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Le décalogue de la ville parfaite

Par Cristiana Storelli, architecte


Avant propos

Sur la ville en général on a toujours pensé, on y a construit des théories, on y a fait des projets, on l'a décrite sous diverses formes on l'a dessinée, peinte, illustrée, on l'a subie, rêvée, fuie aussi.

La ville a eu des moments de hausse et des moments de baisse mais elle reste le lieu de repère par excellence pour la population.

Aujourd'hui, en particulier, on voit dans la ville un intérêt général: c'est la raison pour la quelle se multiplient les attentions sur une telle organisation.

Parmi tant d'autres institutions, le Conseil de l'Europe, avec son Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux s'est penché sur la thématique en présentant sa Charte Urbaine. Ce document, centré sur la ville a sa particularité dans le rappel aux droits de l'homme, son côté fortement politique, son caractère entre la pratique et le souhait: la différence avec d'autres documents et papiers qui traitent de la ville préside dans le fait que l'élaboration à été faite après un long travail d'analyse dans tous les secteurs, par une collaboration entre des spécialistes, des experts, des administrateurs, des représentants politiques de tous les pays européens faisant partie du Conseil de l'Europe. Tout le monde qui a pu travailler là-dedans était dans une façon ou l'autre directement concerné ce qui a donné l'aspect de manuel facilement applicable.

La Charte Urbaine européenne présente une Déclaration sur les droits à la ville: il s'agit de la Convention Européenne de 20 droits (des nouveaux droits) qui représentent le correspondant des droits de l'homme appliqué à l'environnement bâti.

C'est à partir de ce document, qui permet et provoque l'ouverture d'une vaste discussion sur la politique urbaine, et que j'ai présenté maintes fois, à beaucoup de niveaux, que je vais essayer d'arriver à indiquer quelques points pour soutenir la ville parfaite.

Pourquoi la ville

La ville a été depuis toujours le lieu idéal de rencontre, l'endroit où la vie communautaire et sociale est possible, institution historique où ont été élaborées les règles de la vie en société.

Avec la notion matérielle, archéologique, topographique et d'urbanisme on y retrouve la notion juridique de communauté d'hommes politiquement organisés pour la réalisation d'objectifs communs.

La ville a été toujours un pôle d'attraction, où l'on allait pour chercher du travail, du bien-être, des réponses à des quelques interrogatifs posés par les individus, par les familles, dus à la pauvreté à l'insécurité, à la famine.

La ville garde, de son côté, la mémoire historique, qui la rend identifiable à ses habitants, et représente un patrimoine de culture qui doit être mis en valeur.

Dans la ville se développent différents fonctions qui peuvent être changées, adaptées, améliorées pour répondre à des nouvelles nécessités.

La ville encore, joue un rôle fondamental dans la démocratie, étant le lieu le plus proche du citoyen, où il peut agir plus directement.

La plupart des gens, aujourd'hui, vivent et ont à quoi faire, directement ou indirectement avec la ville, soit- elle grande, petite, moyenne ou encore métropole.

C'est donc l'intérêt général qui poussa à se pencher sur la thématique de la ville, étant la ville le point de repère par excellence

Les changements de la ville

On ne nie pas que la ville a perdu souvent, au cours des années, son image traditionnelle, de repère, qui donne des réponses, qui résoud les problèmes de la vie communautaire, qui donne de la sécurité. Le développement de la ville, non maîtrisé, a produit des phénomènes telles que pollutions de toute sorte, le non-fonctionnement des structures, des malaises de caractère social, des défauts d'organisation.

L'agrandissement par exemple, souvent dé mesuré, ne permet plus une rationnelle maîtrise des problèmes ouverts tels que l'habitat, le trafic, les conditions de vie.

La ville confrontée à des nouvelles situations n'arrive plus à donner des suites, affronter les problématiques, en laissant les citoyens sans réponses.

La dégradation du patrimoine urbain, que je n'analyse pas ici, a, de son coté, contribué à changer l'image de la ville, qui a supporté toute une série d'effets provoqués par les interventions de l'homme mais aussi influencés par la nature, que l'on a pu constater dans beaucoup de villes.

Les changements survenus dans la ville demandent que l'on repense, que /'on remet en discussion la ville, son organisation, son image, sa vocation, sa fonction.

La ville comme institution

La ville est, à tout effet, l'institution où les citoyens peuvent mieux se connaître, s'y retrouver, où ils peuvent prendre ses responsabilités, lieu privilégié de la démocratie.

La démocratie, étant une forme de gouvernement ou la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce ou bien directement ou bien indirectement par des représentants, joue un rôle important dans la réalité ville.

La ville est le fondement de tout régime démocratique, niveau politique important, reconnu d'ailleurs dans le Traité de l'Union (Maastricht).

La ville doit donc assurer son organisation, l'exercice de ses fonctions, assumer des responsabilités. Elle doit être en mesure de régler des affaires publiques de sa compétence en faveur de la population.

Ça signifie autonomie locale, qui, selon la définition donnée par le Conseil de l'Europe, est le droit et la capacité effective de régler et gérer dans le cadre de la loi, sous sa propre responsabilité et au profs de sa population, une part importante des affaires publiques.

Toute politique que l'on fait dans la ville est réputé affaire publique.

Autonomie locale veut dire en même temps autonomie financière et l'existence de conseils ou assemblées composées de membres élus et toute forme de participation des citoyens.

La ville doit donc être organisée en vue de son fonctionnement, de sa gestion, avec le système démocratique et de l'autonomie.

La ville comme organisation vivante

La ville peut être prise comme organisme vivant, exactement comme un être humain: elle se développe, elle change, elle devient triste ou heureuse, belle ou méchante à dépendance et avec les hommes et les femmes qui l'influencent, la consomment, par des interventions, par des atteintes.

La ville est le reflet des hommes et des femmes qui l'animent, qui donnent des contributions, qui y créent problèmes, qui y cherchent de donner des solutions appropriées.

La ville est donc comme la société, quelque chose qui appartient à tout le monde, elle n'est pas quelque chose d'abstrait, qui touche les autres, qui est étrange.

En résolvant nos propres problèmes nous résolvons les problèmes de la ville.

Les Citoyens et les Citoyennes

Les citoyens et les citoyennes sont les habitants de la ville, les fruiteurs, les consommateurs, les commissionaires: mais surtout ce sont des personnes qui ont des droits.

II faut que les droits de l'homme soient reconnus, reconnus comme apanage de tous, sans discrimination de sexe, âge, d'origine, de croyances, de situation politique, sociale ou économique, de handicap physique et mental.

Près des droits fondamentaux et traditionnels de la "Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention Européenne ont été élaborés d'autres droits, d'ordre social par exemple, des droits qui répondent à des nouveaux défis. Le droit à la ville conçue par le Conseil de l'Europe dans sa Charte Urbaine pour donner des suites aux nécessités des citoyens. Dans la thématique de la ville, afin de rendre la ville aux habitants, de la faire plus vivable, de faire en façon qu'elle réponde aux attentes, aux désirs exprimés, représente un de ces nouveaux droits.

Les 20 droits de la Charte Urbaine, en entendant que les citoyens européens doivent en jouir, sont les suivants:

  1. Ia sécurité
  2. un environnement sain et non pollué
  3. l'emploi
  4. le logement
  5. la mobilité
  6. Ia santé
  7. le sport et les loisirs
  8. Ia culture
  9. l'intégration multiculturelle
  10. une architecture et un environnement physique de qualité
  11. Ia coexistence harmonieuse des fonctions
  12. Ia participation
  13. un développement économique
  14. un développement durable
  15. les biens et services
  16. les ressources et richesses naturelles
  17. l'épanouissement personnel
  18. Ia collaboration entre municipalités
  19. les méchanismes et structures financières
  20. l'égalité

La question des droits, qui doit être étroitement liée à la notion de devoir (a chaque droit correspond un devoir: par exemple le droit d'être consulté doit être suivi par le devoir de participer à la consultation), touche le concept de citoyenneté (condition du citoyen qui a des droits et des devoirs en rapport et en relation avec ['Etat).

La citoyenneté réclame le principe, selon lequel chaque citoyen peut être soumis aux décisions publiques s'il a, en même temps, le droit de participation. Ce concept est d'ailleurs très utile pour soutenir la démocratie urbaine.

Les remarques concernant les droits, les devoirs, la participation réclament tout de suite d'autres argumentations.

La position de la femme dans la vie de la ville par exemple, à qui est à attribuer la responsabilité des interventions, la conception de l'égalité, en considèrent chaque être humain dans sa propre dignité, personnalité, en acceptant son identité, donc sa diversité.

Chaque être humain est part de la société, qui doit tout mettre en oeuvre pour trouver l'équilibre nécessaire à son intérieur afin d'accueillir, de s'ouvrir, répondre aux sollicitations.

Chaque être humain a des spécificités à lui, desquelles il faut tenir compte: il doit enfin avoir la possibilité 'être acteur dans la vie de la société, donc de la ville, pouvoir donner sa contribution, prendre ses responsabilités.

Les citoyens et les citoyennes sont les vrais acteurs de la ville. Ce sont les citoyens et le citoyennes qui font la ville.

Des principes

II y a des principes qui devraient permettre de faire, de façon correcte, actuelle et idéale, le discours sur la ville, de se poser les questions appropriées et de donner quelques indications en vue des réalisations.

Le choix des principes descend de l'expérience personnelle, qui est à la fois professionnelle et politique, locale et internationale, humanistique et technique, expérience faite par des contributions données et des suggestions reçues.

Indépendamment du fait que tout le monde peut se faire des idées sur la ville idéale, il y a des principes qui peuvent aider aux idées de prendre forme, qui sollicitent la mise en discussion, qui donnent du poids à la construction architectonique, qui donnent de la valeur aux indications de la population.

Ils renforcent les conceptions du vivre dans la ville, de se mettre en relation avec les autres, la société et l'environnement. Ils aident la confrontation et le débat. Des principes permettent la remise en discussion de maintes thématiques, la famille par exemple, les activités rémunérés par exemple, la mobilité, le mode de vie etc., afin de trouver des solutions correspondantes.

Le premier principe que je propose à l'attention est celui du côté politique de toute intervention dans la ville.

Chaque intervention a un caractère public, touchant la population dans ses fonctions, consommateur, fruiteur, commissionaire, citoyen avec droits et devoirs.

Toute intervention étant publique et concernant le public donc, doit être soumise à la consultation, la décision et la vérification populaire.

L'aménagement du territoire, et l'urbanisme en particulier, sont des disciplines politiques, qui demandent cette procédure de planification qui commence par la consultation, passe par la décision d'une institution reconnue, pour arriver à sa réalisation sous vérification et centrale également populaire.

De ce premier principe on garde l'affirmation que planification et urbanisme sont des disciplines à caractère politique.

Un deuxième principe est à reconduire à l'égalité.

Dans la conception globale de penser la ville il faut appliquer, avec rigueur, le principe de l'égalité.

Ecrit et reconnu un peu partout, dans les Constitutions ou dans les lois, il n'est véritablement pas tellement appliqué, et encore moins réalisé (sauf exceptions).

Ce principe demande la reconnaissance de toute personnalité de chacun des membres de la société et le respect de ses spécificités.. II parait à l'évidence que ce principe touche la question homme femme, mais pas seulement. Et c'est un fait, qu'avec la discrimination (de la femme) on arrive à voir les inégalités, la parution de conflits, des malaises, des marginalisations.

L'application du principe de l'égalité fournit une énorme source de possibilités alternatives aux différentes thématiques, aux différentes fonctions qui se dé roulent dans la ville.

La femme, comme d'autres catégories de personnes, par son expérience particulière peut changer la politique, peut changer l'urbanisme et l'architecture.

La femme vit dans une autre réalité que l'homme: elle n'arrive pas souvent à exercer ou revendiquer ses droits, elle assume plus de fonctions sans en avoir la possibilité matérielle de les accomplir si non au détriment de quelque chose ou de quelqu'un.

Une ville doit être conçue aussi pour les femmes, qu'elles exercent un travail remunéré hors du foyer ou pas, mais pourvu qu'elles aient la possibilité de choisir librement (et sans conditions ni constrictions) leur mode de vie (et l'urbanisme doit en tenir compte).

Une ville doit être aménagée aussi par les femmes, qu'elle puissent indiquer leurs préoccupations et leurs objectifs, objectifs qui devient être pris en compte, lors des projets.

L'exemple appliqué à la femme peut très bien être appliqué à d'autres personnes, comme des minorités diverses, mais le fait que la société est composée d'hommes et de femmes c'est là surtout qu'il faut intervenir. En cherchant de influencer la société et donc la ville qui en est le reflet.

De cette argumentation descendent toute les mesures de soutien (stratégies, plans d'action, mesures positives) pour que la femme et son rôle soit pleinement reconnu, dans la vie civile et politique, en pensant en particulier aux décisions concernant le projet de la ville.

Le principe de la participation

Sans contraintes, la participation à la construction de la ville doit être employée en pensant au droit (d'être consulté d'expression etc.) et au devoir (de donner des avis, d'en tenir compte).

La ville appartenant à ses habitants, c'est à eux directement et indirectement qu'il faut donner la compétence. II y a naturellement d'autres personnes qui contribuent, et auxquelles on demande la collaboration et la coopération et d'autres encore qui ont la tâche de la coordination.

il s'agit des spécialistes (urbanistes, architectes. géographes, sociologues ....), des administrateurs, des politiques (des exécutifs et des législatifs élus).

Il ne sera donc pas question d'imposer des projets sans avoir proposé des idées. sans avoir appelé la population pour qu'elle donne son avis, sans avoir tenu en compte des intérêts généraux exprimés des habitants, sans l'avoir discuté avec les personnes intéressées.

Un processus d'aménagement du territoire qui n'a pas été suffisamment élargi par la participation, n'aboutira jamais a une bonne solution, parce qu'il ne reflète pas les besoins des destinataires.

Le dialogue, ouvert et correcte. entre les citoyens, les spécialistes et les hommes politiques est la base d'un bon urbanisme.

La participation, en surplus, rapproche le citoyen à la chose publique et contribue à éviter le détachement et la méfiance envers la politique.

La participation représente, donc un principe important dans la politique de la ville: pour l'égalité, entre homme et femme, pour la question des étrangers et leur droits à s'exprimer sur les choses les concernant directement (et ça peut être l'école de quartier. ou la route dangereuse ou le service social), pour le fonctionnement de la démocratie.

Un autre principe auquel il est bien de se référer c'est le rôle de la femme.

Sans répéter ce que l'on a déjà vu pour la question de l'égalité et de la participation, on peut aujourd'hui affirmer que la femme représente une nouvelle force alternative dont la société a besoin, dans toute sa complexité.

En n'ayant pas eu de grosses responsabilités pour ce qui est de l'état de l'environnement, de la dégradation des villes, au contraire victime éventuelle, l'apport de la femme dans les projets de la ville peut résulter très important, et en tout cas, originel.

La ville n'a, jusqu'à maintenant, pas été conçue pour la femme. ni construite par elle: plutôt pour d'autres choses et d'autres objectifs. II faut donc changer et réorienter. II faut désormais tenir compte de la femme.

Le temps et l'espace sont des facteurs déterminants pour la future ville qui répond aux exigences de mieux distribuer les services, les structures, les voies de communication, les moyens de transport par rapport au temps employé dans le travail, dans le commerce, dans le développement des activités domestiques, dans la partie dédiée à son épanouissement personnel, rendre paisible la mobilité, l'exercice de quelque droit ( au travail par exemple, a la culture par exemple).

Le temps et l'espace sont des dimensions de l'architecture: c'est de la théorie qui doit être appliquée non déjà en pensant uniquement au monument que l'on voit de quelque côté mais appliquée au déroulement de la vie quotidienne de l'homme, de la femme, de la famille, de la collectivité ou de l'individu. Une ville doit vivre tous les jours, pendant toute la journée, par l'imbrication des fonctions, par l'apport d'expériences de tout le monde.

Dans le sens contraire de clôture, de repli sur soi-même, d'égoïsme, I'ouverture -et c'est un ultérieur principe- signifie de s'occuper aussi des autres, de solidariser, de comprendre et tolérer son semblable. De faire de la politique, chacun à sa façon.

La ville comme résultat d'un procès de dialogue, de travail individuel et commun, de coopération et collaboration. Qui évite toute marginalisation, qui tient compte de la plupart des indications.

L'ouverture est nécessaire pour la compréhension de son semblable, en vue de la disparition de frontières, soient-elles de nature politique, physique ou culturelle, pour une pacifique vie en commun.

L'ouverture signifie d'autre part, par rapport à la ville-institution, la création de réseaux utiles pour faire de la propagande de la démocratie, transmettre des expériences et des connaissances.

En tant que pouvoir local, institution avec des précises compétences politiques, la ville doit jouir de l'autonomie afin qu'elle poisse exercer ses affaires et les gérer.

Cette autonomie doit être réglée par loi avec les compétences.

L'organisation de la ville, ses projets, ses rapports avec les citoyens font partie des compétences qu'elle doit assumer.

L'autonomie de la ville, de laquelle on a parlé au début de cette intervention, est un autre principe qui doit être pris en compte.

Parmi des principes auxquels se référer pour repenser la ville, il y a la nécessité d'avoir un projet qui exemplifie les idées, les rend compréhensibles, illustre les apports différents, qui dessine l'image de la ville.

Un projet demande un travail de recherche et d'analyse sur le présent et le passé. II demande le recours à l'utopie pour envisager le futur, de l'imagination créative. La valorisation des richesses et des patrimoines sont part intégrantes de n'importe quel projet de ville.

Les principes desquels on a donné des indications, peuvent naturellement être élargis, modifiés, développés. On peut y ajouter beaucoup d'autres.

Mais les principes énoncés - le coté politique, l'égalité, la participation, le rôle de la femme, le temps et l'espace, l'ouverture, l'autonomie et l'existence d'un projet - permettent de se rapprocher mieux à une ville qui soit idéale, vivable, parfaite.

Le rôle de l'architecture et l'urbanisme

L'architecture est une discipline parmi les plus complètes, parce qu'elle doit s'occuper de l'être humain, de son rapport avec l'environnement et avec la société, elle demande des connaissances dans beaucoup de secteurs: de la jurisprudence à la technique du bâtiment, de la physique à la géographie à la sociologie.

L'architecture devient un engagement social si l'on pense à qui elle est destinée, et engagement politique si l'on se réfère au caractère public de ses interventions.

L'architecte couvre un rôle de médiateur entre le citoyen, les autres spécialistes et les politiques.

L'architecture est une matière profondément et surtout humanistique qui rappelle à l'histoire, au patrimoine, à la culture, à la recherche.

L'architecte est en même temps un bon exécuteur des indications, des objectifs posés, des principes énoncés.

L'exercice de cette profession demande le recours à l'utopie et à l'exclusion des conditionnements.

L'architecture et l'urbanisme doivent s'adapter à des nouvelles modes de penser, à des nouveaux défis lancés par la société. Sûrement prévoir, sûrement aussi aider la réalisation de nouvelles idées.

Le nouveau aujourd'hui s'appelle égalité, s'appelle fantaisie, s'appelle sécurité (sociale, physique, matérielle). II s'appelle justice sociale (respect des droits), réaliser des rêves, s'appelle tolérance (coexistence), s'appelle démocratie.

La démocratie

La démocratie, ça peut vouloir dire système où tout le monde est reconnu, où il a ses responsabilités, où il peut se sentir acteur.

La démocratie est aussi l'espace public où on peut discuter les projets, les divers projets de vie.

La démocratie est aussi un mode de penser, de respecter la diversité (tout homme est différent, mais tout homme doit jouir des mêmes droits fondamentaux).

La démocratie est un concept politique, parce qu'il intéresse le public.

II faut discuter de la démocratie appliqué à la ville, à la politique de la ville.

On peut se demander s'il existe une ville démocratique et si, par conséquent, I'urbanisme et l'architecture peuvent avoir des mots à dire là-dessus.

Si l'architecture et l'urbanisme sont des expressions culturelles qui reflètent le niveau de la société, tout au moins de cette partie qui l'influence, en même temps que disciplines techniques, elles doivent être en mesure de répondre au nécessités de la société: et plus des projets correspondent aux exigences exprimées ou reconnues ou encore envisagées, plus on a la chance de s'approcher à la satisfaction des besoins. La démocratie appliquée en urbanisme peut vouloir dire ça. L'architecture et l'urbanisme doivent garder l'empreinte politique donnée par le fait que toute intervention dans le territoires est public.

On peut affirmer donc qu'une ville démocratique correspond à une institution qui permet l'exercice des droits, sa réalisation, qui écoute ses habitants, qui cherche des solutions par des projets dans lesquels chacun peut s'y reconnaître. Une ville démocratique est une institution ouverte, qui accueille: ville et démocratie peuvent être conjugués par l'activité politique pour la recherche d'égalité politique et sociale.

La traduction des nouvelles exigences (de la femme par exemple), de plus de démocratie (de plus de participation par exemple, plus de respect de l'autre), de plus de droits (à la ville par exemple) en programmes et projets est possible s'il y a la volonté, du citoyen, de l'administrateur, de l'élu, du spécialiste: et la ville démocratique est l'institution qui sort d'un procès de planification ouvert, qui permet des adaptations, des expérimentations sans nécessairement de grosses ruptures, qui respecte l'environnement bâti naturel ainsi comme l'environnement social et culturel.

Par le langage de l'architecture et l'urbanisme une ville démocratique aura naturellement une autre image.

L'urbanisme et l'architecture doivent connaître et interpréter les thématiques ouvertes et les traduire en projets: en étant en même temps des disciplines profondément humanistiques, c'est dans ce domaine précisément que l'on trouvera des ressources suffisantes pour les réalisations.

Déterminé le caractère politique des interventions dans le territoire, il faut se rappeler de la dimension humaine (à l'intérieur de l'habitation, dans les espaces extérieurs, dans les quartiers, dans l'organisation institutionnelle), de la fantaisie (due à la variégation de la société, dans le genre humain qui ne doit pas nécessairement être encadré dans des structures très déterminées), de l'expression de liberté qui doit subsister soit du coté des promoteurs, soit du coté des réalisateurs des auteurs des projets.

La démocratie est donc soit le lieu où est possible la discussion, soit l'institution politique qui permet la libre expression et un moyen pour s'approcher aux idéaux.

Et la ville démocratique ?

Elle peut sortir d'une planification ouverte, flexible, qui permet des adaptations sans nécessairement produire des cassures profondes, qui permet expérimentations sans porter à des monuments, respectueuse de la pensée humaine, de l'utopie aussi, de l'environnement bâti (histoire) et naturel (nature).

Une procédure démocratique dans la planification peut conduire à une ville meilleure, plus compréhensible, harmonieuse, équilibré.

Repenser la ville

Repensons la ville. Tenant compte des principes énoncés. Ce n'est ni facile, ni difficile. C'est une façon différente d'aborder la thématique.

Repenser la ville est en tout cas nécessaire, pour éviter des problématiques telle que l'exclusion qui est actuellement le phénomène le plus évident.

L'exclusion et la marginalisation ne concerne pas seulement l'étranger, ni les personnes âgées: ça touche les jeunes, les chômeurs, les femmes.

Repenser la ville est nécessaire pour recoudre le problème de la pollution de toute sorte (de l'air, de la terre, de l'eau).

On peut penser d'appliquer réellement les droits reconnus et les nouveaux droits: ça veut dire concevoir des habitations conformes, ça veut dire organiser le temps de travail respectueux de différentes réalités, ça veut dire donner des suites aux divers systèmes de vie librement choisis, offrir des opportunités (de services, de accessibilité, de culture, de travail).

Ça veut dire de rechercher un équilibre entre les fonctions et les droits et le traduire en projets.

La validité du concept de développement durable, c'est à dire la conciliation des intérêts du développement économique avec la protection de l'environnement, élargi à l'équilibre entre les interventions touchant à l'homme et à ses relations avec la société et environnement dans lequel il vit, peut donner un ultérieur nouveau paramètre à l'urbanisme.

II faut repenser la ville si l'on veut la rendre meilleure.

La ville face à la démocratie

II s'agit de réexaminer la ville et la rapporter au système démocratique. Ça signifie de mettre en place la démocratie paritaire afin de rendre possible la reconstruction en abandonnant par exemple l'habitude de tout confier au spécialistes et de partir d'en haut de la pyramide du pouvoir pour décider de tout.

II s'agit encore de démocratiser l'enseignement, à tous les niveaux, ainsi que la formation, d'apprendre la pratique de la démocratie, développer une nouvelle culture.

Cette nouvelle démarche d'analyse, de recherches, d'études, demandant de l'information correcte, objective, immédiate, c'est aux médias (tous les moyen de communications) qu'il faut demander d'être le vecteur vers les changements souhaités.

La ville face à la démocratie doit donc changer de stratégies, s'ouvrir à la pratique démocratique, permettre l'exercice de la politique, proposer des objectifs nouveaux.

La question à savoir s'il existe une ville démocratique résulte à ce point légitime, comme légitime parait la demande si elle est réalisable, ou si elle est destinée à rester dans l'utopie.

Si, à première vue, le discours paraît théorique, à bien y penser il ne l'est absolument pas.

Prenons par exemple le principe de la participation: si la participation est reconnue, si l'on y prend part, si l'on s'exprime, on devient par conséquent responsable, et l'on employera n'importe quel moyen et toute mesure pour faire réaliser ses propres objectifs.. Participation va avec prise en compte générale qui porte à moins de marginalisation. Le même vaut pour le principe de l'égalité. On peut arriver vite à la conclusion que toute thèse touchant à la vie quotidienne et au cadre de vie dans la ville peut être reconduite à un droit, au respect d'un droit et à l'expression de démocratie.

Une ville démocratique est sûrement une organisation qui permet l'exercice des droits, qui reconnaît les droits, qui prétend en même temps des devoirs, qui donne des réponses aux problèmes soulevés, qui tient en compte des indications, elle écoute ses habitants, et les met en condition de se reconnaître dans sa propre ville.

Ville et démocratie peuvent se conjuguer à travers des correctes politiques urbaines dans la recherche d'égalité politique et sociale.

On pourrait envisager à ce point une nouvelle Charte d'Athènes, et ce n'est pas la première fois et je ne suis pas la seule à le proposer. II y a d'autres principes et d'autres objectifs à mettre sur la table de la discussion: il y a un autre urbanisme, que j'appellerais une véritable politique urbaine à mettre en place, au lieu de la Charte d'Athènes qui date désormais de 1930, et qui a été un repère important pour architectes et urbanistes.

La ville parfaite

II faut avant tout saisir des occasions pour déclencher ce processus de planification qui a des chances d'aboutir à un modèle de ville parfaite. Et garder toute conviction que l'on peut y arriver assez près.

Ça dépend de nous, de notre volonté. Des occasions se présentent naturellement un peu partout et assez souvent.

La relation entre la ville parfaite et ville réelle, c'est à dire comme elle se présente, est sûrement un thème à approfondir.

Ce n'est pas une chose nouvelle: des grandes interventions, des grosses destructions, des déchirures faites par les architectes et les urbanistes ne sont aujourd'hui pas toujours des exemples à suivre. II y a en tout cas la nécessité de mieux comprendre le passé, le bâti, avant d'intervenir. L'histoire des hommes, l'histoire de l'art, doit conduire les actions dans la ville.

La ville réelle présente toujours aussi des cotés positifs, que la population, dans son ensemble, apprécie, des endroits qu'elle cherche: ce sont des structures (des parcs par exemple, ou le magasin de quartier, ou encore une route que l'on aime bien parce qu'elle présente quelque chose d'intéressant), des quartiers, des éléments. Une analyse sérieuse sur les parties les plus aimées et acceptées de la part de la population aide à l'étude de la ville parfaite.

Le rapport entre la ville parfaite et sa réalisation parait aujourd'hui très différent par rapport à une période connue pour avoir proposé des villes idéales avec quelques réalisations exemplaires et beaucoup de projets (la renaissance italienne). On parle beaucoup de la ville idéale de cette période: les projets et les réalisations correspondent en effet à quelque chose d'idéal: la dimension, la protection contre l'extérieur, l'ordre qui y règne dans les plans, l'existence d'un centre, la centralité d'une structure de repère, une lecture facile des plans. Mais les réalisations ont été peu nombreuses, les applications aussi.

La question à savoir pourquoi il y a eu peu de réalisations est aujourd'hui assez actuelle: en effet à cette époque-là tout dépendait du prince, du pouvoir du prince et de ses visions et disponibilités.

II y a des présomptions qu'aujourd'hui on est plus proche, au moins du point de vue théorique de la possibilité de réalisation d'une ville idéale, et que la conœption d'idéal s'approche de parfait, en changeant les objectifs, en se référant à des principes actuels, en modifiant des comportements.

Les points de départ actuels sont plus favorables à la réalisation: la grande sensibilisations des populations, une plus grande scolarisation, la démocratisation, les nouveaux moyens de communication, les techniques toujours plus avancées, les connaissances.

La réalisation de la ville parfaite ne demande pas la destruction pour la reconstruction, ni la construction "ex novo", d'une telle organisation: elle demande plutôt une déconstruction pour la construction, pour aménager, réaménager. Ça vient de la connaissance et du respect.

Les changements débutent dans la mentalité, dans l'adaptation aux exigences reconnues, dans la création de conditions favorables dans la société un long travail culturel et politique, donc dans la ville, afin qu'elles puissent bouger vers la direction désirée. La ville peut devenir laboratoire d'expériences, d'études, d'échanges d'opinions avec d'autres villes liés en réseau par exemple, dans une activité concurrentielle qui peut être très utile. Dans la ville laboratoire il y a l'espace et la possibilité pour tous de donner des avis, faire des propositions, les vérifier, les porter à sa réalisation. La ville laboratoire peut elle être déjà un début de ville parfaite? Dans le sens de travail continu, ouvert, d'adaptation, d'activités qui bougent et font bouger, on peut oser de commencer à dire que oui.

Si l'on imagine une ville dans laquelle on essaye, démocratiquement des nouveaux modèles, suite à des modes de vie qui correspondent à des réclamations de la part des jeunes, ou de la part des familles monoparentales, des retraités, des gens qui soutiennent plus qu'une fonction ou exercent plus qu'une activité, on peut encore répondre par l'affirmatif.

Des confrontations idéales avec des projets et des réalisations de villes connues, sont encore un exercice utile pour mieux déterminer les caractéristiques et les spécificités de la ville parfaite, que je propose à l'attention.

La ville idéale, de la renaissance italienne. De cette ville on a déjà dit quelque chose, à retenir: la perfection des desseins, la centralité, I'ordre, I'équilibre. Mais elle n'appartient pas à sa population.

II y a la nouvelle ville, construite à partir de zéro, qui offre des possibilités nouvelles: il y manque l'histoire, la mémoire. Elle manque de liens et rapports avec le territoire.

II y a la ville qui porte en soi-même la coexistence multi-culturelle et un exemple connu est Toledo. Toledo offre une richesse de patrimoine impressionnante, due au mélange des cultures.

Elle a les atouts pour représenter le respect de l'être humain, avec ses expressions culturelles à lui, une image riche et fantastique. Elle représente la ville de la tolérance.

Il y a la ville rêvée, comme peut l'être Sanaa, au Yemen. On la voit de loin, avec ses murailles, ses maisons tours, ses décorations, ses repères.

C'est une ville qu'on peut rêver, justement, sur les livres, en pensant à l'histoire, à la richesse de l'offre quant à la construction des divers bâtiments, en essayant d'imaginer comment est la vie quotidienne dans une de ces tours, et quelle vue elle offre vers l'horizon. Cette ville, représente l'utopie.

II y a la ville dessinée, soit existant soit restée sur le papier. J'entends par là une ville dans laquelle on a le sentiment de vivre comme dans un tableau à plusieurs dimensions: le tableau étant le plan, justement dessiné, d'après des idées, suivant des objectifs visibles et dans laquelle il y a la place pour les structures extraordinaires et ordinaires de qualité. Une ville dessinée est par exemple Barcelone, et elle représente à mes yeux la maturité culturelle de l'urbanisme.

II y a la ville qui accueille, la ville ouverte, où on se sent chez soi: et ce n'est pas nécessairement une ville de sa propre région. II s'agit plutôt d'une ville dans laquelle on éprouve la sensation d'être bien accueilli, d'ouverture, sensation qui donne de la sécurité et de l'apaisement, qui permettrait l'épanouissement personnel. C'est le cas par exemple de Bruxelles, qui déjà par ses habitants, ses citoyens et ses fruiteurs ouvre à la présence de l'autre, à son accueil.

La place, centrale (il y en a dans d'autres villes naturellement) aide à soutenir la conception d'ouverture et d'accueil. Une place avec de telles spécificité que l'on trouve à Bruxelles peut signifier aussi une participation accrue à la chose publique. La ville ouverte représente la démocratisation et la disponibilité.

Les confrontations énoncées permettent un approche diffèrent à la thématique de la ville et renforcent les principes évoqués.

Si l'on mêle, à volonté, à dépendance de lieu où l'on se trouve, des situations de départ qui sont souvent très différentes, tous les ingrédients proposés, on arrive à une première affirmation, selon laquelle parfaite est la ville qui a été capable de susciter un approche nouveau et global à son propre aménagement.

Parfaite est une ville qui est laboratoire de ses nécessités: par la planification démocratique elle est en mesure de conduire les interventions vers des équilibres sociaux et économiques. Elle est en mesure de donner des habitations conformes, I' habitation n'étant pas seulement la réponse à un droit mais aussi une réponse à une façon personnelle de vivre dans le privé. Ce discours est valable pour toute activité. Chaque confrontation proposée donne, pour la ville parfaite, quelque repère, et des points à garder.

Comme il a été fait pour une définition de ville idéale (IDEAL CITE - à l'initiative de la Cité des Sciences et de l'Industrie de Paris) en suivant la Charte Urbaine Européenne, où la ville idéale a été présentée par l'addition des caractéristiques suivantes:

travailler, s'identifier, circuler, aménager, se détendre, habiter, communiquer-participer, se cultiver, être solidaires et en sécurité, être ouverts aux autres,

nous pouvons de notre part et en poussant plus loin les argumentations proposées, faire une élencation des principes soulevés et la possible conséquence de leurs applications, avant de déterminer le décalogue de la ville parfaite.

Principes

Conséquence

21 novembre 1994
Séminaire Espace et Femme
Région de Murci

Cristiana Storelli, architecte

CH-6500 Bellinzona

Experte pour le Conseil de l'Europe sur les Politiques Urbaines

Tel : 091 825 43 72 Fax : 091 825 87 04


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Horizon Local 1997
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