques locaux à devenir les promoteurs de l'implantation d'industries dans leur région. Le rôle moins déterminant des facteurs géographiques et des coûts de transport dans les critères de localisation des industries les a parfois conduits à l'idée que tout ou presque était possible pour eux. L'important était de rendre leur territoire " attractif ". Ce caractère attractif est relatif. Les facteurs d'attractivité sont différents, où reçoivent des poids différents, selon les industries. Les régions agricoles gardent un avantage souvent décisif pour accueillir la transformation de leurs productions, surtout si les opérations de transformation n'ajoutent qu'une valeur faible aux matières de base. Certaines " niches " de spécialités se maintiennent dans une région où des savoir-faire spécifiques, techniques et organisationnels, se sont accumulés. Mais l'attractivité est aussi comparative entre territoires et détermine des avantages et des désavantages qui évoluent avec le temps, soit parce que les industries changent, soient parce que les situations relatives des territoires changent. Les territoires s'analysent en termes de concurrence. En y regardant bien il en a toujours été ainsi. Mais le problème a changé d'intensité car l'offre territoriale de lieux d'implantation est fortement excédentaire par rapport à la demande des firmes et industries. Il a changé de terrain : les institutions et organisations locales conduisent des politiques élaborées de promotion de leur territoire. Cette approche se développe autour de plusieurs axes. · La définition et la représentation du territoire. L'idée de concurrence tend à renforcer la cohésion de tout ceux qui définissent le territoire comme leur. Les individus et groupes concernés, les organisations et institutions identifient des territoires par rapports auxquels ils se positionnent. Les entreprises font de même avec un sentiment d'appartenance plus ou moins fort selon leur taille, leur histoire, leur activité, la personnalité des personnels, des dirigeants, etc. Le territoire peut avoir aussi une représentation externe, par exemple fortement marquée par une industrie d'implantation très ancienne, ou par la bonne ou médiocre qualité de vie. Le découpage selon ces représentations-identifications d'un ensemble géo-économique forme une composition de territoires qui se distinguent et se recouvrent à la fois. · Cette clarification est d'autant plus nécessaire quand les individus, groupes ou firmes sont éclatés entre plusieurs territoires d'appartenance. La globalisation économique exacerbe ce sentiment : la mondialisation de la concurrence et l'éloignement des instances régulatrices (Union Européenne par exemple), l'affaiblissement des Etats semblent justifier l'interventionnisme local le régionalisme. La question de la subsidiarité, dans la répartition des compétences entre niveaux d'instances politiques, n'est pas qu'un problème d'opportunité des choix faits et d'efficacité des actions. Elle détermine aussi des modes d'intervention : plus proche du modèle régulateur que le niveau est élevé, plus engagé dans les processus de la rivalité concurrentielle qu'il est faible par exemple. · Les conditions de la mise en concurrence des territoires. L'analogie à l'économie industrielle parait s'imposer ici, comme elle s'est imposée pour fonder l'économie industrielle internationale. Les territoires peuvent bénéficier d'avantages de coût liés aux prix et à l'efficience des facteurs, à taille des activités, leur variété, l'organisation. Ils peuvent bénéficier d'une position différenciée, d'une réputation favorable, de responsables institutionnels conduisant des politiques, etc. · Les voies par lesquelles les processus de mondialisation de l'économie modifient les conditions de mise en concurrence des territoires, particulièrement du fait des plus grands groupes multinationaux. L'expérience de ces dernières années montre que leur ancrage territorial peut être rapidement remis en cause en raison de l'évolution des technologies de l'information et de la communication (gestion de production et services à distance, télétravail, etc.). Elles donnent plus de poids aux objectifs stratégiques de mobilité accrue des capitaux et de réduction de la durée du retour sur investissement. · Cette analogie à l'économie industrielle impose qu'on s'interroge sur la contribution du territoire aux performances des industries. Pour les industries, le territoire est vu comme porteur d'avantages en termes d'efficacité économique et de rentabilité. Mais les facteurs de gains sont variés : coûts et qualité des facteurs de production, mais aussi contribution aux autres aspects de la position concurrentielle des firmes. Une région proche mais distincte des grands centres urbains, au mode de vie agréable avec un coût de la vie faible, bien équipée, dotée d'une réputation de sérieux dans la qualité du travail, etc., bénéficierait d'avantages décisifs dans un certain nombre d'industries. · Symétriquement une analyse de la contribution des industries (Emploi ? Finances locales ? Autres ?) aux performances des territoires manque souvent et inviterait à être plus sélectif dans les actions menées. La relation industries-environnement est de ce point de vue à double niveau. A court terme elle peut être génératrice de coûts et apparaître comme contre-efficace. A long terme elle participe à l'attractivité du territoire par le transfert de notoriété positive dont bénéficient ses ressortissants. · Enfin, la concurrence des territoires devient génératrice de désordres quand la rivalité concurrentielle entre les acteurs institutionnels a pour conséquence de réduire tout gain pour le territoire, voire d'engendrer des effets négatifs que ce soit en termes monétaires, d'emploi ou d'environnement. Là encore, l'analogie avec les situations analysées par l'économie industrielle devra permettre de définir des configurations durables et d'analyser les stratégies au regard de ces configurations. Au-delà des politiques classiques d'aménagement des territoires et de développement des régions, les institutions compétentes au niveau d'un ensemble de territoires (national, européen, régional ou autre) ont à assurer la régulation de cet état concurrentiel. Les travaux au sein de cet axe bénéficieront des contrats de recherche pour le programme européen TSER et pour l'OST. Deux ouvrages collectifs sont d'ores et déjà programmés ainsi qu'un colloque en 1999.

Responsable : Professeur Denis Requier- Desjardins

Membres du C3ED principalement impliqués: Jean-François Lemettre, Denis Réquier Desjardins, Robert Delorme, Claude Serfati, Gérard Hamard, Dominique Mertens, Pierre Grou, Régis Breinlinger, Laurence Richeau, Gérard Desseigne

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