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Le suivi pédagogique par les arbres de connaissance

La scolarisation des enfants itinérants présente des contraintes particulièrement fortes : déplacements, changements d’écoles, ruptures de scolarisation

Par Christine SEGRETO


Sommaire

 

Chapitre 1 : Pratique professionnelle de l’outil de suivi

  1. Réflexion sur les outils du Ministère
  2. Le classeur d’évaluation

Chapitre 2 : L’arbre des connaissances comme outil d’évaluation dynamique – première expérimentation

  1. Le repérage des savoirs
  2. La construction de l’arbre
  3. Les échanges réciproques de savoirs
  4. Les brevets
  5. Le marché des connaissances

Chapitre 3 : L’arbre des connaissances comme outil d’évaluation formative – deuxième expérimentation

  1. Un outil collectif pour la motivation
  2. Un outil individuel pour l’autonomie

Chapitre 4 : L’arbre des connaissances comme outil de régulation des apprentissages – expériences métacognitives

  1. La conscience et le langage
  2. L’interaction langagière
  3. A propos des activités métacognitives

Chapitre 5 : L’arbre des connaissances comme outil de suivi pédagogique des enfants itinérants

  1. La scolarisation des enfants itinérants
  2. Scénario
  3. Les effets

 


PRATIQUE PROFESSIONNELLE DE L’OUTIL DE SUIVI

 

 

 

  1. Réflexion sur les outils de suivi du Ministère

Pour assurer le suivi pédagogique des élèves, le Ministère de l’Education Nationale propose des livrets scolaires.

Voici le texte de leur notice d’utilisation :

" C’est un instrument de suivi pédagogique de l’élève et un instrument de liaison avec la famille … Il sera transmis de classe en classe et de cycle en cycle afin que l’enseignant puisse avoir une image globale de l’enfant, à tout moment de sa scolarité… Il est souhaitable, autant que possible, que l’élève soit associé à l’évaluation de ses compétences, en particulier au cycle 3 ".

Cet outil ne me paraissait pas adapté pour assurer les deux fonctions de suivi pédagogique et de liaison :

En effet, comment l’enseignant doit-il s’y prendre pour remplir les rubriques suivantes :

Si, effectivement, ces compétences doivent être évaluées, quel message faisons-nous passer aux parents lorsque nous leur disons que leur enfant : " établit des relations sensorielles et affectives avec la matière ", quel message faisons-nous passer à l’enseignant suivant, lorsque nous lui disons que la compétence : " reproduit et agence des éléments avec la langue parlée " est une compétence à renforcer !

Quant à l’élève, comment l’associer à l’évaluation de ces compétences !

Pour ce qui est de l’image globale de l’enfant à tout moment de sa scolarité (ce qui est le problème pour les enfants itinérants), quelle image le livret peut-il donner de ses compétences ? Lorsque les cases ne sont pas remplies, les compétences ont-elles été abordées ? Lorsque les cases sont remplies, les compétences ont-elles été évaluées récemment ?

A ce propos, j’ai eu l’occasion de participer à l’expérimentation d’un outil de suivi pour des enfants itinérants, dirigée par M. DERYCKE, directeur du département Sciences de l’Education de l’Université Jean Monnet à Saint-Etienne.

Cette expérimentation consistait :

Les résultats de cette expérimentation, présentés dans la revue " Mesure et évaluation en éducation ", montrent que souvent, il y a eu discordance entre le niveau imaginé par l’enseignant et le niveau réel de l’élève.

Il semble donc que les livrets ne soient pas en mesure d’assurer les liaisons école - famille – enseignant actuel – enseignants futurs, ni de mettre l’élève au centre du dispositif, ce qui était ma préoccupation.

En effet, tant que l’élève n'est pas acteur de son évaluation, on prend le risque de ne compter que sur l’outil pour donner une image de ses compétences.

Un outil pour visualiser rapidement les compétences acquises ou à acquérir, un outil personnel sous forme de contrat entre le maître actuel et le maître suivant, lisible par les parents, pour que l’enfant puisse se projeter dans l’avenir proche et anticiper sur son parcours scolaire, semblerait plus efficace. Bref, un outil pour diriger ses études et devenir acteur de ses apprentissages.

  1. Un outil pour la classe : le classeur d’évaluation

Ne voulant pas utiliser les livrets du Ministère, j’ai essayé de mettre en place un nouveau dispositif. Dans un classeur sont recensées toutes les compétences de fin de cycle, domaine par domaine, ainsi que tous les documents qui ont été proposés à l’enfant pour évaluer ses compétences. Les parents sont donc en mesure de comprendre ce que je veux dire lorsque je dis que tel élève a acquis telle compétence, puisque la fiche d’activité se rapportant à cette compétence est dans le classeur.

Les élèves sont complètement associés à l’évaluation de leurs compétences puisque ce sont eux qui cochent les compétences acquises, après discussion sur la réussite ou non de la fiche d’activité.

Mon objectif d’une meilleure lisibilité était atteint : le classeur permettait bien aux parents de mieux comprendre le travail de leurs enfants, et aux enfants de parler sur leur travail. Pourtant, l’outil restait insatisfaisant pour plusieurs raisons :

Cet effort pour une meilleure communication du travail des enfants est rapidement devenu laborieux : je passais beaucoup de temps à évaluer les élèves, ce qui convenait fort bien à leurs parents d’ailleurs (les enfants n’ayant pas eu d’outil de suivi auparavant), mais qui devenait assez fastidieux pour les élèves et pour moi. Quant à la remédiation, elle était matériellement impossible. Au terme de chaque période, après l’apprentissage, il me prenait une frénésie d’évaluation : " il fallait que les élèves se rendent compte de tout ce qu’ils avaient appris, ils fallaient que leurs parents s’en rendent compte aussi, et il fallait que je sache ce qui était acquis ou non ". Toute une batterie de fiches étaient alors proposées.

Ensuite, deux cas de figures :

La seule condition pour que l’évaluation soit pertinente, c’est qu’elle soit elle-même apprentissage.

C’est une activité qui doit s’exercer tout d’abord au profit de ceux sur qui elle s’exerce.

Evaluer, c’est plutôt se faire interprète, en traduisant correctement la réalité à l’évalué, pour lui permettre de construire du sens. Le discours utile sera non seulement celui qui informe l’évalué, mais aussi celui qui donne du sens à la situation sur laquelle on l’informe. On ne se prononce plus de la même façon sur la réalité, il n’y a plus de modèle idéal, mais plutôt un modèle d’intelligibilité, ce qui implique que l’évaluation est toujours inachevée et que l’interprétation doit être mise au service du changement.

Comme le dit M. JUFFE dans son article : " Le bon évaluateur est celui qu’on perd ".

"  La compétence d’un évaluateur n’implique pas la possession pointue d’un métier, ni d’un savoir-faire particulier. Elle relève de la compréhension d’un processus " (p.115).

J’en étais là de mes activités d’évaluation, lorsque j’ai eu l’occasion de lire le livre de M.AUTHIER et P.LEVY : " Les arbres de connaissance ", et je décidais de m’inspirer du logiciel GINGO (présenté en annexe), pour mettre en place un nouveau dispositif d’évaluation.

L’ARBRE DES CONNAISSANCES COMME OUTIL D’EVALUATION DYNAMIQUE

première expérimentation

 

 

 

" Les arbres de connaissances sont par nature des dispositifs d’évaluation en temps réel " (M.AUTHIER et P.LEVY, p.130).

  1. Le repérage des connaissances
  2. Un premier repérage a été effectué sur un groupe d’une quinzaine d’enfants du cycle deux . Voici la question qui leur a été posée : " Faites la liste de ce que vous savez ou de ce que vous savez faire, et nous construirons un arbre de toutes les connaissances des élèves du cycle 2 ".

    Dans un premier temps, les enfants ont donc fait l’inventaire des savoirs qu’ils désiraient faire reconnaître. Nous avons installé dans la classe une boîte des savoirs où les enfants pouvaient, à tout moment, écrire sur un papier le (ou les) savoir (s) qu’ils désiraient faire reconnaître. Ces savoirs se présentaient en général sous la forme suivante : " je sais tourner en patins à roulettes, je sais ramasser les champignons, je sais passer les vitesses sur mon V.T.T. … "

  3. La construction de l’arbre

Chaque savoir était recopié sur une étiquette de couleur :

Chaque étiquette était disposée dans l’arbre :

Sur chaque étiquette, un icône représentait le savoir concerné, ceci pour les enfants non lecteurs.

Ce système essayait de reproduire l’image du logiciel des arbres de connaissances : Gingo.

  • la mobilisation des enfants

Immédiatement, nous avons pu constater la mobilisation des enfants pour faire reconnaître leurs savoirs. La consigne : " dites-nous ce que vous savez ", était nettement plus motivante que les habituelles évaluations du type : " je vais maintenant voir si vous savez ce que je vous ai appris, ou plutôt ce que vous ne savez pas ". Les enfants prenaient conscience qu’ils savaient beaucoup de choses, la boîte des savoirs se remplissait.

  • la question des savoirs

Mais de quels savoirs se remplissait-elle ?

En majorité, pour ne pas dire en totalité, par des savoirs non scolaires : compétences sportives pour beaucoup, compétences culinaires, manuelles, bref, des " savoirs de vie ". Et malgré nos encouragements pour les savoirs scolaires, leur proportion restait minime.

Que faire de tous ces savoirs de vie à l’école ? Nous commencions à douter de notre projet, alors que les enfants s’y étaient engagés, et bien engagés. Si nous savions qu’il ne faudrait pas en rester là, nous sentions que ce point de départ était intéressant.

  • la place des savoirs dans l’arbre

Autre difficulté : comment placer les étiquettes-savoirs dans les branches de l’arbre ?

Le premier critère d’ordre chronologique fonctionnait, par contre le deuxième nous menait dans une impasse.

  • la visualisation des savoirs

Hormis le fait que les enfants étaient valorisés par l’exposition de l’ensemble de leurs savoirs aux yeux de tous, cette visualisation a rapidement ouvert la voie vers les apprentissages : en regardant l’arbre, on a forcément envie d’apprendre quelque chose, on sait ce qui est disponible et tout devient accessible.

Il est plus facile d’apprendre simplement parce que l’accès au savoir est matériellement plus facile.

Autre avantage (et pas des moindres !), la visualisation des savoirs favorise les échanges : on sait immédiatement à qui l’on peut s’adresser si l’on veut apprendre à pêcher, à ramasser les champignons ou à sauter du trampoline, et ça devient même particulièrement intéressant lorsqu’on s’aperçoit qu’il n’y a pas toujours besoin de passer par les enseignants : on peut se donner rendez-vous le mercredi à l’étang pour apprendre à pêcher !

Quant à nous, les enseignants, nous ne pouvions que constater les effets bénéfiques de cette nouvelle indépendance des élèves vis-à-vis de nous.. Cette distance que l’arbre a installé entre les élèves et nous, leur a permis une activité individuelle et cognitive accrue, très nette pour les élèves en difficulté : elle leur a permis de reprendre la maîtrise de leurs apprentissages.

Cette distance a été un peu déconcertante pour nous dans un premier temps. Nous sentions bien que l’outil avait transformé notre rôle d’évaluateur.

 

 

 

  1. Les échanges réciproques de savoirs
  2. Nous décidons de formaliser ces échanges de savoirs en organisant une séance où les enfants devaient rédiger une offre de savoir et une demande de savoir chacun. Ceci est inspiré d’une pratique des Mouvements des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (M.R.E.R.S.) .

    Après avoir recueilli les offres et les demandes, nous les avons rapprochées lorsqu’elle concernaient le même savoir, et nous avons proposé une médiation pour aider les enfants à préciser leur savoir.

    Un enfant voulait apprendre à faire de la poterie, et un autre offrait de la poterie.

    La médiation a consisté à poser des questions à chacun pour savoir s’ils pouvaient s’entendre : " qu’est-ce que tu veux apprendre exactement ? et toi, qu’est-ce que tu sais faire et que tu peux lui transmettre ? "

    Ce travail de réflexion sur ce que l’on sait nous a aidé à comprendre notre nouveau rôle d’évaluateur, non plus comme des contrôleurs mais comme des interprètes, soucieux de dégager la signification des choses.

  3. Les brevets
  4. Les brevets sont des signes élémentaires de reconnaissance de savoir qui sont attribués aux individus après passation d’une épreuve.

    Nous décidons donc, qu’avant tout échange de savoir, il faudra que les enfants déposent un brevet, dans lequel ils préciseront ce qu’ils savent exactement, comment ils vont s’y prendre pour le transmettre, et quelle épreuve permettra de dire qu’un autre enfant a obtenu ce brevet.

    Pendant toute le période qui suit, les enfants travailleront sur le dépôt de leurs brevets.

    La consigne, pour chaque déposant, sera la suivante :

    "  déterminez dans quel domaine se situe le savoir, décrivez le savoir, et imaginez une épreuve que vous ferez passer à quelqu’un qui veut obtenir ce savoir ".

    Cette phase de l’expérimentation a été, de loin, la plus difficile, mais aussi la plus riche.

    ° Première difficulté : donner un titre au savoir. Certains élèves avaient du mal à donner un titre clair.

    ° Deuxième difficulté : déterminer le domaine d’activité de ce savoir. Ensemble, nous avions déterminé quelques domaines tels que : lecture, écriture, sport, bricolage, nature… Nous nous sommes aperçus que certains enfants avaient beaucoup de mal à situer leur savoir dans un domaine.

    ° Troisième difficulté : décrire son savoir. " Quand tu dis que tu sais faire du patin à roulettes, qu’est-ce que tu sais faire exactement ? " , " ben, j’sais faire du patin à roulettes ! ".

    Il fallait vraiment pousser les enfants à décomposer leur savoir, et à réfléchir aux différents actes à maîtriser pour faire du patin à roulettes.

     

     

  5. Le marché des connaissances

Et si on organisait un marché où chacun pourrait " vendre " son savoir, et où chacun pourrait " acheter " du savoir ?

Un premier marché a été organisé, avec une dizaine de stands. Tous les savoirs proposés étaient affichés, ainsi que le lieu et le nom de l’enfant responsable.

  • la mobilisation des enfants

A ce moment-là, nous avons pu confirmer l’extraordinaire mobilisation des enfants. Tous ont été en activité pendant le marché, en activité intellectuelle.

  • la validation du savoir

Nous nous posions des questions quant à la validation des savoirs échangés : fallait-il continuer à laisser les enfants s’auto-proclamer détenteurs de tels ou tels savoirs, sachant que c’était un des facteurs de leur mobilisation ?

  • la transmission des savoirs

Elle n’a pas toujours été facile. Certains enfants ont été en difficulté pour transmettre leur savoir : ils se contentaient de montrer un résultat plutôt que d’expliquer un processus.. Par exemple, un enfant qui apprenait à un autre à traverser une passerelle avec les bras, s'est contenté de lui montrer comment il faisait lui, sans pouvoir donner d’autres explications. Si bien que l’enfant apprenant n’a pas réussi, de plus, il avait les mains abîmées à force d’essayer !

Les enfants ont donc pris conscience, après ce marché, que sans véritable travail sur son savoir (qu’est-ce que je sais faire exactement ? comment je m’y prends pour le faire ? comment je fais pour réussir ?), la transmission serait difficile.

  • la nature des savoirs

Quant à la nature des savoirs, entre savoirs scolaires et savoirs non scolaires, savoirs et savoir-faire, ou " savoirs de vie ", J.TARDIF explique qu’on peut affirmer sans se tromper que beaucoup d’enseignants méprisent les savoir-faire : " Ces gens dénigrent tout particulièrement les situations authentiques d’apprentissage, ces situations qui reproduisent fidèlement les phénomènes que les élèves rencontrent en dehors des murs de l’école, dans leur vie familiale et sociale. Les écoles sont en effet des lieux clos et bien isolés et il n'est pas étonnant que beaucoup d’élèves perçoivent qu’il s’agit d’un milieu qui leur est étranger. Il n’est pas surprenant non plus que l’absence de transfert des connaissances soit une marque dramatiquement distinctive de l’école " (p.89).

La thèse de J.TARDIF est que " l’école doit avant tout être un lieu où les élèves se retrouvent dans un rapport d’apprenti avec un maître, dans un contexte où les savoir-faire ont préséance sur les savoirs. Ce maître assume la responsabilité de les guider vers le plus haut degré d’expertise cognitive qu’il soit possible d’atteindre. Il estime que le réel en dehors de l’école contient une grande diversité de situations qui peuvent servir à l’apprentissage et il agit constamment en médiateur entre la connaissance et ses élèves. Il conçoit aussi que ces derniers doivent se situer au regard de leur parcours en apprentissage et, surtout, être conscients de leurs métamorphoses cognitives et socio-affective ".

La question était toujours posée entre savoirs et savoir-faire, mais nous avions fait un constat : ce sont les savoir-faire, contextualisés par essence, qui motivent les élèves dans un premier temps.

Il faut alors considérer le savoir plutôt comme un processus que comme un produit, et le rôle de l’enseignant est d’accompagner l’enfant dans ce va-et-vient entre des savoirs contextualisés et des savoirs décontextualisés.

 

L’ARBRE DES CONNAISSANCES COMME OUTIL

D’ EVALUATION FORMATIVE

deuxième expérimentation

 

 

 

L’évaluation formative se situe au cœur de l’action de formation. Une évaluation formative comme " utopie porteuse " selon le terme de HADJI . C’est à la fois utopique, puisqu’on n'est jamais certain de faire de l’évaluation formative, à la fois légitime de vouloir le faire, puisqu’on ne peut finalement demander autre chose à une évaluation que d’aider les élèves à apprendre, c’est-à-dire à construire leurs savoirs et leurs compétences.

L’évaluation a donc bien à voir avec la notion de rapport au savoir. Le rapport au savoir est défini par B.CHARLOT comme " une relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou les produits du savoir " (p.29).

Rapport à des processus, c’est-à-dire à l’acte d’apprendre, et à des produits, c’est-à-dire aux savoirs.

Deux hypothèses concernant le rapport au savoir

 

1ére hypothèse : une relation semble pouvoir être établie entre l’identification des contenus de savoir par l’élève et sa mise en activité.

Les travaux de B.CHARLOT ont montré que les enfants avaient un rapport au savoir différent suivant qu’ils considéraient l’école comme lieu de mobilisation personnelle (où l’on travaille pour apprendre), ou comme un lieu d’imprégnation (où il se passe des choses, où il faut aller et où il faut obéir). Il faut donc trouver un moyen pour éviter que les élèves considèrent l’école comme lieu d’imprégnation, et puissent se mettre en activité.

Un outil qui permettrait de visualiser les contenus de savoir serait une motivation pour ces élèves.

  1. Un arbre des connaissances : outil collectif pour la motivation
  2. La première expérience des arbres de connaissances avait fait ses preuves quant à la motivation des élèves, par la simple visualisation de l’ensemble des savoirs de la communauté. Et pour tenter de résoudre les problèmes liés à la reconnaissance des savoirs non scolaires, je proposais un nouveau dispositif : des branches d’arbre piquées dans un pot, sur lesquelles on accroche des étiquettes représentant les compétences abordées en classe (compétences issues des Instructions Officielles). Ces étiquettes-compétences forment les feuilles de l’arbre, et au fur et à mesure que nous avançons dans l’année scolaire, les feuilles de l’arbre poussent, il y en a de plus en plus. Chaque étiquette comporte le nom d’une compétence (exemple : se situer dans l’espace), auquel est associé un dessin représentant cette compétence.

    Cette seule visualisation des compétences provoque une intention d’apprendre, et c’est cette intention d’apprendre qui transforme le rapport au savoir des élèves en difficulté scolaire, et les conduit vers les apprentissages.

    2ème hypothèse : la présence de l’enseignant est indispensable, mais trop de dépendance empêche toute activité individuelle et cognitive.

  3. Le dossier de suivi : outil individuel pour l’autonomie

C’est un dossier que l’élève se constitue au fur et à mesure, en lien avec l’arbre de connaissances : chaque fois que l’élève acquiert une compétence visualisée dans l’arbre, la trace de cette acquisition est rangée dans un dossier, qui montre tout ce qu’il sait faire. Ce dossier sera ensuite un support pour l’élève, pour argumenter sur son travail : " voilà ce que je sais déjà faire, voilà ce que je ne réussis pas encore à faire, voilà ce que les autres enfants de la classe savent faire… "

L’association de ces deux outils a l’avantage d’offrir à la fois un repère collectif : une mémoire collective des compétences travaillées dans le groupe (l’arbre de nos connaissances), et un repère individuel qui donne l’image de ce que l’élève a déjà acquis, et surtout de ce qu’il lui reste à acquérir (la différence entre les compétences de l’arbre des connaissances et celles du dossier de suivi).

Je voudrais souligner l’aspect collectif de la réflexion autour de l’arbre des connaissances : cette mise en commun de ce que l’on sait, de ce que l’on va apprendre, de ce qui nous reste à apprendre, est essentielle dans la motivation des élèves. Ils ont aimé parler ensemble de leurs savoirs, ils avaient l’impression d’appartenir à une communauté. Et ce sentiment nouveau d’échange et de coopération dans la construction des savoirs a créé une véritable dynamique.

" Le sens se construit autour de la discussion, dans la façon de négocier en tenant compte d’autrui " (P.PERRENOUD, p.116) .

A l’usage, j’ai pu constater que cette motivation était au rendez-vous chaque fois que nous nous occupions de l’arbre ou du dossier de suivi. J’avais même relevé certaines réflexions des élèves lorsqu’ils passaient à côté de l’arbre, montrant cette motivation importante : " moi, je n’ai pas encore cette compétence " ou " maintenant, je sais faire ça ". Il y avait là une réelle appropriation des outils par les enfants.

Jacques TARDIF , s’appuyant sur des modèles relatifs à la motivation scolaire, issus de la psychologie cognitive, affirme :

Une autre attitude des élèves montrait qu’ils commençaient à être autonomes face à leurs apprentissages : ils étaient très attentifs à la validité des informations contenues dans le dossier de suivi. En effet, rapidement, des enfants m’ont demandé à être réévalué sur telle ou telle compétence, parce qu’ils pensaient l’avoir acquise maintenant. Il a donc fallu organiser des temps pour actualiser le dossier de suivi : " quels sont les élèves qui veulent réessayer cette compétence ? "

Il semble qu’à ce moment-là, ce soit bien l’outil d’évaluation lui-même qui provoque une envie d’apprendre, et c’est aussi lui qui permet à l’élève une certaine indépendance vis-à-vis de l’enseignant.

L’association entre un évaluateur qui cherche plutôt à faire émerger le sens, et un outil qui permet une mise en activité des élèves, peut alors assurer efficacement certaines fonctions d’étayage définies par BRUNER dans le rôle d’interaction de tutelle :

" La première tâche évident du tuteur est d’engager l’intérêt et l’adhésion du " chercheur " envers les exigences de la tâche (p.277).

C’est ce que fait l’arbre des connaissances lorsqu’il permet la visualisation de l’ensemble des compétences.

" Les débutants s’attardent et rétrogradent vers d’autres buts, étant donné les limites de leurs intérêts et de leurs capacités. Le tuteur a pour charge de les maintenir à la poursuite d’un objectif défini (p.277).

C’est aussi ce que fait l’arbre des connaissances lorsqu’il représente la mémoire collective, l’ensemble des compétences travaillées est visible en permanence dans la classe.

" Un tuteur signale ou souligne par de multiples moyens les caractéristiques de la tâche qui sont pertinentes pour son exécution " (p.277).

Au cours de ces moments d’évaluation spécifiques réclamés par les élèves, j’ai commencé à me rendre compte de l’importance de la négociation engagée lorsque nous devions décider, l’élève et moi, si telle ou telle compétence était acquise ou non. En fait, c’était le moment le plus important, lorsque l’élève a la possibilité de donner son avis sur ses compétences : " est-ce que tu penses que tu as réussi ? pourquoi tu dis que tu as réussi ? pourquoi, à ton avis, moi je pense que tu n’as pas réussi ? qu’est-ce qu’il faudrait que tu fasses pour réussir ? " C’est ce travail qui permettait à l’élève d’avoir des informations sur l’écart entre ce qu’il avait produit et ce qui était considéré comme correct.

" Il devrait y avoir une maxime du genre " la résolution de problèmes devrait être moins périlleuse ou éprouvante avec un tuteur que sans lui " ; que ce soit obtenu " en sauvant la face " pour les erreurs commises ou en exploitant " le souhait de faire plaisir " de celui qui apprend ou en utilisant d’autres moyens n’a qu’une importance mineure. Le risque majeur est de créer une trop grande dépendance à l’égard du tuteur " (p.278).

Ici, le tuteur-outil permet à la fois le côté moins périlleux, puisque la visualisation des compétences garantit une transparence des intentions de l’évaluateur, mais aussi le côté moins dépendant, puisque l’atout essentiel de l’outil est d’atténuer cette dépendance de l’élève vis-à-vis du tuteur humain.

De plus, la pratique de ces évaluations diagnostiques régulières m’a permis, de fait, une remédiation : on peut former des groupes d’élèves en fonction des compétences acquises ou non, et surtout, ces groupes sont formés par les élèves eux-mêmes, désireux d’acquérir de nouvelles compétences.

En conclusion, on voit bien comment un tel dispositif d’évaluation formative, parce qu’il est un bon moyen de communication entre l’enseignant et l’élève, parce qu’il peut modifier le rapport au savoir des élèves en difficulté en identifiant le contenu des savoirs, et enfin parce qu’il peut motiver les élèves et les rendre plus autonomes, peut assurer la cohérence des activités pédagogiques.

 

 

L’ARBRE DES CONNAISSANCES COMME OUTIL DE

REGULATION DES APPRENTISSAGES

expériences métacognitives

 

Des recherches effectuées sur des élèves en échec constatent que l’inefficacité de ces élèves est à mettre au compte d’une déficience de type plus métacognitif que cognitif. Ils ont des connaissances et des compétences, mais ne savent pas les utiliser ni les transférer. Cette inefficacité est d’abord attribuée au fait qu’ils ne savent pas ce qu’ils savent (A.M.DOLY, p.18) .

Les outils dont nous avons parlé ci-dessus ont permis d’assurer une médiation entre les différents acteurs de l’activité pédagogique. Cette médiation est essentielle car elle permettra de remédier aux besoins qu’elle a elle-même détectés, c’est-à-dire de pratiquer une différenciation pédagogique. Et cette différenciation permettra à chacun de prendre le temps de la réflexion à propos de ses apprentissages : c’est-à-dire la pratique de la métacognition.

Nous avons vu que pour apprendre, il faut avoir envie d’apprendre (motivation), mais cela ne suffit pas, il faut aussi apprendre comment on fait pour apprendre (métacognition), et cela, ça s’apprend avec un médiateur, par la verbalisation.

  1. La conscience et le langage

" Bien que les adultes assistent l’apprentissage des enfants de façon systématique, les enfants doivent pouvoir s’aider eux-mêmes et pour ce faire, doivent prendre conscience de leurs propres activités… Les systèmes de signes disponibles pour l’enfant, et en particulier le langage, sont essentiels pour la prise de conscience… En conséquence, l’enfant dépend d’abord de la conscience d’autrui jusqu’à ce qu’il devienne capable de se représenter ses propres actions à l’aide d’un système de signes " (BRUNER, p.283) .

Le langage est essentiel pour la prise de conscience : pour BRUNER, être conscient, c’est tout d’abord être social, et le développement de la conscience chez l’enfant nécessite de ce point de vue sa participation dans des interactions avec les autres.

Le langage est considéré comme une sorte d’outil, un outil qui entre dans la constitution même de la pensée et des interactions sociales.

On peut particulièrement attirer l’attention sur l’importance de cette prise de conscience par l’enfant itinérant de ses propres activités. Chaque passage dans une école doit lui apporter de nouvelles acquisitions, ces acquisitions doivent être conscientes et donc " parlées ".

Comme le dit VYGOTSKY : " Bien que l’emploi d’outils par les enfants pendant la période prélinguistique soit comparable à celui des singes, dès que la parole et l’emploi des signes sont incorporés dans toute action, elle en est transformée et suit des principes entièrement différents " (VYGOTSKY, p.285).

Lorsque l’enfant dispose de cet outil qu’est le langage, il est muni d’un système qui lui permet de prendre de la distance vis-à-vis de ses actes : c’est la forme de la conscience qu’on appelle " la réflexion " depuis Platon.

2. L’interaction langagière de tutelle

Le langage est donc un outil privilégié par le fait qu’il permet non seulement la prise de conscience, mais aussi la communication et les relations sociales : en effet, c’est bien cette médiation langagière entre l’adulte et l’élève, ou entre les élèves eux-mêmes qui aide à opérer un retour réflexif sur ses apprentissages.

Cette interaction langagière, lorsque l’enfant verbalise ses manières de faire, de penser et d’apprendre offre un double intérêt :

J’insiste ici sur ce deuxième point qui concerne l’aide aux enseignants. En effet, on peut penser que cette activité de verbalisation par l’enfant de ses propres activités demande du temps, c’est vrai, mais à la fois, elle est une précieuse aide pour l ‘enseignant dans la préparation de son travail.

Ce travail de va-et-vient systématique entre les savoirs et les processus mis en œuvre pour leurs apprentissages, c’est la métacognition.

  1. A propos des activités qu’on appelle métacognitives

Les définitions de la psychologie :

" La métacognition recouvre un corps de connaissances et de modes de compréhension qui portent sur la cognition elle-même. La métacognition est cette activités mentale pour laquelle les autres états ou processus mentaux deviennent des objets de réflexion " (YUSSEN, 1985, in A.M.DOLY, p.20).

" La métacognition se réfère aux connaissances du sujet sur ses propres processus et produits cognitifs (…). Elle renvoie aussi au contrôle actif, à la régulation et à l’orchestration de ces processus " (FLAVELL, 1976, in A.M.DOLY, p.20).

Il y a donc deux pôles à la métacognition :

. soit sur des " produits cognitifs " (savoir ce que je sais)

. soit sur des " processus cognitifs " (savoir comment je fais).

Ces processus sont :

. les opérations d’anticipation : la planification (prévisions d’étapes, choix de stratégies par rapport au but), la prévision (engager les résultats de son action).

. les opérations d’évaluation – régulation : le guidage qui consiste à surveiller que l’on est bien en train d’aller au but, à évaluer l’écart au but, à repérer ses erreurs et à réguler quand c’est nécessaire, à garder le cap.

. les opérations d’évaluation terminale des résultats obtenus en fonction du but visé (éventuellement défini par des critères d’évaluation).

En conclusion, les expériences métacognitives seront autant de prises de conscience du sujet sur le déroulement de son activité. Elles seront aussi un moyen de se guider seul et d’être plus autonome dans la gestion de ses tâches et apprentissages.

 

 

QUELQUES EXEMPLES D’ACTIVITES METACOGNITIVES

  1. Situations où l’élève est amené à la construction de la notion de " discipline "
  2. Chaque jour, les élèves rangent leurs traces écrites dans une boîte à archives. Régulièrement, ils sont amenés à trier les travaux écrits de leur boîte d’archives pour les ranger dans un classeur qui comporte les séparations suivantes : lire/écrire, compter, se repérer dans l’espace. Ils se posent la question : " à quoi m’a servi cette fiche ? à apprendre à lire, à écrire, à me repérer dans l’espace ? ". Les enfants se posent une première question, par exemple pour trier tous les travaux qui ont aidé à apprendre à lire et font deux tas sur la table : les travaux qui ont servi à apprendre à lire, et le reste.

    Un autre jour, on recherche ce qui a servi à apprendre à compter, et ainsi de suite…

    Ce qui est important ici, c’est la façon dont les élèves vont déterminer leurs critères de tri : " ça m’a servi à apprendre à compter parce qu’il y a des chiffres sur cette fiche, ça m’a servi à apprendre à écrire parce que j’ai écrit… ", puis comment ils vont petit à petit comprendre l’aspect transitoire de ces critères : en effet, certaines fiches peuvent servir à la fois à lire et à écrire, ce n'est pas parce qu’il y a des chiffres sur la fiche qu’elle nous a appris à compter (exemple de la fiche où l’on s’entraîne à écrire les chiffres).

    Il est aussi intéressant de noter que lorsque j’ai commencé cette activité de tri, certaines fiches n’ont pas trouvé de place, les enfants disant : " ça, ça sert à rien ". Et de m’apercevoir qu’ils n’avaient pas toujours tort ! Cette activité me paraît donc extrêmement utile pour les élèves, mais, conséquence inattendue, aussi pour moi, puisqu’elle m’amène lors de la préparation de la classe, à me poser maintenant la question : " est-ce que les enfants vont comprendre à quoi cela va leur servir ? "

  3. Situations où l’élève est amené à s’exercer à l’évaluation de ses compétences.

" Le très faible degré de certitude que les élèves attribuent à leurs connaissances est une lacune observée en apprentissage. Les connaissances construites en classe sont tellement fragiles que, souvent, par une simple question posée à l’élève, un enseignant peut le conduire à changer d’idée à l’égard d’une situation ou d’une problématique donnée. Les écoles actuelles conduisent les élèves à ne pas savoir ce qu’ils savent et, pire encore, à ne pas savoir ce qu’ils ne savent pas. Les élèves ne sont pas conscients des connaissances qu’ils ont intégrées en mémoire, et ils ignorent le degré d’exactitude de ces connaissances. Sur le plan cognitif, il est difficile d’imaginer comment un individu peut se comporter avec un tel degré d’incertitude par rapport à ses propres connaissances et, sur le plan de l’engagement affectif, il est aussi difficile de se représenter comment il peut être en contrôle vis-à-vis des tâches qu’il doit réaliser. Cette lacune conduit entre autre à la conclusion que des enseignants n’interviennent pas suffisamment sur le développement de la métacognition chez leurs élèves " (TARDIF,p.90) .

Les activités mises en place dans la classe consistent à travailler avec les élèves sur ce qu’ils savent :

  1. Des situations où l’élève est amené à anticiper la tâche
  2. Lorsque les élèves se trouvent devant une situation problème, je leur demande de différencier les trois temps suivants :

    . la consigne (qu’est-ce que je dois faire ?)

    . " dans ma tête " (comment je vais m’y prendre ?)

    . la tâche elle-même.

    Un aide-mémoire symbolisant ces trois temps est affiché dans la classe.

    Je peux aussi leur demander s’ils pensent réussir cette tâche ou non. Dans ce cas, il est intéressant de noter les jugements (optimistes ou pessimistes) des élèves avant l’exécution de la tâche, puis de chercher à expliquer pourquoi (si c’est le cas), le jugement est différent.

  3. Des situations où les élèves peuvent échanger leurs savoirs

" Le degré d’inertie des connaissances acquises par les élèves est tellement élevé qu’on croirait qu’il s’agit de connaissances " mortes ". Le problème crucial n’a pas trait au fait que les élèves n’ont pas acquis les connaissances nécessaires. Au contraire, ils ont développé de nombreuses connaissances dans des champs disciplinaires variés. Cependant, ils ne disposent pas des chemins cognitifs qui leur permettent de recourir à leurs connaissances lorsque cela est nécessaire. Les situations d’évaluation fournissent des exemples intéressants à ce sujet. A la suite d’une évaluation, au moment où un enseignant rencontre un élève pour reprendre avec lui certaines questions d’une épreuve d’évaluation, il prend souvent conscience que le seul fait de fournir des indices touchant la façon avec laquelle la connaissance a été abordée en classe rend cette dernière disponible. L’élève peut alors fournir une réponse précise et, fréquemment exhaustive, à la question posée. Cet élève connaît donc très bien ce qu’il est nécessaire de connaître ; il ne dispose toutefois pas des moyens nécessaires garantissant de retrouver ses connaissances en mémoire " (TARDIF, p.90).

Dans la situation suivante, les élèves sont amenés à échanger leurs savoirs : les élèves ayant acquis certaines compétences que d’autres n’ont pas encore acquises sont chargés de transmettre leur savoir. Un marché des connaissances est organisé, où certains " vendent " des savoirs et d’autres " achètent " des savoirs. Le temps le plus important n’étant pas le jour du marché lui-même, c’est l’aboutissement qui servira de motivation (et c’est une étape incontournable, nous l’avons vu plus haut), mais la préparation du marché:  en effet, chaque élève qui " offrira " un savoir doit se mettre au point par rapport à ce savoir.

Voici l’exemple d’un dialogue lors de la préparation d’un marché :

Cette discussion permet aux élèves d’accéder à la manière dont je m’y prend pour les aider à apprendre, ce qui me paraît essentiel.

  1. Des situations où l’élève effectue un bilan de ses savoirs

A la manière de B.CHARLOT , ces bilans de savoir consistent à demander aux enfants :

Ce questionnement peut aider les élèves à réfléchir sur le sens de ce qu’ils font à l’école.

  1. Des situations où l’élève doit résoudre des problèmes complexes

Pour stimuler la métacognition, il faut multiplier les situations de recherche ouverte et les problèmes complexes. Les activités métacognitives doivent se faire à partir de la résolution de problèmes, chaque problème ayant ses propres stratégies. La pratique métacognitive ne consiste pas à " descendre du vélo pour se regarder pédaler ", mais plutôt à " rester sur le vélo pour mieux comprendre et améliorer sa conduite ". C’est ce qui fait la différence avec la méthodologie, lorsque les méthodes sont détachées des contenus.

M. GRANGEAT attire l’attention sur le fait que toute aide méthodologique n'est pas métacognition, et qu’un décalage consisterait à " inculquer systématiquement des métaconnaissances… sans les référer à un enjeu particulier, à une tâche précise où à un problème spécifique " (p.168).

Voici l’exemple d’une situation de partage (tirée de ERMEL, p.129) .

Consigne : " vous êtes une entreprise de camions, vous avez 7 camions et vous devez les charger de cartons. vous pouvez mettre dans les camions, soit 3, soit 4, soit 5 cartons. Si vous mettez moins de 3 cartons, le chauffeur ne voudra pas partir parce que cela ne vaut pas le coup de faire un transport. Si vous mettez plus de 5 cartons, le chargement sera trop lourd. Vous avez 26 cartons à répartir ".

Par groupes de 4, les enfants ont essayé de faire la répartition des cartons, puis je leur ai demandé comment ils s’y étaient pris :

Tous les groupes ont tâtonné jusqu’à trouver la bonne solution. Personne n’a pu dire autre chose que : " on a essayé, et puis on a trouvé ".

Je passe donc à la deuxième étape :

Consigne : " vous allez faire la même chose, mais c’est moi qui ait les camions, et il faudra venir me commander le nombre exact de camions dont vous avez besoin pour transporter vos cartons ".

Toujours par groupes de 4, les élèves se remettent à la tâche. Cette fois-ci, je remarque que certains tâtonnent pendant que d’autres s’organisent.

Chaque groupe vient me commander les camions : certains 1 par 1, d’autres plusieurs.

Troisième étape :

Consigne : "  vous devez cette fois-ci me commander le nombre exact de camions d’un seul coup ".

Les groupes qui procèdent par tâtonnement s’en sortent difficilement, d’autres disent avoir trouvé une " technique ".

Les groupes commandent leurs camions et on vérifie :

Le lendemain, pour éviter d’installer les élèves dans la répétition de cette technique, je leur propose cette nouvelle situation ;

Consigne " c’est la même chose qu’hier, vous avez toujours 7 camions à charger, mais vous devez les charger tous pareils. Vous avez 24 cartons " .

  1. Des arrêts sur image :

En début de journée, il est intéressant de faire des retours en arrière (ce que l’on a fait hier), ou des projections sur la journée ou sur la semaine (ce que l’on fera après)…

Dans la journée, les moments de regroupement pour effectuer des retours sur les apprentissages sont essentiels.

En fin de journée, un bilan peut consister à se demander :

Cette pratique pédagogique, qui consiste essentiellement à poser des questions aux élèves pour les faire réfléchir, avait pour objectif de rendre les élèves acteurs, sujets de leurs apprentissages. Elle a eu pour conséquence, à mon niveau, une meilleure compréhension de ce qui se passe lorsque les élèves apprennent et donc, une meilleure préparation de la classe. Ce qui m’apparaissait auparavant comme des activités qui font perdre du temps, me semblait essentiel aujourd’hui, voire un gain de temps.

Il en résultait de toute façon une meilleure motivation de tous.

" Lorsqu’un enseignant parvient à donner à tous ses élèves, quelles que soient leurs difficultés, le goût de l’étude et de la réflexion, le plaisir d’apprendre et de savoir, il a fait parcourir aux enfants le plus gros du chemin qui conduit à leur culture et à leur liberté " (A.M.DOLY, p.57) .

 

RISQUES ET DERIVES

Nous avons vu comment la démarche cognitive inscrit les élèves dans le processus de l’apprentissage lui-même, en proposant une relation au savoir différente, une relation enseignant/enseigné basée sur l’écoute et l’échange. Elle propose aussi un accompagnement dans la construction des objets de savoir, mais ni une technique, ni une méthode. Il faut être vigilant à cet égard.

P. MEIRIEU et M.DEVELAY expliquent l’extrême difficulté de saisir ce qui constitue la stratégie d’apprentissage d’un sujet :

" Certes, en face de la multitude des situations d’apprentissage et des problèmes qu’elle pose, le sujet cherchera, le plus souvent, à déceler des invariants et à établir des corrélations efficaces (" pour effectuer tel type de tâche, l’expérience m’a appris que… "). Mais les résultats de multiples entretiens avec des élèves et l’examen précis de leurs travaux (de la première ébauche au brouillon, jusqu’au résultat final) montrent que cette réduction, si elle permet de gagner en efficacité immédiate et de faire face à l’urgence, ne permet d’espérer à moyen et à long terme, que des résultats moyens, voire médiocres. La réduction de la complexité des paramètres à quelques principes méthodologiques stabilisés entraîne, en fait, une déperdition importante des activités mentales, et tend parfois même à figer le sujet dans une stratégie passe-partout qui n’enrichit nullement son répertoire cognitif, et constitue même un frein à son développement. C’est pourquoi, on ne saurait se satisfaire, dans ce domaine, de conseils définitifs ou de recettes miraculeuses ; au contraire, il importe de multiplier les situations d’analyse précise de l’ensemble des facteurs qui sont en jeu et de ne pas limiter ces analyses à des exercices formels au terme de l’apprentissage. C’est pourquoi le rôle du pédagogue est ici de stimuler la prise de conscience de ces facteurs, d’analyser avec les élèves les différentes possibilités qui s’ouvrent à lui, et d’enrichir sa mémoire de travail en installant dans la classe des temps spécifiquement consacrés à la métacognition " (p.150).

On voit bien ici la différence entre un cours de méthodologie qui proposerait des recettes, et une véritable activité métacognitive.

B. NOËL , dans son article intitulé : " la métacognition, l’art d’évaluer ses performances ", parle d’un bilan provisoire des recherches sur la métacognition. " Au fil des ans, les espoirs que l’on plaçait sur elle se sont déplacés. Contrairement à ce que les chercheurs supposaient initialement, il semble qu’il n’y ait pas une méthode idéale d’amélioration de ses manières d’apprendre, mais que le simple fait qu’un apprenant pratique la métacognition, quelle qu’en soit la forme, constitue, pour lui, un facteur positif d’apprentissage. L’apprenant devient véritablement autonome lorsqu’il a pris conscience de ses points forts et de ses points faibles, lorsqu’il comprend que sa réussite dépend avant tout de lui. L’art d’évaluer ses performances, l’autonomie et la motivation ne sont-ils pas les meilleurs moyens pour réussir ? "

L’ARBRE DES CONNAISSANCES COMME OUTIL DE SUIVI DES ENFANTS ITINERANTS

 

 

1. La scolarisation des enfants itinérants

La scolarisation des enfants itinérants présente des contraintes particulièrement fortes : déplacements, changements d’écoles, ruptures de scolarisation. Ces discontinuités sont néfastes à la poursuite normale des apprentissages.

Le suivi pédagogique, s’il est essentiel pour tous les élèves, devient crucial pour ceux-là.

En effet, pour ces enfants qui fréquentent peu l’école, il n'est pas possible d’y perdre du temps. Souvent testés à leur arrivée dans une nouvelle école, faute d’informations pertinentes sur leur niveau scolaire, les enfants itinérants se voient proposer des activités trop éloignées de leurs compétences.

Le document de suivi doit donc permettre aux enseignants d’obtenir une image précise des acquisitions de l’élève, en visualisant rapidement ses compétences, pour le mettre directement au travail.

Il doit aussi aider ces enfants, dont la culture est éloignée de celle de l’école, à donner du sens à l’école, pour faciliter leur intégration.

Il existe actuellement des systèmes d’enseignement à distance pour éviter les ruptures d’apprentissage (type Flex par exemple) ; ces outils s’adressent à des enfants qui ont déjà des habitudes de travail, des enfants qui ont un minimum d’autonomie.

Le dispositif proposé ici des arbres de connaissances vise les enfants non autonomes :

Ceci à l’intérieur d’un groupe, en relation avec une classe de référence.

  1. Scénario

Lorsqu’un enfant itinérant arrive dans une école, on pourrait imaginer le scénario suivant :

3. Les effets

Les effets sur l’enfant itinérant peuvent être intéressants à plusieurs titres :

Pour une valorisation de l’enfant par ses connaissances

La transformation immédiate de l’image de l’arbre après la prise en compte

des connaissances de l’enfant implique une valorisation: " avant moi, l’arbre était comme ceci, avec moi, il est différent ".

Pour une meilleure intégration dans le groupe-classe

La phase de lecture de l’arbre de la classe permet :

Puis le projet d’apprentissage, établi entre l’enseignant et l’enfant itinérant, peut permettre par la suite, des échanges de savoirs entre les enfants de la classe: ceux qui savent déjà peuvent apprendre à ceux qui le souhaitent.

Pour une meilleure compréhension des attentes de l’école et des enseignants

L’école, ça sert à apprendre, l’enfant itinérant doit être rapidement confronté aux apprentissages. La lecture de l’arbre lui permet aussi de se situer lui-même par rapport à ces savoirs : devant la liste des connaissances rassemblées dans l’arbre, l’enfant peut facilement dire ce qu’il partage avec les autres ou non, ce qu’il pourrait acquérir, et surtout les chemins possibles pour y parvenir, ceux empruntés par les autres élèves.

Pour une entrée rapide dans les apprentissages

Le problème des enfants itinérants étant de passer peu de temps à l’école, une mise en activité rapide, sur des contenus clairement identifiés est indispensable.

La lecture de l’arbre permet, non seulement à l’enfant de dire ce qu’il sait, et donc de se valoriser, mais lui permet aussi de voir ce qu’il ne sait pas encore, et donc de se mettre en projet de l’apprendre : " qu’est-ce que tu voudrais apprendre ? ".

Cette notion de projet d’apprentissage est particulièrement importante pour aider ces enfants qui n’ont pas l’habitude de se projeter dans le temps.

 

 

Pour une meilleure liaison entre l’école et la famille à propos des apprentissages

Les parents voyageurs vivent l’école comme une contrainte parce qu’elle est difficilement compatible avec le voyage, mais aussi comme un enjeu. Si le groupe se charge de l’éducation des enfants, l’école doit les instruire. Mais elle suppose un projet trop long par rapport à leur notion du temps. L’arbre des connaissances, parce qu’il permet une visualisation rapide pourrait aider les parents à mieux comprendre le projet d’apprentissage de leur enfant, et à accepter certaines contraintes.

En effet, dès le premier jour d’école, l’enfant peut montrer à ses parents l’ensemble des connaissances de la classe dans laquelle il se trouve, la transformation de l’arbre après intégration de ses connaissances, le contrat d’apprentissage établi avec l’enseignant concernant les apprentissages sur lesquels il va se concentrer.

C’est aussi un support qui permet de " parler " de l’école : " voilà ce que tous les enfants de ma classe savent, voilà ce que moi je sais, voilà ce que je dois apprendre pendant que je serai à l’école ".

 

Pour un meilleur suivi pédagogique

Dans le cas d’un réseau d’écoles doté du logiciel des arbres de connaissances, l’enfant pourrait circuler d’une école à l’autre en faisant valoir ses connaissances à chacune de ses arrivées, pour se mettre rapidement au travail et perdre le moins de temps possible.

D’autre part, lorsque l’enfant itinérant est en voyage, il peut continuer d’apprendre en gardant la référence au groupe-classe auquel il appartient : en effet, c’est la différence avec les systèmes d’enseignement à distance classiques, où l’enfant travaille seul, en relation avec des enseignants éloignés. Ici, il y a toujours appartenance à un groupe-classe, celui dont l’enfant garde l’image des connaissances.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

 

 

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CHARLOT B. (1993) : " Ecole et savoir dans les banlieues… et ailleurs ", Armand Colin.

DERYCKE M. (1994) : in " Evaluer autrement ", Mesure et évaluation en éducation, volume 17, n°1, coordonné par Jacques WEISS, Québec.

DOLY A.M. (1996) : " Métacognition et médiation à l’école ", CRDP d’Auvergne.

DOLY A.M. (1997) : " Métacognition et médiation à l’école ", in La métacognition, une aide au travail des élèves, M. GRANGEAT, E.S.F.

ERMEL (1990) : Apprentissages numériques ", INRP, Hatier.

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MEIRIEU P. et DEVELAY M. (1994) : " Emile, reviens vite… ils sont devenus fous ", E.S.F.

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VYGOTSKY L. : in " Le développement de l’enfant, savoir-faire, savoir-dire ", J.S. BRUNER, 1991, P.U.F.


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