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La résolution des problèmes de complexité dans une grande entreprise

Par Joël Le Gall , Chargé de mission management global au sein du Groupe Suez - Lyonnaise des Eaux


Le groupe Suez - Lyonnaise des Eaux, présent dans 120 pays, intervient dans la distribution d'énergie, d'eau, le traitement des déchets, la communication et la construction. Il emploie 100000 personnes pour 200 milliards de francs de chiffre d'affaires et sur plus d’un million de sites. Ces chiffres donnent une idée du niveau de complexité de la gestion de ce groupe.

La mission principale de Joël Le Gall consiste à promouvoir la démarche de management global (TQM) comme un des moyens de résoudre les problèmes de complexité dans l'entreprise sous l'angle de la qualité.

En effet, le décideur est confronté de plein fouet et de plus en plus à la complexité; les décisions sont d'autant plus difficiles à prendre.

Augmentation de la complexité

Depuis quelques années, la complexité de la vie d'une entreprise ne cesse de croître: le nombre d'intervenants, de ressources, les besoins et les attentes, les données à prendre en compte en général augmentent. Les vitesses d'évolution des différents acteurs et facteurs en présence sont différentes et très variables. En partie à cause de la mondialisation des échanges, les déplacements sont de plus en plus rapides.

Le monde devient un village et l’entreprise un système complexe dont les manières de fonctionner et les réactions présentent des analogies de plus en plus évidentes avec celles d’un système biologique.

Des évolutions humaines et culturelles

Les liens de l'individu au travail, les profils individuels ont changé. Les idéologies et les philosophies dominantes sont déstabilisées et contestées. L'idéologie capitaliste souffre paradoxalement de l’effondrement de l’idéologie communiste et recherche son second souffle ; un second souffle qui devra probablement remettre en cause nombre de paradigmes qui paraissaient pourtant, il y a quelques années, incontestables.

Or, il semblerait que la capacité "naturelle" d’adaptation des décideurs français à des évolutions socioculturelles soit moindre que celle de certains décideurs étrangers. C’est, actuellement, un handicap majeur.

Une interdépendance croissante

L’époque où le dirigeant pouvait déterminer sa politique et manager son entreprise en fonction de la seule prise en compte des caractéristiques "internes" de son entreprise est révolue.

Il doit désormais prendre en compte un ensemble de données relatives aux acteurs et facteurs de son environnement.

On ne peut plus guère parler d’indépendance ou d’activités mais surtout d’interdépendance et d’interactivités. Simultanément, la gestion des relations prend autant d’importance que la gestion des actions.

Un exemple d’évolution des relations

On parle désormais des "parties intéressées" (ou des "parties prenantes") aux activités d’un organisme. Clients, actionnaires, personnel, partenaires et "société" en général sont les cinq familles d’acteurs les plus citées.

Lors des dernières décennies, l’organisme a subi un progressif envahissement de la part de ces acteurs. Le dirigeant doit dorénavant prendre en considération leurs aspirations, leurs attentes, les contraintes qu’au-delà du domaine légal et réglementaire, ils suscitent.

Les relations client - fournisseur depuis 20 ans sont assez significatives des évolutions lourdes subies par l'entreprise.

Le client était initialement "omis" dans la définition de la politique de l'entreprise, il est devenu "admis", puis "intégré". En situation de décision d’achat, dans les années 1950, le client demandait au chef d'entreprise: "quelles sont les performances de vos produits ?". En 1975: "quelles sont celles de vos modes de production?". En 1985: "et celles de vos modes de management ?". En 1995: "et vos comportements sociaux ?".

Aux Etats Unis, il existe déjà des applications d’un référentiel de comportement social de l'entreprise (S.A.8000).

Que demandera-t-on à l’entreprise en 2005 ?

Le nécessaire recours au management global

Ce ne sont là que quelques exemples de la difficulté et de la complexité du rôle actuel et futur du manager.

Jusqu’à il y a peu, généralement sans formation spécifique ni "outils" à disposition, il pouvait diriger de manière empirique et intuitive. Souvent solitairement, il réfléchissait, décidait ce qu’il y avait lieu de faire et mettait en route lui-même les actions correspondantes.

Dorénavant, il doit disposer de l’information préalable lui donnant la capacité de prendre les décisions pertinentes. Cela signifie déjà des fonctions de collecte et de traitement de cette information. En fonction des caractéristiques de son entreprise, de celles de son personnel, de ses actionnaires et partenaires et de leurs attentes, il doit élaborer sa politique générale, en déduire les objectifs généraux à atteindre, les planifier, déployer ces objectifs dans toute l’entreprise pour que chaque membre du personnel se les approprie, connaisse parfaitement ses missions, s’assurer que, par optimisation et capitalisation des enseignements et des résultats, le progrès soit continu, l’innovation permanente, ... !!

L’empirisme, l’intuition, le génie n’y suffisent plus !

Désormais, le manager doit d’abord se former à son métier, à l’usage d’outils de management s’il veut ensuite tirer le meilleur parti de son art de manager.

L’ingénierie du management

A partir des démarches dites "Qualité", elle se constitue progressivement et dispose d’ores et déjà d’une palette de méthodes et d’outils non négligeables. En particulier, la palette que l’on peut appeler TQM qui peut venir en aide au manager tant dans la phase stratégique que dans la phase opérationnelle.

Elle est fondée sur un certain nombre de principes de management de caractère universel et, généralement, découlant du bon sens: écoute prioritaire du client, exercice du leadership, implication du personnel, gestion par les processus (permettant d’estomper le cloisonnement vertical taylorien), approche systémique (indispensable pour éviter d’oublier un facteur ou un acteur qui pourrait mettre en péril "l’édifice"), approche factuelle (garantissant l’objectivité, évitant les politiques chimériques), amélioration continue (moteur permanent du progrès), prise en compte équitable des attentes des diverses "parties intéressées".

Ce dernier principe qui va à la recherche d’un jeu gagnant-gagnant dans les relations de l’entreprise avec ses diverses parties intéressées est un exemple majeur de la formidable évolution en cours. Il va à l’encontre d’habitudes ancrées de longue date. Ce n'est pas le plus facile à faire mettre en œuvre par le dirigeant ! Et même par une large part de l’entreprise.

Favoriser la créativité

Une des conséquences de la rapidité des changements est évidemment l’impératif d’évolution aussi rapide de nos produits et services, notre capacité de réaction et d’anticipation pour répondre aux attentes de nos clients (en tenant compte des attentes des 4 autres "parties intéressées").

Notre compétitivité durable est essentiellement conditionnée par notre capacité à innover. Donc par la créativité de l’entreprise, de son personnel dans sa totalité.

Pour le dirigeant français, encore majoritairement taylorien, la mise en place dans son entreprise d’un contexte et de structures favorisant l’initiative et la créativité de tout le personnel n'est pas chose évidente. La taylorisme lui a appris qu’il y a des concepteurs et des exécutants dans son personnel: une majorité d’exécutants !

L’homme est, vraiment, la ressource qui, dorénavant, permet à l’entreprise de faire la différence dans une compétition. Si l’on prend l’exemple de trois "concurrents" français (Vivendi, Bouygues et Suez-Lyonnaise des Eaux), tous les autres "facteurs" (technologiques, commerciaux, financiers, juridiques,...) sont comparables ou se "nivellent" très rapidement.

Le facteur "ressource humaine" fait la différence. Le rendement (productivité + créativité) est le discriminant, tant au niveau de la conception des prestations (innovation) qu’au niveau de leur réalisation.

Mais, à nouveau, nous sommes dans un domaine culturel et le dirigeant français est handicapé par rapport à ses concurrents étrangers. Tout en affirmant sa croyance en la primauté de la ressource humaine, le dirigeant prend difficilement les dispositions (moyens et structures) permettant de développer l’initiative et la créativité chez 100 % de son personnel

La conjugaison qualité-innovation

Les démarches classiques dites "qualité" sont aisément attaquables socio-culturellement. Elles ont pour effet direct et premier d’accroître la productivité donc de réduire le besoin de main d’œuvre alors que le fléau socio-économique actuel est le chômage !

La démarche de management global (type TQM) associe au contraire les actions pour l’accroissement simultané de la productivité et de la créativité. La mise en œuvre de nouveaux produits, de nouveaux services entraîne cette fois des besoins de main d’œuvre qui, si nous nous y prenons bien, équilibreront les réductions dues à l’accroissement, incontournable en économie de marché, de la productivité.

La mise en oeuvre dans le Groupe Suez-Lyonnaise des Eaux

Les démarches dites "qualité" ont été mises en route dans les années 1980.

Sous des formes généralement très pragmatiques et opérationnelles pour répondre aux objectifs de l’époque: assurance de la qualité pour le client avec obtention, si possible, de certification.

Cette étape est souvent regardée désormais avec un certain dédain. Elle reste pourtant fondamentale au travers d’une de ses retombées majeures: le passage de la tradition orale à la tradition écrite. Il serait impossible de progresser dans la gestion de la complexité si nous n’avions pas franchi ce pas culturel majeur.

Par ailleurs, toujours dans le domaine de la gestion de la complexité, nous avons appris que nous ne pouvions plus nous offrir le luxe de réinventer chaque jour des tâches récurrentes; que sans un minimum de procédures de base, la mise en route du personnel nouvellement embauché était un gâchis inadmissible; que l’amélioration continue était un principe dynamisant en permanence l’entreprise ...

A l’heure actuelle, notre groupe dispose de plus de 300 sociétés certifiées "assurance qualité". Plus de la moitié de notre chiffre d’affaires.

Après le client, c’est la "partie intéressée" "collectivité" (la société environnante) qui nous a interpellés. Les normes internationales de management environnemental nous ont conduit à nous poser de nombreuses questions nouvelles ayant souvent des connotations à caractère moral; en tout cas, "éthique d’entreprise". Elles nous ont appris à nous mettre plus fondamentalement en cause.

Désormais, c’est le management de la sécurité, hygiène et santé au travail qui vient à l’ordre du jour.

Mais, parallèlement à toutes ces démarches suscitées par des facteurs extérieurs, de nombreuses sociétés du groupe ont progressivement abordé le problème du management dans sa globalité. Sous des formes plus ou moins "abouties", certaines de ces sociétés expérimentent en mettant en application les méthodes et outils de l’ingénierie du management dans sa forme globale. Quelques unes d’entre elles évoquent déjà l’éventualité d’une candidature à un prix qualité européen.

Mais l’objectif premier de toutes ces sociétés est de s’armer pour manager dans l’impitoyable contexte actuel du marché et de la concurrence. La complexité de l’exercice ne peut plus être abordée sans des structures spécifiques de préparation de la prise de décision et sans des méthodes et outils spécifiques appropriés.

septembre 99


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 13, sept. 1999

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