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ARCHETYPE DE DISPOSITIF INTERNET

AU SERVICE DES HABITANTS DANS UN QUARTIER POLITIQUE DE LA VILLE.

Par Jean Millerat


I SITUATION-TYPE DES ACTEURS DE TERRAIN

I.1 LES ACTEURS

Les atouts professionnels d'une structure relais dans le quartier (centre social, foyer d'accueil, maison de quartier, MJC, etc.) sont, entre autres, sa capacité et son expérience dans la gestion et l'assurance du lieu et du cadre d'activité ainsi que dans l'accès aux dispositifs de financement de ces activités (connaissance des circuits de financement…). C'est une structure qui est reconnue par la collectivité pour le sérieux et le suivi de son action et est devenue peu ou prou le bras privilégié de l'action publique en direction du quartier. C'est aussi une structure qui sait travailler en relation avec les différents acteurs sociaux professionnels du quartier et de la ville. Cependant, les bénéfices de son action sont nécessairement limités : les modalités d'accès du public aux activités et les contraintes de gestion du lieu rendent difficilement appropriable cette structure par l'ensemble de la population. Parfois aussi, le dynamisme de son action s'inscrit dans une routine et s'essouffle peu à peu en se concentrant sur des activités trop ciblées ou ne correspondant plus dans leurs modalités aux besoins de la population.

Un habitant, ou un ancien habitant, aujourd'hui acteur associatif indépendant ou en tant que simple individu, est souvent reconnu par les autres habitants comme porteur d'une forte capacité de médiation (médiation improvisée entre habitants et entre habitants et institutions), et d'une qualité de présence et d'écoute des problèmes dans le quartier : il s'agira ici d'un jeune adulte qui a longtemps vécu dans le quartier et " s'en est sorti " qui par le sport, qui par les études ou le travail. Il est resté proche du quartier et est devenu une personne repère, de référence pour les parents, voire un modèle à suivre pour les plus petits. Son action a donné naissance à une association car il est à même de fédérer autour de lui les bonnes volontés dans le quartier, surtout lorsqu'il s'agit de rendre service aux " petits frères " ou aux familles. Cette association est souvent isolée, rarement affiliée à une fédération (comme c'est au contraire le cas des associations qui gèrent les structures relais du type centre social). Ses actions ont souvent une forte valeur médiatique (même si elles ne trouvent pas forcément de relais dans les médias) car toujours réalisées " avec les moyens du bord ", c'est-à-dire un budget annuel de quelques centaines ou milliers de francs, et la participation occasionnelle d'un sponsor qui trouvera son compte à donner un coup de pouce à de telles initiatives.

I.2 LES STRATEGIES

L'Internet apparaît aux yeux des uns et des autres comme un nouveau territoire à occuper pour l'ouvrir au quartier, de manière à ne pas en tenir la population de celui-ci écartée ni la laisser s'y engouffrer dans un proche avenir sous des modalités de consommation et d'appropriation sauvages pouvant donner lieu à tout type d'excès. Le politique souhaite pour sa part en faire un outil de communication vis-à-vis de l'extérieur et vis-à-vis de ses électeurs et concitoyens. La structure relais souhaite gérer un lieu d'accès public à l'Internet comme extension naturelle de son cadre d'activité (dans le cas où un dispositif de financement facilement accessible s'offre à elle) ou comme nouvelle chance pour redonner un nouveau souffle à son existence. Quant au médiateur associatif improvisé il peut y voir une opportunité pour acquérir une reconnaissance institutionnelle de son action et permettre à la parole des habitants du quartier de s'exprimer sans entraves.

Parfois, un antagonisme naît entre, d'une part, la petite association d'habitants qui a su réunir la bonne volonté d'amis et voisins mais est en manque de reconnaissance pour son action et entend conquérir seule ce nouveau territoire malgré les institutions et structures déjà en place, et, d'autre part, la structure relais de la volonté publique, qui prétend aussi à l'exclusivité du projet Internet, au nom de la légitimité que lui donne le soutien du pouvoir politique et de la reconnaissance par les institutions du sérieux et de la transparence (relative) de son fonctionnement.

Ce possible antagonisme cache la complémentarité des atouts de ces deux types d'acteurs dans une problématique d'appropriation par les habitants de l'Internet et des nouvelles technologies : l'un a une expérience professionnelle reconnue dans la gestion de tout cadre d'activité d'animation locale en direction des habitants du quartier, et l'autre une capacité d'écoute et de médiation privilégiée par sa qualité de présence quotidienne auprès des autres habitants. Cette complémentarité doit être privilégiée (et l'éventuel antagonisme dépassé par l'intervention d'un médiateur extérieur au quartier et mandaté par l'Etat) par l'encouragement de l'Etat à associer selon des modalités précisément explicitées les habitants d'un quartier à la mise en place et l'animation de tout dispositif Internet au service de leurs projets et de la valorisation de leurs initiatives et donc des atouts du quartier.

Dans l'attente de l'émergence d'un dispositif sur le quartier, les habitants se cotisent et achètent un ordinateur, ils lancent une activités cédéroms dans le cadre d'une action de soutien scolaire. Le leader de l'association se forme à l'Internet et s'équipe à son domicile. Il réalise deux ou trois pages web pour décrire son projet ou présenter son association. L'association cherche par un éventuel relais médiatique ou par relations à faire valoir la légitimité de son projet qu'elle peine à rédiger. Elle n'arrive pas à ses fins car elle est avant tout, par définition, relativement isolée des décideurs. Comme à son habitude, elle réalise une action avec les moyens du bord, mais qui s'essouffle très rapidement à cause du manque de professionnalisme et du caractère bénévole de ses ressources humaines. Son action connaît en son temps un vif succès auprès des habitants. Mais elle tarde à trouver un relais plus structuré ou des moyens adéquats et se poursuit donc de manière très positive mais aussi très irrégulière.

La structure relais se renseigne quant à elle sur d'éventuels projets de lieux public d'accès à l'Internet (réalisés ou en attente de financement dans d'autres quartiers) et rédige un important dossier de demande de subvention : équipement du lieu (voire extension des locaux existants), infrastructure de connexion à l'Internet, embauche d'animateurs Internet à plein temps. Elle compte sur le caractère novateur et ambitieux du projet pour être la première sur les rangs et rencontrer la motivation d'un décideur local souhaitant s'afficher comme promoteur d'une politique volontariste de démocratisation de l'accès aux nouvelles technologies en direction des populations défavorisées. De manière pragmatique (mais peut-être trop attentiste ?), les dirigeants de la structure relais n'engagent aucun frais d'équipement ni ne se forment personnellement ni ne commencent à utiliser l'Internet tant que leur dossier ne leur permet pas de recevoir d'appui financier conséquent.

II PERSPECTIVES D'ORGANISATION DU DISPOSITIF INTERNET

Jusqu'ici la situation s'inspire de faits observés dans différents cas. La suite de notre propos correspond à des perspectives d'évolution souhaitables dans le cadre des cas qui ont inspiré ce propos.

Bénéficiant d'un premier apport financier ou d'une aide ponctuelle et temporaire de la part de la fédération à laquelle elle est affiliée, la structure relais achète 5 micro-ordinateurs multimédias qu'elle connecte à l'Internet dans l'une des pièces de ses locaux ou dans une partie de son local. Elle envisage de se limiter dans un premier temps à une initiation à la bureautique ou à la recherche d'emplois via le réseau mais est alors dépassée par la demande. Elle prévoit donc l'achat de 10 ou 20 micro-ordinateurs supplémentaires dans les mois à venir, et baptise l'équipement existant " cybercentre " ou " centre multimédia ". Les animateurs de la structure proposent des sessions de formation ou d'initiation aux usagers de la structure et commencent à accueillir des groupes constitués (écoles, centres aérés) pour des ateliers découverte de l'Internet.

Des initiatives de dispositifs de découverte de l'Internet voient le jour dans le quartier sous d'autres formes : l'association des femmes du quartier a changé récemment son micro-ordinateur et l'a connecté à l'Internet dans son local d'accueil dans le quartier, un étudiant du quartier crée une page Web pour présenter l'association. La boutique de développement solidaire a mis dans la rue ses ordinateurs lors de la fête de l'Internet il y a quelques mois. Elle les a définitivement connectés et accueille occasionnellement quelques personnes pour des séances de découverte de l'Internet. La petite association de jeunes qui a rencontré un sponsor dans le cadre du défilé de mode qu'elle a organisé l'été dernier dans le quartier a pu acheter un ordinateur : elle organise un atelier cédéroms éducatifs en même temps que les séances hebdomadaires de soutien scolaire pour les petits.

II.1 RESEAU D'ASSOCIATIONS DU QUARTIER

Dans le cas d'un quartier dense et non clairement délimité, en général noyé au sein d'une grande agglomération, les animateurs de ces différents lieux peuvent ne pas se sentir en situation de compétition mais avoir au contraire le sentiment de participer à un même projet (favoriser l'appropriation de l'Internet par tous) qui ne peut à lui seul constituer le cœur d'activité d'aucun des acteurs mais qui apparaît comme une activité élémentaire souhaitable dans la stratégie d'action de chacun. (Ce sera le cas si aucun de ces acteurs n'est menacé dans son existence et ne voit en l'Internet une opportunité pour redonner légitimité à celle-ci et prétendant à l'exclusivité d'un dispositif public d'accès.)

Sensibles à la philosophie coopérative du réseau, ils réfléchissent donc ensemble à la manière de créer une synergie locale autour de ce projet en constituant un réseau ouvert d'associations : non pas une fédération du quartier pour développer l'Internet, ou une structure trop formelle liant ces acteurs associatifs les uns aux autres de manière trop lourde ou rigide mais une organisation informelle pour donner lieu à des participations réciproques aux événements " découverte de l'Internet " que chacun organise, et pour échanger via Internet des informations sur la vie du quartier. Dans ce cas et si aucun des acteurs du quartier n'a un poids susceptible de déséquilibrer le réseau, une " association de gestion du réseau " est constituée par les participants fondateurs du réseau pour recueillir des subventions et employer un " animateur de réseau " à plein temps : il coordonne les différentes activités, fait connaître les opportunités de financement des activités de chaque acteur, fait connaître les différents projets et le réseau en tant que tel, et met en relation les acteurs entre eux lorsqu'une opportunité d'échange réciproque de services apparaît. Chacun gère donc son lieu d'activités Internet avec ses propres moyens, chacun crée son site Web de manière indépendante. Certaines pages sont toutefois réalisées en commun et présentent l'ensemble des initiatives " au nom du réseau d'associations du quartier ", en renvoyant sur les sites respectifs des participants. Il n'y pas véritablement de membres et de non-membres du réseau, le fait d'être ou non inclus dans le réseau correspond à l'échange effectif de bons procédés avec une ou plusieurs associations du réseau.

Ainsi l'émergence d'un réseau d'associations autonomes offrant de manière coordonnée l'accès aux NTIC garantit la possibilité pour chaque habitant de trouver dans les modalités qui lui sont les plus adaptées le cadre qui lui convient pour découvrir et exploiter les ressources en terme de services que peut lui offrir l'Internet. C'est donc l'organisation en réseau qui permet de réunir les conditions d'appropriabilité de l'Internet souhaitées.

II.2 ACCOMPAGNEMENT DE PROJETS ET LIEU RESSOURCE

Dans le cas d'un quartier excentré, au sein d'une agglomération moyenne de banlieue, comme c'est plus souvent le cas, l'antagonisme peut être résolu par une collaboration formalisée dans le cadre d'une convention ou d'une coordination assurée par un chef de projet de développement social urbain ayant ou non fait appel à un médiateur extérieur au quartier. La structure relais est alors conçue comme lieu d'accueil pour porteurs de projets habitant le quartier. C'est un lieu neutre, ouvert et en attente des demandes. L'action de la petite association d'habitants est conçue comme action d'identification d'embryons de projets ou de micro-initiatives à valoriser, comme provocateurs ou accoucheurs de projets d'habitants. C'est une association de terrain qui agit pour identifier les besoins d'utilisation de l'Internet et donc susciter activement la demande en partant des besoins d'individus exclus des dispositifs d'animation locale classiques mais susceptible d'en bénéficier s'il est possible de leur faire formuler un projet.

II.2.1 L'articulation des rôles

Seul le porteur peut être reconnu pour les mérites et l'ambition de son projet. La structure relais est reconnue pour avoir mis à sa disposition les ressources techniques et pédagogiques nécessaires pour qu'il puisse exploiter l'Internet. Les médiateurs de quartier, bénévoles dans la petite association sont les seuls à pouvoir revendiquer le mérite d'avoir joué ce rôle d'entremetteur entre porteur de projet et lieu ressource. Ils ont accompagné ce projet depuis son identification, sa naissance et sa croissance nourrie par les ressources du dispositif jusqu'à ce que son porteur devienne autonome dans son utilisation de l'Internet.

Dans la plupart des cas, c'est plus le rôle de l'accompagnateur que celui du gestionnaire de lieu ressources qu'il faudra valoriser pour rendre une collaboration possible car, par définition hors des structures professionnelles de l'animation, les associations d'habitants sont le plus en manque et en recherche de reconnaissance pour leur rôle d'écoute et leur capacité de présence. Cette reconnaissance ne leur parvient que rarement et en général directement par l'action de quelques médias attentifs à valoriser ce type de rôles que les collectivités locales qui voient d'un mauvais œil (et parfois avec raison) la valorisation de l'action de structures difficilement saisissables et qu'elles ne peuvent réellement contrôler.

Les projets à accompagner peuvent être de tous types : depuis les trois copains qui veulent faire partager leur passion pour le foot, jusqu'au chômeur qui veut créer un entreprise individuelle de services à domicile, en passant par le collégien qui veut écrire une partie de son rapport de stage chez un concessionnaire BMW avec des informations et des photographies trouvées sur Internet, ou les enfants du club photo à qui l'on propose d'ouvrir leur concours photo annuel à des concurrents francophones trouvés via le réseau, ou encore les jeunes filles qui animent une activité de soutien scolaire et ont envie de faire découvrir des CDROM éducatifs aux enfants qu'elles suivent régulièrement. Le porteur de projet est donc en général un individu particulier mais il peut aussi s'agir d'un groupe individu organisés ou non en association.

L'un des habitants est par exemple un jeune homme passionné par l'athlétisme, qui parle de participer à une course à pied de traversée du Sahara. L'un des bénévoles de la petite association a connaissance de ce projet potentiel. Il contacte le passionné d'athlétisme, lui explique l'intérêt que peut avoir celui-là à écrire son idée et la présenter sous la forme de pages web par exemple, lui suggère qu'il pourrait trouver par le biais de l'Internet d'autres personnes partageant la même passion que lui et pouvant éventuellement le conseiller sur l'élaboration d'un tel projet : comment trouver des partenaires, comment s'organiser, comment s'entraîner… Le bénévole de l'association accompagne donc le porteur de projet dans son apprentissage de l'Internet : il lui fait découvrir les services de formation et d'accès à l'Internet qui sont mis à sa disposition dans le lieu géré par la structure relais.

Celle-ci ne lui propose pas une " activité Internet " ni un " atelier Internet " mais des services à la carte. Elle s'efface devant le projet du porteur en lui offrant une prestation gratuite de formation et d'accès. La petite association de médiation assure donc quant à elle la naissance et le suivi du projet : elle conseille le porteur de projet sur la meilleure manière d'utiliser l'Internet pour faire avancer son projet, fait le point avec lui. Cette petite association organise également des ateliers de découverte de l'Internet avec les ressources qui sont mises à sa disposition par la structure d'accueil (équipement, connexion et formateurs) dans la mesure où l'objectif est que les participants repartent avec des pistes de projets à réaliser, en fonction de leurs goûts ou motivations propres, et non en fonction d'un thème pré-établi (aujourd'hui, atelier culturel " le sport sur l'Internet ") et dans la mesure où l'association qui organise cette animation s'engage à respecter les règles de bonne utilisation fixée par la structure d'accueil (respect du matériel, du lieu, des formateurs, etc.).

II.2.2 Les conditions du succès

L'évaluation du succès de ce dispositif est traduite par le nombre et la qualité des projets d'habitants qui auront exploité les possibilités offertes par les NTIC, aussi modestes soient-ils. Ce qui permet de réunir toutes les conditions du succès, c'est-à-dire les conditions d'appropriabilité de ce dispositif par les habitants, c'est la séparation entre d'une part le rôle de gestion de l'infrastructure d'accès et de prestations de services autour de cette infrastructure (formation, accueil de groupes constitués, etc.) et d'autre part le rôle d'accompagnement de projets d'habitants depuis leur phase d'identification jusqu'au moment où le porteur est suffisamment autonome pour être objectivement reconnu comme principal méritant des accomplissements de son projet. Ceci garantit la plus grande ouverture possible du lieu en le rendant appropriable par les habitants ayant des projets ou des préoccupations les plus diverses, et assure la prise en compte de la nécessité de partir des initiatives et de la créativité des habitants par un travail actif et spécifique d'écoute et d'accompagnement.

La gestion du lieu d'accueil et de ressources ne peut donc être en général confiée qu'à une structure professionnelle expérimentée en matière de gestion d'un cadre d'activité et d'animation. Cette structure aura comme objectif de rendre les technologies en question accessibles à tous en recherchant avant tout neutralité et ouverture dans son dispositif d'accueil. En matière d'Internet, elle devra tôt ou tard limiter ses prétentions en termes d' " animation Internet " ou " atelier multimédia " proposée aux habitants puisque ce type d'animation ne vise pas avant tout l'émergence et la valorisation des projets et initiatives des habitants mais plutôt l'organisation d'une activité occupationnelle à valeur supposée éducative et réduit donc par une action trop dirigée les conditions d'appropriabilité des NTIC (par rapport aux atouts d'une démarche d'accompagnement de la créativité et des initiatives de chacun).

L'accompagnement de projets ne peut donc en général être confiée qu'à des associations d'habitants bénévoles déjà engagés dans des actions de médiation et d'accompagnement de leurs voisins et organisés de manière indépendante du lieu ressources. Souvent, le schéma idéal est celui du groupe de " grands frères " qui s'est organisé pour que les plus petits puissent eux aussi " s'en sortir ". Il s'agit souvent d'une association plus ou moins informelle d'habitants autour de ceux d'entre eux qui sont reconnus pour la capacité d'écoute et de médiation que leur confère leur immersion permanente et de longue date dans la vie du quartier. Cette association a comme objectif, dans le cadre du dispositif Internet, de veiller à toute initiative portée par un habitant du quartier, de la repérer et de proposer à celui-ci de le mettre en relation avec les lieux et personnes ressources les plus à même de lui permettre de tirer parti des possibilités offertes par les NTIC pour faire avancer son projet.

II.3 ATOUTS POUR LE FONCTIONNEMENT D'UN LIEU RESSOURCE

II.3.1 L'accès à l'Internet

L'une des sources de coûts essentielle dans le fonctionnement d'un lieu ressource Internet est liée au mode de connexion à l'Internet, c'est-à-dire, le plus souvent, aux communications téléphoniques. En effet, c'est par le téléphone (ligne classique ou ligne de type Numéris) que l'on doit le plus souvent relier un petit groupes de micro-ordinateurs au réseau d'une société fournisseur d'accès à l'Internet. Toute utilisation de l'Internet suppose donc le paiement d'une communication téléphonique locale pour chaque ordinateur, ou pour plusieurs ordinateurs dans le cas du partage d'une seule ligne téléphonique par plusieurs micro-ordinateurs reliés entre eux par un réseau local. La tarification téléphonique en vigueur suppose donc pour un lieu devant être ouvert le plus largement possible un budget de communication pouvant aisément se chiffrer à plusieurs dizaines de milliers de francs, ce qui rend la création d'un tel lieu inconcevable pour nombre d'acteurs de quartier.

Une opportunité technologique permet de dépasser l'inconvénient du coûts des communications téléphoniques : les services d'accès à Internet par le câble. En effet, ces services exigent, lorsqu'ils sont disponibles, un paiement forfaitaire de quelques milliers de francs par an, pour une connexion permanente et illimitée à l'Internet. Or ces services ne sont disponibles que dans quelques villes de France, encore souvent de manière expérimentale, et ne sont à la portée des acteurs de quartier qu'à la condition que le quartier bénéficie d'une infrastructure câble en exploitation par un opérateur souhaitant proposer localement ce type de services. D'ici trois à cinq ans devraient également apparaître, tout au moins dans certaines villes, de nouvelles possibilités d'accès à l'Internet dans des conditions identiques (connexion permanente à débit élevé et pour une tarification forfaitaire modeste) : technologie ADSL, constellations satellitaires en orbite basse et accès par le réseau de distribution électrique. Mais il est à craindre que ces services ne soient en priorité offerts au zones d'habitat de population à revenus élevés.

Dans le cas où de tels services ne seraient pas disponibles, il serait souhaitable qu'une tarification téléphonique adaptée (voire une tarification permettant un paiement forfaitaire modeste) soit proposée à tout acteur associatif désirant ouvrir un lieu public et collectif d'accès à l'Internet. Cette tarification pourrait faire l'objet d'un accord entre l'Etat et un ou plusieurs opérateurs en télécommunications.

II.3.2 L'équipement matériel et logiciel

Sous environnement de marque Microsoft, l'équipement nécessaire pour accéder à l'Internet dans de bonnes conditions est un micro-ordinateur équipé d'un processeur de type Pentium (ou équivalent) et du système d'exploitation Windows 95. Or la licence Windows 95 ainsi que les licences des logiciels de bureautique pour environnement Microsoft (qui seront sans doute souhaitables dans un tel lieu), représentent pour chaque micro-ordinateur un investissement de quelques milliers de francs, soit presque le prix du matériel.

Or, dans le cadre du développement sur Internet de logiciels libres de tous droits, sont aujourd'hui disponibles des systèmes d'exploitations autres que Windows 95, conçus pour accéder aux services Internet. En particulier, le système Linux, est un système d'exploitation gratuit (de la famille des Unix tournant sur les stations de travail de la plupart des universités et organismes de recherche) aujourd'hui doté d'interfaces suffisamment conviviales pour une utilisation par un néophyte. Linux représente en outre l'avantage de pouvoir offrir des accès à tous les services de l'Internet sur des micro-ordinateurs de la génération précédant les Pentium, c'est-à-dire sur des ordinateurs dotés de processeurs de type 486 ou même, plus anciens, de type 386. Cette génération de micro-ordinateur est actuellement totalement dépassée sur le marché et donc disponible à très bas prix, puisque le marché est dominé par l'utilisation de systèmes Microsoft sur processeurs Pentium ou Pentium II. Linux permet donc de donner accès à l'Internet sur des machines ayant un coût quasi-nul, le prix de leur écran tout au plus (des micro-ordinateurs dont les sociétés et les administrations se débarrassent, ou disponibles sur le marché à partir de 1000 ou 2000 F).

Ce qui limite dans l'état actuel l'attrait de ce système d'exploitation, c'est l'importante maîtrise de l'informatique que nécessite son administration (c'est-à-dire l'installation de nouveaux logiciels, la configuration de la machine pour de nouveaux services ou la résolutions d'incidents techniques, etc.). Or quelques associations d'universitaires et d'enseignants ou élèves de grandes écoles d'ingénieur assurent actuellement la promotion du système Linux et se proposent d'assurer, à distance, l'administration de ces machines si elles sont mises à disposition de projets de quartier motivants. Un dispositif de collaboration avec de tels acteurs aurait de nombreux avantages : réduction substantiel des coûts d'investissement pour les associations, participation de celles-ci à la démarche de gratuité et de dons réciproques qui structure l'évolution de linux sur l'Internet et implication dans des projets de développement local de scientifiques de haut niveau, au titre d'un parrainage technologique de chaque association par un informaticien universitaire, par exemple. Cette solution participerait à l'ouverture des quartiers sur la société de l'information et de ses habitants sur la société tout court.

II.3.3 Essaimage de lieux d'accès et réseau local d'associations

Le lieu d'accueil et de ressource ainsi constitué devient l'équivalent de ce que l'on appelle, sur les campus universitaires, les CRI (Centre de Ressources Informatiques). Ce sont bien des centres, uniques pour chaque quartier, qui ont vocation de gérer les ressources informatiques en assurant un accès le plus large possible à la population d'usagers potentiels. Or, de même que sur un campus l'unicité du CRI va de paire avec l'ouverture de salles informatiques dans plusieurs bâtiments, il paraît souhaitable d'encourager l'essaimage de petits lieux d'accès collectifs d'accès à l'Internet, gérés en collaboration étroite avec le CRI, dans les différents locaux d'associations du quartier qui le désirent. L'objectif est encore de faciliter l'accessibilité aux ressources en les rapprochant des lieux d'activité ou de vie déjà appropriés par chacun et en diversifiant ceux-ci : on peut sans difficulté imaginer que le club d'accueil des jeunes en difficulté, dans un appartement au rez-de-chaussée de tel bâtiment, puisse souhaiter la mise en place en son sein d'un micro-ordinateur connecté, dans la mesure où il serait impossible d'encourager les jeunes qui pourraient en bénéficier d'aller découvrir et utiliser le multimédia dans les locaux d'une structure relais qu'ils ne fréquentent jamais et qui, souvent, ne le souhaite pas.

Dans ce cadre, le dispositif de tarification téléphonique trouve tout son bénéfice, et permet d'encourager la collaboration entre acteurs associatifs. L'organisation de cette collaboration, afin de garantir à chacun son indépendance et son autonomie vis-à-vis du dispositif général, prend alors la forme d'un réseau ouvert d'associations du quartier, partageant une même volonté de favoriser l'appropriation de l'Internet par tous, mais à chaque fois selon des modalités et des cadres d'action divers et non antagonistes.


Pour plus d'informations, contacter:
Jean Millerat ou l'association Siner'J

E-Mail - Jean Millerat: millerat@eclia5.ec-lille.fr



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Horizon Local 1997
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