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Développement des territoires : les comportements doivent changer !

Par Roland Cayrol


Le développement local n'est pas une idée neuve. S'il patine, s'il n'a pas porté tous ses fruits depuis 25 ans, c'est en particulier parce que l'environnement législatif et réglementaire ne lui est pas favorable (uniformité des dispositifs...). Beaucoup dénoncent à juste titre cet état de faits.

Mais, d'autres facteurs sont en jeu qui relèvent des comportements des acteurs concernés, de la position dans laquelle élus, socio professionnels, membres de l'administration, associatifs, etc, se placent vis à vis du développement des territoires. En effet, l'expérience prouve que ce ne sont pas les seules caractéristiques physiques ou géographiques d'un territoire qui font son développement, mais bien la capacité de tous les acteurs concernés à travailler ensemble au profit de leur territoire. Les pays de Mené ou de Laguiole, pauvres, enclavés, déshérités, n'étaient pas prédestinés à devenir des territoires attractifs, dont le développement économique est aujourd'hui indéniable. Ce sont les acteurs de ces territoires qui se sont mis en posture de leur redonner vie.

C'est sur ces facteurs humains du développement local que les membres du groupe de travail "vie locale et organisation des territoires" ont voulu mettre l'accent, à l'heure où un train législatif va, une fois encore, modifier les règles du jeu.

Un principe de base

Ce sont des hommes qui ensemble élaborent un projet, puis créent une structure adaptée pour le mettre en oeuvre. Cet énoncé peut paraître évident. Mais, par exemple, combien de communautés de communes ont été constituées dans l'unique but de bénéficier de nouveaux subsides ? On peut légitimement se demander quelle est la conséquence de la création de ces structures sur le dynamisme de ces territoires et la qualité de vie de leurs habitants.

Des facteurs déclenchants

Beaucoup de projets démarrent par un sursaut d'acteurs qui s'engagent dans une stratégie de défense de leur territoire en situation de survie. C'est le cas à Koenigshoffen et dans le Piémont des Vosges. Le Piémont est pris dans une dynamique de banlieue: ce qui caractérise son mode de vie devait et doit être protégé.

Mais 80% du territoire sont dans une situation qui n'est pas vécue comme une crise.

Valoriser l'identité du territoire peut dans ce cas fédérer les acteurs, d'ailleurs selon des modalités diverses. A Koenigshoffen comme à Fougères, les acteurs se mobilisent pour leur avenir en se raccrochant à une identité territoriale construite pas à pas.

Mais, si la construction d'une identité de territoire est utile, elle ne doit pas prendre la forme d'une discrimination qui aurait un effet démobilisateur certain. Elle doit bien être le résultat d'une l'action collective positive. Il est probable que c'est la stratégie que devraient suivre les acteurs de Mourmelon et de Suippes.

Preuve s'il en était besoin que l'identité territoriale peut être le liant d'une action collective : l'échelle humaine prime l'échelle géographique. Les populations du Piémont des Vosges et de Koenigshoffen sont du même ordre de grandeur : environ 15 000 habitants.

Préserver l'authenticité du territoire : une nécessité

Ce sont ceux qui font vivre le territoire, qu'ils soient anciennement installés ou néo-ruraux, qui lui confèrent son identité, son authenticité. De plus en plus de communes rurales deviennent des cités dortoirs. Quelle âme ont ces territoires ? Sur quoi peuvent-ils ancrer leur développement?

Les agriculteurs doivent, en particulier, au regard des missions qu'ils assument (production de paysages, maintien des grands équilibres naturels, permanence de leur activité), se donner les moyens de garder une place importante aux côtés des autres acteurs du développement rural. Le CTE, s'il s'intègre dans un contrat territorial de développement négocié avec tous ces acteurs, est un moyen d'y parvenir.

Une attitude de diagnostic permanent confère aux acteurs de développement local la capacité d'adapter la gestion des projets aux opportunités. Il est, de ce point de vue, très utile de disposer d’un budget dont toutes les dépenses ne sont pas affectées en début d'année. Cette marge de manoeuvre est souvent difficile à négocier, mais il est un fait qu'un projet de territoire ne peut pas être gravé dans la pierre dès son démarrage. Les bailleurs de fonds doivent l'accepter.

Dans le même registre, obtenir des moyens pour une phase probatoire, voire expérimentale donne aux différents acteurs en présence le temps d'ajuster leur engagement. C'est capital. Ainsi, le Conseil Général du Bas-Rhin a apporté pendant 18 mois une aide pour financer le poste d'animation de la Mission du Piémont des Vosges. Puis cette fonction ayant fait la preuve de son utilité, les 4 structures intercommunales ont accepté de la prendre en charge.

Prendre en compte la dimension temporelle. Les acteurs en présence ont des perceptions du temps très différentes. Tous ne marchent pas du même pas. C’est un point difficile à gérer d'autant plus que si une entreprise privilégie le court terme, elle doit aussi intégrer le moyen terme. Et réciproquement, une collectivité locale doit intégrer des considérations de court terme.

Clarifier l'attribution des compétences et des responsabilités de chacun

L'expérience a montré maintes fois que lorsqu'une collectivité locale a une compétence formelle, elle peut ne pas prendre la responsabilité d'agir et c'est normal. Quand on travaille sur des problèmes complexes, prendre la responsabilité d’agir seul est difficile ; les facteurs qui influencent l’action ne sont souvent pas tous connus.

Par contre, dans la mesure où chacun sait ce dont il s'occupe et surtout ce dont il ne s'occupe pas, et que les complémentarités entre les acteurs sont claires, l’ensemble des acteurs concernés est compétent. L'ensemble est alors en position d'assumer la responsabilité de l’action.

Des structures vulnérables

C'est paradoxalement une garantie de l'engagement des acteurs. Les structures intercommunales du Piémont des Vosges peuvent à tout moment se retirer du projet, puisque chaque décision opérationnelle est soumise à leur approbation. L'association KD a été dissoute car certains partenaires, les financeurs, n'adhéraient plus à la démarche, sans pour autant stopper la dynamique de développement du quartier.

Les acteurs ne se sentent pas pieds et poings liés aux projets. Cette façon de procéder en respectant leurs choix, pas à pas, facilite et motive leur engagement.

Agir selon le principe de subsidiarité

Si un projet de développement se place ouvertement au service de l'échelon territorial inférieur, il s'inscrit dans une logique de plus-value et il dure. Ainsi, d'une manière directe ou indirecte, la démarche de KD a favorisé l'action de tous les niveaux. La mise en oeuvre du principe de subsidiarité permet de trouver des effets de levier maxima. Le rôle de l'animateur est de ce point de vue déterminant : il crée un dispositif institutionnel et un liant qui permet aux acteurs d'une part de se connaître, et d'autre part, d'agir en désamorçant les ambitions de pouvoir ou les "a priori".

Certes, appliquer ces principes suppose un changement de comportements de la part des acteurs concernés (élus, société civile, membres de l'administration...) difficile à initier. Mais de nombreux exemples montrent que, dans le cadre de démarches contractuelles, de stratégies de gestion en bien commun, c'est possible.

Sans ces changements, le développement local, et par tant, la démocratie locale, resteront encore longtemps lettres mortes.

Juin 99


Sol & Civilisation - La lettre, numéro 12, juin 1999

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