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L'architecture sexuée
Equivalence et symétrie

Par FLORENCE MARCHAL, architecte


CHAPITRE II: DIFFERENCES ET EQUIVALENCE

L'UN ET L'AUTRE SEXE

"La différence des sexes est présente dans chaque fibre de l'être, elle est partout, sans limite, sans commencement ni fin. Je pense, je suis en tant qu'homme ou femme" Feuerbach

Après avoir vécu une période androgyne, la société, dès la fin des années '60, entre résolument dans la révolution sociale. Le programme féministe s'engage dans la bataille de l'égalité des sexes et soulève également le problème du sexisme dans le "star system" de l'architecture

L'autre sexe, qui depuis plus d'un siècle tentait d'obtenir une reconnaissance sociale et politique, amorce un tournant décisif. Les femmes revendiquent leur identité propre et leurs différences spécifiques. Certaines affirmeront qu'elles sont différentes (des hommes!) par essence, par nature: les essentialistes; d'autres estimeront que si elles ne sont pas en tous points identiques aux hommes, elles "partagent la même raison indûment annexée jusqu'ici par les hommes ". Ces dernières représenteront le courant humaniste, appelé également rationaliste

Face à cette revendication féminine et féministe, la virilité va perdre de son aura et l'identité masculine, "établie" depuis ... tellement longtemps, sera perturbée dans sa définition et parfois remise en question. Rappelons-nous la dualité des images architecturales post-soixante-huit relevée dans le chapitre précédent. Le "Qui suis-je" égocentrique et principalement occidental des humains va devoir trouver ses réponses dans une meilleure, et même nouvelle, connaissance des êtres sexués

Afin de mieux s'accepter et de mieux se comprendre; afin de définir l'éventuelle architecture sexuée, propre aux femmes et propre aux hommes, essayons d'établir les points de convergence et de divergence entre l'un et l'autre sexe

Quelques précautions sont toutefois à prendre: Bien que nous ne pouvons pas simplement ramener les femmes à la généralité d'un sexe; bien que nous ne pouvons pas les présenter comme différentes de l'homme "universalis", implicitement posé comme référence absolue, car l'homme est différent de la femme et la femme différente de l'homme; s'il est vrai que deux êtres sont dissemblables par leur race, leur éthique, leur âge, leur classe sociale ou autres, les femmes ont souvent subi à travers l'histoire la même domination, ont vécu la même soumission et le même rejet. De plus, les dernières recherches scientifiques abondent sur le sujet et tendent vers la découverte d'une réelle distinction sexuelle innée

On essayera donc de savoir si leurs différences sont issues d'une composition morphologique, biologique, rationnelle différente de celle de l'homme ou si elles sont le résultat de l'affirmation de leur identité si longtemps contestée. Connaître l'origine de leurs différences n'est peut-être pas vital, ni fondamental. Les scientifiques (les psychologues, les sociologues, ...) se posent encore la question de la part de l'inné et de l'acquis dans le domaine des comportements. L'important est de savoir ce qu'il en est exactement, l'important est de tenir compte de ces plus, l'important est d'agir en conséquence

Les caractéristiques sexuelles innées: les théories scientifiques

"On ne naît pas femme, on le devient"

Simone de Beauvoir - 1949

"On ne naît pas homme, on le devient"

Elisabeth Badinter - 1992

Depuis la préhistoire, personne ne remettait en question la suprématie du sexe "dit fort". La force physique était avec la naissance ou la fortune, cette dernière influencée par la loi salique, un des seuls critères de sélection. Les femmes ne pouvaient pas concurrencer les hommes ! La promulgation des droits de l'homme (1789) mit un siècle et demi avant d'y inclure vraiment les femmes et de les impliquer au même titre que les hommes. Ce fut un très lent changement de mentalité. Autres facteurs d'évolution, l'industrialisation et les progrès technologiques permirent aux femmes d'exécuter des tâches jusque là réservées aux hommes

Dès le début du siècle, une vague féministe encouragea les chercheurs et scientifiques de tous ordres à évaluer et analyser les compétences spécifiques des deux sexes

Le débat reste ouvert car, jusqu'à présent, aucune conclusion n'est ni définitive, ni vraiment satisfaisante quant à la fiabilité absolue des résultats scientifiques

Du point de vue de la génétique

Lorsque Simone de Beauvoir affirme en 1949 qu'"on ne naît pas femme, on le devient", elle s'inscrit dans la philosophie des "féministes dures", obligées de maintenir leur place dans la société active et que les hommes essayent de reconquérir après leur absence durant les années de guerre

Simone de Beauvoir en écrivant le "Deuxième sexe" ignorait les découvertes qu'allaient faire les biologistes à cet égard. En effet, il semblerait, selon les scientifiques, que le premier sexe soit féminin. La légende d'Adam et Eve serait à revoir, puisque, contrairement à la tradition, Adam serait né "d'une côte d'Eve" ! Naître fille ou garçon

La détermination des deux sexes de l'espèce humaine est le résultat de la différenciation de la 23e paire de leurs chromosomes, XX chez la femme, XY chez l'homme

Le développement de l'embryon XY est plus complexe, donc plus aléatoire que celui de XX. Le mâle XY possède tous les gènes présents chez la femme XX et en plus, il hérite des gènes du chromosome Y

Dans l'embryon, ce n'est qu'à partir de la sixième ou septième semaine qu'apparaît la différenciation sexuelle: sous l'action de l'un des gènes de la masculinité SRY, récemment découvert, l'embryon exprime alors le chromosome Y qui le fera mâle. En l'absence d'Y, l'embryon reste femelle (XX). "On ne naît pas homme, on le devient"

Cette différenciation des chromosomes permet alors la "construction" des caractères sexuels primaires: les ovaires chez les filles, les testicules chez les garçons

A ce stade, le cerveau peut s'organiser selon les hormones sexuelles spécifiques qui lui sont communiquées et son fonctionnement en est influencé

Chez le mâle, la testostérone est sécrétée par les testicules, alors que chez les femmes, les ovaires produisent de l'oestradiol. La testostérone pénètre dans le cerveau mâle et est transformée en son équivalent, l'oestradiol. Et cette hormone femelle "masculinise" le cerveau

Chez la future petite fille, une protéine sanguine empêche l'hormone d'atteindre les neurones. Selon Alain Enjalbert, neuroendocrinologue, "le développement du foetus mâle et celui du foetus femelle ne sont pas symétriques". "En l'absence d'un signal émis par les gonades, le cerveau se développe selon le modèle féminin. C'est le signal de testicule qui aiguille le développement sur la voie masculine. Tout se passe comme si le schéma de base était féminin, et cela s'applique à tous les mammifères, pas seulement à l'homme"

L'influence des hormones sur le cerveau se traduit de plusieurs façons. Elle est surtout présente dans l'hypothalamus qui chez la femme orchestre la fonction de reproduction selon un rythme cyclique qui n'existe pas chez l'homme

Cependant, ce n'est qu'un aspect du fonctionnement du cerveau. Qu'en est-il de l'action de nos "petites cellules grises" chères à Hercule Poirot ? Le cerveau masculin et féminin

Si les circonvolutions de la matière grise ne permettent pas de déterminer s'il s'agit d'un cerveau masculin ou féminin, la discussion sur le sexe du cerveau - et ses compétences propres - fut entamée au siècle dernier et se poursuit, sans avoir encore trouvé de conclusion

Vers 1860, Paul Broca établissait qu'en moyenne, le cerveau mâle pèse 1325 grammes, contre seulement 1144 grammes pour le cerveau féminin. Il fournissait ainsi la preuve irréfutable que, sur le plan intellectuel, la femme devait s'incliner devant l'homme. Il mourût en 1880, son cerveau pesait 1484 grammes, alors que celui de Tourgueniev atteignait le poids honorable de 2012 grammes

Cependant, en 1924, à la disparition d'Anatole France, on put constater que son cerveau ne faisait que 1017 grammes, soit moins que la moyenne féminine

Broca et ses disciples avaient oublié de tenir compte du rapport taille et poids global des hommes et des femmes. Les calculs remaniés donnaient dès lors un léger avantage aux femmes ! Aujourd'hui, si plus personne n'associe l'intelligence au poids du cerveau, les biologistes et les neuropsychologues s'accordent à dire que le cerveau masculin et féminin ne fonctionne pas exactement de la même façon

Dans les années '70, en plein âge d'or du féminisme, la discussion sur le sexe du cerveau a rebondi. Il ne s'agissait plus cette fois d'argumenter sur le poids, mais bien sur la latéralisation du cerveau. On sait, en effet, que les deux hémisphères cérébraux ne jouent pas des rôles identiques. L'hémisphère gauche est celui du langage, du raisonnement, de la logique, du calcul. Le droit serait associé à la perception de l'espace et au traitement analogique, global, de l'information. Pour simplifier, on parle avec son hémisphère gauche, on conduit sa voiture avec le droit. Ce qui est un peu simpliste: l'automobiliste droitier se sert aussi de son hémisphère gauche, c'est lui qui commande sa main droite

En fait, les deux hémisphères sont reliés par un faisceau de millions de fibres nerveuses, le septum, et échangent en permanence des tas d'informations. Cependant, on constate que, dès la naissance, les bébés de l'un et l'autre sexe se comportent différemment

En règle générale, les petits garçons se montrent plus attirés par les objets, les petites filles par les personnes. Le cerveau de la femme serait moins latéralisé que celui de l'homme pour le langage et le repérage dans l'espace. Cela expliquerait la précocité des filles à être propres, à parler, à apprendre à lire et écrire, etc... Les garçons, quant à eux, en utilisant de façon plus pointue l'un ou l'autre hémisphère cérébral auraient des facilités à résoudre des problèmes de logique, d'orientation spatio-temporelle ou des tests de géométrie

Ainsi les filles s'y prennent différemment pour résoudre certains problèmes

Fonctionnement et psychologie

En fonction de cette orientation cérébrale, un chercheur, Madame Escoffier-Lambiotte déclare: "C'est à cause de leur représentation cérébrale, que les femmes seraient si peu représentées dans les métiers qui impliquent des aptitudes spatiales et une stratégie cognitive préférentielle, telle ceux d'ingénieur, d'architecte, d'horloger, de mécanicien de précision, d'artiste , de physicien, requérant une manière de penser, de percevoir l'espace spécifiquement traitée chez l'homme par l'hémisphère droit"

Et les gauchers ?

Ce que Madame Escoffier-Lambiotte dit des femmes est encore plus vrai des gauchers. Mais contre ces derniers, peut-être parce que les hommes aussi peuvent être gauchers, il n'y a pas trop de discrimination ou de pression sociale. La capacité de réussite dans des professions citées plus haut par des hommes gauchers et où les femmes sont sous-représentées n'est généralement pas mise en question

Si le cerveau des hommes gauchers fonctionne comme celui des femmes, pourquoi, selon certains auteurs, le fonctionnement du cerveau féminin aurait-il des répercussions sur les capacités professionnelles des femmes ?

En aucun cas, on ne peut affirmer aujourd'hui, que l'infériorité "attribuée" aux femmes découle des différences entre les cerveaux des hommes et celui des femmes

Ne s'agirait-il pas d'une question psychologique et d'éducation: - on offre plus volontiers aux petits garçons des jouets à orientation spatiale (voitures, vélo, légos...) - on offre plus volontiers aux petites filles des jouets à caractère social (poupées, déguisements, jeux ménagers)

Tout le comportement éducationnel des parents conditionnerait le devenir de l'enfant. Ainsi, on constate qu'un homme ou une femme adulte ne réagit pas de la même façon face à un bébé garçon ou un bébé fille. De là viendraient les orientations futures prises par l'un et l'autre sexe. A moins que la difficulté que rencontrent les femmes à exercer certains métiers ne viennent d'un rejet ou d'un réflexe d'autodéfense des hommes. Il s'agirait alors d'un facteur à caractère sociologique: - peur de la concurrence - éducation différente - influence du milieu - stimulation - accès à la culture

On peut toujours douter de la véracité des rapports scientifiques, mais plus de 2000 ans d'histoire marquent indéniablement les vies, les corps et les esprits. Notre éducation et notre culture nous individualisent et nous personnalisent. Et les femmes n'ont-elles pas en commun une relation spécifique avec les hommes ? L'évolution des rapports entre les hommes et les femmes va aussi nous permettre de découvrir ou de comprendre d'autres différences acquises avec le temps

Les caractéristiques sexuelles acquises: l'évolution des rapports entre les hommes et les femmes

"La guerre des sexes est-elle finie ?

Françoise Giroud :- Bien sûr que non

Bernard-Henry Lévy:- Elle n'a jamais cessé, depuis une certaine côte d'Adam..

Françoise Giroud:- Et un certain serpent." Même si chaque être humain semble réagir différemment aux évènements quotidiens, les hommes se sont souvent rassemblés et ressemblés dans une action commune. Dès le début des temps, les hommes et les femmes se seraient déjà attribués une place, un rôle spécifique. Nous n'avons que peu de traces des hommes préhistoriques et peu d'indices sur la relation entre les hommes et les femmes. Celle-ci a d'ailleurs probablement varié sur une longue période où plusieurs générations ont agi

La répartition des rôles sexuels est plus claire quand on entre dans l'Histoire. Grâce aux repères plus définis et aux nouvelles technologies, nous sommes renseignés sur les révolutions économiques et sociales, sur l'évolution des rapports entre les deux sexes

Principalement, les représentations religieuses et artistiques nous informent sur la place de l'homme et de la femme. Ainsi les objets de culte mettent l'accent sur le sexe au pouvoir du moment. Ces représentations marquent une réévaluation du pouvoir de l'un ou de l'autre. Ce rapport fluctue en fonction des bouleversements économiques, techniques et idéologiques.

La préhistoire

A cette époque lointaine, un certain équilibre s'établit entre la répartition des tâches: l'homme et la femme, ensembles, sont les maîtres de la vie; séparés, ils sont inutiles et en danger de survie

Bien qu'anatomiquement leur complémentarité est évidente, elle l'est beaucoup moins quant à la distribution des tâches reservées, dans toutes sociétés, à un sexe et interdites à l'autre

Le paléolithique supérieur (vers 35 000 ACN)

L'homo-sapiens se répend à travers le monde et de grandes civilisations (périgordiens, aurignacien.) se mettent en place; l'émergence de la spiritualité à travers le culte des morts va favoriser un développement important de la création artistique. De plus, les changements climatiques vont influencer les conditions de vie et donc probablement les relations homme-femme

Pendant cette période du Paléolithique supérieur, les deux sexes vivent probablement séparés , distinguant leur style de vie, mais tout en se tolérant entre eux

Une division naturelle s'effectue par les activités propres aux deux sexes: - l'homme chasse, il voyage selon la fluctuation des ressources animales

- la femme cueille ou chasse des petits animaux, elle se sédentarise ou voyage sur des trajectoires indépendantes

Ces deux champs d'activités et, peut-être, ces deux intelligences différentes contribuent à les séparer, créant, déjà, comme le souligne A. Leroi-Gourhan, des espaces féminins et des espaces masculins au sein des habitations. Chaque repas est pris séparément

Cependant, pour un bon équilibre alimentaire, homme et femme se réunissent pour échanger leurs ressources propres. Cette dépendance vis à vis de l'autre est signe d'égalité et de survie. Les deux sexes vivaient donc en équilibre

La qualité des activités et de l'intelligence de chacun fut souvent sujet à discussion entre primatologues et anthropologues. Au début, l'intelligence masculine de l'homme-chasseur fut considérée comme plus développée: la chasse nécessitant la communication entre les hommes, la ruse, l'attention

Les femmes protégent quant à elles les enfants et s'en occupent tout en récoltant les végétaux trouvés sur place

Cependant, si les femmes ont la charge des enfants, les hommes ont l'éducation des adolescents mâles. Ceci impliqua, sans doute, un pouvoir mâle (différent du pouvoir paternel), mais ce pouvoir pu fort bien être partagé avec les femmes, pour d'autres pouvoirs inconnus de nous aujourd'hui

"Les primates mâles n'ont cessé, de générations en générations, ou dans le cas humain de culture en culture, de dominer la femelle et de transformer leur supériorité au combat en prépondérance politique sur le sexe apparemment plus faible et moins compétitif "

Durant cette période, il n'existe ni un matriarcat, ni un patriarcat primitif. La filiation mère-enfant est indiscutable, tandis que la paternité est mise en doute: c'est une croyance, un mythe

Face à cette réalité biologique la thèse du pouvoir matriarcal fut émise, mais l'absence de nombreuses preuves empêche le fondement d'une telle hypothèse. Ce mythe fut, pourtant, souvent établi comme historiquement exact

Suite aux découvertes archéologiques, notamment celle de Lucy en 1974, on peut estimer que la dominance mâle date de plus de trois millions d'années. Mais ce pouvoir politique mâle n'exclut pas des pouvoirs propres aux femmes. Ainsi chacun des sexes détient des fonctions propres et la femme possède une aura particulière

Par sa fonction de chasseur et sa supériorité masculine, l'homme acquiert un pouvoir métaphysique: il meurt pour se défendre. De même, parallèlement et symétriquement à ce pouvoir masculin, la femme possède le pouvoir procréateur: elle donne la vie. "En effet, si à l'aube de l'humanité, la femme l'emporte sur le sexe masculin, c'est grâce à sa "disposition naturelle pour le divin, le surnaturel, le merveilleux, l'irrationnel" "

Ainsi, si les hommes gardent le pouvoir politique et social, le pouvoir des femmes est d'ordre cosmique

En prenant l'hypothèse de la séparation des pouvoirs, on établit un équilibre entre les sexes: "l'un vaut l'autre "

Les femmes vivent donc des rapports plus ou moins autonomes avec les hommes et non, de simples rapports de soumissions

Entre le VIIIe et le VIe millénaires, au Moyen-Orient (en avance d'environ 2000 ans sur l'Occident)

Il y a une transformation radicale du genre de vie des populations. L'homme abandonne l'économie de la chasse et de la cueillette pour la domestication de la plante et de l'animal: l'homme se sédentarise

C'est pourtant la femme qui invente l'agriculture

Alors que l'homme s'en va chasser, la femme, sur place, cueille, observe la nature et le renouvellement de celle-ci. Les femmes prennent les premières mesures de domestications (reproduction artificielle). Elles contribuent à un équilibre alimentaire et apportent une nourriture continue, grâce à l'emmagasinement des denrées séchées

De leur côté, les hommes commencent l'élevage des animaux pour sauvegarder la perpétuité de l'espèce

La complémentarité des tâches est conservée, mais les hommes ne risquant plus leur vie dans l'élevage, perdent de leur prestige face aux femmes qui fructifient le sol. Les valeurs de la vie l'emportent sur la fascination de la mort. La mère devient un personnage central du Néolithique

Au Ve millénaire

La déesse-mère est représentée à travers les végétaux et les animaux: la femme engendre toutes les espèces, son empire est étendu sur tous les êtres. La femme est associée à la terre, la fécondité et la maternité. A travers cette déesse-mère, il y a une volonté de montrer sa bisexualité: elle est le Tout et aucun apport extérieur ne montre sa fonction procréatrice. On assiste à un véritable envoûtement, comme pour le dieu-père qui lui succédera dans les religions monothéistes mâles

Cependant, la femme protège de la mort, puis protège les morts. Elle est futilité végétale et fécondité humaine. Les hommes, en enterrant leurs morts, solidarisent la fécondité et l'agriculture, ils renforcent donc le pouvoir de la déesse-mère et donc du prestige des femmes

L'homme, de son côté, s'occupe de l'élevage, de l'artisanat et de l'agriculture. "Le père ne croit toujours pas (ou peu) en sa participation biologique dans la naissance des enfants." Cette méconnaissance biologique peu s'expliquer par l'indifférence des hommes (dénégation ?) face à ce sujet. Les valeurs viriles ne sont pas vénérées pendant cette période, il n'existe d'ailleurs aucun cas connu de dieux masculins convaincants. Cependant, pendant cette période néolithique, les hommes gardent le pouvoir politique sans exercer une puissance contraignante sur les femmes. L'activité économique étant étroitement liée au culte de la déesse-mère, les femmes ne gouvernent pas, elles règnent

Du IVe millénaire à la fin du IIe millénaire

Le rapport entre l'homme et la femme reste équilibré. Nous sommes en face d'une communauté des sexes empreintes d'estime mutuelle. L'homme se rapproche de la femme et désire partager les différentes tâches qui étaient propres aux femmes. Cette nouvelle collaboration entraîne une dépossession progressive du travail et des pouvoirs féminins. Et lorsque l'homme connaît sa paternité biologique, au culte de la déesse-mère, il ne substitue cependant pas un dieu-père

Un nouvel objet d'adoration apparaît, il va marquer cette transition: le couple formé par un dieu et une déesse. L'homme et la femme se partagent la terre et le ciel. Ce n'est plus une séparation des pouvoirs, mais une complémentarité obligée pour accomplir une même tâche

La femme garde son prestige qui, cependant, diminue avec l'évolution technique. L'apparition de la charrue, qui devient un symbole sexuel masculin, suivie de l'association de l'animal dépossèdent la femme du champ agricole. Il devient propriété masculine et l'homme fertilisateur de la terre

Au néolithique moyen, l'amélioration des conditions de vie et de nutrition entraîne des poussées démographiques. Des villages se forment et augmentent leurs productions grâce aux stockages de la nourriture. Ces nouvelles conditions de vie font apparaître de nouvelles notions: telles que la surpopulation et la convoitise des terres. S'ensuivent alors pillages et conquêtes. Au Néolithique final et à l'âge des métaux, la guerre, tâche masculine, est représentée dans l'art. L'agriculteur mâle redevient alors chasseur-guerrier et retrouve son prestige. Cependant, la préhistoire connait des femmes guerrières. Beaucoup de mythes racontent leurs exploits dont les Amazoniennes sont sans doute les plus connues. Toutefois, si les femmes pouvent appartenir à l'armée et porter l'uniforme, elles ne peuvent être en première ligne

Aujourd'hui encore ce "privilège" reste-t-il masculin ? En général, la guerre devient l'activité masculine par excellence. Cette activité complète symétriquement la maternité, donnant à l'homme sa spécificité

L'antiquité

L' Egypte

A la fin du IIIe millénaire avec l'apparition du couple divin Osiris et Isis, les premiers détournements des pouvoirs féminins apparaissent, l'homme et non plus la femme apprend aux hommes à cultiver la terre et à la fertiliser

Le couple divin représente le procréateur et le producteur, l'homme et la femme sont symétriques et complémentaires

Cet équilibre est éphémère: "Car on s'empressera d'oublier que le féminin aussi peut incarner le Divin, et que la transcendance ne se décline pas qu'au masculin "

La figuration sur les rapports du couple divin en dit long sur les rapports entre hommes et femmes. La femme n'est plus représentée seule, mais en couple

Cependant, nous sommes toujours dans une période d'équilibre

La Grèce archaïque

A cette époque, apparaît alors un patriarcat modéré. Plusieurs sociétés font preuve d'un respect mutuel entre les deux sexes. De même, il existe certaines peuplades comme les Aryens (2000-400 ACN) qui ne font aucune ségrégation sociale ou familiale entre les filles et les garçons; les filles reçoivent une même éducation et s'illustrent au combat. Aussi, ce modèle de sociétés patriarcales équilibre les rôles masculins et les rôles féminins

La période qui va suivre dure environ 3 ou 4 millénaires et s'ouvre sur un patriarcat absolu

Elle débute en Orient, "berceau de notre civilisation", et se termine, dans l'ensemble, en Occident

Le patriarcat absolu est un système politico-juridique où les lois gouvernent, où règne la supériorité masculine sur la famille et la société. Les hommes instaurent des principes idéologiques et religieux pour justifier ce déséquilibre, l'excès de pouvoir devient donc innocent. et l'homme, le meilleur représentant de la création et du créateur. Face au bien, la femme symbolise le mal, un danger pour l'homme

Les hommes ont peur des révolutions féminines qui briserent le pouvoir en place, cependant, celles-ci sont rares et peu conséquentes

Pendant 2.500 ans, les femmes vont "accepter" le système idéologique qu'impose le patriarcat absolu. Elles se "complaisent" dans la passivité, l'irresponsabilité et la sécurité (même au prix de larmes, ruses et haines). "Elles ont profité de l'évolution de leur système de valeurs à eux pour le tourner à leur profit à elles "

Schématiquement, le début du patriarcat absolu en Occident débute avec la démocratie athénienne au Ve ACN pour s'éteindre - lentement - à la révolution française avec une démocratie appliquée à tous

Bizarrement, si les dictatures rencontrées à travers le temps et les sociétés sont condamnées violemment, on peut s'étonner de la passivité humaine face à une quelconque dictature masculine

Le patriarcat absolu transforme la femme en un bien, une propriété et il va contrôler la sexualité féminine. L'homme va être hanté par l'adultère de la femme qui met en doute sa descendance et la transmission de son nom et de ses biens

Le Patriarcat réellement absolu apparaît avec le dieu-père tout puissant qui remplace les déesses de jadis

En moins d'un millénaire, Brahmâ, Yahvé, Zeus, Jupiter s'imposent comme pères de l'humanité, les mères ne jouant plus qu'un rôle mineur

On pourrait se demander si l'ancien et le nouveau testaments, base pédagogique de plusieurs civilisations, n'ont pas accentué cet état de choses en racontant le Père-Créateur, dans la Genèse

"Comme si les hommes avaient inventé Dieu pour mieux asseoir le pouvoir paternel ... "

Les hommes remplacent les déesses par des dieux, en les ridiculisant ou en attribuant à d'autres dieux leurs privilèges. Jusqu'au christianisme où la mère redeviend à nouveau objet de culte (aux libertés cependant très limitées), la filiation paternelle et le culte du père l'emportent

Le Moyen-Age

L'Eglise officielle contribue à véhiculer une image négative de la femme. Saint Augustin renforce cette connotation. En effet, il hésite sur l'origine de l'âme de la femme. L'âme féminine doit-elle son existence à un intermédiaire ou a-t-elle été créée ex-nihilo ? "En vérité, le message du Christ à l'égard des femmes fut dévoyé par ses apôtres et les germes de la révolution étouffée ". Mais, le patriarcat est encore trop imposant pour permettre une révolution. L'homme devient le père de l'humanité et le père des hommes, sa paternité est sociale et biologique. Il crée l'enfant et la femme. Il devient le premier procréateur

C'est d'une côte d'Adam que Dieu crée Eve. Ainsi, dans le civilisation Judéo-chrétienne, la femme devient doublement l'enfant du mâle. La parthénogenèse masculine justifie cette différence de statut: l'homme est le fils de Dieu, la femme est la fille de l'homme. L'homme a vraiment tout fait pour justifier la prétendue infériorité et négativité de la femme. La femme devient l'inverse de l'homme

Sur le plan métaphysique: le mâle transmet la forme (l'âme), il est le principe générateur et moteur, la femelle transmet la matière (elle est dénuée de forme et de raison), elle est passive et attend d'être engendrée. Avec les modes de contraceptions, les femmes deviennent actives face à ce détrônement masculin, l'église n'a peut-être pu accepter et a rejeté "cette prise de pouvoir". Ceci pourrait justifier l'acharnement "conservateur" de Jean-Paul II

Le patriarcat absolu voit, dans le mariage, un moyen de pression sur la femme. Elle est objet d'échange entre les hommes. Son rôle est passivement économique et pacifique (alliance). Il est juridiquement limité; ainsi, au VIe siècle, Clovis promulgue la loi salique: les femmes ne peuvent porter la couronne de France. (La loi salique vient d'être abolie en Belgique en 1991.) Les femmes perdent donc le droit de régner

Ainsi le problème de succession ne se posera plus jusqu'à la fin de l'Ancien Régime

Du Moyen-Age au XVIIIe siècle, le père peut marier à sa guise ses enfants ou empêcher toute union. Pour l'époux, la femme représente un instrument de promotion sociale, éventuellement, un objet de distraction et le moyen de continuer sa descendance

Lors des trois derniers millénaires, la logique des contraires, dans les sociétés patriarcales, est souvent poussée à l'extrême et entraîne l'exclusion de la femme. Dans ces systèmes sociétaires, l'homme et la femme restent des ennemis irréductibles qui entrainent la guerre des sexes. Plusieurs textes conseilleront aux hommes de s'éloigner des femmes, tels que le Mahabharata (thèse androcentriste Manou de la civilisation indienne) ou la Genèse

Dans ces écrits, la femme est considérée comme coupable, coupable d'avoir fait manger à Adam la pomme du serpent ! De même, la relation homme-femme est représentée comme une hérésie

Les hommes et les prêtres du Moyen-Age considèrent la femme comme un péché de luxure et comme un être insatiable. Et, comme l'inscrit la Bible, les femmes sont exclues de la prêtrise, car elles n'ont aucun contact avec le divin

Les sociétés patriarcales ont toutes les mêmes points communs: elles prônent la séparation des sexes par une hiérarchisation radicale, par une opposition farouche des hommes par rapport aux femmes, et par une interdiction de se conduire comme l'autre sexe. Seule la procréation les réunit... physiquement ! C'est la liaison entre deux mondes hétérogènes. De plus ces sociétés patriarcales subissent - forcément - la guerre des sexes: pour l'homme, la femme a une intelligence et une hostilité dévastatrices; elle représente aussi un danger pour l'époux. Les hommes redoutent une revanche féminine par l'adultère et l'assassinat (surtout au XIe siècle)

La Rennaissance

Des femmes telles que Christine de Pisan vont amorcer le mouvement vers le féminisme moderne. En effet, Christine de Pisan fut la première femme à vivre de sa plume. Elle écrit, vers 1405, le "Trésor des dames" et la "Cité des dames" qui vont inspirer de nombreux essais masculins aux XVIe et XVIIe siècles. Elle parle de "raison, droiture et justice", de politique, de philosophie ainsi que d'histoire et art militaire Elle choisit de "fermer ses sens", de se faire homme (comme le fera - inconsciemment ou non - Georges Sand au XIXe siècle); "condition nécessaire pour devenir l'égale des lettrés et entrer à la cour des princes "

Seulement, l'opinion publique, les hommes ne sont pas prêts à accepter. La littérature transmet la pensée du moment: au XVe siècle, Jean de Meung écrit, dans le "Roman de la rose", une satire mettant en scène des odieux personnages féminins. L'image courtoise de la femme change au profit d'une image dite "réaliste" pour mieux la déconsidérer. La Comédie mettra également en scène des thèmes sur la "malice" (diabolique) des femmes

Progressivement les apologies du sexe féminin se multiplient. En Italie et en Espagne, ces écrits deviennent une mode, un genre littéraire. De nombreux écrivains se lancent dans cet exercice de style. Leurs convictions intellectuelles n'entrent pas en compte. C'est dans cet ordre d'idées que Guillaume Dufour accepte, à la demande de Anne de Bretagne, d'écrire "L'histoire des femmes célèbres depuis la Création"

On voit également apparaître des ouvrages écrits par Guillaume Postel, Cornélius Agrippa, Pierre de l'Escale, Brantome qui parlent de supériorité féminine, de désir de rédemption par la femme; qui veulent combattre les injustices politiques des femmes

Montaigne écrira: "Je dis que mâles et femelles sont jetés dans le même moule. Sauf l'institution et l'usage, la différence n'y est pas grande." La question "les femmes ont-elles une âme?" connaît également beaucoup de succès dès cette époque. Ainsi la "querelle des femmes" repris de plus belle avec l'adhésion du Néo-Platoniscisme

Comme nous l'explique Benoîte Groult, dans son livre "Le féminisme au masculin", "on peut dire qu'à la fin du XVIe siècle, sous l'influence de Marguerite de Navare, puis de Catherine de Médicis, violement opposée à la loi salique au nom de l'égalité d'intelligence entre les sexes, bons nombres d'écrivains sont gagnés à la cause des femmes." Le XVIIe et XVIIIe siècles

En s'emparant de tous les pouvoirs féminins, les hommes ont perdu leur sérénité et leur amitié. Cette situation, poussée à l'extrême principalement au Moyen-Age et dans la société islamique, s'améliore avec l'idéal bourgeois du bonheur au XVIIIe siècle. Cette amélioration marque l'agonie du patriarcat

On peut remarquer que dans une société, plus l'homme a peur des femmes, plus le système patriarcal est dur. Evidemment, plus l'homme exerce un pouvoir absolu, plus grande est sa peur d'une revanche féminine ! Ce cercle vicieux ne se termine qu'avec la disparition du patriarcat

Enfin, l'homme associe la naissance et la mort à la femme. Elle représente alors une menace supplémentaire lui rappelant que l'homme est démuni et dépendant face à cela

Les multiples justifications idéologiques de la violence faites aux femmes n'apaisent pas les craintes masculines. L'homme, dans sa peur, associe la femme à la sorcière

Déja, les pouvoirs surnaturels attribués à Jeanne d'Arc ne sont-ils pas un moyen simple et une justification masculine d'anéantir une femme qui exerçe sur leur propre terrain? On peut logiquement se demander pourquoi, face à cette domination masculine, les femmes se sont laissées déposséder des pouvoirs et privilèges antérieurement acquis ? Certains y ont répondu en niant toute dominance féminine à un moment ou un autre; malgré toutes les pistes qui tendent à relater l'influence idéologique et économique des femmes pendant une longue période

D'après E. Badinter, cette dépossession des femmes fut apparement sans turbulences excessives, plus lente et progressive qu'on ne le croit

Pour elle, la base de ce changement est le phénomène de la bisexualité humaine qui rassemble aussi en un même homme ou en une même femme, les caractéristiques de l'autre sexe: activité et passivité, agressivité et soumission, virilité et féminité. Les femmes se seraient déchargées de leurs responsabilités et auraient "gagné" les plaisirs de la passivité et les désirs secrets masochistes, alors que les hommes ont libéré leur agressivité, domination et caractère actif jusqu'à créer une querelle avec les femmes. E. Badinter affirme donc, que les femmes, lassées de cet état des choses, ont voulu rappeler aux hommes "leur commune appartenance à l'Humanité". (Les femmes ont senti le besoin d'exalter leur moi profond refoulé - de gré ou de force - depuis longtemps). Cette prise de conscience entraine une remise en question du patriarcat

Cependant, certains partis sont dirigés par des femmes: Léonora Galigai, la duchesse de Chevreuse, Mademoiselle de Montpensier, pour n'en citer que quelques unes. D'autres sont à la tête de troupes chevaleresques: Madame de Longueville, la princesse de Condé,..

Evidemment, le fait qu'elles soient "bien nées" empêche les ripostes pour leurs rôles diplomatique, littéraire ou militaire

Seulement, ces femmes illustres ne représentent qu'un épisode de l'Histoire

Un changement social suffit pour remettre de rigueur les lois civiles et religieuses. Ce changement est caractérisé par le règne de Louis XIV et le Pouvoir Absolu de Droit Divin. "C'est l'âge d'or de la misogynie", selon B. Groult

A l'origine, les premières contestations contre le patriarcat sont menées principalement et de façon active par des hommes

En abolisant le pouvoir politique absolu du Souverain, ainsi que les fondements religieux, l'homme attaque également le pouvoir familial du père

Cette évolution est connue dans toutes les sociétés occidentales à travers les révolutions et les réformes, et ce jusqu'au XXe siècle

Cependant cette quète de démocratie, de liberté et d'égalité pour une société nouvelle n'est réservée qu'aux hommes, ceux-ci ayant pris soin d'exclure la femme de toute obtention de droits et de pouvoirs. L'église et les conservateurs réagirent en mettant en garde les révolutionnaires: la lutte contre le pouvoir royal va mettre en péril le pouvoir familial et paternel

Le long combat des démocraties - environ deux siècles - entraîne la chute du patriarcat. Les femmes en profitent pour convaincre les hommes de leur appartenance à l'Humanité et donc de leurs droits et devoirs communs

Cette égalité entre l'homme et la femme met fin à un rapport de force d'un sexe sur l'autre et demande une nouvelle définition de la spécificité de chacun. Mais ce n'est pas encore pour tout de suite..

Pour l'instant, le désir et le droit de "liberté, d'égalité et de fraternité" diminuent l'exclusion et la hiérarchie. Il remplace le triptyque "soumission, hiérarchie et paternité"

A la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, les théoriciens de la monarchie justifient l'autorité du roi en la liant à celle de Dieu et du Père. Ils associent le souverain au père de famille, faisant de la monarchie un pouvoir naturel et rendant indiscutable l'autorité politique par le droit divin. Pour reprendre l'expression d'E. Badinter: "Le simple père de famille devient le succédané de l'image divine et royale auprès de ses enfants." Albert Camus écrira d'ailleurs dans "L'homme révolté" à propos de l'exécution de Louis XVI: "Dieu chancelle et la justice, pour s'affirmer dans l'égalité, doit lui porter le dernier coup en s'attaquant directement à son représentant sur la terre." Les hommes, pour célébrer la "communion des égaux" vont devoir tuer Dieu. La libération de l'humanité est au prix de l'exécution du Symbole paternel. Petit à petit, l'homme remplace dieu, et la société - sous l'influence d'un pouvoir religieux depuis plus de dix siècles - tend vers un mouvement le laïcisation

Entre 1789 et 1799, la révolution française provoque la neutralité religieuse de l'état, puis plus tard la session définitive avec l'Eglise. Les états modernes seront donc des modèles de laïcité au XXe siècle

Suite à ce bouleversement idéologique, les hommes rédigent la déclaration des droits ... des hommes et non de l'Homme. Seuls les êtres masculins sont égaux - en théorie - indépendamment de leurs spécificités sociales, religieuses, raciales ou économique. Les femmes sont toujours exclues de l'humanité

Petit à petit et discrètement, la condition des femmes va intéresser plus d'un philosophe à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle

Mais cette remontée va être contrecarrée par l'anti-femme, l'anti-féministe par excellence du XVIIIe siècle: Jean-Jacques Rousseau

Dans son livre "Emile", il justifie la non-instruction indispensable de Sophie (future compagne d'Emile): la femme n'ayant besoin d'aucun esprit, qu'elle n'a d'ailleurs sans doute pas

Par la suite, les Jacobins, suivis de Napoléon, reprendront l'idéal de Rousseau. Napoléon sortira le code civil, tranquillisant ainsi la population masculine pour cent ans

Mais dès 1789, des remontrances et des pétitions marquent l'autre révolution, celle des femmes. Des femmes telles que Mme d'Epinay, Sophie de Condorcet, Olympe de Gouges sont sur le devant de la scène, des hommes s'illustrent aussi dans ce combat. Mme d'Epinay , suivie par Condorcet , estime que la ressemblance des sexes est plus importante que la différence. Pour elle, les hommes et les femmes sont de même nature et de même constitution. Seules l'éducation et la société engendrent ces différences. Ainsi, deux siècles avant Simone de Beauvoir, elle pense que l'on ne naît pas femme mais qu'on le devient

Si Mme d'Epinay prône l'égalité des sexes, Diderot plaide l'égalité dans la différence. Il distingue les femmes par l'ardeur de leurs sentiments ("beaux sexes"). Pour lui, la raison de ces transports est d'ordre anatomo-physiologique

Ces différences des sexes entraînent Diderot à défendre la cause féminine contre les lois civiles établies ainsi que celles de la nature. Il demande une bonne instruction et la reconnaissance de leur génie

En 1790, Condorcet avait déjà écrit "L'Essai sur l'admission des femmes au droit de cité (ou citer)"

Condorcet, peut-être influencé par sa femme, Sophie Condorcet, veut, de la même manière que Mme d'Epinay, réparer "une inavouable injustice". Il veut que les femmes soient éligibles et électrices et puissent accéder à n'importe quelles places. Il juge les femmes aptes à diriger une armée ou présider un tribunal (La grossesse d'une femme ne devait pas être un plus grand obstacle qu'un rhume de cerveau chez un homme), et croit à la capacité créatrice des femmes

Mais, un an plus tôt, Talleyrand propose une différence sexuelle de l'éducation et refuse les emplois publics féminins afin de garder une harmonie dans le couple. Ainsi, ceux qui suivent Talleyrand jugent les femmes non intégrables dans l'humanité par leur spécificité féminine. Par contre, les idées de Poulain de la Barre, de Mme d'Epinay, de Condorcet et de quelques autres influencent les républicains de 1880. Mais jusque là, la ségrégation sexuelle résiste sur le plan pédagogique

"Alors que l'idéal révolutionnaire plaçait l'égalité formelle au dessus des différences naturelles, le sexe resta l'ultime critère de distinction "

En effet, des évenement sociaux marquent le début d'une égalité raciale: les juifs sont émancipés le 27 septembre 1791 et l'esclavage des Noirs est aboli le 4 février 1794

Cependant, les droits de l'homme ne sont toujours pas destinés aux femmes

Par exemple, au moment de la révolution française, dans le premier discours du 1 novembre 1793, Amar interdit aux femmes tout droit de réunion à plus de cinq dans leur domicile et toute citoyenneté active. C'est ainsi que les femmes sont interdites de passage à l'assemblée générale: leur instruction n'étant pas adaptée aux discours politiques..

"Les femmes doivent rester des femmes - diront les hommes politiques de la révolution -. Si elles montent à la tribune, si elles deviennent comme nous, alors nous, les hommes, nous ne sommes plus bons qu'à faire des confitures et élever la marmaille ! Autrement dit, nous ne serons plus des hommes digne de ce nom "

Certains essayent d'y remédier, comme en 1791, Olympe de Gouges qui édite "la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" ou comme le projet de Cambaceres aboli par la Convention en 1793. Cambaceres attribuait à la femme mariée des droits identiques à ceux de son conjoint (communauté universelle)

D'autres hommes tiendront, plus tard, également un discours pro-féministe: Victor Hugo , Léon Richer, Victor Scholcher, Jules Clautie,..

Le Code Civil de Napoléon accentue davantage la différence des sexes et la différence des droits: les femmes ont des devoirs, mais non pas - comme les hommes - des droits civiques et juridiques. A croire que quand il y a pouvoir unitaire, proche du Dieu ou du père, les femmes sont exclues de l'Humanité

Le XIXe siècle

A l'aube de ce siècle, apparaissent beaucoup d'ouvrages masculins qui parlent de féminité. Mais, ceux que B. Groult surnomment les "féminolâtres" dissimulent mal - sous leurs écrits galants - "le mépris foncier ou l'affectueuse pitié qu'ils ressentaient pour elles." B. Groult souligne ensuite qu' "avec une conviction parfois touchante, tous les hommes ont plaidé pour sauver la femme: du travail à l'usine, des misères de la politique, des menaces du monde extérieur, de la sexualité, de la liberté. D'elle-même en somme." Ainsi, le XIXe siècle est un véritable bond en arrière

Sylvain Maréchal, révolutionnaire d'extrème gauche, propose, au début du siècle, le "projet d'une loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes". Il démontre, dans son projet, les raisons amenant la femme à ne faire que des travaux domestiques: "L'invention de la bonne et sage nature a été que les femmes, exclusivement occupées des soins domestiques, s'honoreraient de tenir dans leurs mains, non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau." (considérant 5) A la même époque, apparaît l'ouvrage de Cesare Combroso, grand criminologue italien, et d'Enrico Ferri: "La femme criminelle et la prostitution", "La femme sent moins, de même qu'elle pense moins.",etc

Ces deux ouvrages, suivis de discours dépréciatifs sur les femmes, annoncent bien un XIXe siècle misogyne. Tous les milieux sociaux et professionnels s'y mettent. Les prolétaires héritent du monde rural le "droit" de battre leur femme et leurs enfants: les juris ayant beaucoup d'indulgence pour les "crimes passionnels" dont les femmes sont victimes. Le dandy choisit "l'art comme valeur suprême et règle d'existence: l'art, ce monde divin inaccessible aux femmes ". Balzac, Byron et Michelet iront jusqu'à leur imposer un régime alimentaire exempt de viande rouge et abondant en sucreries ! Mais, parmi les plus grands conservateurs de l'esclavagisme féminin, on trouve un penseur, moderne en bien des cas, Proudhon qui renvoie la femme au monde animal: "Bien loin d'applaudir à ce qu'on appele aujourd'hui émancipation de la femme, inclinerais-je bien plutôt, s'il fallait en venir à cette extrémité, à mettre la femme en réclusion." ou encore: "L'infériorité de la femme est triple: physique, morale et intellectuelle, et définitive, puisqu'elle tient à sa non-masculinité." John Ruskin propose à son tour un programme dans son livre "L'éducation des femmes". Sur base de la philosophie rousseauiste, il veut réduire l'instruction des femmes au minimum, afin qu'elles en sachent assez pour "prendre part à la joie de la découverte qu'éprouvent son mari et les meilleurs amis de celui-ci." De même, à travers les oeuvres artistiques, nous pouvons remarquer à quel point la femme est peu considérée. Celles-ci sont très importantes car elles font passer un message "naturel", une logique, un fait. Elles sont le reflet du pouvoir en place et de la situation actuelle. Le corps de la femme va être l'objet principal des thèmes picturaux, principalement érotiques

L'artiste, ayant droit de "posséder" le corps de son modèle, crèe des tableaux fantasmatiques où se révèlent ses pulsions érotiques

Si certaines peintures racontent l'histoire, les évènements mondiaux, derrière ces nobles gestes, les thèmes énoncent que la femme est un objet d'échange entre les hommes. Le créateur va rendre son pouvoir légitime et serviable pour la cause suprême de la beauté même. "Le mélange de convictions sur le pouvoir masculin, les modèles nus et la création artistique trouvent sa rationalisation la plus aboutie dans la représentation, extrèmement populaire au XIXe siècle, du mythe Pygmalion: la beauté de pierre qui se fait chair et s'anime sous l'éclat incandescent du désir masculin "

Face à l'image sexuelle de la femme possédée, existent aussi des représentations de femmes en révolte (cherchant l'auto-affirmation) qui sont rendues de manière grotesque. Leurs traits sont terrifiants, proche de l'image de la sorcière ou de démons ravageurs

"Au XVIe comme au XIXe siècle, le signifiant le plus éloquent de la folie et du chaos, c'était la femme livrée à elle-même, indépendante, indubitablement dominatrice: seule figure à même, parce que suffisamment riche de connotations négatives, de saper assez profondément les relations normales de pouvoir pour signaler la destruction des valeurs mêmes "

Face à cette marée misogyne, les femmes du XIXe siècle veulent sortir de leurs rôles traditionnels, accéder aux savoirs et aux pouvoirs des hommes

Cette volonté d'instruction, d'égalité (et de légalité), de liberté va inquièter les conservateurs: les femmes n'hésitent pas à descendre dans la rue pour manifester leur mécontentement et participer à la révolution. "La prise de conscience de la puissance des moeurs (souvent plus fortes que la loi), du rôle du privé, du quotidien, de l'éducation des jeunes enfants, tout cela a revalorisé le rôle des femmes. Elles sont devenues à la fois plus nécessaires et plus redoutables ". Pour réfréner l'influence montante de la femme, les hommes décident de la célébrer par la religion. La Vierge Marie est exaltée dans tous les domaines artistiques. "La femme est une esclave qu'il faut savoir mettre sur un trône." suggère Balzac. Les représentations picturales vont contribuer à guider le comportement de la femme. Les tableaux du XIXe siècle deviennent le porte-parole des "vraies valeurs" que la femme - "digne de ce nom" - va devoir appliquer

Par exemple, dans l'Angleterre victorienne où des rebellions éclatent dans les colonnies, la femme est représentée passive face aux attaques. La sérénité et la Bible siéent mieux à l'héroïsme de ces dames que l'auto-défense résolue. La femme ne peut déroger à son sexe en utilisant la force physique comme défense ! La représentation de la femme paysanne servit aussi à véhiculer l'image "saine et naturelle" de la femme-mère nourricière et de la foi religieuse à travers la femme-pieuse. En effet, c'est par la mère nourricière que se perpétue de génération en génération les traditions religieuses

Parallèlement, ou doit-on dire perpendiculairement à ce bloc politique, philosophique et artistique, combattant contre les intrusions féminines, des femmes et des hommes vont réagir et tenter d'agir

Notamment, en Angleterre, au début du XIXe siècle, des hommes tels que William Thompson vont essayer de rétablir l'injustice subie par les femmes

Mais c'est surtout, suite à l'évolution économique "imposant" aux femmes de travailler à l'extérieur, que celles-ci réclament d'être reconnues légalement et juridiquement

C'est alors que, vers 1865, Stuart Mill, un des plus grands défenseurs du féminisme, réclame dans sa candidature au parlement l'inclusion d'un programme sur le droit de vote des femmes. Il prône aussi l'égalité dans le mariage; il est, d'ailleurs, un des premiers à s'appliquer lui-même cette exigence lors de son mariage, en 1851, avec Harriett Taylor

Par sa personnalité et son oeuvre , l'idéologie de Stuart Mill va rendre possible les actions féministes. Son action permettra d'ouvrir les portes de l'espérance féminine

Comme l'a bien compris Stuart Mill, l'émancipation des femmes est d'abord ralentie et compromise par les hommes qui dès leur plus jeune âge sont persuadés - de par l'instruction - d'être supérieurs à la femme. Le conditionnement dans lequel vivent hommes et femmes est tel que le processus d'esclavagisme des exclus (tous ceux qui n'appartiennent pas à la race des hommes blancs) dura (et dure encore) des siècles. A la fin du XIXe siècle, de plus en plus de mouvements féministes se créent et réagissent , ouvrant l'accès à la libre instruction - universelle - aux femmes. Celles-ci ont réussi à sortir d'une torpeur passive et d'une soumission longue de plusieurs siècles. Elles ont pris conscience de ce qu'elles sont vraiment

"Nous n'étions rien. *aujourd'hui* Nous sommes 52%..." B. Groult

En apprenant à se connaître, elles peuvent agir car elles savaient ce qu'elles veulent, et surtout, ce qu'il leurs faut. Seulement, le mouvement féministe concerne le tout universel. La moitié de la population terrestre étant féminine, chaque être humain, chaque domaine est concerné. Le rétablissement social, économique, culturel et politique qu'entraîne l'égalité des sexes, va se heurter à des traditions, des "habitudes" profondément ancrées dans l'histoire, dans les mémoires. Shulamith Firestone ("La dialectique du sexe") constate: "L'inégalité entre les deux sexes est si profonde qu'elle est devenue invisible." Des partis politiques accompagnent ou lancent ces mouvements. A l'origine, les partis socialiste et communiste prennent en considération la condition des femmes au sein de la société. On peut y trouver trois systèmes prônant pour une émancipation - souvent contrôlée - des femmes: le St-Simonisme, le Fouriérisme et le communisme Icarien. Mais ces mouvements sont condamnés, faute d'avoir voulu changer la condition de la moitié de la société

Le St-Simonisme est fondé réellement par Barthélémy Prosper Enfantin, grâce à l'influence posthume de Henry de St-Simon, petit neveu de Louis XIV

Cette philosophie se base sur les revendications prolétaires et surtout l'émancipation féminine. Pour ce siècle bourgeois et misogyne qu'est le XIXe siècle, cette théorie est une innovation courageuse

Henry de St-Simon, aristocrate "repenti", fut toute sa vie investi d'une mission: sauver les hommes de leurs carcans et de leur "assurer (...) le libre développement de leurs facultés ". A la veille de sa mort, il prononça ces mots à un de ses rares disciples: "L'homme et la femme, voilà l'individu social." Beaucoup suivirent le mouvement de Enfantin et de Bazard, notamment de nombreuses femmes illustres ou inconnues: Suzanne Voilquin, Claire Demar, Cécil Fournier (ainsi que son mari), Pauline Roland (première prêtresse St-Simonienne),..

Le mouvement St-Simonien est le premier à rassembler des femmes dans une cause commune. Mais petit à petit, le mouvement devint secte, et leurs idées dites utopistes sont considérées comme immorales. La secte est dissoute, cependant la théorie continua à influencer certains et devint l'exemple d'un nouveau départ fait de pensées et d'actions féminines. Dorénavant, la société doit compter avec les femmes

Charles Marie François Fourier, avangardiste polyvalent, fut longtemps oublié et son oeuvre injustement atrophiée

Cet "utopiste" propose un nouvel ordre social et économique, ainsi qu'une nouvelle liberté féminine. Il désirait l'épanouissement des hommes, des femmes et rétablir un équilibre institutionnel dans l'éducation des enfants. B. Groult ajoute: "Ce n'est pas seulement de l'injustice des lois que Fourier entendait délivrer les femmes, mais de l'oppression économique, domestique et sentimentale qu'elles subissaient." Contrairement au St Simonisme, Fourier ne mystifie pas la femme. La femme est un être humain qu'il faut considérer comme tel au même titre que l'homme

Parmi l'ensemble de sa théorie, il prône la diversité dans le travail pour les hommes et les femmes. De même qu'il propose à l'un ou l'autre sexe de choisir parmi les activités proches de chaque intérêt personnel, et une même préparation institutionnelle pour exercer les métiers de leur choix

Le projet d'égalité sexuelle de Fourier esit complèté par un programme sur la non-violence, le droit au travail et l'émancipation des peuples de couleurs

Quelques temps plus tard, Le Corbusier va - pour ses cités radieuses - s'inspirer des théories sociales, pensées du point de vue architectural, de Fourier

Le Fouriérisme eut des adhérants, mais le côté fantasmatique de Fourier eut raison d'un élan général social

Ainsi, Stuart Mill, comme Fourier, est un des grands prometteurs du féminisme du XIXe siècle. Ces hommes, surnommés les "utopistes", sont pourtant à l'origine de nos revendications sociales d'aujourd'hui

Les surréalistes vont, plus tard, adopter la pensée fouriériste. André Breton qualifiera Fourier de grand visionnaire dans son livre "Ode à Charles Fourier"

Du point de vue idéologique, le XXe siècle n'a pas beaucoup innové

En Allemagne, Auguste Bebel se distingue également grâce à son discours féministe. Dans ses théories socialistes, il place l'émancipation et l'égalité féminines au premier rang de ses obligations

Freud, fondateur de la psychanalyse, est chargé de traduire l'essai de Stuart Mill: "L'asservissement des femmes". Suite à cela, il écrit une lettre à sa fiancée Martha dans laquelle il s'assure la "calme activité" de sa future épouse, où dans un couple "nulle concurrence ne joue" avec l'homme: la liberté, l'institution (au même titre que l'homme), l'indépendance risquent de "supprimer tous les tendres attributs de la femme". Il souligne que "la plus délicieuse chose que le monde ait à nous offrir" (c.à.d., nous, les femmes!) est "notre idéal de la féminité" (à eux, les hommes !)

B. Groult remarquera qu' "on ne se lasse pas d'admirer avec quel candide égoïsme les hommes demandent aux femmes non pas d'être elles-mêmes, mais de ressembler à l'idéal masculin de la féminité" ! Les préoccupations premières, dès la moitié du XIXe sicèle, vont être la lutte pour le droit de vote et la continuation du combat pour une instruction égale

La cause principale est l'éducation. Aux U.S.A., les Américaines apprenent, dès 1840, à savoir "conduire leurs pensées et leurs paroles". Les Américains pensent que l'indépendance intellectuelle de tout être humain est nécessaire au sein d'une démocratie

Dès 1826, on trouve aux Etats-Unis, des écoles primaires et élémentaires pour les filles, analogues à celles des garçons. Ainsi grâce à l'action des femmes, celles-ci peuvent accéder aux professions et aux études supérieures dans les universités créées par des institutions privées

En Europe, les universités ouvrent lentement leurs portes aux femmes et l'ère des "premières" est amorcée. La Suisse accepte, la première, des femmes dans sa section philosophie (1846) et la Nouvelle-Angleterre crèe, en 1848, la première faculté de médecine pour les femmes. Après 1865, naissent de plus en plus de grands collèges universitaires féminins

Alors que la plupart des universités américaines et européennes acceptent les filles, certains pays comme l'Egypte permettent seulement aux étudiantes d'accéder, en 1924, aux cours d'institutrices

En France, Camille See instaure une loi sur l'enseignement en 1880. Elle fonde des enseignements secondaires et des enseignements primaires obligatoires pour les filles selon une loi de gratuité. Camille See et Jules Ferry vont se battre pour soustraire les femmes à l'influence "cléricale anti-républicaine". Cependant, la fréquentation scolaire, en 1880, reste faible

Plus rapides que les Occidentales, les Américaines , à l'aube de l'indépendance, réclament le droit de vote. Après l'échec de leur tentative, elles s'allient au mouvement contre l'esclavage en 1840 et organisent la "Women's Right Convention". Puis en 1850, la "National Women Suffrage Convention". Des résultats seront visibles seulement après la guerre de Sécession (1862-1865). A la fin du XIXe siècle, trente-six états possèdent des associations suffragistes

Le XXe siècle

En 1904, naît l'Alliance Internationnale pour le suffrage des femmes (AISF): le droit de vote devient une des premières revendications féministes dans de nombreux pays européens. Ghandi approuvera et adoptera la méthode non-violente des suffragettes anglaises. Il affirme que pour leurs qualités les femmes feraient de très bonnes "soldates". Le féminisme, dans les années '10, est présent dans la majorité des mouvements politiques. Hommes et Femmes prennent conscience de l'"injuste" ségrégation raciale et sexuelle. En 1914, les Américaines ont partout le droit de vote, sauf au Nouveau-Mexique; les femmes en Norvège votent dès 1908, en Angleterre dès 1918 pour les femmes agées de plus de trente ans et dès 1928 pour les femmes de tout âge, et en Allemagne dès 1919. Le droit de vote en France et en Belgique viendra plus tard, respectivement en 1944 (sous Charles de Gaulle) et en 1948. Les U.S.A., l'Allemagne, l'Angleterre, les pays nordiques connaissent de plus grandes manifestations politiques que la France et la Belgique. Néanmoins, en 1905, la Belge Marie Popelin fonde le Conseil National des femmes

Au XXe siècle, vu les réalités de la crise économique, de plus en plus de femmes cherchent à travailler. Mais beaucoup de métiers leur sont encore - pratiquement - interdits. Elles entrent alors en masse dans les bureaux (banques, ministères,...) pour avoir une certaine stabilité professionnelle; ceci concerne celles qui sont instruites, de même que pour celles qui sont acceptées dans l'enseignement. Beaucoup d'écoles Normales s'ouvrent. C'est notamment, grâce à la présence des femmes dans l'enseignement que les mentalités vont changer: elles sont à la base de l'éducation des jeunes enfants et vont permettre aux filles instruites de réclamer leurs droits

Ainsi petit à petit, les femmes vont s'introduire dans des domaines exclusivement masculins. Seulement, dès l'aube du XXe siècle, les hommes vont réclamer la présence des femmes au foyer. Celles-ci, embauchées pour faire le même travail que les hommes, ont un salaire inférieur: elles deviennent donc une concurrence "meilleur marché" pour les hommes. Face à cette inégalité salariale, les femmes vont créer leurs propres syndicats pour être reconnues et entendues

Pour établir complètement l'égalité sexuelle, les femmes doivent encore acquérir le droit à la libre maternité, le droit de disposer librement de leur corps

Dés la fin du XIXe siècle, des mouvements féministes luttèrent pour ce droit de régulation des maternités et pour la libération sexuelle. Les arguments fusent: les multiples maternités handicapent leur vie et ruinent leur santé. La non-gestion de leur progéniture ne leur permet pas d'assurer le "bien-être" à tous les enfants

C'est pourquoi, certaines femmes du début du XXe siècle vont préférer partager leur vie avec une autre femme, plutôt qu'avec un homme. Le Saphisme leur garantit la liberté par rapport à l'homme et par rapport à la maternité, souvent sujet à tout ralentissement carrièriste. Les femmes se crèent une nouvelle identité féminine

Vers 1920, plusieurs projets se concrétisent. En 1917, Margaret Sanger, infirmière, ouvre, aux U.S.A., le premier dispensaire américain de contrôle des naissances; en 1921,elle sera suivie par Marie Stopes en Angleterre, puis en 1924, à Francfort sur le Main

La France est toujours en lutte contre l'ordre moral et les natalistes. Le Dr Dolores déclare, en 1918, que toutes les femmes ne voulant pas d'enfants "ne mérite plus ses droits, elle n'est plus rien (...) Volontairement stérile, elle retombe au rang de prostituée..."

En 1920 et 1923, des lois françaises s'appliquent contre les contraceptifs et toutes les interruptions de grossesse. Les Néo-Malthusiens sont pourchassés. Dans les années trente, le Birth Control est admis et encouragé dans les pays scandinaves, aux U.S.A. et en Angleterre. La Belgique attendra les années 1960 pour admettre cette liberté sexuelle

L'agonie du patriarcat, qui débute au XVIIIe siècle, va mettre environ deux siècles dans les pays à vocation démocratique. Le patriarcat va pourtant connaître, pendant cette période, des rémissions, comme par exemple, avec les dictateurs européens d'entre les deux guerres (Hitler, Mussolini, l'Espagne Franquiste). Dans les pays de l'Est, le patriarcat revient entre les années '30 et '40

Ainsi les lois libératrices de Lenine sont anéanties par une contre-révolution sexuelle sous Staline. Ces lois consistaient en une libération du mariage et du divorce, de la contraception et de l'avortement

En 1917 et 1918, Lenine promulgue des décrets reconnaissant aux femmes le droit à l'autodétermination économique, sociale et institutionnelle. Mais, il estime qu'aussi longtemps que la femme sera responsable des enfants et des tâches ménagères, les droits d'égalité ne seront que théoriques

Surtout, dans une Russie non préparée et fragile sur les plans économique et politique. Les idées marxistes ne seront pas aussi larges que celles de Lenine (sauf sur le plan économique). Dès le début de la révolution soviétique, on va rétablir les lois à l'encontre de toute émancipation féminine. Le règne de Staline contribue à renforcer cette pression sociale et juridique autour des femmes. Auguste Bebel déclare: "Les hommes se complaisent dans cette situation parce qu'ils en retirent tous les avantages. Il plaît à leur orgueil, à leur égoïsme, à leur intérêt de jouer le rôle du plus fort et du maître, et comme tous les despotes, ils refusent de se laisser influencer par des raisonnements." A la fin de la première guerre mondiale, alors que les chiffres de la population active féminine ne cessent d'augmenter depuis le début du siècle, le retour des hommes congédie les travailleuses. Et, entre les deux-guerres, le travail des femmes est accusé d'augmenter le chômage, de diminuer le taux de natalité. Les hommes veulent, de nouveau, un retour à la vie domestique (et familliale !?) pour les femmes. Licencier les femmes devient donc une logique économique. Des procédures légales sont mises en place pour renvoyer les femmes - surtout les femmes mariées - dans leur foyer

Ainsi, dans cette Europe en régression, le célibat devient, pour les femmes, une condition pour professer. Mais, les femmes vont réclamer le droit de professer et de se marier

Et, là où on ne licencie pas les travailleuses, on diminue leur salaire, déjà inférieur à ceux des hommes. En Allemagne, les diplômées réclament une diminution et une limitation du nombre de femmes dans les professions libérales. Les Nazis vont fixer un quota de 10% d'étudiantes, et les professions se ferment aux demandes féminines. Mussolini suivra en restreignant les emplois féminins

Seulement, lorsque le chômage se résorbe, la phase puritaine oubliée et la guerre présente, l'emploi féminin est a nouveau demandé

Pendant cette période, Virginia Woolf écrit en 1928, le roman "Orlando" qui est "un festival de septicisme moqueur à l'égard de la répartition des sexes ". En 1929, cet auteur de génie enchaîne avec "Une chambre à soi", elle y écrit et y réfléchit sur la situation des femmes

A la question pourquoi les hommes ont-ils besoin de montrer leur supériorité, elle répond: "Les femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l'homme, deux fois plus grande que nature." V. Woolf va jouer un rôle important dans la pensée féministe. Pour elle, chaque être humain à sa part de masculinité et de féminité: il est donc fondamental "d'être soi-même que qui que ce soit d'autre". Ainsi, si l'être humain fusionne en lui le masculin et le féminin, l'esprit peut "pleinement fertiliser, faire usage de toutes ses capacités"

Après la deuxième guerre mondiale, l'égalité des sexes est un demi-succès grâce au retour à la démocratie de l'Europe de l'ouest: en théorie, les femmes ont les mêmes droits que les hommes, mais la pratique est freinée par le manque d'évolution des moeurs. L'idéologie de la complémentarité réside toujours dans les esprits: la femme ne peut être épanouie que dans ses tâches ménagères et maternelles (!); et celles qui veulent faire des études sont soupçonnées de souffrir d'un "complexe de masculinité"

En 1949, Simone de Beauvoir écrit "Le deuxième sexe" qui connait un énorme succès

Elle montre notamment que les mentalités dans leur plus profond inconscient sont bloquées pour accepter toutes nouvelles réponses à la question des femmes. Soucieuse de comprendre le monde des hommes, elle va réaliser l'essai le plus important sur la condition féminine. "Je n'ai jamais nourri l'illusion de transformer la condition féminine (...). Du moins ai-je aidé mes contemporaines à prendre conscience d'elles-mêmes et de leur situation." Cet essai va marquer un tournant dans l'histoire du féminisme avant la deuxième révolution des années '70. Il va nourrir le féminisme contemporain et influencer beaucoup de générations

La révolution de la fin des années '60 met fin à celle entamée au XVIIIe siècle

Le nombre de travailleuses recommence à grimper, mais le centre du débat reste le problème de la procréation. Les femmes attendent du contrôle des maternités, une libération sexuelle, professionnelle et donc, sociale et économique

Ainsi dans les années '60-'80, la mort du patriarcat, dans la plupart des démocraties occidentales, est caractérisée par la suppression morale du père et de son pouvoir économique - les XVIIIe et XIXe siècles lui avait déjà retiré son côté divin -, et par une double conquète féminine: la maîtrise féminine de la fécondité et le pouvoir économique partagé avec les hommes. Les femmes ont maintenant un statut bien différent de celui de l'objet

En parallèle, le XXe siècle marque la baisse des valeurs viriles en Occident. Ce changement de concept est déterminé principalement par la seconde guerre mondiale

En effet, la guerre faite par les Nazis était la mise en action des valeurs viriles archaïques: la violence et la force meurtrière. Les survivants de cette guerre furent choqués par l'étendue du désastre humain. Après cette seconde guerre mondiale, l'éducation va se baser sur les "vraies" valeurs humaines

Dans le même esprit que les peuples colonisés à la recherche de leurs droits d'indépendance, les jeunes femmes partirent à la quète de leur identité. Elles voulurent se dégager des exploitations sexuelles, économiques, domestiques, sociales et politiques dont elles étaient victimes

En 1966, Betty Friedan fonde le premier grand mouvement féministe: le NOW (National Organisation Of Women); qui sera suivi, un peu partout, de nombreux petits mouvements. Anne Tristan crée, en mai '68, le "Féminin-Masculin Avenir". Après 1970, on parlera de MLF, mais celui-ci n'est que l'addition d'une multitude de petits mouvements éphémères. Les femmes, à travers ce mouvement mondial, réclament l'égalité, l'autonomie et la dignité. Les consciences ont évolué. Grâce notamment à la pilule et au contrôle de la fécondité, les filles étudient de plus en plus et sont donc plus conscientes du problème

Les femmes ont participé aux manifestations politiques et lutté pour les droits civiques sans que ne change leur condition. Elles luttent, non contre les hommes, mais contre le sexisme, cette ségrégation sociale à l'encontre de la moitié de la population

"Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme", devient le slogan MLF

A la fin des années '60, les jeunes luttaient contre l'image paternelle. Ils s'éloignèrent donc des valeurs viriles, pour se rapprocher des valeurs féminines. C'est ainsi que les jeunes s'allièrent aux femmes et luttèrent ensemble contre la guerre du Vietnam, représentative d'une autorité patriacale. Ce fut un combat contre le père et le mari

Cependant, si les fils se rapprochèrent des valeurs féminines, les femmes les désarçonnèrent en modifiant et en s'éloignant de leurs "valeurs maternelles traditionnelles"

Ainsi continue toujours le désarroi des pères et des fils

Les années '80 marquent une nette tendance androgyne. Celle-ci est caractérisée dans les arts, dans le style vestimentaire et dans les comportements. "En se rapprochant vestimentairement du sexe opposé, on en atténue sa crainte. En théorie" . Cette période marque aussi l'apparition d'un nouveau phénomène: les mères-porteuses. Ceci va résoudre le désir secret d'homosexualité féminine et va apporter l'indépendance procréatrice face à l'absence "matérielle" du père. De même, les MST et le SIDA accentuent le besoin d'androgynie. L'être humain peut à la fois être les deux sexes ou ni l'un ni l'autre

Cependant, le troisième sexe n'est pas un phénomène nouveau. De tous temps, l'art est imprégné d'une aura bisexuelle: les Ephèbes de la statuaire grecque, les couples géméllaires des romans de Balzac, Musil, Tournier ou l'héros(ïne) de Virginia Woolf dans "Orlando". Les surréalistes, en disciples d'Aristote, parlent de la "rencontre des deux parties d'un même être sectionné dans les temps mythiques "

En conclusion

L'avenir des femmes s'ouvre sur une nouvelle société fondée en moins de vingt ans

a) Les femmes mettent fin à la division sexuelle du travail en entrant sur le marché de l'emploi

b) Elles récupèrent le contrôle de la maternité grâce à la contraception et au droit à l'avortement

c) Par la libération de leur corps, les femmes cessent d'être un "objet d'échange entre les hommes"

a) Les femmes envahissent de plus en plus le marché du travail, malgré les crises économiques. Le nombre des mères-travailleuses augmentent. Face à cela, l'homme perd de plus en plus l'exclusivité de la vie professionnelle et la division sexuelle des tâches perd petit à petit de sa spécificité

Le machinisme du XIXe siècle avait déjà diminué l'utilité de la force masculine. La technologie du XXe siècle va augmenter ce phénomène, mais il va également enlever l'utilité de certaines qualités dites féminines telles que la précision, la patience, le savoir-faire. L'emploi des ordinateurs va anéantir toutes distinctions entre les tâches fémines et les tâches masculines. L'éducation complètera la technologie. Les écoles deviennent communes et identiques pour les filles et les garçons dans nos sociétés occidentales. Seulement, si toutes les études sont actuellement accessibles à toutes les femmes, les choix professionnels sont encore forts sexués. La place de la femme sur le marché de l'emploi fut difficilement acceptable. A la fin de la première guerre mondiale, le travail féminin était perçu comme un constat d'échec social et économique du mari et considéré comme immoral pour les sociétés bourgeoises

Actuellement, les raisons du travail féminin sont d'ordre économique, mais surtout psychologique (épanouissement personnel, autonomie) et social (amitiés, rencontres)

b) L'obtention de la maîtrise de la fécondité est la conséquence d'une lutte de près d'un siècle. Commencée à la fin du XIXe siècle, en Occident, elle est gagnée vers 1960-1970 grâce aux découvertes biochimiques et au changement idéologique

C'est la force masculine, à travers notamment l'Eglise catholique, qui lutta (et lutte encore) contre la pillule ou tout autre moyen contraceptif. La pilule trouva en Paul VI un de ses fervents ennemis dans l'encyclique "Humanae Vitae". La maîtrise de la fécondité devient un droit exclusivement féminin et une étape vers l'égalité des sexes. La confiance dans le couple se substitue au contrôle de l'adultère féminin et de la répression

c) Avec la diminution du prestige matrimonial, les femmes deviennent individus à part entière. Elles ne sont plus des objets échangés par leur famille, pour gagner d'autres membres familiaux. Les femmes ne sont plus des "transactions entre hommes". (Levi-strauss) Avec les années '90, se sont développées de nouvelles relations entre hommes et femmes. Un nouveau couple apparaît basé sur le partage des tâches domestiques et familliales. De même, le féminisme a évolué. Il prend une nouvelle définition, celle de la réalité actuelle. "Il travaille à l'avènement d'une société conçue, édifiée et gérée conjointement par les deux sexes ". Maintenant que les femmes sont les égales des hommes en droit et dignité, le combat égalitaire fait place à la recherche paritaire entre les sexes. Une nouvelle communication s'établit où chaque être prend conscience des ses différences et de ses ressemblances. L'homme apprend à connaître l'Homme

"La mixité dans l'éducation a aidé les jeunes adultes d'aujourd'hui à se connaître avec leurs différences, et peut-être à dominer leur peur de l'autre. Le XXIe siècle sera-t-il celui de la parité? "

Ainsi, la dichotomie sexuelle est en grande partie une construction historique. Elle ne révèle pas les véritables identités sexuelles, mais celles acquises pendant des siècles

CONSEQUENCE DE CES DIFFERENCES

Si on prend comme hypothèse que les résultats scientifiques révèlent une partie ou même l'entièreté de la réalité psycho-physiologique, si on prend comme autre hypothèse que l'histoire partagée par les hommes et les femmes leur a donné une vision spécifique de la société, nous pouvons dès lors accepter une autre manière de voir et de concevoir l'architecture selon les sexes. Rappelons, toutefois, que même si le cerveau de la femme fonctionne ou communique différemment de celui de l'homme, les compétences de l'un ou de l'autre sont équivalentes. Ce point étant établi, essayons de préciser et de comprendre les conséquences de ces différences

Nous avons pu constater que dès la naissance, le bébé garçon sourit aux objets alors que le bébé fille réagit principalement aux visages humains. Par ailleurs, on constate que tout le long de sa carrière d'étudiant et d'architecte, l'homme est plus attiré par l'objet architectural, la puissance formelle du projet et la volonté d'une architecture cartésienne. Non seulement nous pourrions dire que cela est dû à son génotype, mais également à son phénotype: dès l'enfance, le garçon est sollicité pour "ce qu'il doit être" dans la société. Il est éduqué en vue d'être chef de famille, chef d'entreprise, chef de chantier... L'avenir de l'homme ne se conçoit que dans la Réussite

Les femmes, par leur bagage génétique, leur histoire et par les années de conflit qu'elles résolvent peu à peu, ont, semble-t-il, une attirance pour les sciences humaines, la précision des détails, et cela principalement dans le cadre de vie. Le monde de la femme parait dès lors se rencontrer en elle, se manisfester avec elle. La femme EST

Leur rôle quotidien est également un facteur important dans leur perception architecturale

Le rôle social de la femme

Dans notre société contemporaine, le rôle de la femme a encore peu évolué. Bien que de plus en plus secondée par l'homme, elle gère son travail professionnel et son travail familial, domestique; elle maintient les différentes sphères quotidiennes en activité, leur trouve un lien

"Ce sont les femmes qui font le lien entre la maison, le marché du travail et les institutions "

Ces institutions (hôpitaux, crèches,...) doivent être reliées entre elles dans un schéma temporel et spatial complexe. Cette liaison relève souvent du rôle de la femme, de la mère, de l'épouse, qui doit rassembler les différents fragments de la société et de l'individu en un tout

Cette préoccupation, ancrée dans le phénotype féminin, se remarque dans les projets architecturaux des (futures) femmes-architectes. Elles vont englober un vaste contexte spatial et philosophique - parfois au risque de se disperser - dans lequel va s'implanter le projet. On a d'ailleurs pu remarquer une motivation sociologique plus féminine, due en grande partie à son éducation pédagogique et culturelle

Actuellement, les maîtres d'ouvrages veulent de plus en plus vite l'aboutissement d'un projet. La rapidité des échéances favorise l'individualisme autoritaire et unitaire des projets architecturaux à l'encontre d'une recherche approfondie pour résoudre les différentes préoccupations. Il est vrai que cette sensibilité manque souvent d'homogénéité et ressemble généralement à la juxtaposition d'une série de résolutions architecturales et sociales

La notion de temps peut, d'une autre manière, défavoriser les femmes. C'est un facteur important dans la vie de celles-ci, par le fait même qu'elles ont plusieurs domaines à gérer simultanément. Dans le contexte actuel, l'homme peut se consacrer - presque - entièrement à sa carrière. Derrière lui, son épouse, la mère de "ses" enfants planifie son quotidien et maintient son équilibre affectif et émotionnel nécessaire pour une réalisation professionnelle optimale

Ainsi, navigant à travers ces nombreuses tâches, la femme est pressée d'atteindre chaque but. Cette précipitation rend difficile une phase de réflexion, d'analyse et de conception. Le facteur temps devient une menace constante à une productivité de qualité

Les femmes se sont rendues indispensables par volonté ou par devoir. La société leur permet, administrativement, de modifier les rôles et sans elles, les hommes, par "instinct de survie" et par expérience (éthique et historique) s'activeraient autrement. Mais les femmes ? Les caractéristiques féminines sont-elles si ancrées qu'elles ne peuvent naturellement y déroger ou bien les femmes sont-elles ainsi faites qu'elles ne peuvent aller contre leur nature? Il est un fait en tout cas qu'elles vont montrer d'autres préoccupations architecturales que leurs confrères masculins. Comprendre leur histoire, leur vie quotidienne, permet de saisir leurs besoins, de saisir leurs différences

La structure sociale et donc le partage sexuel des tâches sont des paramètres déterminants dans la différence entre les hommes et les femmes, ainsi qu'entre leur carrière professionnelle

Répercussions urbaines du rôle social de la femme

La femme vit une relation spécifique avec la ville, avec les divers éléments de l'organisation spatiale des activités sociales. Jusqu'à présent, la répartition des tâches est encore présente dans nos mentalités. En attendant une évolution future, certains rapports à l'espace, d'un point de vue féminin, doivent être pris en considération. Les secteurs repris ci-dessous ont déjà fait l'objet d'études en concertation avec la population

Les transports et la planification territoriale

L'organisation spatiale des villes a évolué ces dernières décennies: on a de plus en plus divisé spatialement le travail et spécialisé les emplois urbains. De plus, les villes se sont étendues, nécessitant pour les travailleurs des déplacements plus longs

Cependant, afin de concilier leurs nombreuses tâches, les femmes espèrent jouer sur le temps de transport et optent souvent pour une zone d'activités limitées autour de leur lieu de résidence. Ceci concerne principalement les femmes mariées et celles vivant dans les banlieues et les quartiers périphériques

Bien que le transport individuel leur offre de nombreux avantages sociaux et professionnels, une grande majorité utilise les transports en commun, l'homme ayant encore souvent le monopole de la voiture dans les familles traditionnelles

De là découlent deux conséquences: premièrement, la femme est contrainte dans ses horaires et ses déplacements, deuxièmement, et ceci de manière positive, la femme est plus consciente de son environnement, de sa qualité et de sa sécurité

"C'est précisément dans l'interaction des dimensions fonctionnelles, sociales et morales (ou idéologiques) des lieux que se nouent la dissymétrie des relations qu'hommes et femmes entretiennent avec l'espace" affirme J. Coutras , qui précise, cependant, que depuis quelques années, les mobilités masculines et féminines s'égalisent

La sécurité

La phénomène d'insécurité pèse surtout sur les femmes et sur les enfants. Il existe une certaine discrimination sexuelle dans l'accès de certaines zones principalement monofonctionnelles telles les parcs, la rue et ceci particulièrement la nuit

Le logement

Le logement représente l'identité individuelle, la renforce mais ne la forme pas. Il permet l'insertion sociale dans un cadre défini socialement et économiquement, il permet aussi une certaine reconnaissance de soi. "Etre quelqu'un, quelque part ". Avoir un toit favorise également la recherche d'un emploi et les conditions nécessaires à l'hygiène et à la santé

Ce phénomène, de plus en plus important, réunit, en 1991, le réseau européen des chercheurs et le réseau européen pour le respect du droit au logement qui formèrent la "Charte européenne pour le droit à habiter et la lutte contre l'exclusion"

Actuellement, de plus en plus de familles sont de type monoparental: les femmes ayant, dans la plupart des cas, la garde de leurs enfants. Cette structure familiale rend méfiant les propriétaires, d'autant plus que beaucoup de femmes ont un revenu insuffisant pour loger leur famille

Un autre aspect intervient dans la relation femme-logement. L'habitat est depuis longtemps considéré comme l'espace des femmes bien qu'elles en soient rarement propriétaires. Dominique Masson nous précise pourtant que "cette affectation des femmes au logement n'est pas cependant trans-historique ou naturelle"

Pourtant, afin de faciliter les tâches domestiques (et de renforcer les dichotomies sexuelles ?), des équipements de plus en plus perfectionnés sont intégrés à l'habitat, de même qu'un schéma structurel et fonctionnel de l'espace. L'avenir de l'architecture domotique appartiendrait-il seulement aux femmes ? Espérons que non ! Quoiqu'il en soit, de nouveaux modes d'habitat sont mis en place, tels l'habitat alternatif communautaire

Les organisations sociales

Placés à travers la ville, des dispositifs vont développer un aspect de l'évolution du rôle social des femmes. Des services collectifs comme la garde des enfants en bas âge, ainsi que des horaires plus flexibles vont donner aux femmes la possibilité de s'épanouir professionnellement. Il faut noter toutefois que, d'après le rapport de la communauté européenne, c'est en Belgique, au Danemark, en France et au Portugal que les mères de famille ont le plus de facilités pour continuer à travailler grâce à l'infrastructure des services collectifs. De plus, l'émancipation féminine entraîne de nouveaux types de familles. Des nouvelles structures spatiales doivent être pensées pour une nouvelle clientèle spécifique

Ainsi, les différences d'organisations spatiales sont dues aux statuts et aux rôles assignés spécifiquement aux hommes et aux femmes et ceci dans diverses cultures

INTEGRATION DES DIFFERENCES EN VUE D'UNE ARCHITECTURE MIXTE

La femme vit autrement ses relations au logement, à la ville, à l'espace. L'environnement est donc perçu d'un point de vue masculin et d'un point de vue féminin

Mais, malgré leur présence physique et économique dans la ville, les femmes sont restées longtemps absentes des études sociologiques urbaines. Nulle part, elles ne sont considérées comme un groupe spécifique avec des demandes et des besoins propres. Les sociologues, les urbanistes et les architectes se sont principalement penchés sur l'étude des problèmes sociaux et des comportements "marginaux". Dominique Masson y voit une certaine dose d'androcentrisme

Pourtant, plusieurs courants féministes d'architectes et de critiques réagissent depuis plusieurs décennies. Les femmes vont surtout utiliser l'écriture architecturale plutôt que la pratique pour concrétiser leurs pensées. La critique, plus indépendante par rapport aux enjeux économiques et politiques, s'ouvrait plus volontiers aux femmes

Dans les années 1950-1960, elles soutiennent leurs valeurs traditionnellement féminines et se penchent sur les aspects sociaux afin de contrebalancer l'importance donnée au formalisme et à l'universalisation de l'espace dans le renouveau urbain dominé par les hommes et le mouvement moderniste. Certaines, comme Sibyl Moholy-Nagui, prônent, avec rigueur, les valeurs historiques et vernaculaires de l'architecture, et les besoins des utilisateurs. De même, elles trouvent inadéquates, car notamment peu sensibilisées aux hommes, les théories des architectes modernes tels que Le Corbusier. Ceux-ci dominent cependant les écoles d'architecture fréquentées, pour la plupart, par nos professeurs actuels ! La lutte se poursuit plus franchement avec les années '70. Les architectes et surtout les critiques féminines attaquent la culture patriarcale et proposent une nouvelle façon de voir la ville à travers des modes non-hiérachisés, interactifs, multiples et complexes, ainsi qu'une perception typiquement féminine. C'est seulement à partir de cette décennie que vont naître des enquêtes soulevant la relation des femmes à la ville, des femmes au bâti

Dans les années '80, de plus en plus d'étudiantes s'inscrivent et remettent en question la domination académique dans les écoles d'architecture. Alors que la plupart des tentatives des années '70 portaient essentiellement sur les femmes comme utilisatrices plutôt que créatrices de l'espace, à la fin des années '80, un nouveau féminisme se développe: il inclut une perception sexuée dans les différentes approches architecturales. Mais, si ce courant s'ouvre sur une architecture empreinte de nouvelles identités féminines, il se ferme au public par l'éclectisme intellectuel de la littérature et par le choix de ne pas aborder l'exercice de l'architecture

C'est ainsi, qu'à l'approche du XXIe siècle, des vieux stéréotypes tels que "femme = épouse - mère - travailleuse domestique" subsistent encore chez les architectes et les "aménageurs". L'aménagement du territoire reste encore fortement guidé par les valeurs et les préoccupations masculines, considérées comme universelles. Ce qui peut (ou a pu) paraître normal puisque les décisions étaient prises par des hommes qui se basaient sur la réalité de leurs propres expériences

Alors, afin de prendre en considération le point de vue de la moitié de la population, afin de sensibiliser les décideurs aux préoccupations féminines et surtout de faire évoluer les mentalités, beaucoup d'hommes et de femmes voient la nécessité d'une participation et d'une prise de décision féminine dans l'architecture et dans l'urbanisme en tant qu'utilisatrices et en tant que créatrices et conceptrices de l'espace architectural

Ainsi, le rôle réel de l'aménagement du territoire sera complet. Il permettra la création de conditions structurelles afin que l'homme et la femme puissent s'épanouir librement dans la société et à chances égales

La participation et la prise de décision des femmes dans le cadre de vie

La parité sexuelle des décisions architecturales et urbanistiques va permettre de renouveler les modèles d'organisation spatiale établis depuis le début du siècle

Les pays scandinaves, et principalement la Finlande , furent les premiers à prôner la participation des femmes à l'aménagement du territoire

Cependant, si les femmes sont de plus en plus nombreuses dans les conseils municipaux ou communaux, la différence entre les politiques préconisées par les femmes et par les hommes est peu visible. On peut alors se demander si les femmes sont absorbées par le système (patriarcal) en place et, de ce fait, adoptent le point de vue des hommes en matière de planification ? Une autre hypothèse s'ouvre à nous; que nous pourrons retrouver ultérieurement dans les projets architecturaux conçus par des femmes: doivent-elles recourir à une attitude, une idéologie et un concept "masculins" pour rester en fonction ? Il est vrai qu'encore fort minoritaire, les effectifs féminins ne constituent pas la "masse critique" nécessaire pour influencer les décisions. Cependant, si l'on considère l'utilisation d'un mode de pensée spécifiquement féminin, la société peut trouver un grand intérêt dans la participation et la prise de décision des femmes conjointement à celles des hommes

De même, les femmes peuvent "exploiter" une autre différence. Planifiant la vie des siens, tout en représentant le noyau familial, la femme doit trouver des solutions individuelles aux problèmes collectifs. Elle a donc une propension "forcée" (innée ou acquise ?) à la synthétisation. Cet esprit de synthèse peut s'avérer utile lors de la prise en compte de paramètres décisionnels dans l'aménagement du territoire ou dans un projet architectural à grande ou petite échelle

Ainsi, le société va s'enrichir des différences, elle va pouvoir s'exprimer dans sa pluralité et sa diversité

Bien que l'idéal est de trouver "une participation objective, non centrée sur les problèmes personnels ", les femmes vont, dans un premier temps, chercher à améliorer leur propre cadre de vie

Dans les années '80, la coopérative "L'arbre de vie", à Toronto, propose un complexe de 50 unités d'habitat, conçu pour abriter des femmes francophones de tout âge, seules ou avec un conjoint et une famille, canadiennes ou immigrantes, monoparentales, filles-mères, victimes de violences ou handicapées. Ce projet, "marrainé" par le réseau des femmes du Sud de l'Ontario, sera accepté en 1988 par la fédération de l'Habitat Coorporatif de Toronto

Au Pays-Bas, il existe des commissions de conseils de femmes (la fondation "Construire et habiter") qui représentent les intérêts féminins lors de l'examen de projets de construction et donnent également des conseils sur l'aménagement des quartiers et des secteurs

Bien que les pays cités en exemple tentent de rassembler plus de données sur les femmes, ils ne les rattachent pas pour autant à l'aménagement du territoire

En Belgique, la décentralisation vers le pouvoir communal a pour condition et pour but une plus grande participation de la population à l'aménagement du territoire. Le Conseil Communal et le Collège des Bourgmestre et Echevins n'ont plus le monopole de la prise de décision. Selon la législation, les hommes et les femmes doivent être représentés de manière équilibrée. Cependant, les décisions finales sont prises par des techniciens ou des hommes politiques. Ceux-ci sont souvent corrompus par leur partialité financière et peu à l'écoute des besoins fondamentaux de la population et encore moins des femmes

C'est une raison supplémentaire, si ce n'est primordiale, pour que les femmes urbanistes ou architectes deviennent les "techniciens" qui prendront la résolution finale

Jusqu'à présent, la plupart des projets urbanistiques ou architecturaux tenaient uniquement compte des valeurs masculines (universelles ?) et parfois se basaient sur des principes stéréotypés féminins. Si la femme européenne est devenue l'égale de l'homme sur le plan légal et administratif, des inégalités et des discriminations de fait subsistent. Il faut éduquer les générations à venir, pour que la politique décisionnelle évolue vers une émancipation et une féminisation, afin, notamment de prendre conscience des réalités sociales

La participation des femmes à un niveau décisionnel va également leur permettre de prendre leurs responsabilités. Le partage d'un pouvoir ne peut se concevoir sans le partage des devoirs et des responsabilités

En 1993, la Commission des Communautés Européennes a soutenu une recherche sur "le genre en architecture et en urbanisme" pour laquelle six pays ont participé: l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grande-Bretagne et la Grèce. Les objectifs du projet furent l'apport de données et de résultats d'enquêtes pour que les décideurs, les enseignants et même les étudiants prennent conscience de l'importance du genre (construction sociale des sexes) dans l'espace urbain et dans l'habitat

De plus, pour une meilleure égalité des chances entre les hommes et les femmes, l'équipe de recherche a, non seulement soulevé les problèmes et suscité les questions, mais aussi proposé une meilleure participation féminine au processus de décision dans tout projet urbain ou architectural. Il existe en effet une condition sine qua non pour bien apprécier notre diversité: ... l'égalité ! C'est dans l'échange que l'on peut comprendre la différence

Il faut toutefois nuancer certains constats ou certains désirs. La participation de la population féminine et des femmes-architectes et urbanistes sera réellement bénéfique si elles prennent conscience du problème actuel et surtout de leur identité féminine, sensiblement différente de celle de l'homme. La société est trop complexe pour n'être perçue que d'un seul point de vue

Si certaines architectes s'inspirent des comportements masculins et s'identifient à la masculinité afin de parvenir à une égalité des sexes, au risque d'une architecture monotone, d'autres, dès les années '60, revendiquent leur perception spécifique, leurs expériences quotidiennes et leur sensibilité propre dans la conception architecturale, allant même jusqu'à créer des institutions, principalement aux U.S.A., séparées des structures patriarcales et académiques de l'architecture

Marion Tournon-Branly, architecte qui a ouvert sa propre agence dans les années '50, estime, lors d'une interview en 1963, que les projets proposés aux femmes-architectes sont fortement sexués. On leur soumet principalement des "écoles, des crèches, des maisons ou de la décoration, mais jamais d'usines et encore moins de bâtiments officiels "

Ceci aboutirait réellement à une production typiquement féminine et pourrait sembler enrichissant si on pense qu'une société s'épanouit dans la confrontation des différences. Mais cela creuserait davantage le fossé entre les sexes et "le langage féminin" finirait par se scléroser à force de se spécialiser

De plus, cette identité féminine "universelle" deviendrait aussi limitavive et réductrice que l'identité masculine que les femmes défiaient

Evitons ainsi d'entrer dans un cercle vicieux. La société, en cette fin de siècle, tend vers une égalité sexuelle des tâches, des rôles, des fonctions des femmes et des hommes, et vers une mise en valeur des spécificités. Cette évolution déterminera des intérêts communs propres à l'être humain. La prise en compte des besoins féminins est une politique alternative en vue d'une société égalitaire qui respectera la parité, la médiation humaine

Ces politiques alternatives vont demander une nouvelle conception et la mise en place de nouveaux modèles architecturaux crées par des hommes ET par des femmes. Mais pour cela, il a fallu - et faudra sans doute encore - plusieurs années de voisinage entre les hommes-architectes et les femmes-architectes, entre les Hommes et les femmes-architectes

Et Eve apparut munie d'un compas..

Dans l'histoire des Indiens d'Amérique, de nombreux cas relatent la participation active des femmes dans l'élaboration des campements. Elles étaient responsables de la conception, de la fabrication et de la construction des tipis. De plus, dans la plupart des tribus indiennes, elles choisissaient l'emplacement du camp en fonction des besoins de survie. Elles étaient les architectes de leur communauté

Beaucoup omirent que c'étaient les femmes qui étaient responsables des tipis, comme il en était peut être de même dans nos civilisations primitives ou dans les tribus actuelles encore peu connues des hommes "civilisés"

Alors que dans les tribus patrilinéaires du Nord-Ouest des futurs Etats-Unis, les femmes étaient responsables des arts et métiers, dans les sociétés matrilinéaires du Nord, les femmes indiennes avaient des droits, des pouvoirs égaux pour les devoirs, ainsi que des biens matériels (ex. l'habitat). Elles n'étaient pas à charge de leur mari. Leur patience, leur endurance et leur capacité manuelle contribuaient au développement des structures, alors que les tâches dangereuses et nécessitant des efforts musculaires étaient attribuées aux hommes

Mais c'est dans le Sud-ouest et dans les grandes plaines que les femmes furent les plus actives dans la construction et la formation des habitations. Dans la plupart de ces tribus (Comanches, Kiowa, Cheyenne, Arapaho, Blackfoot, Sioux,...), les femmes produisaient, dessinaient et possédaient ces habitations grâce à leur labeur

Après avoir choisi l'emplacement du camp (souvent réutilisé) les femmes indiennes n'organisaient pas le village suivant des plans rigides et géométriques; leur seule règle consistait à placer l'ouverture du tipi face à l'Est. Cette orientation était choisie pour se protéger des vents et pour respecter toute la symbolique de la naissance solaire

Bien que pendant longtemps (et encore aujourd'hui), l'homme blanc refuse d'utiliser lui-même les arts décoratifs, le rôle de l'homme indien consistait en la décoration de la tente

Le cas des Pueblos, Indiens du Sud-ouest des Etats-Unis, est peut-être plus connu. Dans la tribu des Hopi qui se développa entre 700 et 1100 PCN, les femmes s'occupaient de la maison; elles étaient, avec l'aide de leur mari et de leurs frères, les propriétaires et les conceptrices des habitations. Il est probable que déjà les femmes ancêtres aidaient à la construction des villages préhistoriques. Les Indiens Pueblos étaient sédentaires, c'étaient des fermiers. Ils choisissaient des sites naturellement protégés et utilisaient la pierre et le bois comme matériaux de construction. Ces hommes et ces femmes furent les premiers planificateurs des villes du Nord des Etats-Unis

Les Navajos, les Espagnols et les pionniers américains qui envahirent les U.S.A. furent fortement influencés par les constructions des Pueblos. La combinaison de ces différentes architectures donna naissance au style missionnaire espagnol. Les connaissances architecturales des Pueblos se répandirent notamment "grâce" aux Espagnols: ces conquérants célibataires capturèrent les femmes Pueblos, puis les hommes, afin qu'ils construisent leurs habitations

Mais, c'est dans les domaines de la peinture et de la littérature que débute vraiment l'histoire des femmes artistes. Beaucoup de femmes se sont illustrées dans divers domaines littéraires; aucune école officielle n'apprenait à philosopher, romancer, raconter, poétiser... Seuls le talent, la passion, le besoin ou la conviction incitaient à la création d'un texte. La peinture, et plus tard l'architecture, vont difficilement accepter unanimement les femmes

Ainsi, à l'intérieur d'une certaine classe sociale, la profession d'artiste se transmettait de père en fils. Généralement, les fils des membres de l'académie connaissaient des facilités matérielles telles que la gratuité des cours

De tout temps, la majorité des grands artistes masculins a évolué dans un contexte familial artistique. Cependant, s'il est vrai que l'éducation des filles ne permettait pas les mêmes "faveurs" que celle des garçons, peu d'aristocrates se lancèrent dans une carrière artistique (comme par exemple Toulouse-Lautrec). Cette double absence serait due aux exigences et aux attentes propres aux aristocrates et propres aux femmes

Jusqu'au XVIIIe siècle, on peut tout de même remarquer que la majorité des femmes artistes sont également des filles de pères artistes. Comme, d'ailleurs aux XIXe et XXe siècles, elles sont fréquemment "en relations étroites avec un artiste homme à la personnalité plus forte ou plus imposante "

L. Nochlin ajoute: "Ce n'est qu'en adoptant, au besoin sans les afficher, les attributs "masculins" que sont la détermination, la concentration, la ténacité, la capacité à se plonger soi-même dans des idées, à s'absorber dans le savoir-faire professionnel, que les femmes ont réussi et continuent de réussir dans le monde de l'art ". Par exemple, Rosa Bonheur, peintre à succès du XIXe siècle, de même que Georges Sand, écrivain, affichent des manières dites masculines telles que la détermination, la persévérance, l'entêtement et la vitalité, au point d'être considérées comme "garçon manqué"

Remontons au XIXe siècle, misogyne par excellence

Mis à part quelques exceptions comme Berthe Morisot, peintre impressionniste, les femmes se dirigeaient vers la littérature et la peinture réalistes , le seul style où elles étaient autorisées à exercer leurs talents

En effet, entre la Renaissance et le dernier quart du XIXe siècle, les femmes ne pouvaient étudier les matières d'anatomie et de perspective, bases pédagogiques élémentaires de toute étude artistique. Elles ne pouvaient, contre toute décence, fréquenter les ateliers où posaient des modèles nus. Précisons que le "nu" permettait de faire de l'art historique, considéré comme le plus noble et le plus grand; art qui prenait toute son ampleur à travers la mystification semi-religieuse des artistes et qui subsistait grâce aux commandes officielles

C'est seulement vers la fin du XIXe siècle que l'on trouve des exemples où les femmes pouvaient croquer des modèles de nus parmi les étudiants masculins. Cette barrière surgissant dans la formation artistique des femmes n'en est qu'une parmi d'autres. Il faut savoir qu'au milieu du XIXe siècle, un artiste sur trois était une femme, mais infiniment peu étaient renommées ou recevaient des commandes officielles. De même, les artistes connus possédaient de grands ateliers à gérer où leur pouvoir (et leur savoir) s'exerçait sur des élèves admiratifs. Cette position était, à l'époque, impensable pour une femme. Aujourd'hui encore, une telle situation suscite parfois des commentaires, même anodins

Ainsi, l'absence de grandes femmes artistes ou encore l'absence des femmes-architectes n'était pas due à leur manque de génie, ni au caractère individuel de l'ingéniosité; ce serait plutôt le reflet de nos structures institutionnelles et de notre conditionnement socio-culturel

Par ailleurs, en architecture, si l'histoire même des femmes-architectes remonte au XIXe siècle, on peut retrouver des réalisations antérieures ayant pour auteurs de projet des femmes

En effet, au hasard d'une lecture, le nom d'une moniale apparaît: Antoinette DESMOULIN. Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, elle réalise les plans d'une église qui sera annexée, entre 1684 et 1686, à l'abbaye bénédictine de la Paix de notre Dame à Liège. Mais auparavant, deux autres femmes semblent avoir eu la maîtrise du projet et de la construction de leur demeure respective: Catherine BRICONNET, au XVIe siècle, pour son château de Chenonceaux, et la marquise de RAMBOUILLET pour son hôtel du Marais (à Paris), construit au XVIIe siècle et disparu depuis. D'ailleurs, c'est à l'instar de cette dernière, que beaucoup de grands seigneurs et de gens du monde se lancèrent, en amateur, dans l'architecture

Il est peu probable que ces exemples soient uniques surtout que certaines femmes, telle Georges Sand (pour ne citer que la plus connue), ont eu recours à un pseudonyme masculin pour entreprendre une carrière artistique. Et puis, certains n'ont-ils pas douté de l'identité, sinon fictive du moins sexuelle, de Lequeu, architecte utopiste du siècle des lumières ? Toutefois, les débuts académiques des femmes-architectes ne démarrent qu'à la fin du XIXe siècle alors que les hommes ont déjà entamé, depuis environ 600 ans, l'histoire de l'architecture en tant que profession

En effet, c'est à la Renaissance que la place de l'architecture et des architectes, au même titre que celle des peintres et des sculpteurs, va radicalement changer au sein de la société

L'architecture va devenir un art libéral qui requiert une grande activité cérébrale et non plus une activité manuelle. Cette nouvelle dimension intellectuelle va permettre à l'architecte de se différencier du maître d'oeuvre médiéval qu'était, en général, le maître-maçon

Pour cela, l'aspirant-architecte va devoir suivre une formation artistique. Suivant le traité d'architecture de Vitruve, celle-ci sera composée de plusieurs tranches: l'art littéraire, le dessin, la géométrie, l'arithmétique, l'optique, la philosophie, la médecine, la jurisprudence, l'astrologie

Ainsi, au XVe siècle, l'architecte est considéré comme "le créateur, le démiurge, l'alter deus ", l'artiste complet

Après les académies de littérature utilisées comme instituts, s'ouvrent,dans la seconde moitié du XVIe siècle, en Italie, des académies artistiques. La première est fondée en 1562 par Vasari: L'Accademia del Disegnio, suivie, en 1648, par la première académie royale française de peinture et de sculpture puis, en 1671, par l'académie royale d'architecture

L'architecte, scientifique, technicien et humaniste, subsistait grâce aux commandes et aux relations personnelles avec les mécènes. Des commandes officielles et de la reconnaissance par les classes dominantes venait le succès social. Seul l'architecte académicien acquérait véritablement son identité professionnelle: c'était un prestige royal. Cependant, au XVIIe siècle, il existait encore une confusion entre la fonction d'entrepreneur et celle d'architecte

Mais, petit à petit, les académies vont essayer d'obtenir le monopole de la formation architecturale et des récompenses (ex. Le prix de Rome créé en 1664)

Contrairement à la période du Classicisme et à l'Age baroque, où les architectes arrivaient à synthétiser la construction, l'art et l'utilité, l'architecture va, au XIXe siècle, s'orienter de plus en plus vers les beaux-arts. Ainsi, avec la révolution industrielle, les architectes vont être supplantés par les ingénieurs qui, non seulement suivent les progrès technologiques, mais emboîtent également le pas à l'évolution sociologique et démographique. En construisant pour les favorisés, les architectes avaient perdu de vue les buts essentiels de leur profession: l'esthétique, toujours, mais aussi la technique et surtout l'humanisation. Les cours dispensés aux Beaux-Arts se réduisaient pour l'essentiel au dessin et à la composition, incluant donc les portraits de nus. C'est seulement en 1867, en France, que se crée le diplôme d'architecte, suivront alors des associations professionnelles et des syndicats

En 1901, suite à une campagne féministe soutenue par le journal "La Fronde", les Beaux-Arts de Paris décident d'ouvrir leurs portes aux étudiantes. Au grand étonnement de tous, les femmes ne se limitent pas aux ateliers de sculpture, elles vont aussi s'inscrire dans les sections d'architecture. En 1902, Julia MORGAN devient la première femme diplômée d'architecture des Beaux-Arts de Paris. Deux ans plus tard, cette américaine ouvrira son propre bureau à San Francisco. Ainsi, en ce début de siècle, l'exemple est vital. Il est générateur d'une autre mentalité. Une femme dirigeant sa propre entreprise contribuera indirectement à la réussite de ses collègues féminines. "L'esprit humain généralise vite: le succès de l'une rejaillira sur les autres "

Apparemment, les américaines furent les plus hardies pour suivre ces cours. Leur histoire, leurs intérêts furent les causes premières de cette motivation pour l'architecture

Au début du XIXe siècle, l'architecture, comme la plupart des arts, était, aux Etats-Unis, "mal considérée" par l'éthique puritaine. Cependant la population n'y était pas insensible et la peinture, la musique, la littérature, l'architecture commencèrent à exprimer la nouvelle "société américaine". Ceux qui voyageaient en Europe se rendaient compte que l'art et l'architecture étaient très importants pour l'image de marque d'un pays. Petit à petit, la gloire de Dieu et celle de la Nation furent représentées et apprises à travers les arts. Les hommes d'affaires prospères contribuèrent aux projets civiques et, bien qu'exclues de la vie politique, les femmes aidèrent à la récolte des fonds pour des entreprises telles que la construction du Bunker Hill Monument

Certains politiciens estimèrent que l'éducation des filles devait aussi toucher à la formation artistique. Ainsi, avec bonne conscience, les femmes s'occupèrent de décorer leur maison, de fabriquer leur matériel et de collectionner des oeuvres d'art. Leur philosophie architecturale se développa selon les objectifs moraux de la nouvelle et rigoureuse démocratie. Hommes et femmes s'inspirèrent du portrait européen pour modifier leurs convictions en matière d'art

A cette époque, la profession d'architecte se mettait tout doucement en place. Les étudiants américains se rendaient en Europe pour apprendre l'architecture et s'inscrivaient principalement à l'école des Beaux-Arts de Paris qui jouissait d'un prestige considérable. Pourtant, il existait aux Etats-Unis des écoles d'architecture

Les premiers et les plus brillants architectes étaient issus de familles cultivées et riches. L'architecture était, principalement, une profession réservée à une élite et, bien sûr, exclusivement masculine. Ils étaient peu nombreux au cours du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle, peu d'architectes étaient préparés professionnellement

Ceux qui désiraient faire construire un immeuble s'adressaient principalement aux entrepreneurs ou se muaient en "architecte-amateur". Afin d'améliorer leurs connaissances architecturales, beaucoup de livres étaient publiés sur le sujet et vendus aux USA. Ceux-ci donnaient des suggestions de plans, des points de vue esthétiques ou des méthodes de construction. Ces livres étaient écrits par des charpentiers, des hommes de métier ou par des personnes avisées en architecture

Parallèlement, une autre catégorie de livres - moins officielle - enseignait l'architecture domestique. Ces ouvrages étaient généralement écrits et lus par des femmes. Harriet BEECHER-STOWE ("La case de l'oncle Tom") et sa soeur Catherine BEECHER réaliseront, en 1869, un essai extrêmement détaillé intitulé: "The American Woman's Home"

En ce début de siècle, la femme américaine était limitée dans son rôle ménager, son rôle de mère et d'épouse et son rôle religieux. Financièrement dépendante de son mari, entièrement occupée par son travail, la femme devient l'interprète et la conservatrice de la connaissance et de la culture qu'elle transmet à sa famille. Les femmes, cantonnées dans leur foyer, s'efforcent de le rendre agréable, efficace et salubre. Elles se tournent vers l'architecture, cette "science domestique", comprenant "le style, l'esthétique, l'économie, la santé physique et morale, la supervision des travailleurs, la structure, le choix du site, le chauffage, la ventilation, la plomberie, la fabrication et le dessin des meubles et, bien sûr, les arrangements des plans efficaces "

Suite à ce nouvel intérêt, des femmes furent responsables de la construction de plusieurs bâtiments. Leur nom n'est mentionné nulle part, mais on n'en était pas encore à inscrire, orgueilleusement, son nom sur chaque structure érigée. L'anonymat faisait partie de ce qu'on attendait de la modestie et de la discrétion de ces femmes

Tandis que les hommes débattaient sur le nouveau style architectural de la nouvelle démocratie, les femmes s'orientaient vers les aspects pratiques, techniques et sociaux de l'architecture. Déterminées, ces femmes du XIXe siècle laissaient aux hommes la pratique mais supervisaient les travaux. Pour elles, l'architecture prenait sa signification dans la réalisation de bâtiments économiques, sains et bien ventilés, convenant au bien-être physique et mental des familles. Proches des besoins sociaux, elles voulaient des bâtiments mieux adaptés à la population. Déjà, les préoccupations féminines différaient de leurs "collègues" masculins

Cependant, les structures sociales confinaient les femmes dans leur foyer. Avec l'industrialisation et l'exode rural des hommes, les femmes en vinrent à vivre en autarcie dans les campagnes. Progressivement, la situation évolua: des facteurs tels que la guerre civile influencèrent la condition féminine aux USA. Les veuves, seules ou insolvables financièrement, durent trouver un emploi. Elles devinrent soignantes, enseignantes,... Pendant la guerre civile, les femmes créèrent une commission sanitaire pour respecter, réglementer et améliorer les conditions sordides des camps et des hôpitaux militaires. Ainsi, la guerre civile apporta plus de liberté aux Noirs et aux femmes blanches. Ce fut une période de transition

Les générations suivantes de "femmes-architectes" s'appliquèrent à améliorer les logements des immigrés et des travailleurs urbains. Au contact de leurs domestiques, elles avaient appris à les connaître; à percevoir leurs demandes. Jane Addams se préoccupa principalement de combattre les mauvaises conditions des hommes et des enfants travaillant à Chicago. Elle savait que l'architecture pouvait apporter certaines solutions et chercha un soutien politique afin d'établir des lois pour la construction de logements salubres et l'aménagement de plaines de jeux

A cette époque, les tâches, les activités, les domaines étaient encore sexuellement connotés. Insatisfaits, beaucoup se réunirent pour former de nouvelles communautés. Une des plus connues, dans le monde du design et de l'architecture, fut la communauté des Shaker. Son succès vint surtout de l'égalité entre les hommes et les femmes, des droits et des avis égaux. Cette philosophie se refléta dans leur architecture, composée d'éléments féminins et masculins, symbolisant la dualité de leur Dieu. Cependant, ces nouveaux styles de vie eurent peu d'influence sur la société américaine

La plupart des femmes continuaient à se diriger vers les professions d'infirmières, de professeurs, d'assistantes sociales; mais peu entraient officiellement dans le domaine architectural. Leurs intérêts architecturaux étaient principalement pratiques et liés à la vie quotidienne; ce qui différait des soucis réels de la profession. Leurs solutions, dans ce domaine, prenaient des allures de ridicule et de vulgaire aux yeux des architectes masculins

L'aspect financier et l'aspect politique représentaient également un autre obstacle. Le domaine des affaires était exclusivement réservé aux hommes. Si, pour devenir architecte, cela impliquait un apprentissage sur le terrain, il était vraiment inconcevable qu'une femme signe un contrat ou devienne apprenti

A la fin du siècle, grâce aux universités, le statut de la profession d'architecte augmente. Une loi ouvre les portes des écoles aux hommes et aux femmes. Cependant, il faut toujours un certain temps avant qu'une loi s'applique et surtout s'accepte. Et "il faut se tourner vers des groupes marginaux, des communautés socialistes, pour trouver au début du XXe siècle, des femmes-architectes, telle Alice Constance AUSTIN, nourrie des écrits d'Ebenezer Howard, qui avait dessiné les plans de Llano en Californie "

Si la plupart des étudiantes - et des étudiants - vont s'instruire en Europe, certaines montrent beaucoup de détermination et décident de vaincre les tabous de la société masculine américaine. En 1915, six jeunes filles demandent à un professeur de Harvard, Enry Atherton Frost, de leur enseigner l'architecture. Peu enthousiaste, il accepte, et avec son associé, Bremer Pond, il ouvre l'école d'architecture et d'architecture paysagiste de Cambridge avec un petit nombre d'étudiantes bien déterminées. Toutefois, les deux professeurs estiment que le rôle de la femme doit se limiter à la sphère domestique et sociale, ainsi qu'à l'éducation

La génération des femmes, à la jonction des deux siècles, lutte pour le droit de vote et l'accès à l'instruction; pourtant 10 ans plus tard, le rôle de la femme et sa présence en architecture sont toujours limités aux besoins domestiques. Dans la même lignée, H. Frost et B. Pond réduisent la formation des femmes-architectes à la conception domestique, ce qui provoque de vives réprobations de la part de leurs élèves de Cambridge. Elles veulent élargir leurs domaines à la conception des "écoles, hôpitaux, pavillons, salles des concerts, restaurants, centres d'art moderne, domaines à la campagne, club de navigation, et même concevoir et dessiner des villages entiers ". Ce n'est qu'en 1941 qu'H. Frost accepte de ne plus enseigner uniquement l'architecture domestique à Cambridge et, en 1942, l'école est absorbée par l'université d'Harvard

Contrairement à leurs aînées, les femmes de la première moitié du XXe siècle veulent mener une vie professionnelle ET une vie familiale. Ces femmes actives réclament le droit au mariage; et par facilité, afin de pouvoir concilier les deux, beaucoup de femmes vont épouser un homme exerçant le même métier. Ainsi, beaucoup de couples vont travailler ensemble

Cependant, si ces femmes-architectes étaient officiellement reconnues comme telles, grâce à leur diplôme, beaucoup éprouvèrent des difficultés dans la vie professionnelle. Indépendantes, elles attiraient peu de "gros" clients et, dans les grands bureaux, elles étaient exploitées par leurs collègues masculins

H. Frost mit beaucoup d'espoir dans la féminisation de la profession; il pensait que les femmes allaient apporter un souffle moderne, une nouvelle esthétique..

En Europe, l'arrivée des femmes dans le domaine aussi exclusivement masculin de l'architecture attisa la peur des hommes face à cette nouvelle concurrence: l'augmentation des effectifs va diminuer le nombre de places disponibles. Pourtant, les hommes ont encore un peu de temps avant de s'inquiéter réellement. En effet, pour accéder aux écoles d'architecture, les étudiantes françaises et belges du début du siècle doivent d'abord suivre des études de mathématiques spéciales. Le nombre d'écoles de ce type, ouvertes aux femmes avant la fin de la première guerre mondiale, était très réduit

Suite à la demande (refusée) d'une des premières architectes diplômées de France, J. SCELLES-MILLIE, les filles purent préparer librement les grandes écoles et, notamment, l'école spéciale d'architecture. Nous sommes en 1919

La première guerre mondiale enclencha réellement le XXe siècle. L'esprit nouveau, l'évolution du progrès technique profitèrent aux hommes, mais surtout aux femmes. Seulement, aux lendemains de ce conflit, les femmes perdirent leurs privilèges récemment acquis. La société voulu redistribuer les tâches selon le sexe et renvoyèrent les femmes à des activités dites "féminines"

Elles durent aussi "repeupler" les nations. Perdant ainsi leur émancipation politique et économique, elles vont essayer de s'affirmer intellectuellement et miser sur l'éducation. Toutefois, suite à la disparition des hommes aux combats, beaucoup de femmes durent compter sur elles-mêmes et suivre leur lancée pour subvenir à leurs besoins

Les jeunes filles de la bourgeoisie entreprirent des études de droit, médecine, pharmacie. Exercer une profession libérale leur permettait de s'accomplir socialement en l'absence de soutien conjugal et d'installer leur bureau à domicile. Elles pouvaient ainsi toujours s'occuper de leurs enfants et de leur foyer. Cependant, en règle générale, la profession d'architecte n'était pas encore prête à s'ouvrir aux femmes

"Tant que l'insertion sociale des femmes, par l'exercice d'une profession, est restée très limitée, du moins dans la classe bourgeoise, les architectes n'ont eu aucun mal à maintenir vierge la masculinité de leur corporation "

Le sens de la corporation était déjà bien défini dès les études. Une fois leur inscription admise dans les instituts d'architecture, les étudiantes devaient encore franchir beaucoup d'obstacles. G. Luigi nous raconte qu'en France, les architectes s'appliquaient sur l'organisation et le fonctionnement des Beaux-Arts pour dissuader les femmes d'entrer dans la profession. "Chaque atelier était une sorte de système clos de forme pyramidale ayant pour base les "nouvos" soumis aux corvées et au bizutage. Les "réservistes" et les "anciens" étaient élèves à part entière et votaient, par exemple, pour l'élection du conseil des "anciens": l'aréopage qui régentait l'atelier. Au sommet, le "patron", le "maître", régnait sur ses sujets avec un certain détachement bien souvent". Ainsi, comme nous le relate G. Luigi, on se trouvait en présence "d'esprits corporatistes assez comparables aux loges maçonniques" et misogynes, dans ces ateliers entrouverts depuis peu aux femmes

Les mêmes dissuasions se retrouvaient également à l'école du Bauhaus de Weimar

Dès l'ouverture de cette école, en 1919, autant de femmes que d'hommes fréquentèrent les cours: la nouvelle constitution de Weimar accordait aux étudiantes une liberté d'apprendre illimitée. "Les académies ne pouvaient plus leur refuser l'entrée comme avant la première guerre mondiale. Ainsi, beaucoup de femmes profitèrent de leurs droits "

Gropius, premier directeur de l'école du Bauhaus, précisa dans son premier discours aux étudiants: "Par égard pour les femmes, au travail, tous sont des artisans, égalité absolue des droits de l'homme et de la femme, mais aussi devoirs égaux absolus"

Dès septembre 1920, Gropius avait cependant proposé au conseil de maîtrise de pratiquer "un isolement sévère dès l'admission, surtout pour le sexe féminin trop fortement représenté à en croire les chiffres." Ainsi, les femmes furent d'abord dirigées dans les ateliers de tissage juste après les cours préliminaires, de poterie et de reliure. Le tissage était naturellement considéré comme un tâche féminine, une répartition du travail par sexe. Oskar Schlemmer opta pour l'arrogance masculine: "Là où il y a de laine, il y a aussi une femme qui tisse, ne serait-ce que pour passer le temps". Pourtant, le tissage était la technique la plus industrialisée et concrétisait ainsi les buts réels du Bauhaus

Après la dissolution de l'atelier de reliure en 1922, la présence des étudiantes aux cours de poterie fut diminuée au maximum, mais rehaussée lorsqu'il s'avéra qu'il manquait de main d'oeuvre. Et si les femmes étaient acceptées dans l'école, elles ne pouvaient absolument pas suivre les cours d'architecture. Ainsi, les conditions d'admission des femmes étaient, par principe, plus difficiles

Leurs productions, leurs créations étaient considérées par les hommes comme "féminines" ou comme "arts décoratifs". Peu sûrs de leur "masculinité", les hommes se sentaient menacés et imaginaient l'architecture déformée par les arts décoratifs. Ils perpétuaient dans une école, dans un domaine, toutes les peurs vécues à travers les siècles

Pourtant, il existait des professeurs féminins d'atelier et de théorie. Ainsi, le cours de Gertrud GRUNOW, "théorie de l'harmonisation", eut beaucoup d'influence dans l'enseignement du Bauhaus. Gropius reprit, d'ailleurs, beaucoup de ses revendications dans une nouvelle définition "de la nature de la nouvelle construction"

Gertrud Grunow enseignait depuis 1919 au Bauhaus à la demande de Itten, elle développa des théories valables également pour l'architecture

Par contre, aux Pays-Bas, on peut penser que le principe du mouvement de Stijl, fondé en 1917, par Théo van Doesbury et Piet Mondrian, était précurseur dans l'acceptation du concept féminin dans l'art. Ce principe rassemblait les grandes forces contraires de la vie: "la nature et l'esprit, ou le principe féminin et le principe masculin, le négatif et le positif, le statique et le dynamique, l'horizontale et la verticale" qui devaient parvenir à un équilibre dans l'art

Parallèlement à ce mouvement, les Pays-Bas développèrent l'école d'Amsterdam dont les visions sociales étaient similaires à celles du Mouvement de Stijl. Plus intuitive, l'école expressionniste d'Amsterdam fut lancée et maintenue grâce à Michel de Klerk. N'ayant pu trouver beaucoup d'information quant à l'institution des femmes en architecture, on sait essentiellement que l'école d'Amsterdam diplôma la première femme architecte du pays, Magaret KROPHOLLER (1891-1966)

Entre 1917 et 1925, elle dessina quelques bâtiments dans le style de l'école tels que les maisons de campagne dans Park Meerwijk à Bergen. Pendant les années trente, elle réalisa peu de projets, mais après la seconde guerre mondiale, M. Kropholler participa à certains programmes de reconstruction de villes endommagées par la guerre..

C'est à partir des années '20, '30, que la profession d'architecte sera réellement accessible aux femmes. Elles sont encore peu nombreuses et très peu ont fait parler d'elles. Les difficultés professionnelles jouent en faveur des préjugés conservateurs

Adrianne GORSKA explique, dans le "Maître d'oeuvre" (n 19) de 1928, les prémices de la profession des femmes-architectes: "Tout au début, on a envisagé que la femme-architecte soit attachée seulement au cabinet d'un confrère pour y pratiquer un travail de bureau ou se consacrer uniquement à la décoration d'intérieur. Sur le chantier, les femmes ont d'abord vécu une situation semblable à celle des ateliers de l'école d'architecture, lorsque les femmes y sont apparues"

Pourtant, beaucoup souhaitaient la féminisation de la profession. Ils pensaient que la présence de la femme en architecture allait résoudre certaines questions concernant les immeubles d'habitation, les cités ouvrières, les groupes scolaires, les hôpitaux, les crèches,..

De plus, les qualités féminines étaient évoquées pour "justifier" la place de la femme dans ce domaine: "son côté perspicace, souple, intuitif (plus développé que chez l'homme ?!) lui permettait de mieux pénétrer le goût du client, s'y adapter avec moins de peine et trouver l'argument capable de convaincre un client hésitant "

Dés cette époque, certaines architectes vont acquérir leur renommée, ainsi que la confiance des clients "importants". Tout doucement, de grands projets leur sont proposés. Déjà, en 1919, le magnat de la presse W.R. Hearst avait demandé à Julia Morgan de lui construire un château en Californie (San Simeon)

En 1928, Elisabeth SCOTT est choisie, à 29 ans, parmi 74 concurrents pour réaliser le Shakerpeare Memorial Theatre à Stratford en Grande Bretagne. Et Adrianne Groska construit plusieurs cinémas à Londres

Pendant cette même période, Eileen GRAY réalise deux maisons sur la côte d'Azur: "E 1027", à Roquebrune (1927-1929) et "Tempe a Palla" à Castellar (1932-1934)

Dès les années '20, elle est une des principales représentantes des nouvelles théories qui vont révolutionner le design et l'architecture. En 1925, bien avant Le Corbusier et Charlotte Perriand, elle expose ses meubles en acier tubulaire chromé et verre

Designer d'expérience, E. Gray se lance dans l'architecture influencée par Jean Badovici. "Sa venue à l'architecture est la conséquence d'une conception structurale de la forme manifestée dans ses recherches appliquées aux meubles et objets "

Nous verrons par la suite, sa philosophie architecturale, sa définition de l'homme nouveau, l'application personnalisée des cinq points de l'architecture moderne de Le Corbusier, ses affinités avec le Mouvement de Stijl

E. Gray avec Robert Mallet-Stevens et Pierre Charreau sont d'ailleurs les seuls qui aient retenu l'attention des Hollandais alors que plusieurs jeunes architectes s'intéressaient au mouvement moderne des Pays-Bas

Alors qu'E. Gray construit sans diplôme, en France, un journal du 23 juillet 1930, "Le petit dauphinois" rapporte le nom de la première femme qui vient d'être diplômée à l'école nationale supérieure des Beaux-Arts: Jeanne SURUGUE

Les femmes sont de plus en plus présentes dans les domaines artistiques, à tel point qu'en 1934 s'ouvre le salon des femmes artistes modernes. Petit à petit, elles s'affirment sur la scène publique et participent à des concours d'architecture

En 1937, trois architectes danoises remportent le premier prix pour la construction d'appartements modernes. Fait remarquable, puisqu'aucune femme n'était présente dans le jury qui devait examiner 600 plans. D'ailleurs, Catherine MORGOULIS, architecte à Paris racontera en 1983: "Posant ma candidature pour répondre à un concours à deux degrés, j'apprends que le jury m'a acceptée "pour voir". La réponse de l'esquisse n'étant pas nominale, ma présence féminine disparaît parmi les rendus, sur les 10 projets présentés, un est très mauvais, mal exprimé "Charrette", le jury l'élimine d'office croyant que c'était moi. Au jugement, il sélectionne trois équipes et à l'ouverture, le jury s'aperçoit que je fais partie des trois: "Rire général""! Ainsi, les femmes n'en ont pas encore terminé avec les préjugés sexistes de ce monde misogyne..

Alors qu'aucune révolution réelle et significative ne met en déroute les années d'après guerre (le deuxième conflit mondial du siècle), Solange d'HERBEZ DE LA TOUR décide de réagir quand, en 1958, elle se voit refuser un poste d'architecte: "Il faut être de sexe masculin et avoir accompli son service militaire". Pionnière du féminisme architectural, avec d'autres architectes, S. d'Herbez de la Tour fonde en 1960, l'union française des femmes-architectes, puis en 1963, l'Union Internationale des femmes-architectes. Cinquante déléguées des quatre coins du monde vont se réunir à Paris, pour suivre des exposés sur les conditions des femmes-architectes

En effet, en 1963, maints ateliers des écoles d'architecture restent encore fermés aux étudiantes

Les buts de l'Union Internationale des Femmes-Architectes sont d'abord d'établir des relations et des échanges entre les femmes de la corporation, y compris les urbanistes, les paysagistes et les décoratrices de tous les pays, afin qu'elles unissent leurs efforts pour que ces carrières deviennent accessibles aux femmes. Ensuite, cette association veut mieux faire connaître les femmes-architectes en leur donnant la possibilité de s'exprimer et de réaliser des oeuvres dans le cadre de leur profession

Dans les années '40, la Finlande avait déjà créé AEKTEKTA, l'homologue de l'UF.F.A ou de l'U.F.A.B. Cependant, il ne faut pas voir, dans la création de ces associations, une nouvelle discrimination sexuelle. Tendant vers une égalité profonde des sexes - du moins espérons-le - la société n'en aura sans doute plus "besoin" dans les années à venir?

Seulement, vu la complexité croissante des rouages socio-professionnels de nos sociétés hiérarchisées, il fut difficile de changer la condition féminine progressivement et domaine après domaine. Seules les révolutions idéologiques purent enclencher le mécanisme des bouleversements sociaux et la prise en considération des exclues

Les manifestations de Mai '68 entraînèrent un profond bouleversement de mentalité par rapport au rôle social de la femme. Les études furent restructurées et entièrement ouvertes aux femmes

G. Luigi nous recense ces changements de "l'après '68": -l'émancipation des femmes exerçant un métier conduit à leur "dédomestication", -de nouveaux rapports s'instaurent au sein de la famille, -la mixité, à tous les niveaux, se réalise presque partout dans l'enseignement, - les femmes aspirent à participer à la vie publique, et donc, veulent affirmer leur rôle politique

Dita ROQUE-GOURARY qui fonde, en 1977, l'Union des femmes-architectes en Belgique précise sa volonté d'émancipation: "Nous tenons à rompre avec une habitude centenaire, pour ne pas dire millénaire, n'accordant à la femme qu'un rôle de second plan, nous voulions prouver que nous étions des architectes à part entière, capables de réaliser seules ou avec nos confrères masculins, des oeuvres valables. Nous étions aussi, ajoute-t-elle, excédées de recevoir, lors des manifestations officielles ou d'expositions professionnelles, des lettres adressées à Messieurs les architectes, même si le prénom de l'architecte en question était indiscutablement féminin". Pour les initiés, ceci rappellera quelques souvenirs récents..

Lors de la première année de la femme en France, la revue "Neuf" décide de publier un dossier sur les femmes-architectes. A ce propos, Gilbert Luigi note, qu'en 1975, un seul livre a été écrit sur le sujet: "From tipi to Skyscrapper" de Doris Cole aux éditions Press à Boston en 1973. De plus, il remarque que la majorité des femmes-architectes professe dans les grandes villes

Dans les pays de l'Est, suite aux besoins économiques, l'opinion change. Les femmes-architectes ont dû accepter de travailler dans des bureaux d'architecture à des salaires peu élevés et inférieurs à ceux des hommes, bien qu'ayant suivi la même formation qu'eux. Et d'une manière générale, le besoin de (re)construire rapidement favorise la promotion féminine

Seule la Pologne décrète des droits égaux entre les hommes et les femmes en ce qui concerne le salaire, les concours et la hiérarchie

A la fin des années '70, les femmes-architectes, en URSS, sont présentes à tous les niveaux de la construction, mais elles ne sont que 32 % de l'ensemble des architectes soviétiques

Il y a 15 ans, les femmes devaient encore subir les sarcasmes des hommes et parfois même des autres femmes . Pendant leurs études ou lors de leur carrière professionnelle, les femmes-architectes devaient prouver que leur rôle ne se limitait pas à la décoration ou devaient gagner la confiance des clients sans la garantie contractuelle de leur mari

Encore aujourd'hui, afin d'être admises dans le cercle des confrères masculins, les femmes sont "prises dans l'engrenage de l'imitation et de leurs séductions, elles perdent leur identité et sont prisonnières du "club" tout puissant. Aussi, leur architecture est-elle reléguée au rayon "décoration", domaine que leurs "mentors" veulent bien leur concéder avec celui de l'enseignement "

Seule, Karen VAN LENGEN est une femme architecte de renom aux USA à ne pas avoir de partenaire masculin. Elle a d'ailleurs gagné, en 1990, le concours pour l'extension de l'American Bibliothèque de Berlin, devant Morphosis, Steven Holl, Bernard Tschumi, ... et est la finaliste du concours d'aménagement pour la zone olympique des prochains jeux de Berlin face à Jean Nouvel, Toyo Ito, Calatrava,... Pour elle, "la femme a une contribution distincte et digne à apporter à l'environnement public et privé qu'elle partage avec les hommes "

Karen Van Lengen Extension de l'American Memorial Library, Berlin Ouest

De plus, Gae AULENTI et Itsuko HASEGAWA sont les seules architectes invitées officiellement à des congrès d'architecture ou de design

Itsuko Hasegawa Elévations ("Village Cona", Japon) Actuellement, si les femmes sont acceptées et reconnues dans le domaine "architecture", le système social ne leur octroie toujours pas les mêmes égalités quotidiennes qu'aux hommes. L'exclusion ou les intolérances sociales concernent aussi bien les ségrégations raciales, sexuelles ou simplement les différences socio-biologiques

Continuellement, les femmes s'adaptent à ce monde fait pour et par les hommes. Elles suivent un enseignement qui petit à petit s'est ouvert à elles, mais qui - au départ - ne leur était pas destiné

Sur le chemin de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Depuis plusieurs années, aussi bien le Ministère de l'Education Nationale, par une campagne de sensibilisation, que les divers mouvements de femmes, revendiquent l'égalité des chances pour les garçons et les filles

Au niveau de la scolarité

"Si l'on veut lutter contre une discrimination existant depuis longtemps, il faut d'abord ouvrir les écoles aux étudiants des deux sexes ". Une enquête menée par l'O.C.D.E. auprès des pays membres, détermine une nette augmentation de la présence féminine dans les différentes filières scolaires

Cependant, il existe une différence très sensible entre les choix des garçons et des filles

L'enseignement fondamental

Si l'école fondamentale reste accessible aux élèves des deux sexes, la différenciation s'établit dès le choix du secondaire

L'enseignement secondaire

Les filles suivent de plus en plus le secondaire supérieur et sont même, pour l'ensemble des pays de l'O.C.D.E., supérieures en nombre aux garçons dans la même orientation

Les garçons choisissent plus vite et plus souvent une formation technique ou professionnelle qui les mènera dans le monde du travail

Les filles choisissent plus volontiers l'enseignement secondaire général et y réussissent bien. Ce qui en principe constitue un tremplin pour des études supérieures

L'enseignement universitaire ou de type universitaire

Dans la moitié des régions de la Communauté Européenne, les femmes représentent plus de 50 % de la population étudiante de l'enseignement supérieur de type long. Si de plus en plus de filles fréquentent les universités, elles se cantonnent encore dans certaines facultés. La médecine notamment est devenue très féminine. Est-ce parce que cette discipline est étroitement liée à l'idée de maternage, que l'on considère comme une caractéristique féminine ? Isabelle Lasvernas, sociologue au Québec, conclut "qu'en règle générale, les explications avancées sont soit celles de la discrimination dont les femmes sont l'objet dans une institution qui les méconnaît, soit celles de l'autosélection ou de l'autorenonciation ". En effet, les femmes, beaucoup plus que les hommes, manquent souvent de confiance en elles et se remettent perpétuellement en question. En sortant de leurs études, les étudiantes en architecture ont le sentiment de devoir faire leurs preuves et de ne pouvoir maîtriser l'entièreté d'un projet. Les étudiants ressentent la même chose, mais n'en font pas un complexe ! L'enseignement de type universitaire: l'architecture

Qu'en est-il de la répartition des sexes pour les études d'architecture ? Sur le plan national, il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur la proportion d'étudiantes et d'étudiants fréquentant les écoles d'architecture. Ceci est dû au fait que la Belgique est devenue une confédération de trois Régions et de trois Communautés. D'après l'enquête, évoquée précédemment, sous l'égide de la Commission des Communautés Européennes, certaines constatations ont pu être établies malgré le nombre restreint d'écoles belges qui ont répondu

1) Les étudiants

- Les étudiantes sont nettement plus nombreuses dans la seule école neerlandophone qui a répondu (51 %) que dans les écoles francophones (35 %)

- Les étudiantes étrangères sont moins nombreuses à étudier dans nos écoles par rapport à leurs "collègues" masculins

- En moyenne, le nombre d'étudiantes est proche des 50 % et leur pourcentage reste constant de la première à la dernière année scolaire

2) Les enseignants

Sur les six écoles qui ont répondu, on peut estimer une moyenne: - 19 % des femmes sont nommées et 23 % sont vacataires. Cependant, aucune femme n'enseigne à la section "architecture" de l'UCL de Louvain-la-Neuve! - 23 % travaillent à temps partiel

- Depuis 1969, ces chiffres sont en augmentation constante

Si les femmes enseignent dans les branches importantes en architecture ou en urbanisme, cela concerne principalement les deux premières années de la scolarité. Les hommes ont toujours le privilège des matières fondamentales et ce, jusqu'à la dernière année ! L'enquête signale par ailleurs que le pourcentage des femmes invitées au jury est nettement inférieure au pourcentage des "personnalités" masculines

Chaque année scolaire, le Ministère de l'Education, de la Recherche et de la Formation de la Communauté Française publie les statistiques de fréquentation scolaire tous niveaux confondus

La publication de 1991-1992 fait état des renseignements suivants: En 1991, 4.098 diplômes ont été délivrés pour les études supérieures de type long de niveau universitaire, dont 2.579 diplômes ont été attribués à des hommes et 1.519 à des femmes

Pour la seule section "Architecture", les résultats sont distribués en deux volets:

1er cycle (candidatures): 292 certificats dont 186 à des hommes 106 à des femmes

2e cycle 151 diplômes dont 100 à des hommes 51 à des femmes

L'ensemble des étudiants garçons et filles qui entament les études d'architecture, seulement un cinquième de ces étudiants peuvent espérer obtenir leur diplôme à la fin du cycle des 5 années d'étude. La proportion de filles diplômées correspond exactement à la proportion des garçons diplômés, par rapport à la rentrée en première année. On pourrait dès lors conclure que les études d'architecture ne sont pas discriminatoires pour les filles et que celles-ci peuvent espérer réussir au même titre que les garçons

Mais qu'en est-il dans la réalité des faits ? Au niveau de la profession

Dans son article intitulé "Les femmes peuvent-elles avoir du génie?", le docteur Madeleine Pelletier constate qu'on donne du génie à George Sand, mais pour cela, elle devait adopter un nom d'homme, porter des vêtements d'homme et avait une vie sentimentale calquée sur celle des hommes de son époque

De même, Marie Curie dut longtemps se camoufler derrière son mari avant d'être reconnue pour elle-même

Qu'en est-il pour les femmes ayant poursuivi des études d'architecture ? Quelques chiffres: En 1960, dans les pays de l'Est, plus ou moins 50 % des architectes sont des femmes. En Pologne, plusieurs femmes ont gagné des concours d'urbanisme et sont chargées de la réalisation de grands ensembles

En 1963, la France compte 80 femmes-architectes pour 8.400 hommes, l'Allemagne Fédérale, 150 femmes-architectes pour 10.000 hommes, Israël, 130 femmes pour 550 hommes, la Grande-Bretagne, 300 femmes-architectes pour 19.399 hommes

En Grande-Bretagne, lors de la construction d'un hôpital ou d'un collège, on consulte toujours une commission féminine chargée spécialement de donner un avis sur les immeubles à caractères sociaux

En 1969, au Brésil, 40 % des architectes sont des femmes, aux U.S.A., seulement 10 %, tandis qu'en France, on ne compte que 1 % de femmes parmi les architectes

Le journal "Le Monde" du 10 septembre 1969 signale que selon certains, "cette faible proportion de femmes-architectes est justifiée par l'absence d