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Spécificités de la gestion patrimoniale d'un territoire

Aujourd'hui, très concrètement, chacun se trouve inséré dans un univers dont il doit assumer la responsabilité. Comment y parvenir ?


La gestion patrimoniale vise à créer de la confiance, à susciter de l'intelligence.

Henry Ollagnon rappelle qu'historiquement, le monde rural gérait des problèmes transversaux. Le monde industriel et urbain s'est construit sur des "boîtes" publiques et privées, il n'assume pas du tout la gestion du transverse. Il constate que, très concrètement, des institu-tions nucléaires aux territoires ruraux, tous sont confrontés à des problèmes transversaux qui ne sont pas pris en charge. Mais lorsque des nucléides sortiront d'une centrale, ce problème transverse devra nécessairement être géré.

Nous sommes confrontés à des réalités interactives. On peut les nier intellectuellement pendant un certain temps. Mais viscéralement, on les sent de plus en plus monter en puissance. Plus personne n'ose s'engager dans un partenariat. Surgissent la peur et le silence.

Ce silence est le terreau de tous les chantiers de gestion patrimoniale. Silence des alsaciens qui voyaient l'eau souterraine se dégrader. Silence du monde rural qui voit ses enfants partir. Silence des fonctionnaires qui voient qu'ils ne peuvent plus faire progresser des dossiers clé.

La peur, le silence et le "non engagement" se développent. Or, si nous sommes encore là, sur cette planète, c'est que, comme les paramécies, nous savons traiter le complexe ! Nous disposons d'une intelligence silencieuse qui nous le permet. La gestion patrimoniale consiste à la mobiliser.

La différence de mode de pensée entre un scientifique qui s'occupe des ours et un berger qui vit avec l'ours est immense. Or, les deux doivent se rencontrer et gérer leur bien commun. Il faut donc être capable d'écouter tous les modes de connaissances et d'actions en jeu dans une situation, en les respectant et en faisant en sorte qu'ils se rencontrent.

En effet, nous sommes confrontés à la prise en compte, au niveau local, de réalités qui se jouent au niveau local, national et international. Agir seulement au niveau local est inopérant. Le bien commun à créer est un bien commun dans lequel sont impliqués des acteurs du territoire et des acteurs qui en sont très loin. Il découle de la volonté d'acteurs qui, ensemble, se comportent comme un quasi acteur.

Si on oblige le bien commun, on tue le bien commun. L'histoire française l'a montré : les guerres de religion ont toutes eu pour objet l'obligation du bien commun. Ce qui caractérise le bien commun, c'est que les acteurs peuvent très bien ne pas avoir envie de le gérer.


Fragilité des structures et évaluation

Pour Jean Lassalle, "la fragilité des structures est capitale. Les gens s'engagent parce qu'ils savent qu'à tout moment ils peuvent partir. Sinon, ils auraient tellement peur de l'engagement qu'ils ne resteraient pas".

Un contrat patrimonial comme la Charte du Haut-Béarn est passé entre les acteurs pour une durée de 5 ans. Il vise un certain nombre d'objectifs exprimés en termes de qualité, en se donnant des échéances positives de négociation. Lorsque le contrat arrive à échéance, il est tout à fait légitime de se dégager ou de démarrer la phase suivante si les acteurs ont envie de poursuivre.

C'est là qu'intervient l'évaluation.

Une subversion nécessaire, organisée

Les élus du Haut-Béarn refondent leur légitimité autour de dynamiques fondées sur l'écoute des acteurs. Ces pratiques peuvent être qualifiées de subversives. Mais cette dimension subversive fait la qualité, la richesse du dispositif. Jean Lassalle, en tant qu'élu, a ressenti cet aspect. Mais, pour lui, personne ne peut plus dire qu'il détient la vérité, qu'il va s'en sortir seul. Cette "subversion" va devoir être organisée !

Entre recherche du consensus et prise de décision

Monsieur Pébernard, membre de l'IPHB, se dit inquiet de la nécessaire recherche du consensus. Pour lui, un seuil de compromis doit être défini. Pendant les premières années de l'IPHB, la recherche du consensus était nécessaire pour pérenniser le miracle : être restés tous autour de la table. Mais, le consensus est aussi une arme pour tout bloquer. A un moment donné, la décision doit tomber. Par exemple, les bergers veulent une piste pour aller sur les estives. Les écologistes estiment qu'elle perturberait l'environnement. On trouve le moyen terme d'une piste réglementée pour le seul usage du berger. Mais si le consensus ne peut pas, même sur ce sujet, être trouvé, il faut qu'à partir d'un certain temps, la décision tombe.

Cela suppose que les acteurs en présence acceptent leurs différences. Un élu n'a pas le même rôle qu'un associatif. L'élection rend légitime le pouvoir de décision. Les associatifs doivent accepter que leur avis ne soit que consultatif. Cela implique de leur part une démarche de qualité : leurs propositions doivent être intéressantes.

Jean Lassalle précise que le consensus est loin d'être la règle générale à l'IPHB. Les membres de l'Institution prennent en compte l'intérêt communautaire. Et pour l'instant, aucun dossier traité par l'IPHB n'a subi un recours au tribunal administratif.

Malgré tout, à l'automne dernier, l'IPHB était dans l'impasse. Les actions cruciales pour toutes les "familles" n'avançaient pas : réalisation de pistes pour les bergers, indemnisation des reports de coupes forestières pour les communes, amélioration de la sécurité des troupeaux en estives et renforcement de la population d'ours dont il ne reste que 5 individus. Les gens s'impatientaient. Les rangs se faisaient de plus en plus clairs.

Les élus de l'IPHB ont donc décidé d'insérer dans un pacte d'objectifs l'ensemble des problèmes qui bloquaient : les pistes, les indemnisations, la sécurité des troupeaux et, au lieu d'une simple protection, l'introduction à titre expérimental de deux ourses.

Il s'en est suivi un véritable cataclysme dans les vallées. En réalité, les élus ont organisé la crise. S'ils avaient voulu agir de manière consensuelle, ils n'y seraient jamais parvenus. Petit à petit, il a fallu réinstaurer le dialogue. Mais, ils étaient en position d'agir communautairement. Depuis, les progrès les plus importants ont pu être réalisés.

Pour Raymond Lacombe, il existe des dominantes dans l'organisation de la démocratie. Certains, dans une commune, un département, une région, ou à l'échelon national, décident tout sans écoute, forts de leur légitimité électorale. Mais, force est de constater que cela ne fonctionne pas très bien, que le peuple ne suit pas, que des catégories professionnelles sont écartées, que près de 10 millions de français sont "hors-jeu"...

D'autres gèrent la démocratie en privilégiant le consensus maximum. Il peut paralyser le système, faute de décision.

Entre ces deux dominantes, où est l'équilibre ? La gestion patrimoniale permet à la fois la participation des populations à la préparation de la décision et la prise de décision. C'est une possibilité à creuser, à promouvoir.


Le développement de ce mode de gestion, d'organisation de la communauté des hommes nécessite un meilleur échange d'expériences entre ceux qui se sont engagés dans cette voie, une promotion auprès des opérateurs administratifs et économiques et surtout la formation d'hommes aptes à mettre en oeuvre ces outils nouveaux.

La formation d'auditeurs patrimoniaux est dispensée à l'Institut de Stratégies Patrimoniales, rattaché à l'Institut National Agronomique Paris-Grignon. Certains de ces auditeurs ont témoigné lors du colloque organisé à Oloron Sainte-Marie de l'intérêt de cet outil original et des difficultés qu'ils rencontrent dans la mise en oeuvre de ce nouveau métier. Le compte-rendu exhaustif de cette journée de travail est disponible auprès de Sol et Civilisation.

Jean Lassalle prend le pari suivant : "si la gestion patrimoniale fonctionne dans notre situation, elle sera opérante dans des domaines aussi variés et sensibles que les problèmes économiques, les problèmes d'industrialisation, les problèmes très délicats d'intérêts financiers. Car il n'y a pas de problèmes plus aigus que ceux auxquels on attache son coeur et qui le font saigner."

C'est un pari auquel Sol et Civilisation souscrit.


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 3, Août 1997

Pour plus d'informations, contacter: Sol et Civilisation
50 rue de Charonne - 75011 Paris
Tél: 48 05 53 11 ; Fax: 47 00 83 01


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