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La location vente mutualiste à Madagascar


Depuis de nombreuses années, il n'existe plus à Madagascar de services bancaires opérationnels pour financer les moYens de production nécessaires à l'agriculture ou à l'élevage. De nombreuses raisons expliquent ce phénomène: les paysans ne peuvent que très difficilement accéder au système bancaire classique, la rentabilité de leurs activités reste aléatoire et les difficultés de recouvrement se sont accrues avec la détérioration du revenu des paysans. Enfin, les garanties foncières ou immobilières n'existent pas ou bien leur réalisation se heurte à des obstacles juridiques, culturels et socio-politiques.

Face à ce constat, des paysans et des techniciens engagés dans les mouvements d'organisation professionnelle agricole animés par l'association FERT à Madagascar, ont imaqiné, testé et mis au point une réponse adaptée: la Location Vente Mutualiste.

L'objectif est de faciliter le financement de matériels agricoles ou d'animaux nécessaires à la production dans le cadre d'associations paysannes qui se constituent proqressivement en organisations financières mutualistes afin-d'assurer la pérennité du système.

Principes de base

1) La location vente repose sur le principe fondamental que l'organisme financeur reste propriétaire du bien finance jusqu'à ce qu'il soit entièrement payé par le bénéficiaire. Celui-ci est considéré comme locatairejusqu'à ce que la somme des loyers versés atteigne valeur d'acquisition finale (valeur initial + intérêts + frais). Au lendamain du paiement du dernierloyer, le bénéficiaire devient propriétaire. En cas de défaillance de paiement d'un loyer, le prêteur peut reprendre immédiatement son bien ce qui évite la plupart des problèmes de contentieux.

2) Le caractère mutualiste de l'opération repose sur deux engagements :

- La Constitution de groupements d'agriculteurs qui seront les bases sociales d'une future organisation mutuelle. Les projets financés doivent être réfléchis, discutés et acceptés par le groupe qui apporte une garantie morale et financière au généficiaire. Le groupe s'engage à l'aider pour utiliser et entretenir au mieux les biens loués. Il exerce un contrôle pour que ces biens ne soient ni vendus ni détériorés et, en cas de'défaillance, le groupe doit acquitter la dette.

- La constitution d'un fonds mutuel qui permettra l'autofinancement progressif du sysème. Chaque bénéficiaire apporte sa contribution à la constitution de ce fonds, sous fome de "parts sociales" souscrites sur chaque contrat proportionnelement au montant de l'opération. dan un premier temps, le taux de souscription est de 5% puis il diminue jusqu'à 2%.

Cet enqaqement mutualiste se concrétise par l'adhésion du bénéficiaire à une Caisse d'Epargne et de Crédit Agricole Mutuel (CECAM).

Modalités pratiques

La demande est présentée par le groupe qui sélectionne des projets qu'il accepte de cautionner. Les demandes d'une même zone sont examinées par le comité de gestion de la CECAM, assisté d'un technicien et en présence de délégués de groupes. Les parts sociales sont versées à l'appui de la demande. La décision finale revient à l'institution-financière qui gère l'opération (progressivement les Unions Régionales de CECAM ou URCECAM).

L'achat : pour éviter tout litiqe sur la qualité des biens finances , le preneur est seul responsable de choisir le bien et de négocier sa valeur initiale. Ceci est particulièrement important pour les animaux, car l'organisme prêteur - quoique propriétaire - ne répond pas de l'état sanitaire des boeufs achetés qui sont choisis, appréciés et évalués par le preneur.

Le paiement : un premier loyer d'un montant de 25% de la valeur initiale est versé par le locataire, à titre d'autofinancement et en signe d'accepdtation du bien en l'état. Le financeur avance le solde, soit 75%. Le calendrier des loyers ultèrieurs est négocié avant l'achat et adapté à chaque cas. Les loyers peuvent varier dans leur montant et leur periodicité selon la valeur du matériel et les ressources du bénéficiaire. Actuellement, le taux d'intérêt annuel est de 30% ou 36%. L'échéancier est annexé au contrat.

Les litiges : en cas de retard dans le paiement d'un loyer, l'organisme financeur peut reprendre immédiatement possession du bien loué, sans autre formalité, puis rembourser au bénéficiaire le capital déjà payé en déduisant les frais de reprise et de dépréciation du matériel. Le prêteur peut alors vendre le matériel ou le louer à un autre bénéficiaire.

Un système durable et progressivement autonome

Sur plus de 1 600 échéances arrivées à terme, moins d'une trentaine d'incidents de paiement ont été enregistrés, tous réglés dans le mois suivant. La reprise du matériel ou la vente des boeufs est intervenue comme recours dans neuf cas et la caution solidaire du groupe dans les cinq cas seulement (décès de l'emprunteur, accident d'un boeuf). Au 31 décembre 1995, le taux de remboursement était de 99,8%, premier indicateur de viabilité.

Les intérêts payés par les paysans servent en premier lieu à couvrir le coût de la ressource qui est une ligne de crédit du FED (Fond Européen de développement) mise à la disposition du projet Maïs Moyen-Ouest (PPMO) et de la BTM (Banque Agricole Malgache) par le Ministère des Finances. Ils servent à constituer un fond mutuel régional dont la gestion est actuellement assurée par FERT. Ce fond devrait ultèrieurement servir de garantie pour assurer un certain nombre de risques (décès des emprunteurs, mortalité du bétail...) et pour assurer la pérennité du système de Location Vente Mutualiste.

Un accord entre le PMMO, la BTM et FERT prévoit que cette pérennité devrait être assurée par le transfert proqressif de la gestion de cette activité de Location Vente Mutuaiste aux CECAM. C'est dans cette perspective que les parts sociales souscrites par les bénéficiaires ont été transférées aux CECAM. Les résldtats nets dégagés sur les intérêts payés ont été capitalisés pour constituer les Fonds propres initiaux de l'Union Réqionale des CECAM (URCECAM). A l'avenir, celle-ci s'articulera directement aux agences de la BTM pour continuer à accéder à cette ligne de crédit concessionnel de l'Union Européenne.

L'URCECAM disposant à fin 95 de plus de 100 millions de FMG (Franc Malqache) de fonds propres est en effet désormais capable de répondre directement des risques. La marge financière réalisée sur l'activité lui permet en outre d'autofinancer les charges de fonctionnement liées à la distribution de ces crédits.

Sur la base d'une prévision d'effectifs en croissance annuelle dégressive de 50 % à 60 % et de montants d'acquisitions stables à une moyenne de 750 000 FMG par bénéficiaire, une projection montre que le système pourrait couvrir ses charqes d'explotations au terme de six ans, avec 2000 bénéficiaires et en admettant un risque d'impayés limité à 2 %. Sous les mêmes hypothèses, l'autofinancement global pourrait être atteint deux ans plus tard et le système disposerait alors d'environ 1,6 milliard de fonds propres.

Extensions en cours et perspectives

Cette expérience de Location Vente Mutualiste suscite un vif intérêt chez les paysans qui en ont pris connaissance. Son extension est déjà en cours dans la région du Vakinankaratra et de la Haute-Mania où l'association FIFATA l'expérimente depuis 1992, avec des fonds empruntés auprès de la BTM, de FERT et de la CFD (Caisse Française de Développement). 418 paysans membres de FIFATA et quelques groupes encadrés par l'ODR (Organisation de Développement Rural) en ont déjà bénéficié pour plus de 300 millions de FMG fin 94. Le service pourrait être ouvert aux éleveurs membres de ROVA (Ronova Vakinankaratra: éleveurs laitiers du Vakinankaratra) en 1996, grâce à un nouveau prêt de la CFD. En 1993, un test a été lancé dans la région de Befandrina-Nord et Mandristsara dans le cadre du projet PPI/ABM (petits périmètres irrigués de la région Antsohy - Bejaudriana - Mandritsara) avec le concours du FED.

La pérennité du service repose d'abord sur la maîtrise de la gestion qu'acquièrent progressivement les agriculteurs responsables des groupements ainsi que leurs techniciens, grâce à la formation qui leur est apportée dans l'action. La capitalisation des parts sociales et du résultat net dégagé sur les intérêts permet en outre de constituer des fonds propres que les paysans perçoivent clairement comme de l'argent qui leur appartient collectivement. Ceci accroit leur responsabilité dans la gestion du système et leur ouvre la voie d'une autonomie financière progressive. La mise en place de réseaux régionaux de CECAM capables de gérer durablement cette activité, garantira le développement de la Location Vente Mutualiste, en partenariat avec la BTM.

Projet soutenu par l'association FERT (source 1995)

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION: Guy Dupasquier (Président E.S.F)


ESF - , numéro 6, juin-juillet 1996

Pour plus d'informations, contacter:
Epargne Sans Frontière
32, rue Le Peletier - 75009 Paris
Tél : (33-1) 01 48 00 96 82 ; Fax : (33-1) 01 48 00 96 59


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