![]() | Une concertation accrue pour plus de cohérence |
En résumé des multiples prises de position concernant ce thème, on peut énoncer quatre principes qui fondent la concertation :
- la complémentarité des acteurs vis-à-vis de la solidarité internationale implique de créer ou renforcer les conditions dune concertation ;
- cette concertation ne prend de sens que si elle renvoie à des enjeux politiques et techniques clairement énoncés ;
- il y a une attente manifeste envers les pouvoirs publics nationaux pour assumer la responsabilité de la concertation, en la suscitant et en la soutenant de façon prolongée ;
- il y a aussi une attente vis-à-vis des pouvoirs publics locaux ou régionaux pour appuyer des démarches de concertation locale ou régionale et y participer. Toutefois, la responsabilité de cette concertation doit être assumée par lensemble des acteurs.
Au titre des contraintes, on en retiendra deux, issues de la contribution du Programme solidarité habitat : que le dispositif mis en place pour accompagner la concertation bénéficie dune assurance minimale de durée et que la fonction de médiation soit clairement distinguée du pouvoir de décision.
Lors des Assises régionales de Languedoc-Roussillon, un cinquième principe a été proposé, le principe de subsidiarité. Pour cela, il faut définir le champ daction de chacun des acteurs, État, collectivités, en donnant toute son importance au travail associatif notamment pour redonner de la citoyenneté à la coopération et à la solidarité.
Maintenir et renforcer les cadres existants de concertation
Tous les acteurs ont confirmé leur intérêt de se rencontrer dans des lieux pérennes, pour une série dobjectifs complémentaires : lexposé et le débat sur des politiques publiques et privées à caractère thématique ou géographique ; la négociation de procédures, dinstruments et de moyens pour renforcer le volume et la qualité des coopérations privées ; linformation mutuelle pour rechercher des complémentarités et/ou améliorer les méthodes et pratiques dintervention.
Pour les différentes familles dacteurs, il est important de maintenir et de renforcer les cadres de concertation existants, et de trouver leurs formes de cogestion. Elles insistent sur la responsabilité première de lÉtat pour inciter à ces formes de concertation, leur donner un cadre clair et durable et y prendre une part active.
Les collectivités territoriales sexprimant dans la résolution de Cités Unies France et dans le document de proposition de lAssemblée des présidents de conseils généraux souhaitent que la Commission nationale de la coopération décentralisée (Cncd) joue pleinement son rôle de structure de concertation entre collectivités locales et pouvoirs publics afin, notamment, de favoriser une meilleure articulation avec la coopération bilatérale et multilatérale française.
Les organisations de solidarité internationale souhaitent voir renforcé le rôle de la Commission coopération développement (Ccd) et en particulier de son Comité paritaire dorientation et de programmation (Cpop), que cette concertation se traduise par lorganisation dun débat périodique sur les priorités publiques ainsi que par la mise en place de programmes prenant en compte les enjeux de démocratie participative et dappui aux initiatives de base.
Lappel à une concertation accrue naura par ailleurs de sens que dans la mesure où chaque famille dacteurs aura su sorganiser en pôles forts, représentatifs, aptes à engager le débat et la collaboration avec les autres pôles constitués. Sur ce point, les résultats de la restructuration en cours des organisations de solidarité internationale sont attendus avec intérêt, en particulier de la part des pouvoirs publics.
Signalons deux champs de concertation nouveaux proposés par les groupes thématiques :
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- le groupe urgence, réhabilitation, développement insiste sur lenjeu de concertation entre acteurs et instruments engagés dans laction durgence pour obtenir la meilleure efficience par la combinaison des deux démarches.
- une des conclusions du Colloque sur léthique de la solidarité recommande de créer un espace consultatif sur léthique de la solidarité internationale : la communauté des Osi françaises pourrait sattacher à créer un Espace éthique de la solidarité internationale où pourraient être librement débattues les questions que se posent les Osi à partir de situations concrètes. Soit quelles sinterrogeraient sur les réponses à y donner et souhaiteraient disposer dun avis extérieur, soit parce quaprès avoir apporté une réponse, elles seraient désireuses a posteriori de la soumettre à examen. Cette instance (qui devrait être aussi peu formelle que possible) naurait évidemment quun rôle consultatif et ne serait en aucune manière décisionnelle
Signalons, par ailleurs, lattente de la profession agricole de renforcer les partenariats et la contractualisation entre les acteurs socioprofessionnels et les pouvoirs publics, justifiée par le fait que contrairement à certaines tendances qui voudraient opposer coopération non gouvernementale et gouvernementale, lexpérience propre de la profession agricole française prédispose à une approche de partenariat État - Profession (qui ne soppose pas à la prise de position autonome et à son affirmation dans la négociation) tant sur le plan du développement rural dans les pays du Sud que dans les dispositifs de coopération eux-mêmes.
À linstar des attentes de la profession agricole qui souhaite valoriser sur le plan du développement international son expérience de contractualisation avec les pouvoirs publics, le mouvement syndical a exprimé la même exigence : reconnaissance de lapport spécifique de lacteur syndical en coopération.
Il est en effet lexpression du monde du travail, canal essentiel pour toucher de larges secteurs de lopinion publique. Il dispose dun capital dexpérience professionnelle pour la coopération par le métier. Il est un acteur-clé dans les relations sociales du travail et les politiques économiques et sociales, doù sa volonté de sappuyer sur une approche tripartite dans les programmes menés jusquici de façon autonome et donc parcellaire par les administrations sur des terrains comme les marchés du travail, les législations du travail, les politiques de protection sociale, de formation professionnelle, de réformes, etc.
Pour les syndicats, un nombre croissant de pays en voie de développement ou de pays en transition vers léconomie de marché font appel pour mettre en ¦uvre leurs politiques dajustement structurel à la coopération publique française dans de multiples domaines où lintervention de lexpertise syndicale française est également fortement sollicitée par ses partenaires. Ils concernent par exemple la réforme des législations du travail, les relations collectives du travail, les politiques de privatisation, la réforme des politiques du marché du travail ou de protection sociale, comme les politiques de formation professionnelle et de mobilisation des ressources humaines.
Dans ces domaines, la participation de lensemble des acteurs (pouvoirs publics, organisations de salariés et employeurs) étant une des clés essentielles pour la réussite de telles politiques économiques et sociales chez nos partenaires, il convient de mettre en ¦uvre une réponse appropriée reposant sur une approche tripartite de la coopération par les partenaires français.
Elle passe par une ouverture plus grande des instances publiques concernées (ministères de la Coopération, des Affaires étrangères, du Travail, Gip-Inter, etc.) à lexpertise des syndicats, par une concertation plus forte avec les socioprofessionnels dès la conception des programmes et dans leur mise en ¦uvre et par un appui plus conséquent aux actions menées directement par les syndicats. Une telle approche tripartite renouvelée permettrait de valoriser internationalement une expression forte dun modèle social français différent de la philosophie du modèle de Bretton Woods.
Les pouvoirs publics, quant à eux, ont souhaité attirer lattention des organisations de solidarité internationale et des collectivités territoriales sur la nécessité dune réflexion commune vis-à-vis des instances internationales de laide au développement, dont laction surdétermine de plus en plus les politiques menées par les acteurs nationaux.
Mais le maintien ou lélargissement de lexistant ne suffisent pas au besoin de mise en relation de lensemble des acteurs privés ou décentralisés entre eux et avec les pouvoirs publics. Il existe une ferme attente de développer la concertation dans deux directions : dune part en créant une instance collective à vocation nationale, et dautre part en favorisant et appuyant des concertations locales, départementales et/ou régionales.
Créer une instance nationale collective de concertation
Le principe dun Haut Conseil (ou dune Commission nationale consultative) de la coopération et de la solidarité internationale a été plusieurs fois débattu au sein des instances du Cfsi, association dutilité publique qui rassemble des représentants de toutes les familles non étatiques de la coopération (Osi, collectivités territoriales, organisations socioprofessionnelles ainsi que la Recherche). Lors de ces débats, les coordinations dorganisations de solidarité internationale, en particulier, ont fortement insisté pour la création de ce Haut Conseil.
Comme le montre lexpérience du Cfsi, il faut donner aujourdhui une meilleure lisibilité à la fonction de concertation entre les diverses catégories dacteurs dans le domaine de la coopération et de la solidarité internationale.
Ses fonctions pourraient être les suivantes :
- assister de ses avis les pouvoirs publics pour toutes les questions nationales et internationales qui concernent la coopération, laide aux pays en développement et aux pays de lEurope centrale et orientale et de la solidarité internationale ;
- faciliter la concertation entre tous les acteurs français de la coopération. Cette fonction de concertation pourrait inclure la mission dorganiser tous les ans ou tous les deux ans une conférence de la coopération et de la solidarité internationale, associant les divers acteurs non gouvernementaux et les pouvoirs publics ;
- contribuer en tant que de besoin à la préparation des rapports sur laide aux pays en développement que la France doit présenter devant les organisations internationales, notamment européennes ;
- remettre au Parlement un rapport annuel sur laction non gouvernementale française dans le domaine de la coopération et de la solidarité ;
- être saisie des demandes davis ou détudes émanant des pouvoirs publics.
Le Haut Conseil pourrait également, de sa propre initiative, appeler lattention des pouvoirs publics sur les mesures qui lui paraissent de nature à favoriser linformation et la sensibilisation de lopinion publique française aux grands enjeux internationaux, à limportance de laide au développement et à la nécessité dune solidarité active avec lensemble des pays en développement et de lEurope centrale et orientale.
En dehors des représentants de lÉtat, le Haut Conseil devrait compter parmi ses membres des personnalités représentant lensemble des acteurs de la coopération et de la solidarité internationale. Pour certains, il devrait aussi associer des partenaires du Sud et des pays en transition.
Une concertation locale ou régionale
Conséquence de la multiplicité des associations en régions et de limplication croissante des collectivités territoriales en coopération, on constate une volonté unanime exprimée par les Assises régionales de créer ou de renforcer des lieux et des modes de concertation dun niveau local, départemental ou régional.
Assises de Lorraine : il faut trouver des niveaux et des formes de concertation [...] pour une mise en cohérence des objectifs des différents acteurs. [La concertation] nécessite au préalable la définition en commun des grandes lignes de la politique qui sera suivie. [...] La concertation est utile pour lutter contre les risques déparpillement et de dilution. Il faut chercher des espaces de concertation, déchange et de formation à léchelle de la région, à un double niveau : entre acteurs privés et publics, entre Osi.
Assises de Franche-Comté : nécessité de mettre en place des structures de type lieu - ressource, à une échelle soit régionale, soit locale. [...] Créer un centre de ressources sur le thème du développement durable et de la solidarité nationale et internationale.
Assises de Pays de la Loire et Poitou-Charente : assurer une cohérence de laction des acteurs dun même territoire. Trouver larticulation entre cette cohérence recherchée et la prise en compte de la diversité existante. [...] Proposer un comité de concertation régional pour organiser une journée de réflexion annuelle. [...] La concertation demande des échanges dinformation, des accords sur des territoires restreints, un débat permanent décentralisé. Elle demande aussi une articulation avec les actions des migrants et la contractualisation entre acteurs complémentaires.
Assises de Bretagne : créer ou enrichir une base de données facilement accessible et peu coûteuse pour une meilleure information entre lensemble des acteurs de la coopération et de la solidarité internationale au niveau régional. [...] Trouver un lieu de concertation et de formation, qui soit un lieu déchange des expériences et des savoir-faire, le plus démocratique possible. [...]. Trouver un lieu de coordination et dévaluation (au Conseil économique et social régional ?).
Assises dÎle-de-France : souhait de voir se renouveler de telles Assises régionales, et volonté de poursuivre un travail de relation entre acteurs de la coopération, localement.
Assises du Nord-Pas-de-Calais : le Comité de pilotage mis en place pour les Assises régionales a décidé de continuer son action, à savoir, par lintermédiaire des différents représentants des familles dacteurs, créer un réseau dinformations, voire un lieu déchanges et de formation ouvert à tous [Š]. Suite au constat fait lors de ces Assises, il semble intéressant de renouveler cette rencontre chaque année et ainsi de favoriser léchange des savoir et des savoir-faire de chacun des acteurs régionaux.
Assises de Languedoc-Roussillon : à lissue de ces Assises, plusieurs initiatives ont été décidées, dont :
- rencontre, après les Assises nationales, proposée à tous les participants des Assises régionales pour déterminer les moyens concrets à mettre en ¦uvre pour répondre aux attentes exprimées et développer larticulation entre les différentes catégories dacteurs de coopération ;
- développer linformation mutuelle via le CdtmMontpellier (banque de données, bourse dexpériences, fiches de projets, annuaire régional, etc.) ;
- améliorer les coopérations entre acteurs : collectivités locales non limitées à apporter des subventions mais en capacité de mettre en ¦uvre leurs compétences techniques ; organismes de recherche (proposition de boutique de recherche à approfondir) ; organisations socioprofessionnelles dont organisations syndicales ; organisations de femmes.
Pour résumer toutes ces prises de position, on peut indiquer lattente très forte des acteurs locaux pour une concertation qui prendrait trois formes :
- linformation et léchange : créer des lieux où les associations, les collectivités, les autres partenaires de la coopération, mais aussi les citoyens, puissent sinformer sur les initiatives de coopération et de solidarité existantes dans une région, un département ou une zone moins étendue ; recenser, mettre en forme et diffuser linformation sur les actions et initiatives en cours et les faire connaître par lensemble des acteurs ; créer les conditions dun échange régulier entre acteurs ;
- lélaboration : favoriser la rencontre des acteurs locaux, par famille ou entre familles différentes, pour identifier des opportunités de collaboration et/ou élaborer de façon conjointe des initiatives en matière de coopération comme de sensibilisation de lopinion publique locale et régionale ;
- la coordination : mettre en place des lieux de coordination et de négociation qui favorisent la rencontre entre des porteurs dŒinitiatives de solidarité et des institutions ou organisations susceptibles de les soutenir et assurer le lien avec les réseaux, collectifs, organisations spécialisées au niveau national, comme avec les pouvoirs publics.
La concertation par objet
Le groupe de travail Amérique latine de la Commission coopération développement, les plates-formes Palestine, Afrique du Sud ou Pays du Mékong (etc.) montrent, par leurs résultats en termes de maturité de la réflexion, de globalité de la vision et de capacité dévaluation mutuelle, la voie pour dautres types de concertations par objet.
La contribution du Programme solidarité eau en est une bonne illustration : en suscitant une opération de recherche/action sur le thème Eau potable et assainissement dans les quartiers périurbains et les petits centres, basée sur la complémentarité entre acteurs et léchange dexpériences, le Programme solidarité eau a confirmé lintérêt de confronter les compétences à partir de définitions dobjectifs et dattentes de résultats communs. Ce programme de trois ans est une démonstration concrète des liens fructueux qui peuvent se tisser entre institut de recherche, collectivité, association et pouvoirs publics. La concertation sest faite entre acteurs de terrain en échappant aux conflits institutionnels potentiels.
Une concertation réussie et durable nécessite une longue maturation. Le sous-programme Bassin fleuve Sénégal, qui existe depuis 1990, vient daboutir à la constitution dun cadre de concertation au Sénégal sur la gestion du service de leau dans les centres secondaires. Celui-ci réunit des représentants de lÉtat sénégalais, de ses services déconcentrés, des collectivités locales, des associations (Osi et migrants) ainsi que des comités de gestion. Ce cadre a à présent un caractère permanent.