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Le rôle des femmes dans le développement

Par C.Leloup, H.Ryckmans


I. Avant propos

Les échecs et les erreurs du passé font évoluer les conceptions de la coopération au développement. Une des évolutions majeures, tant dans les organismes internationaux que dans un grand nombre d'ONG, est la prise en compte du rôle des femmes dans le développement et en particulier, "l'approche genre" qui sera présentée aujourd'hui.

Prises par l'urgence et le quotidien, et sans doute limitées dans leurs moyens, nombre d'ONG francophones ne prennent pas toujours le temps de discuter en profondeur de leurs pratiques et des résultats obtenus, en particulier en ce qui concerne les femmes. C'est de là que sont nées les activités actuelles de l'ASBL Le Monde selon les Femmes.

La journée du 12 janvier constitue une étape dans notre démarche envers les ONG francophones, démarche de sensibilisation et de collaboration pour une meilleure prise en compte des relations de genre dans les actions de développement.

Cette journée d'étude et de formation a été conçue pour les ONG du Nord et concerne l'ensemble des activités d'une ONG; elle s'adresse aux responsables, aux formateurs et animateurs en éducation au développement, aux chargés d'information de l'opinion publique et aux gestionnaires de projets de développement. Les objectifs proposés aux participants sont:

Nous présentons un aperçu global du rôle des femmes dans le développement en adoptant le point de vue et le cadre de références propres aux ONG. Cette journée vise surtout à entamer ou développer une réflexion au sein des ONG, réflexion qui leur permet de s'engager dans la prise en compte des relations de genre. L'analyse ne portera donc pas spécifiquement sur les projets, lesquels sont un des volets de la mise en oeuvre de la politique des ONG et feront l'objet de formations spécifiques.

Cet aperçu s'articule autour de 3 points:

1. le concept de genre,

2. la théorie des 3 rôles et quelques éléments d'analyse,

3. les stratégies de changement en particulier pour les ONG du Nord.

Ce contenu est abordé via des apports théoriques, des exemples concrets et les échanges d'expérience des participants.

Le présent document, plus qu'un syllabus, se vaut un point de départ pour un approfondissement des études et échanges, tant pour les participants que pour les organisatrices: il reprend les concepts et informations que nous avons préparés, mais également une synthèse des informations, questions, problèmes et suggestions d'une grande richesse qui ont émergé dans les discussions; nous espérons que la collaboration de ce jour se développera.

II. Le concept de genre

II.1. Rappel idéologique

Il est important de rappeler que nous nous situons dans le contexte idéologique et éthique de coopération au développement le plus largement répandu parmi les ONG démocrates, celui où développement économique et développement social, humain, politique vont de pair.

Les interventions des ONG reposent sur "une philosophie du développement qui vise à promouvoir le développement du pouvoir des pauvres en les aidant à accroître leurs capacités, I'accès aux ressources et le pouvoir portique nécessaires pour atteindre et maintenir un niveau de vie satisfaisant.

La plupart des ONG partagent cette philosophie, bien qu'elle ne soit pas formulée explicitement.

Si les participant-e-s ne sont pas d'accord avec cette approche du développement, elles ou ils n'accepteront probablement pas l'analyse GED" (Genre et Développement).

Le point de départ commun au Monde selon les Femmes et aux ONG présentes repose donc sur un choix éthique de coopération au développement, qui vise à réduire les discriminations et les inégalités dont sont victimes les plus pauvres; les plus défavorisés parmi les pauvres sont les femmes et les enfants; dans la majorité des sociétés, le bien-être de ces derniers dépend principalement, et de plus en plus souvent exclusivement, de la situation des femmes (mère, soeur, tante,...).

Permettre aux femmes (pauvres) d'améliorer leur situation, c'est améliorer la situation de l'ensemble des familles et de la société.

Ceci n'est qu'un aspect de l'importance des femmes dans le développement; il est évoqué uniquement, pour montrer que nous ne nous situons pas dans une démarche étroite voulant aider ou favoriser une "minorité sociale" selon un seul angle de vue; au contraire, nous voulons avoir une approche Globale de la société, une vision systémique intégrant les niveaux micro et macro, les différents rapports sociaux existants ainsi que leurs dynamiques.

II.2. Le Genre comme concept social

Le mot genre est la traduction de l'anglais "Gender".

Distinction entre "sexe" et "genre":

-les sexes sont déterminés par les caractéristiques biologiques

-les genres ont une base culturelle; ils sont définis par la société

qui en détermine les activités, les statuts, les caractéristiques psychologiques, etc. (exemple: en Europe, les femmes sont émotives ou sensibles et les hommes rationnels).

Définir le genre est donc simple: il s'agit de l'ensemble des différenciations (activités, rôles, pouvoirs) entre les hommes et les femmes, produites par la société dans laquelle ils et elles vivent:

LE GENRE EST CE QUI DIFFERENCIE LES HOMMES ET LES FEMMES DANS LEURS RELATIONS SOCIALES.

S'il est aisé de définir le "genre", en appréhender le concept est moins facile car l'analyse et les implications qui en découlent sont multiples, complexes et essentielles.

Les relations de Genre

Une approche globale qui examine la différenciation selon le genre amène à considérer non seulement les différents groupes sociaux mais aussi -et surtout- les relations de ces groupes entre eux; nous parlerons donc des RELATIONS DE GENRE plutôt que d'un genre (les femmes) isolé de l'autre.

Quelle que soit la société, les relations de genre sont primordiales dans les rapports sociaux; les relations de genre sont un des fondements essentiels de chaque société. Bien que souvent oubliées, c'est autour de ces relations que se structure et évolue la société.

II.3. Spécificité et discrimination

L'analyse des relations de genre dans une société donnée, montre que:

Parler de discrimination et d'inégalité, c'est parler implicitement de pouvoir. C'est notamment parler de ceux qui bénéficient - ou bénéficiaient ou croient bénéficier- de ce pouvoir et tirent des avantages de ces discriminations et de cette exploitation. Ceux qui détiennent le pouvoir montrent évidemment beaucoup de résistances non seulement au changement mais également aux analyses; ils contestent les chiffres ou les justifient par la culture ou encore ils tentent de nier ou de ridiculiser ceux et celles qui ont une sensibilité de genre.

Avoir une analyse selon le genre est néanmoins nécessaire Comme tous les rapports fondés sur le pouvoir (Blancs/Noirs, riches/pauvres, majorité/minorité), les rapports de genre sont complexes; c'est cette complexité que nous tentons d'aborder aujourd'hui.

("La discrimination est l'acte d'isoler et de traiter différemment certains individus ou un groupe d'individus par rapport à d'autres ")

II.4. Importance économique et sociale croissante des femmes: aggravation de leurs conditions de vie

En particulier dans les PVD, les Femmes sont des acteurs-clés et de plus en plus importantes - mais souvent méconnues- du développement:

(Remarque: Le rôle essentiel des femmes

Si l'importance des femmes dans le développement socio-économique commence à être partout reconnue (Banque Mondiale, par exemple), les statistiques et données quantitatives sont encore insuffisantes (exemple: en matière de santé, le rôle des femmes dans l'éducation, la prévention et les premiers soins n'est pas mesuré, alors qu'il est implicitement connu puisque les campagnes de vaccination des enfants s'adressent aux femmes).

67% des heures de travail prestées dans le monde le sont par les femmes (NU)

En matière de nutrition et de sécurité alimentaire, le rôle des femmes est essentiel, tout particulièrement en matière de production vivrière (exemples: -Rwanda 1990: 79 % des heures de travail consacrées à la production vivrière sont assurées par les femmes; -Togo: 57% des exploitants agricoles sont des femmes et "40% des labours, 80% des semis, 70% des sarclages et des récoltes et presque toute la production maraîchère en milieu paysan sont assurés par des femmes".)

En même temps, la situation des femmes se dégrade souvent davantage que celle des hommes, en valeur relative comme souvent en valeur absolue. Depuis une vingtaine d'années, on constate une augmentation de la pauvreté, qui touche principalement les femmes (apparition du terme "féminisication de la pauvreté").

exemple: en 25 ans le nombre des réfugiés a décuplé; 80% des réfugiés sont des femmes et des enfants (NU, 1992)

Le nombre de familles monoparentales, où les femmes chefs de ménage sont sur-représentées, a fortement augmenté; ce phénomène s'accompagne de la déresponsabilisation tant de l'Etat que des hommes.

II.5 Transversalité de l'approche genre

Notre philosophie en tant qu'ONG du développement nous amène à:

- privilégier une approche participative visant l'autonomie et l'autodétermination des "populations" et prioritairement des femmes.

Toutefois les populations ne sont pas homogènes. Au sein de celles-ci, il y a des intérêts différents (une analyse plus fine ou la pratique du terrain le montre facilement).

- tenir compte des groupes les plus défavorisés et vulnérables et leur accorder un intérêt particulier afin d'éviter une inégalité croissante. L'expérience a montré que les actions "neutres"' renforcent les situations de pouvoir acquis et qu'il est nécessaire de mener des actions Positives, conscientes. systématiques en faveur de l'amélioration de la situation des femmes, pour que les bénéfices de ces actions profitent aux plus défavorisés.

Dans une écrasante majorité des actions de développement, il y a, parmi les impacts, un effet négatif sur la situation des femmes et de leurs dépendants.

Les rapports inégaux entre les genres sont la première pierre d'achoppement des actions visant de meilleures conditions de vie pour les pauvres (femmes et hommes) et l'accès des femmes au développement participatif.

Une approche globale, qui dépasse le cadre familial et micro-social et qui tienne compte des relations de genre est nécessaire. Il s'agit d'une approche transversale du genre, nécessaire dans tous les projets de développement et toutes les analyses d'une société; elle est transversale non seulement par rapport aux secteurs (chers aux professionnels de la coopération) mais aussi par rapport aux champs politiques, économiques, culturels, etc.

Cette approche transversale, qui prend systématiquement en compte la situation et le rôle des femmes ainsi que les relations de genre dans une société, est plus globale, humaniste et démocratique que celle qui isole les femmes; elle permet d'éviter de marginaliser les femmes dans des "projets femmes" ou les projets qui augmentent la charge de travail des femmes ou leurs responsabilités, sans augmenter leur pouvoir ou leur contrôle sur les bénéfices dus au projet et un participant donne un exemple de l'importance de la transversalité: dans le projet de développement rural qu'il suit, on a créé plusieurs commissions d'intérêt général (banque de céréales, épargne-crédit,...). L'une d'elles a pour thème les problèmes des femmes; toutes les femmes se sont retrouvées dans cette seule commission, et peu d'hommes -les moins influents- s' y trouvaient. Conclusion: "par ce système on a involontairement écarté les femmes des autres commissions".

Parler de "GENRE ET DEVELOPPEMENT" au lieu de "Femmes et Développement" signifie que les femmes ne constituent pas la question ou le problème.

Le problème, ce sont les relations sociales entre les hommes et les femmes, relations discriminatoires pour ces dernières; ce qui est significatif, c'est la manière dont les rapports entre les hommes et les femmes sont définis et structurés.

Les genres sont définis par la société, par conséquent les rapports entre hommes et femmes peuvent être changés: nous pouvons changer ce que nous avons créé (en tenant compte du fait que les pratiques et les comportements changent plus vite que les valeurs).

III La théorie des trois rôles

EXERCICE 1: Histoire de Carmen à Lima: Travail en 2 ateliers à partir du cas de CARMEN (voir annexe 3)

objectif: appréhender un outil d'analyse, la théorie des 3 rôles, et quelques éléments d'analyse usuels et opérationnels

III.1. Le genre et les trois rôles

Dans toute société, chaque personne joue des rôles et remplit des fonctions diverses. Ces rôles sont liés à des comportements que chacun adopte et aux attentes que les autres ont de chacun. Ces attentes sont fonction du contexte socio-culturel et de l'environnement particulier de chaque acteur social.

Chaque individu, femme ou homme, remplit trois rôles dans la société:

La répartition de ces 3 rôles entre hommes et femmes (et jeunes/vieux,...) est différente d'une époque à l'autre, d'un endroit à l'autre, d'une culture à l'autre, d'un milieu socio-économique à l'autre .

Discussion sur le genre et les trois rôles:

III.2. Questions abordées à partir de la théorie des trois rôles

La division sexuelle du travail (DST)

La DST est constituée sur base de règles culturelles qui déterminent les aptitudes et les capacités spécifiques des hommes et des femmes. La DST consiste en l'assignation, aux femmes et aux hommes, de tâches et de responsabilités spécifiques.

Exemple d'une DST contre-productive: Au Rwanda, les comités de gestion des bornes-fontaines ou pompes, sont constitués majoritairement t par des hommes, qui n 'effectuent pas la corvée d'eau; ils ne se sentent pas concernés par les pannes et ne veillent donc pas toujours à leur entretien.

La DST existe dans toute société mais elle se manifeste différemment à une époque donnée et pour un groupe donné, dans un espace donné; la DST est donc mouvante.

Exemples: La lessive contre paiement (travail productif et non pas reproductif) est assurée par des hommes en Guinée; les tailleurs et couturiers sont souvent des hommes en Afrique de l'Ouest; on voit maintenant des femmes facteurs en Belgique. La DST sert souvent de justification aux défenseurs de la division des ressources productives entre hommes et femmes. Exemples: Les cultures de rente, monétarisées, sont accaparées par les hommes; les cultures vivrières, pour l'autoconsommation sont du ressort de la femme; la répartition des tâches entre la production de céréales (hommes) et de la "sauce" (femmes),

L'invisibilité du travail des femmes

Le travail des femmes est souvent invisible, non seulement dans leur rôle reproductif (controverse en Europe sur le travail domestique) mais également dans leurs rôles productif ou communautaire. Les statistiques ne font pas état de toutes les activités menées par les femmes. Les activités menées par les femmes rurales ne sont pas l'objet d'attention au même titre que celles des hommes.

Exemple: Les cultures vivrières sont davantage assurées par les femmes que par les hommes; elles sont plus impliquées dans ces cultures, car la production d'autosubsistance est primordiale pour elles; en effet, la survie biologique de la famille est une de leur préoccupation fondamentale.

Pourtant dans la plupart des cas, les femmes travaillent dans les champs qui appartiennent au mari, au beau-père ou au frère; ce sont eux qui sont interviewés dans la plupart des enquêtes, qui apparaissent dans les statistiques, qui font l'objet de formation et de vulgarisation agricole, qui émigrent, etc.

La crise alimentaire que vit l'Afrique a quelque peu levé le voile sur l'importance des femmes dans la production agricole.

Autres thèmes abordés rapidement:

IV. Au Sud. Mes stratégies des femmes

Les femmes, du Nord, du Sud, s'organisent au quotidien, pour concilier les différents rôles qu'on leur assigne et qu'elles endossent/adoptent: rôle reproductif/productif/social.

Des groupes de femmes existent; ils sont très nombreux:

Il y a d'une part les associations traditionnelles: les groupes d'âge, les groupes d'entraide, les groupes familiaux (au sein du clan et de l'ethnie), les groupes religieux...

Plus récemment se sont créés les associations de production (coopératives ou groupements), les associations de ressortissants d'une même région ou les groupes de quartiers.

A côté de ces groupements existent des associations structurées: des fédérations de groupements, des ONG, qui répondent à des problématiques nouvelles, à des contextes changeants.

IV.1. Différentes stratégies

Les femmes adoptent diverses stratégies. Ces stratégies ne s'excluent pas l'une l'autre; elles peuvent parfois coexister:

Des réponses aux préoccupations des femmes sont fournies par la famille élargie: les grands parents, les fillettes, les coépouses prennent en charge des questions d'ordre domestique- la répartition des tâches se fait entre femmes (sans modifier la division des rôles entre genre): la garde des enfants, les soins aux enfants, la cuisine.

Les contacts privilégiés entre membres du quartier, du village, originaires de la même région, permettent aussi une certaine répartition des charges de travail.

- stratégie socioculturelle ou économique:

Pour résoudre des difficultés, les femmes peuvent faire référence aux codes culturels, aux traditions, à la religion comme ciment de solidarité ; elles mettent en avant des valeurs positives pour s'opposer à la surexploitation ou à l'oppression. Elles peuvent valoriser leur importance comme créatrices, génitrices, pacifiques...

exemple: les femmes d'Inde (cfr Vandana Shiva) font (re)connaître leur rôle de protectrices de l'environnement (voir exemple en annexe 4).

Elles peuvent aussi faire valoir leur force de travail, montrer leur importance économique et utiliser leurs revenus de manière à gagner en autonomie exemple: les activités de production et de commercialisation permettent aux femmes d 'avoir accès à et de gérer des revenus autonomes (vu la séparation traditionnelle des budgets entre hommes et femmes).

- stratégie organisationnelle ou institutionnelle

Les femmes cherchent aussi à être reconnues comme interlocutrices aux différents niveaux du pouvoir: la famille, le bidonville, le quartier ou le village; ou le politique.

De cette manière, elles tentent de résoudre des questions pratiques, concrètes et directes.

exemple: elles souhaitent avoir l'accès et la maîtrise des technologies (d'allégement du travail, d'approvisionnement en eau, ...)

Elles peuvent aussi poser des revendications concernant leur statut juridique, les droits et la représentation des femmes

exemple : les mouvements pour le droit de vote, I 'instauration de code de la famille, du code civil, les respects des droits du travail, droit à l'avortement,

IV.2. Besoins pratiques et enjeux stratégiques

Ces stratégies peuvent répondre aux besoins pratiques des femmes ou à des enjeux stratégiques :

Besoins pratiques: les femmes souhaitent en premier lieu voir résoudre des problèmes d'ordre pratique liés à leurs rôles traditionnels. Répondre à leurs besoins pratiques se fera donc principalement par des apports techniques d'allégement du travail, ou d'amélioration de la production ou encore par des projets sociaux assistantiels. Ce faisant,

- on fait un recours privilégié à la technique (vision techniciste et moderniste du changement social)

- on ne remet pas en question la division sexuelle du travail, on part de la répartition traditionnelle des rôles qui fait reposer sur les femmes beaucoup de charges et de devoirs mais peu de droits.

Répondre aux besoins pratiques des femmes amène souvent une amélioration de la situation de l'ensemble de la communauté.

exemples: l'approvisionnement en eau potable, la protection materno-infantile

Enjeux stratégiques: les femmes identifient ce qui les maintient dans une situation de dépendance. Sans accès à certaines ressources clés (l'argent, la formation, la terre...), les femmes peuvent difficilement améliorer leur situation; les rapports entre hommes et femmes sont inégalitaires. Pour assurer cette identification, un travail de conscientisation et de formation s'avère utile.

Remarque: Des rapports entre femmes peuvent aussi être inégalitaires, selon les classes sociales exemple: les patrons -et patronnes- par rapport aux employées-et employés- domestiques: dans ce cas, le premier rapport social pertinent est la classe sociale; le genre vient en deuxième position

Les besoins concrets/pratiques sont liés aux rôles actuels remplis par les hommes et les femmes. Changer ces rôles nécessite que les hommes soient associés aux femmes dans la démarche de changement.

Les enjeux stratégiques se situent généralement dans le plus long terme; ils visent à améliorer le statut et la condition des plus défavorisés (dont principalement les femmes) et par conséquent suscitent des changements dans les rôles ainsi que dans l'accès et le contrôle des ressources et bénéfices. Ils entraînent donc une réduction des inégalités entre hommes et femmes.

exemple: les changements dans le droit et les règles juridiques touchent plus directement les enjeux stratégiques.

Rencontrer les intérêts stratégiques des femmes, c'est donc reconnaître leur pouvoir de faire autre chose, et reconnaître leurs poids social.

Besoins pratiques et intérêts stratégiques ne sont pas antinomiques mais plutôt complémentaires. La résolution des besoins pratiques est souvent nécessaire pour atteindre celle des intérêts stratégiques. Répondre aux besoins pratiques n'est pas une fin en soi, mais signifie plutôt s'inscrire dans une optique de changement, pour déboucher sur une évolution des femmes et de toute la société.

exemple: Selon une participante, la motivation des femmes africaines est avant tout la lutte pour la survie au quotidien; elles ne se battent pas pour leurs droits... Au Brésil par contre, la conscientisation politique est bien présente, mais les femmes souhaitent aussi voir changer leurs conditions de vie concrètes.

Un cas concret:

Un projet de développement rural au Burkina Faso comportait un volet proposant aux femmes diverses activités complémentaires. Afin d'améliorer l'habillement de la famille et principalement des enfants, un atelier de teinture et de couture a été organisé (besoins pratiques déterminés par les institutions d'appui). L'atelier a rencontré beaucoup de succès au début car les femmes espéraient vendre leur production et augmenter les revenus de la famille (besoins pratiques des femmes concernées). Les bénéfices sont cependant restés très limités, la rentabilité de l'atelier s'étant révélée assez faible. Cependant, un effet imprévu a été que les femmes ont expérimenté le travail en commun, avec des moyens de production collectifs et qu'elles se sont assuré des revenus autonomes: le produit de la vente passant d'abord par le groupement, les maris et la famille n'ont pas de droit sur cet argent. C'est la première fois que les femmes s'organisaient de manière collective et qu'elles décidaient de ce qu'elles allaient faire de leur argent. Et ceci un est changement de mentalité qui a permis aux femmes d'acquérir plus d'autonomie (rencontre d'enjeux stratégiques)

Conclusion:

Répondre aux besoins pratiques, c'est améliorer les conditions de vie concrètes, résoudre des besoins quotidiens et immédiats; il s'agit souvent d'alléger des tâches dans le cadre de la division sexuelle du travail selon des rôles féminins et masculins actuels.

Les enjeux stratégiques sont définis à partir de l'analyse de subordination; ils prennent en compte les défavorisés et visent une amélioration de leur statut et une réduction des inégalités entre hommes et femmes, éventuellement par un changement dans les relations de genre, ce qui se traduit par des glissements de rôles et une organisation plus égalitaire de la société.

V.Au Nord, quelles stratégies pour les ONG?

L'après-midi a été consacrée aux échanges entre les participants répartis en cinq sous-groupes; les deux questions ci-dessous ont été proposées dans chaque sous-groupe; elles ont été un guide de discussion.

objectifs: -mieux connaître la façon dont les ONG francophones abordent la problématique du genre

- dégager des stratégies à mettre en oeuvre au Nord

V.1. Question 1: Quelles sont les actions en faveur des femmes, menées par votre organisation?

Réponses:

Dans certains groupes, cette question a été opportunément modifiée en "Comment votre organisation tient-elle compte de la dimension genre?'

V.2. question 2. Quelles seraient selon vous les actions (concrètes) à mener par les ONG du Nord, les plus adaptées à une réduction de la discrimination et de l'inégalité des femmes?

réponses:

V.3. Synthèse:

Problèmes et actions des ONG du NORD au Nord et au Sud

a) Certains problèmes ont été soulevés spontanément lors des discussions:

* en général:

'' - le travail informel, soutenu par les ONG du Nord, ne va-t-il pas à moyen terme à l'encontre du développement des personnes?

- l'exclusion (où les femmes sont sur-représentées), l'importance croissante du secteur informel et de la pauvreté se retrouvent tant au

INord qu'au Sud; ici aussi il y a désinformation de la situation et des

droits des femmes (surtout parmi les jeunes), ainsi qu'un sentiment d'identité dévalorisé et faible - il faut être prudent sur les différences de valeurs au Nord et au Sud"

* au sein de l'ONG:

'' - mon ONG est sensible à la question genre mais manque de méthodologie préalable, notamment pour les évaluations

- il nous est difficile de travailler et d'aborder la question des femmes dans les ONG où les femmes (à des postes significatifs) sont très minoritaires

- la question du genre est souvent laissée au libre arbitre de chacun dans l'ONG du Nord; il n'y a pas de choix positif volontariste de l'ONG; la problématique genre est très loin d'être systématique

- souvent la problématique spécifique des femmes n'est pas prise en compte ou pas prioritaire dans la sélection des projets (même si on constate que les bénéficiaires sont majoritairement des femmes)".

b) Actions des ONG du Nord au Nord

Dans ce paragraphe b et dans le suivant, les réponses aux deux questions des points V.1. et V.2. sont structurées selon leur lieu d'application (au Nord ou au Sud) et selon le domaine d'intervention.

On constatera que tant les interventions mises en oeuvre que celles proposées sont nettement plus nombreuses au Nord qu'au Sud.

Institutionnel

* ce qui se fait

- se laisser interpeller par les organisations de femmes; les écouter

- lutter pour maintenir nos acquis sociaux ici, (argument par comparaison au Sud)

* ce qui pourrait se faire

- sensibiliser à la problématique du genre les structures gouvernementales ou non, au Nord comme au Sud

- veiller à la représentativité des 2 sexes dans les instances du Nord et du Sud

- favoriser une représentation équivalente des 2 sexes dans les ONG du Nord ou établir un quota minimum de femmes

- développer une stratégie pour que les hommes deviennent des alliés

Education au développement

* ce qui se fait

-proposer le thème Femmes et Développement pour les campagnes en Europe

* ce qui pourrait se faire

- travailler au Nord et au Sud sur des thèmes communs et analyser les différences

- informer le Nord sur la situation réelle des femmes du Sud, sensibiliser les médias à cette question

- être attentif aux mouvements populaires, à la présence des femmes souvent plus importante que la vision qui nous arrive au Nord

Gestion de projets

* ce qui se fait

- grille d'évaluation (ex ente et ex post) intégrant la problématique du genre

- refus de soutenir des actions ségrégationnistes

- être systématiquement attentif à la prise en compte des femmes dans tous les projets (analyse transversale)

- avoir principalement des projets proposés par des femmes e texécutés par elles, pour les femmes et les hommes

- avoir des projets dont la majorité des bénéficiaires sont des femmes

-avoir des volontaires femmes et bien les former

* ce qui pourrait se faire

- être solidaire avec les organisations du Sud sensibles au genre, notamment en les mettant en contact avec des bailleurs de fonds

- soutenir l'alphabétisation et l'éducation des femmes

- soutenir l'autonomie, la formation professionnelle, l'information des femmes sur leur statut et leurs droits

- prévoir des projets qui fournissent un minimum de revenus aux femmes

- partenariat avec des ONG de femmes; soutenir les projets locaux de femmes et les structures de base du Sud (sensibles à la problématique genre) et les relations Sud-Sud

- prévoir des volets hommes dans des projets femmes

- intégrer l'analyse de genre dans la formation de:

-responsables et personnel des ONG du Nord

c) Actions des ONG du Nord au Sud

institutionnel

* ce qui pourrait se faire

- sensibiliser à la problématique du genre les structures gouvernementales ou non, au Nord comme au Sud

- veiller à la représentativité des 2 sexes dans les instances du Nord et du Sud

- développer une stratégie pour que les hommes deviennent des alliés - soutenir les revendications au niveau légal, salarial et juridique - intégrer l'analyse de genre dans la formation des ONG-partenaires du Sud autonomisation des femmes, empowerment

* ce qui se fait

- soutien à des groupes de femmes du Sud

- favoriser l'autonomie des groupes de femmes du Sud

-projets qui libèrent du temps des femmes pour leur permettre des formations

- informer et conscientiser les femmes sur leur société

* ce qui pourrait se faire

- travailler au Nord et au Sud sur des thèmes communs et analyser les différences

- soutenir l'alphabétisation et l'éducation des femmes

- soutenir l'autonomie, la formation professionnelle, l'information des femmes sur leur statut et leurs droits

- prévoir des projets qui fournissent un minimum de revenus aux femmes

- partenariat avec des ONG de femmes; soutenir les projets locaux de femmes et les structures de base du Sud (sensibles à la problématique genre) et les relations Sud-Sud - prévoir des volets hommes dans des projets femmes

VI. Evaluation de la journée et perspectives

VI.1. Evaluation de la journée

21 personnes ont participé à la journée d'études et de formation. En fin de journée, un questionnaire d'évaluation a été distribué aux participants; les informations ci-dessous proviennent des 14 questionnaires remis.

Secteur d'intervention des Participants -gestion de projets: 8 -animation: 3 -éducation au développement: 4 -lobbying: 0 -autre: 4

Intérêt du contenu

a. sujets qui étaient nouveaux pour les participants (question ouverte):

théorie:

- la notion de genre:5

- théorie des 3 rôles:4

- distinction besoins pratiques/enjeux stratégiques:1

- stratégies des femmes:2

méthodologie:

-réflexion en commun des participants:2

-échanges entre ONG sur ce thème:2

b. sujets à approfondir:

sujets les plus importants de la Problématique genre à approfondir (question ouverte):

- améliorer la connaissance et la compréhension par les hommes et les femmes concernées de la problématique genre -la transversalité du thème genre: sa dynamique, l'intégration avec la problématique Nord/Sud, le secteur informel

-échanges avec les femmes du Sud, valorisation de leur participation dans les projets et présentation de cas concrets

-stratégies de changement et perspectives, action politique sur les problèmes rencontrés par les femmes-outils d'analyse et moyens d'action concrets thèmes des sessions auxquelles les participants aimeraient participer (question fermée' Plusieurs réponses possible):

- la prise en compte du genre dans les projets de développement: 5

- la situation des femmes dans le monde: statistiques, données, analyse des diversités: 7

- comment faire adopter un point de vue genre dans son organisation: 4 - comment sensibiliser l'opinion publique sur les questions de genre: 8

- autres: femmes et famille, les réfugiées, histoire des luttes des femmes au Nord et au Sud, la réduction du temps de travail.

Par ailleurs. certains Problèmes soulevés lors des discussions en sous groupes pourraient être approfondis:

- les ONG doivent-elles continuer à soutenir le travail informel des femmes?

- comment mieux appréhender et lutter contre l'exclusion sociale (où les femmes sont sur-représentées ) ?

- comment généraliser une attention spécifique au genre, fléchir les résistances à la prise en compte de la problématique genre dans les ONG du Nord et éviter la formation d'un "ghetto" de femmes?

- comment prendre en compte la problématique spécifique du genre à tous les stades du cycle du projet et en particulier, dans la détermination des groupes-cible, dans l'identification, la gestion et l'évaluation des projets?

forme et méthodologie de la journée, temps consacré à chaque partie:

10 personnes sur 14 ont eu une appréciation globale tout à fait positive. 2 personnes ont trouvé les exposés théoriques et les outils d'analyse insuffisamment denses ou approfondis ou encore peu originaux; 2 autres personnes ont regretté la faible présence de femmes du Sud ou d'hommes, ainsi que le peu de temps consacré à des témoignages et aux échanges d'expérience.

Impact: Comment les participants pensent-ils utiliser les éléments d'analyse proposés (question ouverte) ?

5 personnes pensent utiliser la théorie des 3 rôles et sa grille d'analyse pour développer leur réflexion ou mieux comprendre les groupes qu'elles rencontrent.

5 personnes pensent intégrer la théorie des 3 rôles et l'analyse Besoins pratiques/intérêts stratégiques dans leur gestion des projets: analyse, sélection et élaboration de projets.

5 personnes veulent utiliser les outils et information reçus pour mieux sensibiliser leurs interlocuteurs, en général, au sein de l'ONG ou parmi les volontaires et agents sur le terrain.

Certaines suggestions concernent directement les organisatrices (Le Monde selon les Femmes.asbl) et les formatrices:

le public:

- il faut faire venir les hommes aux journées de formation

- il faut toucher un autre public

- l'annonce de la journée et l'accroche ne sont pas assez attirantes pour les hommes des ONG;

contenu et méthodologie des formations:

I- prévoir une suite avec un thème plus précis

l- proposer un cycle de formation, avec des 1/2 journées

I- proposer une étude de cas

- prévoir davantage d'exemples concrets

rôle du Monde selon les Femmes:

- le M/F doit rester un lieu de réflexion mais s'ouvrir davantage aux femmes du Sud; le M/F doit participer à des colloques, être plus présent

VI.2. Suggestions et perspectives

diverses suggestions ont été évoquées. tant dans les débats que dans le questionnaire d'évaluation; elles ne s'adressent Pas exclusivement aux ONG du Nord. comme au chapitre V:

- mieux connaître les mouvements de femmes en Belgique, pour informer les étudiants

- développer au Nord un partenariat ONG-mouvements sociaux

- développer l'information sur les femmes du Sud qui se trouvent au Nord (réfugiées, prostituées, ) et faire circuler l'information

- assurer un lien avec des associations de femmes africaines

- étudier quels sont les impacts sur les hommes

- proposer des articles insérant la problématique genre dans les revues traitant du développement

- proposer des échanges d'expérience sur des projets Femmes et Développement

Durée pour la formation et la réflexion sur le genre dans les ONG. intérêt des participants pour une formation de 2 jours:

Sept personnes sur 14 sont intéressées à participer à une session d'étude et de formation de 2 jours.

Cinq autres participants n'auraient pas le temps pour 2 jours, mais d'entres eux suggèrent d'organiser plutôt un cycle de 2 ou 3 jours ou de plusieurs demi-journées, répartis sur un an. Une personne regrette que la présente journée ne se prolonge pas par l'étude d'un cas concret.

Conclusion

Cette première formation sur le genre organisée pour les ONG francophones a révélé diverses choses.

Les membres des ONG participant à cette journée d'étude souhaitent acquérir des outils, des grilles d'analyse pour développer davantage une approche genre dans leur travail (projets, animation, éducation au développement). Il se manifeste par là une demande de formation continue sur la problématique du genre, à laquelle le Monde selon les femmes peut répondre et que les ONG devront favoriser et même susciter...

Les participants, majoritairement des femmes, souhaitent des espaces de rencontres et des lieux de débats sur la problématique du genre. Le monde selon les femmes, dont c'est un des objectifs, pourrait donc organiser les brassage d'idées et les confrontations d'expériences. Ceci gagnerait à se faire de manière la plus large et la plus ouverte possible.

En effet, le public présent a mis en évidence le danger de voir la problématique femmes confinée ou réservée aux femmes des organisations de développement. Il semble donc de plus en plus nécessaire d'agir à un triple niveau: affiner notre message et trouver les manières de dire combien il est important de prendre en compte les femmes dans les projets; montrer pourquoi il s'agit là d'un enjeu fondamental pour les années futures; et faire en sorte que cette attention devienne le quotidien des gestionnaires, des formateurs, des animateurs des ONG, -tutelle fasse partie intégrante de leur fonctionnement.

Annexes

Liste des participants

ABEELS PatrickSolidarité socialisteBld de l'Empereur, 151000 Bruxelles

BARON BienneCOTARue de la1000 Bruxelles

sablonnière, 18

BODINEAUX PascaleSolidarité socialisteBld de l'Empereur, 151000 Bruxelles

BRAGARD LucieAssociationRoute de Marche, 896600 Bastogne

Belgique-Rwanda

CARACILLO CarmellinalTECORue du boulet, 311000 Bruxelles

CIFUENTES GladysSolidarité socialisteBld de l'Empereur, 151000 Bruxelles

et Monde selon les

Femmes

CORRAL NamurITECO et MondeQuai du Commerce, 91000 Bruxelles

selon les Femmes

DE WITTE Natachastagiaire eu MondeQuai du Commerce, 91000 Bruxelles

selon les Femmes

DEMEESTER SylvieSolidarité socialiste Bld de l'Empereur, 151000 Bruxelles

DRION ClaudineCNCD Quai du Commerce, 91000 Bruxelles

DRORY ElisabethCommission Rue du Buis, 321170 Bruxelles

Femmes AGCD

HARCHIES RaymondeVivre Ensemble et rue Th. Decuyper,1200 Bruxelles

Entraide et Fraternité 155/10

JOIE DominiqueAICRue J Brand, 181030 Bruxelles

KANDE MoniqueFIDEFAChaussée de 1930 Nossegem

Louvain, 699

LEONET ChristianFPSPlace du Champ de1050 Bruxelles

mars, 4

REGNARD StefanOxfam-projetsRue du Conseil, 391050 Bruxelles

VAN DE KERCKOVECNCDQuai du Commerce, 91000 Bruxelles

Virginie

VAN ENIS NicoleComité GuatemalaPlace Saint4000 Liège

Barthélémy, 5

VANDERMEER~ Claire SORCARue des Aquatiques, 71 1040 Bruxelles

WEIMARE Veronique Solidarité socialiste Bld de l'Empereur, 15 1000 Bruxelles

Organisatrices et animatrices

CHARLIER SophieCNCD et MondeQuai du Commerce, 91000 Bruxelles

selon les Femmes

CHOQUE PoupetteMonde selon lesQuai du Commerce, 91000 Bruxelles

Femmes

LELOUP ClaireIndépendante etrue Vandermersch, 631030 Bruxelles

Monde selon les

Femmes

RYCKMANS HélèneCIDEP et Monderue deCorsal, 591450 Cortilselon les FemmesNoirmont

ROLE DES FEMMES DANS LE DEVELOPPEMENT12/1/95

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QUELQUES ADRESSES

Le Monde selon les Femmes souligne l'importance des contacts à organiser et/ou maintenir avec les organisations de développement du Sud ainsi que des liens qui nous unissent à ces réseaux, dans le Sud et dans le Nord. Ci joint une liste des organisations de développement qui travaillent à une meilleure reconnaissance des femmes de par le monde. Les adresses du Sud concernent les organisations avec lesquelles le Monde selon les Femmes a été en contact; pour l'Europe, une liste détaillée est disponible à WIDE

RESEAUX DU SUD

DAWN (Development Alternatives with Women for a New era) Réseau du Tiers-Monde dont le comité directeur est composé de 6 membres, choisis dans toutes les régions du Tiers-Monde

Peggy ANTROBUS DAWN c/o WAND Pinelands St MICHAEL Barbados-West Indies

Fatma ALLOO

TAMWA/DAWN

PO Box 6143

DAR-ES SALAM

Tanzanie

tél: 255.51.32181

fax: 255.51.44939

Gita SEN

DAWN/In dianInstitute for

Management

Bannerghatta rd

BANGALORE 560076 India tél: 91.812.6632450

fax:080.644050

ISIS International Organisation internationale d'ONG de femmes, présente dans 150 pays

ISIS international 85-A East Maya street Philamlife Homes QUEZON CITY Philippines téléfax: 632-997512

ISIS Internacional Casilla 2067 -Correio Central SANTIAGO Chile tél: 562-633 45 82 fax: 562-638 31 42

RÔLE DES FEMMES DANS LE DEVELOPPEMENT12/1/95

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AMERIQUE LATINE

INSTITUTO DE LA MUJER ONG autonome et pluraliste directrice: Nuria NUNEZ secteur économie et travail: Estrella DIAZ Claudio Arrau 0211 Providencia SANTIAGO Chili tél: 56 2.2220784 fax: 56 2.6353106

REDE MULHER Hilda Fadiga de ANDRADE rua Joao Ramalho, 991 CEP 05008-002 cx postal 1803-01051 SAO PAULO S P Brésil tel: 55 11 873.2803 fax: 55 11 62.7050

RED ENTRE MUJERES-SUR/Flora Tristan Virginia VARGAS Parque Hernan Velarde,42 LIMA I Pérou fax: 51 14 339060

Fundacion PLEMUU (Plenario de Mujeres del Uruguay) ONG pluraliste, démocratique et autonome depuis 1984 directrice: Raquel CAR Avenida Uruguay, 1555 11200 MONTEVIDEO Uruguay tél: 598.2.417470 fax: 598.2.480556

AFRIQUE

Mariam DEM Oxfam-UK-DAKAR BP 3476 DAKAR Sénégal tél: 221/241900 ou 251787 fax: 221/254521

APAC (Associationdes

Professionnelles Africaines de la Communication) Secrétaire Générale: Fatoumata SOW BP 4234 DAKAR Sénégal tél: 221-210815 fax: 221-220042

LONGWE CLARKE and ASSOCIATES Sara LONGWE Development Consultants PO Box 37090 LUZAKA Zambie

ASIE

GABRIELA Liza Largaza-Maza 35, Scout Delgado Roxas Distr. QUEZON CITY Philippines tél: 63.2/998034 ou 969405 fax: 63.2/8154579

ROLE DES FEMMES DANS LE DtVELOPPEMENT12/1/95

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EUROPE: RESEAUX ET ONG

Réseau WIDE Mieke Van Der Veken 10, square Ambiorix B 1040 BRUXELLES Belgique tél: 32.2. 7324410 fax: 32.2. 7321934

EFI Espace Femmes International 2, rue de la Tannerie 1227 CAROUGE-GENEVE Suisse tél/fax: 41.22.3002627

Le Monde selon les Femmes coordinatrice: Poupette CHOQUE quai du Commerce, 9 1000 BRUXELLES Belgique tél: 32.2.218 47 27 fax: 32.2.217 60 78

Femmes et Changement Alice Hodgson, Céline Ostyn 14, passage Dubail 75014 PARIS France

Jeanne BISSILLIAT ORS TOM/AF ED 1, place de l'Eglise F 72320 St Ulphace France tél: 33.43.937212 fax: 33.43.712922

AFED Association Femmes et Développement 7 avenue de la Soeur Rosalie F 75013 PARIS France tél: 33.1.45 55 50 87 fax: 33.1.43 36 50 37

Grupo Mujer y Desarollo Carmen de la CRUZ Cartagena 22/ 2ndo piso 28028 MADRID Espagne tél: 341.3611096 fax: 343.611145

Grupo Mujer y Desarollo HEGOA Itziar HERNANDEZ ZUBIZARRETA Lehendakari Agirre 83 48015 BILBAO Espagne tél: 344.4473512 fax: 344.762653

SID Wendy HARCOURT Palazzo Civilta del Lavoro EUR 00144 ROMA Italia tél: 396.5925506 fax: 396.5919836

RÔDE DES FEMMES DANS EE D~VEEOPPEMENT12/1/95

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EXEMPLES DE REALISATIONS CONCRETES DES FEMMES DU TIERS MONDE

extraits de:

AGCD, Isabelle Jacquet, 1994, 60 p

La brochure, destinée plus spécialement aux étudiants et professeurs de l'enseignement secondaire, peut être obtenue gratuitement sur demande écrite au Service Information de l'AGCD, rue Bréderode, 6 à 1000 Bruxelles

Les cuisines populaires de Lima Source: Violeta SARA LAFOSSE Symposrum sur la promotion de la femme dans le Tiers Monde organisé à Bruxelles par 1' AGCD en septembre 1998.

Vous connaissez la situation du Pérou, ce pays qui s'allonge sur la côte du Pacifique au centre et à l'ouest de l'Amérique latine. Par contre, ce que vous ignorez peut-être c'est que Lima, la capitale, comptait environ 400.000 habitants il y a à peine 40 ans, alors qu'aujourd'hui elle est devenue une mégalopole de 6,5 millions d'habitants. Ceci s'explique par le fait qu'une quantité énorme de paysans ont été chassés de leurs terres et qu'ils n'ont pas d'autre choix que "d'envahir" la capitale. La majorité vit dans des bidonvilles, dans la misère.

Carmen y habite une "maison" ou plutôt un plancher rectangulaire entouré de murs en contre-plaqué et recouvert de tôles. L'espace est divisé en deux par une simple cloison. Carmen a de la "chance": il y a un point d'eau pas loin de la "maison". Elle vit à Lima depuis un peu plus de cinq ans. Elle est seule avec trois enfants. Peu après leur arrivée en ville, son mari est parti. Il avait entendu dire qu'on engageait dans les mines. II n'a plus jamais donné de nouvelles. Carmen ne sait même pas s'il est toujours vivant.

Elle se débrouille pour gagner sa vie et élever ses enfants. Trois jours par semaine, elle fait la lessive pour les gens riches des quartiers du centre ville. Elle part le matin très tôt, emporte les vêtements sales et elle les rapporte le soir lavés et repassés. Les jours de lessive, Carmen n'a pas le temps de préparer à manger. Elle envoie un des enfants chercher la nourriture préparée par la cuisine populaire du quartier.

Cette cuisine populaire existe depuis 5 ans, elle a été organisée par un groupe de femmes qui, comme Carmen, venaient d'arriver en ville après avoir été chassées de leur terres à la campagne. Les maris ont essayé de trouver du travail mais rapportaient très peu d'argent ou pas du tout. Dès lors, les femmes ont, elles aussi, cherché des solutions pour survivre et nourrir la famille.

Ce sont elles qui ont eu l'idée de la cuisine populaire. Elles ont vite remarqué qu'elles passaient la plupart de leur temps à chercher de la nourriture - la moins chère possible - et à préparer des repas. Dans ces conditions, pas moyen de chercher un travail rémunérateur; la misère s'accentue. Personne n'est bien, ni assez nourri; le développement des enfants est compromis.

Comme elles étaient toutes confrontées au même problème, elles se sont rassemblées. En achetant ensemble, donc en plus grandes quantités, elles ont pu obtenir de meilleurs prix, en cuisinant pour tous, elles ont économisé sur le combustible et surtout, elles n'étaient plus seules pour affronter les difficultés et chercher des solutions. Elles ont organisé un tour de rôle à la cuisine et ainsi elles ont gagné du temps. Voila comment Carmen peut maintenant travailler trois jours par semaine et gagner un peu d'argent en étant sûre qu'elle et ses enfants auront un repas préparé. Elle contribue au travail de la cuisine deux jours par semaine. Tout est organisé et fonctionne au mieux. Une femme passe chaque soir dans tous les ménages du quartier: elle récolte l'argent et compte le nombre de repas à préparer pour le lendemain. Une est responsable de la réserve des denrées en conserve, une autre s'occupe d'acheter les produits frais. Un petitgroupe cuisine et une femme distribue les repas aux "clients". Une autre encore s'occupe de la vaisselle, des casseroles et du matériel qu'elles ont acheté ensemble. Une coordinatrice assure aussi la responsabilité et le bon fonctionnement de la cuisine pendant 3 mois, par rotation.

Quand des problèmes surviennent: une cuisinière malade ou absente, un four défectueux, un manque d'eau, elle rassemble tout son monde. On repose le problème, on discute, on propose et on décide pour un mieux. Cette initiative des femmes de LIMA remonte à 1983. En 1988, on comptait 700 cuisines populaires dans la capitale, elles ont chacune en moyenne 150 clients dont 65% d'enfants et d'adolescents.

Protéger l'environnement

Le mouvement CHIPKO ANDOLAN

Source: "Les femmes indiennes face aux crises écologiques" par Rajarajeswari PARISOT; extrait de "Relations de genre et de développement" - Collectif sous la direction de 1. PISSILLIAT- Paris -1992.

Les femmes indiennes vivant en milieu rural ont souvent défendu les forêts. L'histoire raconte qu'il y a trois cents ans, 300 femmes de la communauté Bischnoi au Rajasthan conduite par une femme qui s'appelait Amrita Devi se sont opposées aux bûcherons qui voulaient abattre des arbres sacrés, les kejris. Elles ont risqué leur vie en grimpant dans les arbres et en forçant les bûcherons à les abattre en même temps que les arbres.

Le souvenir de cet épisode est resté vivace et ce type de mouvement est toujours présent.

Aujourd'hui, le mouvement qui jouit de la notoriété la plus importante, le CHIPKO ANDOLAN est né en 1973. Chipko Andolan veut dire littéralement encercler l'arbre de ses bras. A Tehri Garwal (État de Uttar Pradesh) se trouvent les forêts d'Advani. II y a là de beaux pins qui ont un grand succès commercial. Des entrepreneurs sont venus avec leurs équipes de bûcherons pour abattre les arbres. La population locale essaya dans un premier temps, mais en vain, d'empêcher cet abattage avec des moyens courtois; dans un second temps, excédés, les villageois et surtout les femmes ont commencé à enlacer les arbres, ce qui a obligé les bûcherons à renoncer à leur travail. L'entrepreneur s'est entêté et est revenu plusieurs fois à la charge; mais à chaque fois, les femmes étaient là, gagnant rapidement la forêt pour enlacer les arbres. Elles ont eugain de cause. Actuellement, il existe une interdiction d'abattre les arbres valable pour dix ans.

A Bhunyandar, connu sous le nom de "Vallée des Fleurs", les femmes ont été amenées à s'opposer aux parents d'un village voisin qui voulaient abattre les arbres afin d'approvisionner les touristes (visiteurs du temple de " Bhadrinath") en combustibles. L'administration forestière a accordé l'exploitation à une coopérative mais les femmes se sont opposées à cette action en volant les haches. Elles ne les rendirent que lorsque les hommes quittèrent le village.

A Dungari- Patoli,le panchayat (conseil communal) dominé par les hommes, avait vendu la forêt communautaire au gouvernement qui voulait la détruire pour aménager des routes, des lignes électriques etc.. Mais pour les femmes, cela signifiait qu'elles devraient marcher cinq kilomètres de plus pour s'approvisionner en bois. Avec le soutien d'autres militantes, elles ont empêché la destruction de la forêt . Aujourd'hui, elles réclament le droit d'être élues au panchayat.

En 1983, le mouvement Chipko a inspiré une autre lutte dans le Karnataka où quelque deux cents hommes, femmes et enfants enlaçaient des arbres destinés à être coupés pour des besoins commerciaux. Grâce à l'aide d'organisations de volontaires environ 12000 arbres ont été sauvés A Kirakhot les femmes ont intenté un procès à un industriel qui tentait d'extraire de la stéatite (roche avec laquelle on produit le talc) ce qui entraînait la destruction des forêts. La mine a été finalement fermée en 1982.

Entreprendre et emprunter

La Grameen Bank et la Women, World Banlc

L'histoire de la Grameen Bank est une histoire tout à fait extraordinaire qui démontre le dynamisme et les ressources des femmes du Tiers Monde.

Tout a commencé en 1973, au Bangladesh, un des pays les plus pauvres du monde (120 millions d'habitants avec une économie basée sur l'agriculture, 50% des cultivateurs et des cultivatrices ne possèdent que des toutes petites parcelles de culture de moins de 0,25 hectare).

Mohammed YUNUS, professeur d'économie à l'université étudiait, depuis de nombreuses années, les causes de la pauvreté de son pays et essayait d'y remédier. Comme c'est un homme qui préfère étudier les réalités sur le terrain plutôt que dans des livres, il s'est rendu dans les villages Un jour, il a fait connaissance d'une artisane qui construisait des petits tabourets de bambou. Cette femme malgré un travail intense n'en sortait pas. Elle n'arrivait jamais à avoir suffisamment d'argent pour acheter le bambou à un prix de gros: elle passait toujours par un intermédiaire qui lui 'mangeait" tout son bénéfice.. Elle se donnait beaucoup de mal sans rdsultat. Yunus lui a accordé un prêt avec un taux d'intérêt équivalant à celui pratiqué par les banques.

Quand il a raconté cela à ses collègues à l'université, il s'est fait traiter de sot et tout le monde lui a prédit qu'il ne reverrait jamais la couleur de son argent . Ils lui ont dit qu'il n'y avait rien de plus stupide que de pr6 ter à des pauvres. Un économiste ne sait-il pas que tout prêt doit être couvert par une garantie ?

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Quelque temps plus tard, l'artisane pourtant rembourse l'intérêt et le capital. Ce prêt avait été providentiel pour elle. Elle travaillait toujours autant, mais maintenant son bénéfice sur les ventes avait doublé Elle avait donc suffisamment d'argent pour continuer à acheter son bambou en gros.

Les voisines de cette artisane sont venues, à leur tour, trouver Yunus pour lui demander un prêt. Une était marchande de crêpes, l'autre confectionnait des attrape-mouches, la troisième était potière Toutes voulaient un prêt pour acheter leur matière première au prix de gros. N'écoutant pas ce que lui avaient dit ses collègues, Yunus décida de leur prêter l'argent nécessaire à la condition qu'elles se déclarent solidaires. Cela signifie que si le commerce de l'une ratait, les autres rembourseraient pour elles. Les femmes ont été d'accord, elles ont reçu l'argent et au bout de la période convenue, elles ont toutes les trois remboursé leur prêt. Ces deux expériences ont persuadé Yunus de continuer et de ne pas se laisser impressionner par tous ceux qui le traitaient de fou. Il a multiplié les prêts d'abord dans une région et ensuite dans tout le pays. Il a prêté à des artisanes pour l'achat de matière première ou de matériel, à des paysannes qui voulaient engraisser un animal, à des petites vendeuses de rue qui voulaient agrandir leur stock...

Il a ainsi créé un nouveau type de banque qui n'existait pas dans le monde: une banque qui prête aux pauvres sans leur demander de garanties, une banque sans guichets, qui prête à des analphabètes sans papiers ni formulaires.

Avec les emprunteuses, un système inédit a été mis au point.

Pour obtenir un prêt il faut rassembler un groupe de cinq personnes qui ont chacune un projet qui peut rapporter de l'argent. Les cinq membres

sont solidaires et se rencontrent chaque semaine chez l'une ou chez l'autre pour discuter de leurs progrès ou de leurs problèmes. Une employée de la banque assiste à chaque réunion. C'est la banque qui se déplace et non les clientes.

Les résultats financiers sont impressionnants.

Aujourd'hui, en 1993, la banque prête de l'argent dans 30.000 villages du Bangladesh et des pays voisins. Elle a déjà contracté plus d'un million en prêts et avancé plus de 250 millions de dollars. 90 % des clients sont des femmes. La banque occupe 12.000 employés, en majorité des femmes.

La Grameen Bank est citée en exemple et de plus en plus de projets de crédit s'en inspirent, notamment en Afrique. La Fondation Roi Baudouin lui a attribue, en 1992, son prix international pour le développement.

Une autre initiative originale: la Women's World Bank créée en 1979 au Ghana. C'est une banque plus classique mais fondée et gérée par des femmes. La banque compte un million d'emprunteurs, répartis dans 35 pays. Ce sont majoritairement des femmes commerçantes Le montant des prêts consentis s'élève à 2,2 millions de dollars.

Ces deux exemples prouvent que les femmes, même pauvres et peu scolarisées, peuvent se faire confiance. La raison du succès de ces deux banques est, en fait, le haut taux de remboursement. Alors que dans toutes les autres banques au monde, il faut payer des masses d'employés qui réclament l'argent aux emprunteurs, les clientes de la Grameen Bank et de la Women's World Bank remboursent leurs prêts à la date convenue, dans 98% des cas.

Créer un syndicat

La SEWA Source: rapport sur le développement humain - 1993

La Women's Association (SEWA) ou association des travailleurs indépendants est un syndicat regroupant des femmes issues de milieu défavorisé qui s'est créé à Ahmedabad, en Inde (en hindi, sewa signifie "service").

La SEWA regroupe des femmes se livrant à trois catégories d'activités: les marchandes ambulantes et les colporteuses, les femmes travailleuses à domicile, celles qui font un travail temporaire et participent à d'autres services. Bien que la SEWA ait été fondée pour répondre aux besoins des citadines, elle apporte également un soutien aux femmes des zones rurales qui travaillent dans le secteur de l'agriculture et dans d'autres secteurs.

Se faire reconnaître prendre sa place

UWAKI

Source Isabelle Jacquet -Vivant Univers- septembre 93.

C'est au Zaïre, dans la région du Kivu, une région essentiellement agricole qu'est née la coopérative "Solidarité paysanne" (SP). Son objectif est de promouvoir l'autonomie des agriculteurs de la région. En clair: elle veut développer suffisamment les productions et les ventes de tous pour permettre à chacun de vivre décemment de ses gains.

Les responsables de SP sont des hommes présents "sur le terrain". Ils travaillent dans les coopératives au même titre que les autres membres. Ils savent que les femmes sont responsables de la plus grande partie des cultures vivrières, qu'elles sont aussi membres des coopératives SP. Ils ont néanmoins constaté qu'elles ne participaient pas aux réunions ni aux décisions et qu'elles n'exerçaient aucune fonction importante au sein de l'organisation. Cette absence féminine, les responsables SP l'ont considérée comme un " problème" (un observateur extérieur au milieu aurait peut-être considéré cette situation comme normale, découlant naturellement des coutumes et des habitudes culturelles). Solidarité paysanne a mis sur pied une campagne de sensibilisation: on a parlé partout de "I' absence des femmes" et on a cherché comment les faire participer aux décisions. Au départ, les responsables pensaient qu'elles n'avaient pas vraiment compris l'importance des réunions et qu'elles s'en désintéressaient. Ils pensaient qu'elles devaient être mieux informées. Puis, en écoutant les paysannes...ils ont découvert la dureté des conditions de travail des femmes.

"La majorité des tâches domestiques et des tâches de production sont exécutées par les femmes, elles accomplissent 70% des taches de la communauté rurale. A toutes leurs charges, s'ajoutent deux heures de marche en moyenne par jour pour aller chercher environ 201. d'eau. Elles portent régulièrement de lourdes charges (50 kg.) sur de longues distances. A côté de leurs travaux agricoles, elles ont à accomplir toutes les taches ménagères dont le pénible pilage du manioc. Elles s'occupent également des enfants.

Bref, elles n'ont aucun répit, et leurs conditions de travail affectent gravement leur santé. Elles doivent se faire aider par leurs filles souvent dès que celles-ci ont atteint l'âge de dix ans, perpétuant ainsi le handicap scolaire " *

Puisqu'on leur donnait la parole, les femmes ont dit ce qu'elles avaient à dire. Mais elles ne s'en sont pas tenues là. Elles ont décidé de continuer à se rencontrer, à réfléchir ensemble à leur condition à essayer de l'améliorer.

Ainsi est né UWAKI; la branche féminine de Solidarité paysanne, L'objectif d'UWAKI reste le développement de l'ensemble de la communauté mais en privilégiant toutes les actions qui vont permettre aux femmes de jouer un rôle social, différent sans doute, mais égal à celui des hommes et reconnu comme tel. Autre but: l'indépendance financière à l'égard de leur maris.

UWAKI compte 5.000 femmes réparties en 70 associations. Chaque associadon réunit 2 ou 3 villages et, pour elles, l'émancipation du Kivu passe par celle des femmes.

* Cos propos sont d'Immaculée BIRHAHERA NAMDUlIBI, leader à UWA

Une autre idée maîtresse s'est imposée au cours des réunions d'UWAKI: l'homme, lui aussi, est esclave des tabous et des coutumes. Pour libérer la femme, il faut aussi le libérer.

Dans l'immédiat, les femmes sont confrontées à un problème de temps et d'énergie. La technologie peut y remédier. On a donc étudié les possibilités d'amener l'eau dans les villages et on a installé un moulin à manioc.

Au cours des réunions, on discute de préoccupations directes des femmes comme de leur manque de formation.

"Les femmes sont parfois bloquées parce qu selles ne savent pas lire un document. Dans nos villages, je dis bien au Kivu, la femme depuis longtemps, depuis la tradition, depuis nos mères et nos grands-mères, a toujours été considérée comme la dernière, comme le bas de l'échelle sociale. Dans tout ça, la femme doit être en arrière. Tout ce qui est fatiguant, rebutant doit lui revenir. Tout ce qui a trait au développement, la femme n'y a pas accès. Par exemple, les études. Même actuellement, la proportion de femmes qui vont à l'école est nulle par rapport à celle des garçons. Si on inscrit des filles à l'école, elles sont toujours les premières victimes des abandons scolaires parce qu'elles doivent aider leur mère aux travaux des champs, s'occuper des enfants, etc. "

UWAKI s'est donc engagé dans un travail de formation: les femmes apprennent à lire, à écrire et à gérer leur budget. Cette formation, qui répond à leurs besoins réels, tient compte de leurs occupations et de leurs obligations.

Ils sont cités par Daniel DESCENDRE dans l'ouvrage

' L'auto- promotion paysanne", publié par l'Harmattan et le Colketif Stratégies Alimentaires- Paris et Bruxelles- 1990

Ainsi SP voulait former des animatrices dans des groupes locaux. La formation devait se passer à Bukavu. Vu la distance de 500 km, beaucoup trop importante pour des femmes qui ne peuvent pas laisser leur foyer aussi facilement que les hommes, UWAKI a décidé de développer une formation sur place, au coup par coup et adaptée aux besoins. La dynamique d'ensemble va donc vers la décentralisation.

Les femmes ont pris conscience de la nécessité de changer la façon de penser, la mentalité traditionnelle des hommes mais aussi des femmes âgées.

"Pour les jeunes paysannes qui constituent le groupe d'âge majoritaire dans toutes les coopératives, les problèmes sont posés avec acuité, alors que les réponses sont envisagées avec souplesse. Le poids des habitudes est faible à côté du désir de changement. Le travail sur les changements des mentalités s'adresse également aux hommes. Dans notre association, nous avons adopté la stratégie de l'allégement du travail des femmes et l'intéressement des hommes aux tâches rurales pour qu'on paisse augmenter la production vivrière familiale et l'alimentation dans les familles. Puisque tout se solde par le kwashiorkor, la malnutrition. Nous trouvons que la première personne touchée par cela, c'est la femme. Quand il faut lutter contre le kwashiorkor, c'est la femme que l'on désigne, on ne demande jamais à l'homme. Nous avons adopté une stratégie définie: si on pouvait alléger les travaux de la femme progressivement et dans la mesure du possible, lui donner le temps de se consacrer à des travaux qui peuvent lui permettre de diversifier l'alimentation des familles. Il faut surtout intéresser les hommes aux

travaux des champs parce qu'on dirait que c'est tabou pour un homme de toucher la houe, dans certains milieux! Pourtant, ce ne sont pas les dernières tâches au monde!"

Une des innovations d'UWAKI a été de persuader les hommes de mettre leur bétail au travail et d'utiliser des attelages pour labourer. Cela n'a pas été sans mal car ils avaient tendance a considérer que leurs bêtes, signes extérieurs de richesse, étaient trop précieuses pour être employées dans l'agriculture. Mais, progressivement, l'idée a fait son chemin.

UWAKI s'est constitué une réserve d'argent grâce aux aides extérieures et aux revenus des moulins à manioc. Avec ces économies, les femmes ont pu réaliser d'autres projets, organiser des cantines, des crèches et des dispensaires...

Grâce à UWAKI, les femmes sont reconnues comme des "agents de développement à part entière". Elles ont pris leur destin en main et enrichissent toute la communauté de leurs réalisations. Désormais, au Kivu, toute la population des régions où SP et UWAKI sont installés prend part au développement. Les femmes se sentent particulièrement concernées. Elles sont sorties de leur rôle traditionnel et engagent toutes leurs forces dans le processus de changement.

Bibliographie

POUR ALLER PLUS LOIN...

AGCD (Administration Générale de la Coopération au Développement), s.d., La femme dans la coopération belge au développement. Rapport d'activité 1981-1985. Bruxelles, 40 p.

BELLONCLE G., Femmes et développement en Afrique Sahélienne, Dakar Paris, NEA/ECH/Les éditions Ouvrières, 1980, 212 p.

BISSILIAT J. et FIELOUX M., Femmes du Tiers Monde, Paris, Le Sycomore, 1983, 122p.

BOSERUP E., La femme face au développement économique, Paris, PUF, 1983, 315 p.

DIMENSION 3, Femmes et développement, avril-mai 1994

JACQUET I., La place et le RÖLE des femmes dans le développement, AGCD, 1994, 60 p.

MEILLASSOUX C., Femmes, greniers et capitaux, Maspero/Fondations, Paris, 1977, 251p.

MOSER C., Gender planning in the third world: meeting practical and strategic gender needs, World Development, vol 17, n°11, pp 1799-1825.

PAQUOT E. (Dir), Terre des femmes. Panorama de la situation des femmes dans le monde, Paris/Montréal, La découverte/Maspero Boréal Express, 1982, 448 p.

PEUPLES ET LIBERATION, Femmes et développement, juin 1993

VIVANT UNIVERS, Les femmes et le développement, n°407, septembre octobre 1993, pp 1-41.

Journée d'étude et de formation

C.Leloup, H.Ryckmans

Maison des femmes, Bruxelles, le 12 janvier 1995

Le Monde selon les Femmes, asbl

s/c Maison du développement 9,

Quai du Commerce B 1000 Bruxelles

Tel: 92.2.218.47.27Faxx: 92.2.217.60.78


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Horizon Local 1997
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