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De l'identité et la cohésion sociale dans les quartiers de Mâcon

L'expérience vécue par René Ducarouge est au coeur des questions urbaines, puisque 85% de la population vit et vivra en milieu urbain. Ne pas véritablement regarder ce qui s'y passe est grave sans aucun doute.

Depuis 20 ans, les politiques nationales et locales mises en oeuvre pour changer la ville se succèdent. Mais elle rencontre toujours d'énormes difficultés. Personne n'arrive à concevoir une véritable culture urbaine qui serait construite sur des bases permettant de régler ces difficultés. Et à ces débats sur la ville, se sont superposées les incantations sur l'aménagement du territoire. Mais la réalité montre que les logiques de développement actuelles sont implacables et non pas voulues et concertées.

Au cours des années 60 et 70, la population de Mâcon est passée de 20 000 à 40 000 habitants. Des logements d'habitat social notamment, ont été construits dans l'urgence. Au regard de l'histoire des villes, les mutations si importantes dans un temps aussi court sont très rares. Faute de les avoir accompagnées, voulues et organisées, les difficultées rencontrées aujourd'hui sont majeures.

Ces quartiers sont des lieux de relégation, où on entasse les gens, où on chôme, où on trouve les problèmes de cohabitation avec l'immigration, où on éclate les repères sociaux. La famille n'est plus le repère social. La proportion de familles monoparentales peut atteindre 42%. C'est une réalité sociale avec laquelle il faut travailler.

La question posée en 1977 était la suivante : y a t'il une solution magique pour faire renaître des équilibres ? Les magiciens des politiques de la ville ont alors dépensé quelques milliards pour "refaire les façades" sans considérer vraiment la réalité sociale.

"On ne fera rien sans les habitants"

Ce n'est pas seulement en transformant physiquement l'espace, que l'on transforme la réalité sociale. Il faut également mobiliser les habitants. Mais développer les relations sociales ne se décrète pas. Combien d'élus, ont pensé que, dans un quartier de 2 000 habitants, une réunion de quartier rassemblant une quinzaine de personnes constituait une démarche de démocratie locale ?

Le fond des problèmes se trouve dans chaque logement, dans chaque situation qu'il faut tenter d'appréhender par l'écoute.

Organiser l'écoute

La plupart des habitants venaient d'ailleurs, de villages... Complètement "déculturés", vivant dans ces espaces construits à la hâte, ils ne trouvaient plus aucun repère, ni repères personnels, ni repères sociaux, ni repères familiaux. Ils se plaçaient simplement dans une relation habitat - travail. Et quand le travail a disparu, il n'est plus resté que l'habitat. Ces situations se vivent très mal.

Un grand chantier d'écoute individuelle des populations concernées a donc été lancé.

Ces gens avaient beaucoup à dire. Ils en avaient enterré une bonne partie. Il fallait révéler toutes ces histoires au travers "d'objets de souvenir". Des artistes ont donc pris en photo les objets personnels du passé. Et pour transmettre ces histoires, des rencontres par groupe de logements ont eu lieu. Chacun y exposait son histoire personnelle, présentait le souvenir accroché à l'objet photographié. L'objectif était de susciter des rencontres.

Car dans les cités, il n'y a plus de relation entre les hommes et, sans relation, on ne peut rien construire. Il n'y a plus de lieux de convergences, de dialogues, de confrontations etc. Il faut donc les reconstituer. Ainsi, grâce à ces petits événements, autour d'apéritifs, on allait chez le voisin, découvrir le travail du photographe. On se découvrait, on se disait bonjour peut être pour la première fois.

Aujourd'hui, ce travail a généré une culture partagée entre ce que chacun a vécu et une réalité néo-urbaine, difficile, sur laquelle chacun essaie d'agir.

Créer des lieux d'échanges

Des lieux de paroles, comme une laverie, ont été reconstitués pour que des échanges se fassent, pour que des transformations puissent s'opérer à partir des habitants eux-mêmes. Des activités économiques ont été lancées. Elles peuvent fonctionner sur une économie duale, pas obligatoirement liée à l'économie de marché. Ainsi, des groupes de reconquête des jardins se sont mis en place. Cette relation à l'environnement est très importante. Et avec les jardins de cocagne et les jardins de la solidarité, un système permet à d'attirer dans le quartier des consommateurs qui viennent acheter ces produits biologiques. De tels exemples de formes de reconstruction de cohésion sociale sont nombreux.

Pour reconstituer une véritable cohérence entre l'espace rural et l'espace urbain, il faut d'abord prendre en charge ce que disent les hommes et les femmes, ce dont ils souffrent, ce qu'ils vivent. Les politiques publiques peuvent alors accompagner un certain nombre de mécanismes. Mais elles ne doivent pas dicter les solutions. Elles devraient permettre aux projets de se réaliser en investissant peut-être moins sur les volets matériels mais davantage dans les domaines associatifs et sociaux.

"Les politiques de la ville devraient agir en prenant en compte ce qui est, d'une certaine manière, la propriété de ceux qui y vivent" conclut René Ducarouge.


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 10, nov. 1998

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Horizon Local 1997
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