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Les services de proximité: un nouvel axe de création d'emplois

Par Dominique Taddei


Depuis quelques années, les services de proximité ont fait irruption dans la panoplie des politiques d'emploi, à côté des politiques plus traditionnelles de demande ou d'offre, de flexibilité et de réduction du temps de travail. Inéluctablement, un certain nombre d'ambiguïtés accompagnent un sujet aussi récent : les unes relèvent d'une mauvaise compréhension et nous nous efforçons de les dissiper ; les autres relèvent de choix incompatibles et nous expliquons pourquoi l'équipe de Lasaire a très clairement fait les siens.

Les enjeux.

On sait que dans tous les pays, sans exception, les emplois de services se développent beaucoup plus rapidement que dans les secteurs agricoles et industriels. Cette tendance lourde, déjà très ancienne, à la "tertiarisation", a été expliquée, de façon convaincante, dans les travaux de Colin Clark et de Jean Fourastié, il y a près d'un demi-siècle, comme le résultat d'une demande relativement plus dynamique que l'offre : dans les activités de services, les gains de productivité sont généralement plus faibles que dans le reste de l'économie, et, en tous les cas, que dans l'industrie, tandis que les nouveaux besoins de services croissent au moins aussi rapidement, voire plus rapidement que pour les biens matériels.

On a pu noter, depuis lors, quelques exceptions : la rapidité des gains de productivité de la branche "communication" d'un côté ; de l'autre, la stagnation de quelques besoins traditionnels, telle que la coupe de cheveux (exemple favori de Fourastié). Mais, globalement, le constat précédent demeure vrai, du fait de l'explosion des professions de conseils aux entreprises et de celles de services aux particuliers (santé, sécurité, éducation, culture, tourisme, loisirs, sports ...). Le résultat global est plus qu'éloquent et cela notamment dans les pays où les innovations technologiques sont les plus remarquables : Etats-Unis, Japon ... Bien loin d'entrer dans une société "informationnelle" où les gains de productivité s'accélèreraient, on est manifestement de plus en plus dans une "société relationnelle", où ces gains de productivité tendent globalement à se réduire, comme tout le monde peut le constater, du plus prestigieux des Prix Nobel, R. Solow1, jusqu'au plus débutant des statisticiens. La sous-estimation probable des gains de productivité (qui, d'après les spécialistes ne devraient guère dépasser 1 % par an), du fait qu'une partie de l'amélioration de la qualité des services est indûment comptabilisée comme une augmentation inflationniste des prix, ne change rien au constat que dans le secteur tertiaire, qui regroupe de nos jours entre les deux tiers et les trois quarts des emplois, la demande augmente plus vite que l'offre, accroissant constamment le nombre d'emplois. Cela suffit d'ailleurs à assurer un niveau global élevé d'emplois sur les continents les plus dynamiques, sur le double plan technologique et économique, en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est.

Ce n'est malheureusement pas le cas en Europe depuis plus de 20 ans, mais la simple reconnaissance de cette différence interdit d'aller chercher les causes de la persistance du chômage de masse en Europe, dans des explications universalistes et "fatalistes" qui exonèrent à bon compte les dégats des politiques monétaro-libérales qui sont la traduction pratique de la trop célèbre "pensée unique". Sur notre continent, il y a certes une augmentation des emplois de services, mais à un rythme trop lent pour faire face à la demande d'emplois qui résulte tout à la fois du dégonflement des emplois agricoles et industriels et de l'augmentation de la population active. Pourrait-on faire mieux à l'aide des politiques traditionnelles ? Sans doute un peu, mais certainement pas de façon suffisante :

Si on ne se réfugie pas dans la résignation, force est donc de se retourner vers des solutions innovantes. Là encore deux d'entre elles émergent nettement : la réduction du temps de travail et la création des emplois de proximité. La première est bien connue de nos adhérents et de nos lecteurs et nous aurons l'occasion leur en reparler prochainement. La seconde est beaucoup plus nouvelle et c'est donc sur elle que nous nous pencherons désormais.

Les principes d'une telle politique.

L'idée de base est simple : des besoins importants existent qui ne sont aujourd'hui satisfaits, ni par le marché, ni par les services publics. Pour le premier, ils sont insuffisamment solvables. Pour les seconds, ils sont trop onéreux, du moins dans l'état actuel des Finances Publiques. La solution évidente est alors qu'un "tiers payeur", public ou privé, apporte une contribution partielle, les personnes intéressées assurant de leur côté l'autre partie de ce financement.

Cependant, cette idée de financement mixte, venant assurer la satisfaction de besoins "semi- solvables", peut être mise en oeuvre par des canaux bien différents et parfois même contradictoires. On a coutume, à ce propos, de distinguer les financements par l'offre et ceux par la demande. Bien que nous ayons nous-mêmes souvent utilisé cette distinction, nous voudrions insister ici sur le fait qu'elle n'épuise pas le sujet et que le plus important se trouve plutôt dans les caractéristiques sociales des personnes ainsi aidées.

Le principe du financement par l'offre revient a abaisser le coût du travail, de telle sorte que la baisse du prix des services qui en résultera normalement, conduise un plus grand nombre de personnes à s'en porter acheteurs. Cette approche nous semble devoir être combattue, à la fois pour des raisons de principes et pour des raisons d'efficacité.

Le financement par l'offre décline une problématique de "petits boulots", suivant la célèbre formule popularisée par Ph. Séguin (alors Ministre du Travail !) en 1985. Le service est, en effet, fourni au rabais ; il ne résulte pas d'un "vrai" travail et encore moins d'une "vraie" qualification. La comparaison avec les emplois américains de ce type (mais il y a bien autre chose dans les succès américains récents et, en particulier, un nombre croissant d'emplois qualifiés) et l'image d'une "nouvelle domesticité" (selon la forte formule d'André Gorz) s'imposent alors logiquement. Ajoutons que tous ceux qui, avec la meilleure volonté du monde, veulent en faire un secteur à part ("d'utilité sociale", mais les autres secteurs sont-ils a-sociaux ou anti-sociaux ?) ou réservé à des demandeurs d'emplois défavorisés (jeunes, handicapés, chômeurs de longue durée, mais pourquoi pas les femmes et les immigrés, notoirement désavantagés dans la course à l'emploi ?) rendent le pire des services à la dynamique des emplois de proximité : aux yeux du plus grand nombre, ils en ternissent l'image et contribuent à leur dévalorisation, rendant encore plus problématique leur financement ultérieur. Telle est me semble-t-il la différence, quasiment philosophique et en tous les cas stratégique, entre deux des principaux pionniers des services de proximité en France, P. Héritier d'une part, dont on lira l'article dans ce numéro, et P. Laville, qui relie les services de proximité aux processus d'insertion, ce qui est une idée apparemment sympathique, mais qui risque de les enfermer dans un ghetto.

La critique du financement par l'offre ne tient pas seulement à des questions de principe, mais tout autant à des problèmes d'efficacité mesurés très simplement par le rapport entre l'argent public (devenu si rare) dépensé et le nombre d'emplois créés à l'aide de cet argent. Le problème est que si l'intervention publique fait baisser le prix d'un service, en bénéficie, avant tout autre, celui qui avait déjà recours à ce service et cela est autant de perdu pour la création d'emplois. Il profite donc d'un "effet d'aubaine" d'autant plus choquant que ceux qui payaient antérieurement ces services "au prix fort" sont le plus souvent les personnes bénéficiaires des plus hauts revenus. Il y aura certes une demande supplémentaire émanant des mêmes personnes et ceux qui ont un revenu juste au-dessous des précédents seront sensibles à des baisses de prix. Mais l'expérience de tous les abaissements de charges sociales est que l'effet net sur l'emploi est très médiocre et que les bénéficiaires de ces services supplémentaires ne sont certes pas ceux qui en auraient eu le plus besoin ... ce qui rend d'autant plus choquant la forte dépense publique par emploi créé. Au demeurant, au moment où de toutes parts (y compris patronale), on remet en cause les exonérations de charges sociales, il devient de moins en moins crédible d'étayer ainsi une ambitieuse stratégie de création d'emplois de proximité.

Ce n'est pas pour dire que tout financement complémentaire de la demande par un tiers payeur est forcément bon à prendre et on peut même soutenir que le système du chèque emploi-service actuellement en vogue aggrave les défauts des politiques d'offre que nous venons de dénoncer. Largement conçu à son origine (1992), pour encourager la déclaration de personnel domestique (il s'agit ici de "vieille domesticité") et donc lutter contre le travail au noir, il repose sur une louable simplification administrative des obligations d'employeur, mais surtout sur un abattement de l'impôt sur le revenu. Cette stimulation de la demande de services, déjà contestable à l'origine, est devenue franchement caricaturale depuis qu'en 1994, le Gouvernement a quadruplé cet abattement pour le porter à 45.000 francs. Pour un tel montant, ne bénéficient pleinement du dispositif que les classes les plus aisées. On ne peut donc s'étonner que, selon les derniers rapports officiels, il y ait environ 9 blanchiments de travail au noir pour une création d'emplois, ce qui met hors de prix la bonne conscience ainsi acquise par ceux qui jusque là employaient du personnel de façon illégale ...

En fait, si le financement complémentaire de la demande doit être socialement légitime et économiquement judicieux, il doit au minimum bénéficier à ceux qui ne peuvent se payer les dits services, en l'absence de ce financement. C'est dans cet esprit qu'a été proposé (à notre connaissance pour la première fois dans les travaux préparatoires du Xème Plan en 1990) d'instaurer un système de "ticket-service", sur le modèle, qui a fait ses preuves, du ticket-restaurant ou encore du chèque-vacances. Les bénéficiaires reçoivent ces tickets en ne payant qu'une partie de la valeur "faciale", ce qui revient à subventionner leurs dépenses. Dès 1992, l'étude de Cette et de Cunéo démontrait qu'il y avait là le meilleur rapport qualité-prix de toutes les politiques d'aides à l'emploi, pouvant permettre de créer près de 400.000 emplois en 5 ans pour 18 milliards. Les études françaises et étrangères menées depuis lors ont conclu dans le même sens, si bien que le Ministre du Travail et de l'Emploi, M. J. Barrot a signé le 13 septembre dernier un Arrêté instituant ce qui s'appelle désormais officiellement un "titre emploi-service" (T.E.S.), qu'il ne faut pas évidemment confondre avec le "chèque emploi-service", dont il est en quelque sorte le frère ennemi, puisqu'on a compris que les deux relèvent de philosophies opposées. En particulier, on substitue à la relation de domination du maître au serviteur, l'égalité entre contractants fournisseurs et clients, sanctionnée par une facturation classique de la prestation de services.

Avant d'analyser les limites actuelles et les possibilités futures de ce nouveau dispositif, il nous faut revenir un instant sur l'étude de Cette et de Cunéo qui, pour positive qu'elle ait été, n'a pu en explorer toute l'efficacité potentielle. D'une part, le chiffrage effectué ne concernait que neuf types de services, alors que le récent texte ministériel permet d'aller déjà plus loin et que les études de faisabilité maintenant démarrées dans plusieurs départements font penser qu'un nouvel élargissement de la gamme des services offerts (notamment par les professions de l'artisanat) serait favorable.

D'autre part, l'étude n'a pu chercher quelle serait l'affectation optimale par les tiers payeurs de leur financement. Ce n'est sans doute que par un processus de "tatonnement et d'erreur", qu'on trouvera la meilleure façon de distribuer un montant donné d'argent public, pour que le T. E. S. permette de créer le maximum d'emplois et de ce point de vue également des procédures décentralisées par régions, départements et (regroupements de) communes sont une bonne chose. En attendant, on peut bien énoncer deux règles de gestion : il faut minimiser les effets d'aubaine (cf. supra) et maximiser les effets de levier. On entend par cette dernière expression qu'il faut donner aux intéressés le minimum de subvention qui les pousse à acheter les services en question de manière à pouvoir financer le maximum d'emplois nouveaux. A cet égard, l'idéal pour l'emploi serait de ne subventionner qu'à 10 %, ce qui permettrait, avec le même argent public, de faire 9 fois plus qu'en subventionnant à 90 %. Il faut être bien conscient que ces deux règles de bon sens peuvent se contrarier en pratique : aider les plus riches n'est pas efficace, mais n'aider que les plus pauvres ne l'est pas non plus ! Par conséquent, il faut faire en sorte que les plus riches puissent utiliser les T. E. S., mais doivent les payer à 100 % de leurs valeurs2 . Par contre, pour les plus démunis, les dispositifs spécifiques de gratuité existants pourraient être transformés par une distribution de T. E. S. subventionnés à 100 %. On voit donc qu'une subvention décroissante avec le niveau de revenu disponible (seule l'administration fiscale dispose certainement de l'ensemble des moyens de vérification) et, considérant éventuellement d'autres critères sociaux (situation de famille, handicaps, ... ), est probablement à même de concilier l'efficacité en termes d'emplois et la justice sociale. On se gardera cependant de suggérer un système trop sophistiqué, surtout dans la phase "d'acclimatation" du nouveau dispositif : il doit éviter les coûts de gestion, être facilement compréhensible, minimiser les contestations et les fraudes ... toutes raisons qui suggèrent de démarrer par une construction "rustique", avec seulement trois taux (respectivement 100, 50 et 0 % de subvention).

Notons pour finir sur ce point que le fait de remettre à tous des tickets d'apparence identique, sans mention du taux de subvention grâce auquel ils ont été achetés, assure une égalité de dignité et de traitement de tous les demandeurs de services, les sortant de tous les ghettos des systèmes spécifiques.

Une illustration concrète

Voyons les problèmes micro- économiques et locaux posés par la mise en place d'un dispositif de T. E. S., en nous inspirant des études de faisabilité qu'avec l'équipe de LASAIRE nous conduisons actuellement dans un nombre grandissant de départements. On notera tout d'abord qu'il existe deux catégories principales de tiers payeurs, d'ailleurs autorisés par l'arrêté public du 13 septembre, qui correspondent à deux types de publics bénéficiaires : d'une part, les comités d'entreprises ou, en leur absence, les entreprises elles- mêmes peuvent subventionner des services de proximité destinés aux salariés des entreprises considérées ; d'autre part, les collectivités locales peuvent subventionner tout ou partie de certains services demandés par leurs résidents. Le premier canal, qui se rapproche du système du ticket-restaurant se heurte actuellement aux moyens financiers, beaucoup plus faibles qu'on le prétend parfois, des comités d'entreprises. Pour ce qui est des collectivités locales, si elles connaissent aussi des difficultés financières, les masses financières sur lesquelles elles travaillent sont considérablement plus importantes et c'est pourquoi nous avons choisi de développer ce type de solution dans la suite de cet article.

Supposons donc que pour une collectivité locale de 1.000 habitants (il peut s'agir d'une commune rurale ou d'un quartier urbain en difficulté), on décide la mise en place d'un système de services de proximité. Les subventions propres au T.E.S. pourraient être réservées aux personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu, mais s'en trouveraient également exclues les personnes déjà prises en charge à 100 % au titre d'un dispositif antérieur. Le pourcentage de bénéficiaires potentiels pourrait être de l'ordre de 50 %, soit 500 habitants. Chacun d'entre eux est alors avisé qu'il peut acheter chaque mois pour 1.000 francs de T. E. S. (c'est ce qui est prévu par le texte ministériel), qu'il ne paierait que 500 francs (c'est donc bien une subvention de 50 %), soit auprès d'un bureau d'aide sociale, soit dans une autre instance publique. Bien entendu, il serait toujours possible d'en acheter moins ou de ne le faire que certains mois (leur durée de validité pourrait être d'un an). C'est pourquoi, il est sans doute sage dans une phase d'expérimentation ou de lancement, de miser sur un "taux de consommation" (nombre de titres effectivement vendus, par rapport au maximum autorisé) assez modeste, que l'on estimera à 20 %, ... pour continuer à raisonner sur des chiffres arrondis. Autrement dit, tout se passerait comme si chaque mois 100 bénéficiaires effectifs sur 500 potentiels achetaient pour 100.000 francs de T. E. S., émis par un organisme agréé au niveau national (cette question est également tranchée par l'Arrêté Ministériel).

Ces 100 bénéficiaires disposent d'un "Numéro Vert", qui leur permet de connaître les prestataires agréés pour le type de services dont ils ont besoin. Ils le choisissent alors librement. L'agrément a pu être accordé à une association ou à une entreprise (les textes actuels prévoient les deux types de prestataires) par une Commission ad hoc, dont nous pensons qu'elle devrait dans le plus grand nombre de cas être départementale. Nous pensons même que pour certaines professions (infirmières, chauffeurs de taxi ... ), l'agrément pourrait être accordé à un travailleur indépendant, dès lors que la qualité des prestations est garantie par les règles de la profession concernée. Nous touchons ici à l'essentiel : il appartient aux pouvoirs publics de garantir la qualité des prestations et c'est particulièrement nécessaire quand le bénéficiaire ultime est fragile (enfants, malades, personnes agées ..) et que la relation de confiance est décisive. Il doit donc s'agir de vrais métiers, avec de vraies qualifications, un contrat de travail et les bénéfices de conventions collectives (qui existent déjà dans le cas de grandes associations d'aide à la personne). Ce même souci exclut de rapprocher ce dispositif des différents dispositifs d'insertion pour des catégories particulières de chômeurs. Prétendre venir en aide par le même dispostif à ceux qui ont besoin du travail des autres et à ceux qui ont besoin de travailler revient à enfermer les uns et les autres dans la même galère. L'insertion bien comprise doit au contraire faire bénéficier les premiers des mêmes services que ceux qui peuvent se les payer et les seconds d'un vrai travail à destination de tous les acheteurs, subventionnés ou non.

Il s'ensuit que les services sont facturés, dans les conditions habituelles, par le salarié de l'association ou de l'entreprise et que le bénéficiaire règle immédiatement à l'aide des T. E. S. à sa disposition. Dans l'abstrait, la tarification pourrait être libre, du moins si les conditions d'une concurrence loyale était remplie. En pratique, cela risque de ne pas être souvent le cas. Il faut d'abord s'assurer que le prix facturé correspond au moins au S.M.I.C. et à l'ensemble des obligations patronales qui découlent du contrat de travail, ainsi qu'à des dépenses incompressibles (comme les coûts de transport, encore qu'une péréquation soit souhaitable en ce domaine) : un tarif horaire minimum de base, que nous avons chiffré à 80 francs, devrait être fixé ; il pourrait faire l'objet d'un coefficient supérieur à un dans le cas de prestations exigeant une qualification plus importante. Ensuite, il faut bien admettre qu'en dehors des grandes agglomérations (et encore) l'offre de ces services restera monopolistique pendant sans doute longtemps et, dans ce cas, le tarif horaire de base devrait être obligatoire : car, sinon, comment justifier que des tarifs supérieurs réduisent d'autant le nombre d'emplois créés ?

Notre bénéficiaire a donc payé, contre facture, 80 francs l'heure de service, mais elle ne lui a coûté que 40 francs, que l'on peut rapprocher des 50 francs (au moins) que représente le travail au noir, sans parler de la satisfaction morale d'avoir ainsi contribué au financement de vrais emplois. Incidemment, ce système devrait donc contribuer au recul du travail non déclaré, même si ce n'est pas sa finalité essentielle. Le bénéficiaire peut ainsi s'assurer environ trois heures de services par semaine ou même davantage, s'il ne recourt pas à ce système durant toute l'année.

Quant aux salariés prestataires, il leur suffit, pour un travail à temps plein (un nombre significatif choisira probablement un contrat à temps partiel) de travailler pour une dizaine de personnes, compte tenu de ce que les temps de transport sont comptabilisés dans la facturation de l'heure de travail. On peut alors considérer que nos 100 bénéficiaires génèreront environ 10 emplois en équivalent temps plein.

On peut donc résumer l'ensemble du dispositif, sans trop le caricaturer, en posant que, sur une population de 1.000 personnes, il pourrait y avoir au moins 100 bénéficiaires et 10 créations d'emplois, équivalent temps plein, laissant à la charge des tiers payeurs 60.000 francs par emploi supplémentaire : 500 francs versés à 10 bénéficiaires pendant 12 mois. Si ces tiers payeurs étaient des Caisses publiques, les travaux économetriques montrent que les retombées pour ces dernières ramèneraient ce coût à environ 35.000 francs par vrai emploi créé, en faisant les moins chers de tous les dispositfs d'aide à l'emploi et ceci sans tenir compte de toutes les retombées positives d'une amélioration considérable des services de proximité.

Le dispositif est donc en place sur le plan juridique et on comprend que son développement dépend maintenant essentiellement de l'engagement de tiers payeurs.

Pour un dispositif de financement public résolu

Nous avons déjà indiqué qu'on ne pouvait guère attendre un financement massif des comités d'entreprises. Les collectivités locales peuvent sans doute faire un peu plus (il y a ainsi, dans les budgets départementaux, des lignes obligatoires de crédits pour le R.M.I. qui ne sont pas consommées et pourraient être mobilisées en ce sens). Il est cependant évident qu'on peut d'autant moins leur demander de faire seules l'effort qu'une partie importante des retombées positives, notamment sur le plan financier, s'effectueront en dehors de leur ressort ... et de leurs recettes. L'Etat doit donc devenir le principal financier du dispositif. Cependant, la meilleure appréciation des besoins de services ne peut être faite qu'à un niveau très décentralisé.

La conciliation de ces deux exigences serait assurée par la création, dans le budget de l'Etat, d'une Dotation Globale Emplois de Proximité, que les collectivités locales bénéficiaires ne pourraient mobiliser que pour la mise en oeuvre d'un dispositif adapté aux besoins de leurs concitoyens. Dans un premier temps, cette Dotation pourrait être abondée par la suppression des exonérations d'Impôts sur le revenu en faveur du chèque emploi-service, dont l'échec en matière de création d'emplois est reconnu par les services gouvernementaux eux-mêmes. Certes, cela ne représenterait guère plus d'un tiers des sommes nécessaires, quand le système fonctionnera à plein régime. Mais, outre l'existence d'autres financements d'appoint (collectivités locales, entreprises, Caisses diverses ...), nous ne doutons guère que la plus grande efficacité de cette politique créerait un large consensus pour procéder à d'autres redéploiements dans le budget de l'Etat.

Finalement, sans remettre en cause les contraintes financières de l'époque, les services de proximité représentent un moyen sans égal d'améliorer la vie quotidienne du plus grand nombre et de créer quelques centaines de milliers d'emplois.

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Horizon Local 1997
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