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Cadore : le District industriel de la lunette


600 entreprises de lunetterie cohabitent et font vivre ce territoire de haute montagne au nord de Venise. Ensemble, elles maîtrisent 60% du marché mondial et renforcent la cohésion sociale en Cadore.

Jusqu'à la fin du siècle dernier, le Cadore a vécu de l'agriculture et de l'élevage dans des conditions de productivité particulièrement défavorables. La volonté des habitants de rester sur place et leur capacité à imaginer des solutions alternatives dans le cadre de stratégies familiales très solidaires ont permis à ce territoire de se forger un nouveau mode de développement. Depuis 120 ans, à l'initiative de quelques hommes ingénieux, des petites et moyennes entreprises sont créées, dans le secteur de la lunetterie, s'appuyant sur la tradition vénitienne. En effet, jusqu'à la fin de la République, en 1796, Venise a été un des rares lieux d'invention et de production d'instruments d'aides à la vision.

En 1877, le premier de ces hommes, jusque là marchand ambulant, tente de reconstituer le savoir-faire en la matière et crée l'entreprise qui sera le creuset du nouveau développement du Cadore. Ses 7 ouvriers assurent le montage final des lunettes utilisant des montures et des verres importés de France. En 1896, 120 ouvriers travaillent pour l'entreprise qui produit alors les montures qu'elle assemble.

L'essaimage se poursuit sous l'impulsion d'ouvriers formés dans ces premières entreprises qui vont en créer de nouvelles, complémentaires des précédentes. Ils ne sont pas perçus comme des concurrents car ils permettent d'élargir l'offre des produits de lunetterie du Cadore. La première guerre mondiale joue un rôle important dans ce processus, dans la mesure où elle permet à certains ouvriers d'acquérir de nouvelles compétences et de nouer de nouveaux contacts. En effet, l'occupation de la région par les autrichiens amène l'entreprise à s'installer provisoirement à Milan pour produire des lunettes de protection pour les soldats. En 1920, de retour en Cadore, un des ouvriers se lance dans la production de lunettes en plastique ; en 1924, un autre fabriquera des lunettes de Celluloïd.

D'autres essaimages se poursuivent par la suite. Ils s'inscrivent tous dans la même logique d'initiatives d'ouvriers ou de proches bien entraînés, disposant de bons contacts et se lançant sur un créneau particulier, utile à l'ensemble. Avec le temps, étuis à lunettes, ébauches de lentilles, charnières, etc, sont ainsi produits en Cadore.

Après la deuxième guerre mondiale, l'essaimage devient beaucoup plus rapide. En 1956, le district industriel compte 70 entreprises. Aujourd'hui, elles sont 600 et assurent le plein emploi aux habitants du Cadore.

Ensemble, plus compétitives

La création de nouvelles entreprises basée sur la complémentarité avec les précédentes et non uniquement sur l'affrontement commercial, a indéniablement renforcé la compétitivité de l'ensemble.

D'autre part, le très large essaimage d'entreprises a permis de diversifier considérablement la production dans tous les créneaux et segments de production de lunettes et de doter ce territoire d'une très grande capacité d'innovation et d'adaptation au marché. Par les multiples combinaisons possibles entre les produits des entreprises et les possibilités d'adaptation des machines, il est possible de concevoir et de mettre en oeuvre rapidement de nouveaux produits ; ce qu'exige le marché actuel.

Ce réseau de P.M.E. de tailles inégales fonctionne de manière informelle. Si les entrepreneurs du Cadore se sont dotés d'un syndicat professionnel, de centres de formation, de centres de recherche et d'un remarquable musée de la lunette, les relations commerciales entre eux, fondées sur 120 années de co-développement, sont implicites. Cela leur permet d'agir avec souplesse et efficacité à tous les niveaux (dialogue, négociations rapides, fluidité des circuits d'information...).

Une cohésion sociale renforcée

Le développement de ces P.M.E. a permis l'émergence de nouvelles relations sociales implicites à l'intérieur et entre les entreprises. Elles s'appuient sur des références communes construites et enrichies tout au long de ces 120 années. Ainsi, la dimension sociale est très importante dans les décisions prises dans les entreprises ; les ouvriers ont systématiquement la possibilité d'acquérir des compétences et d'évoluer dans leur carrière, etc.

Forts de la nouvelle identité du Cadore, construite au cours de ces 120 années, entreprises et habitants privilégient le projet territorial d'ensemble. Tous en conçoivent une fierté certaine, qu'il s'agisse des entrepreneurs ou des employés.

Source : observatoire européen Leader. (Une partie du Cadore est une zone Leader.)


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 11, mars 1999

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