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Conduire le changement dans les associations

Par Claude Rochet


Le texte intégral dans le livre
"MANAGEZ VOS ASSOCIATIONS"
 

(...)

V - CONDUIRE LE CHANGEMENT

La conduite du changement a pour objet d'adapter l'organisation de l'association à son projet, tant dans le domaine des performances de gestion que de la règle du jeu associatif et social.

Il n'y a en la matière aucune recette et le lecteur devra résister à la tentation de se focaliser sur un seul des points de cet ouvrage pour en négliger d'autres. Il devra au contraire avoir la conviction que le management est l'interaction complexe de compétences techniques, de savoir-faire relationnel, de sens du client, d'ouverture d'esprit, de remise en cause et d'innovation.

Changer le système pour qu'il serve le projet associatif, que les clients, les membres, le personnel s'y reconnaissent, y trouvent leur place, en deviennent les acteurs et en retirent un bénéfice, requiert une démarche de pilotage qui devra s'adapter à la compléxité de chaque cas.

Cette absence de solutions toutes faites et de recettes suppose en contrepartie une méthode rigoureuse que l'on peut articuler en quatre temps :

1) L'appréhension de la complexité du système pour en tirer le fil d'Ariane qui permettra de bâtir une solution.

2) Savoir d'où l'on vient et où l'on va pour choisir le bon itinéraire

3) Mobiliser la ressource humaine pour en faire le levier du changement

4) Planifier rigoureusement la démarche, former les acteurs du changement, et bâtir une communication active qui valorise les résultats obtenus.

 

1) Le management n'est pas compliqué, il est complexe.

Les principes du management relèvent souvent du simple bon sens. A part quelques rudiments de statistiques et de comptabilité, le lecteur n'a, à la fin de cet ouvrage, aucune technicité particulière à maîtriser pour se lancer dans l'aventure du management. Mais il devra être capable de dialoguer avec chacune de ces technicités pour s'assurer qu'elles se mettent bien au service du projet associatif et qu'elles ne deviennent pas un état dans l'état bloquant le système.

C'est l'interaction entre ces éléments qui va créer la complexité. Aux temps héroïques il y avait un groupe de copains, de militants, bénévoles, qui mettaient en commun des moyens identiques; on se regroupait par affinités sociales et culturelles, la langue de bois évacuait les questions gênantes et créait la cohésion nécessaire. L'association du XXI° siècle voit apparaître des professionnels hautement qualifiés (informaticiens, médecins, marketers) aux côtés de ses métiers traditionnels (animateur, éducateur) eux-mêmes en pleine mutation compte tenu de l'évolution de la demande sociale. Il faut gérer le quotidien fait de toujours plus d'incertitudes tout en ouvrant les portes d'un avenir par nécessité enthousiasmant. Il faut faire coopérer les métiers entre eux, associer professionnel rémunérés et non rémunérés venus de tous horizons autour d'un projet commun : Il faut apprendre à "marcher, siffler et mâcher du chewing-gum en même temps" .

Complexité de l'environnement, complexité de l'association : la première tâche du manager sera de comprendre comment fonctionne le système sur lequel il doit agir.

 

a) Un peu de théorie : qu'est-ce qu'un système?

Un système c'est avant tout du désordre. Cette loi de la thermodynamique découverte en 1824 par Carnot établit qu'un système évolue nécessairement vers un état d'entropie (de désordre) maximale qui est un état d'équilibre. La capacité d'organisation du système (par exemple, en thermodynamique, la réduction de la perte d'énergie en supprimant les frottements) permet de lutter contre l'entropie. Privilège des systèmes vivants: ils sont capables de s'adapter et d'évoluer vers un degré d'organisation supérieur (on parle alors de néguentropie) au prix d'un accroissement de leur complexité. Mais ils ont également le redoutable privilège d'être soumis à une entropie bien supérieure étant constitués d'une multitude d'éléments eux-mêmes vivants qui se dégradent constamment. Le meilleur exemple en est le corps humain. Il est constitué d'une multitude d'éléments fragiles dont la compréhension des interactions est hypercomplexe. Mais le corps est animé par un principe de vie qui lutte contre le désordre : qu'un corps perde le sens de la vie, et il sera inéxorablement entraîné vers la mort .

La complexité des systèmes vient de ce qu'ils fonctionnent en boucle : l'ordre tend à se dégrader en désordre, à son tour porteur d'ordre au travers des interactions qu'il suscite entre les éléments de l'organisation .: "Il y a des ordres dans le désordre ." Comprendre le mécanisme de ces interactions, analyser les problèmes, identifier les causes, pour piloter le système, le rendre intelligent pour lui permettre d'apprendre et de faire face à l'évolution de plus en plus rapide de la société : tel est l'objet du management.

Comme tout système vivant, une association sans management évoluera vers un état de désordre croissant qui ne trouvera son équilibre que dans sa mort et la dispersion de ses animateurs. Tout responsable d'association a suffisamment expérimenté ce phénomène pour que la démonstration se passe d'autres commentaires.

Le but du manager est donc de trouver des principes d'ordre pour échapper à la mort.

Première réaction : mettre le désordre hors la loi. C'est le triomphe de la pensée cartésienne avec une capacité intellectuelle - la raison - qui explique tout, et une main - l'exécutant - chargé de plier la matière à la raison. Son incarnation est le taylorisme, ou l'organisation scientifique du travail, qui a prétendu exclure toute incertitude et tout désordre au prix d'une division radicale entre fonctions manuelles et intellectuelles. Ce cadre conceptuel est aujourd'hui complétement obsolète et même nocif pour son incapacité à comprendre la compléxité du réel. Cette "pensée simplifiante est incapable de concevoir la conjonction de l'un et du multiple ". On répond à la complexité par la complication, qui juxtapose une multitude d'explications et de solutions parcellaires déconnectées de la réalité vivante. On pense "où...où" et non "et ....et" , et l'on se perd dans des problèmes schématiques et dogmatiques : Si l'association est à but non lucratif, elle ne peut faire de profit!. La pensée complexe acceptera de dire "puisque nous sommes à but non-lucratif, nous avons besoin de gagner de l'argent pour financer nos activités gratuites". Le système complexe est bâti autour de contradictions apparentes qui sont en unité profonde et se nourrissent l'une l'autre.

Deuxième réaction : créer de l'ordre à partir du désordre. La diversification des tâches et des métiers, qui entrent en transaction au sein de l'association et la multiplication de ces transactions avec un environnement qui change de plus en plus vite sape la prétention rationaliste de tout régler par des procédures précises et centralisées. Il devient impossible de concevoir un système comme une mécanique bien huilée. Les travaux de l'école de Palo Alto ont montré au contraire qu'un système n'était pas seulement la somme de ses sous-parties mais aussi de ses interactions. Un système est supérieur à la somme de ses éléments et il obéit à une logique propre qui est plus puissante que la volonté de chaque partie engagée dans le jeu des interactions. La loi du système - que les individus qui en sont membres en aient conscience ou non - s'impose à chacun de ses éléments. Agir sur un système pour le changer c'est donc agir sur les interactions plus que sur les individus où les éléments qui le composent. C'est pourquoi les exhortations et la langue de bois ne peuvent rien changer. Ce qui compte c'est la règle du jeu qui va faire que le système tend ou non vers l'état d'ordre désiré. Comment se fait-il que lorsque le public applaudit à la fin d'un concert on passe progressivement d'un état de désordre à un état d'ordre où les applaudissements sont cadencés? Parce que chacun a clairement en tête une règle du jeu qui s'impose à chacune des volontés individuelles sans autre coordination.

Gregory Bateson a souligné dans un article célèbre "De Versailles à la cybernétique" que le paradoxe du XX° siècle était d'une part d'avoir découvert la cybernétique et la loi des systèmes et d'autre part d'avoir, par le traité de Versailles, supprimé toute morale du jeu international et mené le monde à un état de désordre absolu. . Changer un système c'est donc agir sur la régle du jeu qui l'anime : c'est introduire des principes de vie, produire des règles et des références en cohérence avec les comportements recherchés. Ce sera donc la première règle du manager qui pilotera une opération de changement.

Comment le système associatif fonctionne-t-il ?

Le jeu associatif est l'interaction d'animateurs qui ont l'intuition du projet et anticipent la demande sociale, de gestionnaires qui l'enchâssent dans les contraintes du quotidien, de salariés qui ont leur projet propre qui doit entrer en cohérence avec le projet associatif, de consommateurs qui sont les clients qui jugent l'association sur ses actes sans prendre en compte les grandes déclarations qui ne se retrouveraient pas dans ses prestations quotidiennes, et de supporters (membres, bénéficiaires secondaires, réseaux). Le système ne fonctionne que s'il se boucle, c'est à dire que si chaque élément est en interaction avec l'autre conformément à la règle du jeu. A défaut il y a débouclage et apparition d'une des maladies associatives décrites au long de cet ouvrage.

2) Gérer la complexité c'est mettre de la souplesse et de la cohérence dans son moteur.

Le lecteur comprendra maintenant clairement pourquoi il est vain de rechercher une cause spéciale aux dysfonctionnements d'une association. Aucun facteur n'est déterminant, il n'y a aucune solution universelle mais un mouvement permanent de flux et de reflux. : ce qui est bon un jour ne le sera plus le lendemain, tout dépend de l'état d'équilibre du système C'est pour cette raison que Bateson parle "d'écologie de l'esprit" : comme dans la nature, toute action humaine entraîne un déséquilibre qu'il faut pouvoir compenser. L'action unilatérale sur une seule cause comporte à terme plus d'effets pervers que d'effets positifs. L'utilisation du DDT avait pour but d'éliminer les insectes nuisibles. On a alors agi sur une seule cause, et qu'a-t-on vu ? les insectes nuisibles se sont immunisés mais les animaux qui s'en nourrissaient ont été intoxiqués. L'état de déséquilibre créé a été pire que le mal initial. Le management DDT à coup de solutions radicales, de boucs émissaires désignés par la langue de bois, crée les même ravages dans les organisations que dans la nature.

De quoi avons-nous besoin pour gérer le changement? Uniquement de deux choses, mais capitales et indissociables : de souplesse et de règle du jeu.

 

a) " la souplesse sociale est une ressource aussi précieuse que le pétrole ou le titane "

Face à un environnement mouvant le système associatif ne peut s'adapter de manière globale et concertée. Les parties du système sont en relation directe avec l'environnement extérieur et doivent avoir assez de libertés pour réagir et s'adapter. Les associations qui oeuvrent dans les secteurs sensibles le savent : face à un acte de délinquance brutal, les personnels en contact doivent pouvoir réagir sans avoir à réunir le conseil d'administration ni consulter - abominable concept - "l'autorité de tutelle". La capacité du système associatif à créer de l'ordre à partir de l'agression du désordre ambiant reposera sur la capacité d'adaptation du comportement de chacun de ses éléments. Il faudra se doter d'une réserve de souplesse par des délégations, des mandats clairs donnés par les dirigeants, gardiens de la règle du jeu, à chaque acteur du système.

b) Plus il faut de souplesse, plus il faut de règle.

C'est la règle qui va permettre de distribuer la souplesse conformément aux objectifs poursuivis. Or les grands systèmes se montrent plus capables de produire de la réglementation que de la règle. La réglementation c'est l'art de faire la même chose en donnant l'impression d'innover. Réglementer c'est entrer dans une logique ou "plus ça change, plus c'est la même chose" : on remanie les organigrammes, on change le logo, on pond une réglementation compliquée qui donne l'impression du mouvement, et il ne se passe rien - c'est un moindre mal - où la situation devient de plus en plus confuse. C'est par là que pêche le management public aujourd'hui, dont un exemple criant est la réglementation du stationnement automobile à Paris : le système produit de la réglementation (des interdictions avec des peines d'amende) mais est incapable de produire de la règle qui agira sur le comportement des individus pour qu'ils respectent la réglementation. On arrive donc à cette situation où le gardien de la règle (le Préfet de Police) déclare lui-même qu'il cesse d'appliquer la réglementation pour telle ou telle raison : tolérance de 15 minutes, période de Noël... qui font que la règle est ridiculisée et que le système corrompu corrompt à son tour les individus, qui font d'un comportement anarchique leur règle de comportement, et qu'il tend vers un état de désordre toujours croissant. L'art du management, ce sera donc de mettre de la souplesse et de la rigidité là ou il faut et quand il faut.

La première souplesse est celle des idées, c'est une attitude culturelle qui prédispose au changement. C'est pourquoi la langue de bois fait tant de mal aux associations : elle fige la pensée et sert à couvrir toute sorte de pratiques qui sont en contradiction avec les principes affichés.

Cette attitude culturelle devra être développée en apprenant à chacun à gérer ses espaces de libertés grâce à une règle du jeu précise et acceptée plutôt que de ne pas obéir aux injonctions d'une réglementation prohibitive de moins en moins respectée.

3) Comment s'en sortir?

Le management c'est faire des choix. Où l'on se donne les moyens de tirer le fil d'Ariane du labyrinthe de la complexité d'une organisation, où l'on refuse de faire des choix et l'on en fait quand même. Quand une association meurt, c'est qu'elle a implicitement choisi de mourir en faisant des non-choix : ne pas se mettre à l'écoute des clients, refuser d'évaluer ses performances, négliger de mobiliser ses adhérents et son personnel, et donc refuser d'avoir une vision stratégique. Il est alors inutile de chercher une quelconque explication mécaniste, la trahison de la collectivité subventionneur, l'insuffisance du fonds de roulement, qui peuvent intervenir comme cause spéciale mais n'expliqueront jamais la défaillance de l'ensemble du système. A partir de choix clairs et sans équivoque le management va consister à organiser l'ensemble des éléments du système associatif pour qu'il serve les missions et objectifs affichés. S'engager dans une démarche de changement c'est faire le choix de la vie, c'est donner du sens à la performance dans ce modèle à trois dimensions dans lequel nous vivons tous : un projet porté par un ou des leaders qui seront les administrateurs ou le directeur de l'association, une règle du jeu associatif et social dans laquelle chacun se reconnait et reconnait les objectifs, et une organisation dont les contraintes matérielles doivent être allégées par une gestion performante ..

La démarche de changement une fois que l'on a appréhendé la complexité du système associatif dans lequel on évolue va s'organiser en trois temps :

- Définir le sens dans lequel on veut aller pour trouver le bon chemin : c'est le rôle de la direction générale de l'association

- Bâtir la règle qui permettra de jouer entre contraintes et zones de liberté : c'est l'objet de la démarche participative;

- Planifier un mouvement d'apprentissage et de consolidation qui permettra à la règle de devenir crédible et opérationnelle : c'est la tâche de chaque manager, à tous les niveaux de la pyramide.

2) D'ou l'on vient et où l'on va :

Il est impossible de trouver son chemin dans la complexité du système si l'on n'a pas défini un point de départ et un point d'arrivée.

Prenez un bristol, concentrez-vous cinq minutes : pouvez-vous écrire en quelques lignes l'objet de votre association? Qui sont vos clients? Quels sont leurs critères de satisfaction? Si vous le pouvez, tous les collaborateurs et administrateurs le peuvent-ils? Reportez-vous à la démarche de conduite de projet et formalisez-le en quelques paragraphes qui synthétisent ce que vous voulez faire et marqueront les étapes de réalisation de la mission selon la règle FARCES . Ce travail doit être fait en associant le plus largement les responsables de tous niveaux, les membres et le public pour aboutir à un document simple, clair et mobilisateur. Il doit être finalisé, c'est à dire que les animateurs doivent être mus par une volonté d'aboutir. A défaut on deviera sur le débat sans fin sur l'ontologie des hommes et des choses auquel succédera la reprise du pouvoir par un comptable ou un technicien qui imposeront des enjeux sans âmes, peu compréhensibles pour les non-initiés, sans liens avec les projet associatif.

1° règle : Fixer des objectifs clairs et ambitieux

Qu'est-ce qu'un objectif clair? Une vision de l'avenir qui indique le sens de la marche mais qui doit se garder de vouloir tout planifier rationnellement. On doit pouvoir dire où l'on veut aller mais on ne peut connaître le comment qui va évoluer constamment. Intuition, enthousiasme et confiance sont à la base de l'objectif clair, qui doit pouvoir être compris par chaque membre, chaque salarié, chaque bénévole : enrayer le développement du sida, secourir les sans-abris en hiver, sont des objectifs qui peuvent être partagés par tous, qui sont quantifiables et finalisés dans le temps.

Qu'est-ce qu'un objectif ambitieux? un objectif qui ne peut être satisfait par les ressources actuelles de l'association et qui suppose qu'elle mobilise tout son potentiel inexploité et qui sera rémunérateur par ses succès et les expériences positives qu'il aura fait réaliser aux membres.

La définition de ces objectifs est du rôle de la direction générale de l'association (administrateurs et cadres dirigeants, instances nationales des associations fédérées ou régionalisées). Elle seule a tous les éléments pour définir, à partir de l'analyse marketing (analyse de l'environnement, de la clientèle et de leurs possibilités d'évolution) et du potentiel de l'association (défini après enquête auprès des membres et du personnel), les choix stratégiques qui, une fois validés par l'assemblée générale, devront être la loi pour tous et ne seront plus négociables, tandis que pour leur mise en oeuvre on s'en remettra à une démarche participative et décentralisée.

Si les dirigeants s'avèrent incapables d'insuffler à l'organisation cette vision stratégique, il n'y a qu'une solution : en changer!

 

2° règle : ne pas chercher des solutions mais à poser le problème

Le meilleur moyen de ne pas trouver de solution est de s'empresser d'en chercher! On a de fortes chances de ne voir que les causes spéciales de la non-qualité et de passer à côté de l'analyse de l'ensemble des facteurs de dysfonctionnement et de leurs interactions Une association qui n'est plus portée par un projet sera entraînée par son entropie naturelle, et tendra vers un état de désorganisation obéissant à une logique fermée sur elle-même : la bureaucratie est inefficace, elle secrète du travail et des procédures, donc il faut augmenter le personnel. Le contrôle des coûts ne fonctionne pas, donc il faut renforcer les contrôles! La bureaucratie crée la bureaucratie, une inefficacité tendra toujours à trouver l'équilibre du désordre qu'elle secrète dans une inefficacité encore plus grande. C'est pourquoi ce sont les associations les plus mal gérées qui réclament le plus de subventions pour faire fonctionner une structure sans projet. La première tâche du manager sera de briser cette logique de l'enfermement en ouvrant portes et fenêtres en faisant entrer le client dans l'association pour créer une pression qui favorise le changement. Une association qui a perdu le contact avec ses clients n'a plus aucun instrument de mesure pour s'évaluer, et tant que ce lien n'est pas rétabli - par toutes les techniques de dialogue et d'animation que nous avons évoquées - il est impossible de savoir d'où l'on vient et où l'on va.

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Une association qui fonctionne en non-qualité va tendre à travailler pour elle-même - la production pour le producteur - son énergie ne sera pas utilisée à répondre aux demandes des clients mais à résoudre des problèmes générés par son dysfonctionnement : il se forme alors une "association fantôme" (sans projet ni statuts!) qui détourne la substance de l'association.

3° règle : mesurer l'écart.

La première étape nous a permis de redéfinir l'association par rapport à son projet et à la réalité perçue par ses clients.

Il faut maintenant évaluer l'écart qui la sépare de ses objectifs pour mesurer le chemin à parcourir.

Le but de cette phase diagnostic est de gagner des alliés à la démarche de changement dans tous les secteurs clés de l'association. Elle ne pourra être enclenchée que si tous les décideurs (administrateurs et dirigeants salariés) ont une vision commune et partagé de la situation. Elle devra être appuyé sur un audit dont l'objectif sera, à partir d'une analyse exhaustive (performances de gestion, enquête sur la perception de l'association par ses partenaires et clients), de parvenir à établir un document simple faisant apparaître "Ce qui est : " d'un côté, et de l'autre "Ce qui devrait être :" à partir des paramètres de satisfaction des clients.

L'audit fera ressortir non seulement les insuffisances de l'organisation dans sa capacité à satisfaire ses clients, mais également les potentialités inexploitées qu'elle recèle : compétences et capacité d'innovation des membres et du personnel, désir de pouvoir s'engager dans une voie plus performante pour autant que l'organisation donne des gages de crédibilité... Une fois défini "D'où l'on vient" il est alors indispensable de faire plancher les décideurs (le bureau élargi aux décideurs salariés) - un séminaire de deux jours à la campagne est une bonne solution - pour qu'ils établissent, si possible avec l'aide d'un consultant qui apporte une méthodologie rigoureuse et un regard extérieur dégagé des passions, le bilan "points forts / points faibles" de l'association et qu'ils définissent les objectifs stratégiques "Où l'on va" qui est le point de départ du changement. La comparaison objectifs stratégiques/points forts-points faibles permettra de dégager des axes de progrès qui seront la base de travail des ateliers mis en place afin de permettre aux membres et au personnel de s'approprier la démarche, pour trouver des solutions opérationnelles partagées par ceux qui seront chargés d'appliquer la démarche.

4° règle : banco sur le multiplicateur participatif !

Le manager ne doit avoir à ce stade que deux certitudes :

- il n'a aucune idée de la solution qui résultera de la démarche et qui naîtra du croisement des multiples contributions. Afficher une solution - ou des solutions - d'emblée et c'est au mieux démobiliser les gens, au pire leur donner l'idée que les dès sont pipés. La démarche participative doit permettre que chacun trouve son propre chemin et définisse la solution qui convient le mieux à l'évolution de comportement dans laquelle il s'engage. La forme est ici plus importante que le fond.

- il sait que la solution retenue sera plus ambitieuse que celle qu'il aurait pu imaginer seul, en tenant compte des oppositions supposées, des intérêts divergents des uns et des autres. La démarche participative démultiplie la capacité créative de chacun et bouleverse les réticences initialement constatées.

Il faut se situer dans une dynamique de compétition par l'innovation. Il ne s'agit pas d'imiter ce que les autres ont réussi, mais de trouver des solutions nouvelles aux problèmes qui vont surgir : Quand les associations ont conçu des solutions aux toxicomanies classiques par la réinsertion sociale, des drogues plus dures sont apparues, comme le crack, diminuant l'efficacité des thérapies. La jonction du sida et de la toxicomanie a rendu du jour au lendemain obsolète l'action par la réinsertion sociale qui ne voulait plus rien dire pour des gens dont l'espérance de vie devenait limitée à quelques années.

Cette capacité d'innovation sera stimulée par l'implantation de signaux de crise dans l'association qui amplifieront les données en provenance de l'environnement et permettront de réagir rapidement aux événements et parfois de les anticiper. Au Canada et aux Etats-Unis les associations impliquées dans la sécurité civile basent leur organisation sur les scénarios catastrophes les plus plausibles et ont pu jouer un grand rôle lorsqu'elles sont survenues effectivement

Cette démarche a deux phases, qui, si elles peuvent pratiquement se dérouler en même temps, doivent être bien distinguées :

a) Définir les enjeux auxquels est confrontée l'association. C'est la partie fermée de la démarche participative puisqu'elle ne saurait remettre en cause les options stratégiques qui sont non-négociables. Si l'analyse du potentiel de l'association a été bien fait, ils doivent pouvoir, moyennant la fourniture des matériaux d'analyse appropriés, être partagés par les acteurs de la démarche de changement.

b) La déclinaison des axes de progrès au niveau de chaque acteur, de chaque unité de travail, de chaque individu. Les solutions sont ici ouvertes et chacun doit être mis à même de les définir à son niveau et d'inventer son propre parcours : c'est là que le multiplicateur participatif donnera son résultat maximum !

...

4° règle : Payer le ticket d'entrée

Le principe de cohérence impose que le discours soit en accord avec le quotidien de chaque partenaire du projet. Aussi, finis les contrats saisonniers à répétition, les clauses rescapées du XIX° siècle qui donnent tout au patron et rien à l'employé, les salaires anémiques ou payés à coups de notes d'essence, l'incompétence couronnée pour sa servilité et l'innovation punie pour son irrespect. Payer le ticket d'entrée permet d'asseoir la crédibilité du changement et de considérer d'emblée le présent comme une réalité de travail qui doit être à terme reléguée à l'histoire. Plus l'organisation est archaïque, plus ce ticket est cher, car l'écart est plus grand. Il sera payable en nature (un dirigeant particulièrement borné ou détesté mis à l'écart) en argent ("Payer mieux pour payer moins" ) ou en changement d'attitude : accepter de négocier, brûler sa langue de bois, tenir compte des suggestions, écouter...

 

3) La ressource humaine est le principal facteur (ou obstacle) du changement.

1° règle : le changement est comme une mobylette, il lui faut du mélange.

Dès lors que la production de l'association est un produit global résultat du concours de multiples compétences, elles doivent apprendre à travailler ensemble. Chacun doit être à même, dans son domaine, de décliner les axes de progrès et de définir son plan d'amélioration. Il faut jouer la compétence et la fertilisation croisée en développant la capacité à coopérer de chaque membre du système. L'individu est tout mais seul il n'est rien !

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Votre association est-elle intelligente ? La compétence - que ce soit celle des professionnels rémunérés ou non-rémunérés - est l'ingrédient de base : l'amateurisme écarte définitivement l'association de l'univers concurrentiel dans lequel elle évolue désormais. A cette élévation des compétences de tous ordres soutenue par un programme de formation continue, doit correspondre le développement de la capacité à coopérer. Abattre les cloisonnements, en finir avec les querelles de chapelle, élever en permanence la compétence de l'association : tel doit être l'axe fondamental d'une politique de dynamisation des ressources humaines. Une association d'experts incapables de mettre en commun leurs compétences est aussi surement condamnée à la faillite qu'une association "socio-cu" qui perdra son énergie dans d'interminables réunions stériles.

2° règle : que les dirigeants montrent l'exemple !

Une action de changement ne peut aboutir que si elle est vigoureusement impulsée par les dirigeants de l'association. Et ce pour des raisons bien simples :

- le changement suppose la définition d'une vision stratégique claire et d'objectifs opérationnels dont ils ont la responsabilité et qu'ils feront valider par un mandat de l'assemblée générale;

- ils doivent montrer la voie, dire quelles sont les valeurs de l'association. Si les dirigeants ne s'engagent pas, on reporte le poids de l'initiative sur les collaborateurs les plus dynamiques et l'on tombe dans une situation hypocrite où ils seront blâmés s'ils échouent et leurs initiatives récupérées s'ils réussissent. S'engager dans le changement, c'est procéder par essais et erreurs : les collaborateurs doivent avoir la garantie que la démarche expérimentale, et donc le droit à l'erreur, font partie des valeurs de l'association.

- ils sont les gardiens et les animateurs, par leur rôle de coach, de la règle du jeu en vigueur dans l'association.

La démarche de changement commence nécessairement par un séminaire de formation de l'équipe dirigeante. Il aura pour buts de développer le comportement de manager des dirigeants en les faisant travailler sur les mêmes objectifs et dans les mêmes conditions que tous les autres acteurs du changement.

3° règle : convertir les sceptiques par les pionniers.

Un sceptique converti est un allié véritable, un velléitaire déçu est un danger. Or les sceptiques sont la majorité : le changement fait peur en même temps qu'il peut enthousiasmer.

1) On observe que tout comportement d'innovation se diffuse dans une organisation selon cette courbe de Gauss :

Les pionniers sont les premiers à adopter l'innovation par propension culturelle naturelle : ils ont un niveau social élevé, un bon niveau d'éducation et se situent sur une trajectoire socio-professionnelle ascendante. Leur adaptabilité au changement est un signe de différenciation sociale et ils ont de ce fait peu d'influence sur le reste de la population. Les innovateurs ont le même statut social que les pionniers mais ce sont en outre des leaders d'opinion (responsables socio-économiques, journalistes,...) dont l'adhésion à la démarche de changement va conditionner celle du reste de la population. La majorité précoce est faite de gens ouverts mais qui demandent à voir et à être convaincus avant de s'engager. La majorité tardive est entraînée par le mouvement : elle est convaincue par ce qui réussit. Les retardataires sont les traditionalistes qui ont peine à changer. Les réfractaires sont les irréductibles qui partiront, ou se tairont en attendant une défaillance pour passer à la contre-offensive .

2) La réussite d'une opération de changement suppose donc de repérer les partisans et les adversaires pour en convertir le maximum et neutraliser les irréductibles. Les amateurs de jeu de go se retrouveront ici en terrain connu. Le succès suppose que l'on ne concentre pas son action sur les 5% de partisans inconditionnels ou d'adversaires irréductibles : dans un cas comme dans l'autre la démarche serait marginalisée.

- Les adversaires : l'art est de distinguer ceux qui ont une compétence réelle qu'ils peuvent mettre en oeuvre dans le sens du projet associatif.et dont il faut se faire des alliés, de la minorité irréductible dont il va falloir habilement se séparer. Il est difficile de faire un tri a priori, même s'il est facile d'identifier les doctrinaires qui dissimulent leur incompétence derrière leur langue de bois. Il faudra être très souple et laisser toujours la porte ouverte aux opposants : s'ils font partie de l'entreprise associative et qu'ils y apportent une contribution notable, ils ont leur place dans la nouvelle organisation qu'il s'agit de bâtir. L'accumulation des succès amènera la marginalisation des réfractaires, ou mieux, leur départ. Pour les autres - la majorité - il faut comprendre que l'opposition peut être un moyen de conjurer sa peur et de s'approprier la démarche :

- l'inquiétude et les questions posées sont légitimes, car la démarche vient bouleverser l'état d'équilibre qu'avait trouvé l'association entraînée par son entropie naturelle. Il est indispensable de pouvoir y apporter des réponse claires, non pas par des solutions définitives toutes faites, mais par la garantie que la nouvelle règle qui se construit apportera une forme d'organisation supérieure qui permettra à l'association de mieux remplir sa mission.

- Une approche positive des conflits pilotée par les innovateurs produira un consensus dynamique, produit d'une transaction entre la hardiesse des pionniers et les craintes des sceptiques. L'essentiel est de faire tomber les craintes et peu importe que pour cela il faille afficher des objectifs moins ambitieux. Là encore la forme est plus importante que le fond. Si les craintes tombent, alors le multiplicateur participatif pourra jouer à plein et on pourra aboutir à des solutions ambitieuses et mobilisatrices.

- les partisans : ils peuvent devenir les pires ennemis du changement s'ils sont mal managés. Que de fois a-t-on vu des démarches stérilisées par des néo-staliniens de la qualité qui se drappaient d'une légitimité toute fraîche à coup de mots vidés de sens, d'exortations, de moralisme : cercles de qualité, management participatif, client roi...nourrissaient la nouvelle langue de bois d'une caste d'arrivistes qui ne faisaient que continuer sous de nouveaux oripeaux les luttes de clans dont il se nourrissent .

Pour éviter cela il ne faut pas mettre systématiquement en avant les partisans, et s'appuyer sur les innovateurs plus que sur les pionniers, pour empêcher que le débat tourne à l'affrontement de chapelles Il sera toujours préférable de confier l'animation d'un groupe de travail à un sceptique qui pourra être converti par ses premiers succès, qu'à un partisan manquant de finesse qui fera fuir plus qu'il n'attirera. Un partisan qui n'a pas une attitude marketing, c'est à dire la volonté de montrer aux adversaires leurs avantages au changement, et qui reste dans une logique de territoire et d'affrontement est plus gênant qu'autre chose!

 

La résistance au changement dure tant que la déstabilisation de l'ordre existant n'est pas compensée par un nouveau principe de vie porté par une nouvelle règle du jeu

4° règle : Bâtir une nouvelle règle du jeu

Il n'y a aucune solution générale et définitive. La bonne organisation est celle qui est ouverte sur la réalisation d'objectifs externes dont elle peut évaluer en permanence l'achèvement, et qui entretient avec son public une relation directe qui lui permet de se régénérer en permanence. C'est donc une culture de la cohérence des objectifs et des méthodes qu'il s'agit de développer, plus que de s'amuser à manipuler des organigrammes. Si l'on répond à la complexité croissante de l'environnement par plus de complexité dans l'organisation on va produire un organigramme et des structures de plus en plus lourdes où l'on ne s'y retrouvera plus : on produira de la réglementation plus que de la règle.

Répondre à la complexité par la souplesse c'est mettre de la capacité d'adaptation là ou l'appareil est le plus soumis aux tensions de l'environnement : la ligne de front , et de la rigidité sur les lignes d'appui que sont les compétences incontournables que doit développer l'association.

La ligne de front est en contact direct avec les clients : c'est là que le management doit être le plus souple pour s'adapter à une demande fluctuante et l'anticiper. La ligne d'appui regroupe les compétences plus pointues, la technicité de l'association. Elle est parcourue par un double flux : d'une part l'association fournit un produit global au client au travers d'une organisation qui réalise les transactions entre chaque compétence du métier associatif; d'autre part l'association analyse en permanence les informations qu'elle recueille au contact du client pour bâtir sa stratégie et son avantage concurrentiel.

La règle du jeu va naître progressivement des groupes de travail qui vont se mettre en place tout au long de la démarche : elle résultera de l'expérience acquise, analysée, commentée et diffusée à l'ensemble des membres et du personnel de l'association par une communication qui deviendra le carrefour de la démarche de changement.

4) Planifier la démarche

a) Rechercher des résultats progressifs et significatifs.

Le but de la planification est de produire des éléments tangibles de changement qui montreront que tout cela n'est pas que verbiage. Toute démarche qui renverrait pour son aboutissement à des facteurs extérieurs - l'augmentation des subventions, le changement de majorité municipale - bref des lendemains qui chantent mais qui supposent la poursuite de l'austérité quotidienne serait vouée à l'échec.

Que doit-on produire à court terme?

- Des signes : La démarche risque d'être rapidement qualifiée de gadget et d'être tournée en dérision. Aussi est-il nécessaire de produire des signes de crédibilité qui montrent que le changement est en marche : accès à l'information, fin des mesquineries dans le remboursement des frais professionnels, droit pour le personnel de provoquer une réunion dès lors qu'est constaté un facteur grave de non-qualité auquel il s'agit de remédier.

- Des matériaux d'analyse et d'apprentissage : Dans bien des cas les opérations de modernisation sont subies par le personnel: informatisation incohérente, construction d'un nouveau local...Les premiers matériaux d'analyse sont les coûts de non-qualité tels qu'ils ressortent des enquêtes et de l'audit. Ils doivent être largement diffusés pour servir de base de travail aux ateliers. Le premier apprentissage est de discuter et de valider ces matériaux d'analyse, pour aboutir à une vision partagée des problèmes et passer à une logique d'action programmée reposant sur des objectifs et des résultats à atteindre. Ces discussions permettront de réduire les cloisonnements en faisant débattre toutes les fonctions de l'association sur des problèmes communs et sont une étape clé de la fertilisation croisée des compétences.

- Des décisions : La décision de mettre en place des ateliers reposera sur des critères validés par les groupes de travail : opportunité, participation (l'atelier va-t-il permettre d'associer des participants des diverses fonctions de l'association), apprentissage (l'atelier permettra-t-il de développer de nouvelles méthodes d'actions plus efficaces permettant de faire jouer le multiplicateur participatif), efficience (rapport entre l'effort investi et les résultats espérés). Cette technique de décision multicritère est le début d'implantation d'une nouvelle culture managériale basée sur la mobilisation de l'intelligence de l'association.

- Des résultats : Ces ateliers préféreront une stratégie des petits pas à la réalisation de grands objectifs, et cela pour plusieurs raisons :

- Ces petits pas seront des succès qui maintiendront le moral et montreront que le changement est en marche selon le proverbe anglo-saxon "nothing succeeds like success"

- ces succès auront une triple utilité :

- créer des acquis irréversibles, des points de non-retour qui garantiront que dans le domaine visé rien ne sera plus comme avant.

- inoculer le virus du changement parmi les sceptiques, car des résultats positifs sont les seules preuves de la viabilité du changement;

- créer de la règle qui progressivement amenera un changement de culture dans l'organisation.

Vouloir se fixer des objectifs trop ambitieux, franchir de trop grand pas, priverait la démarche de résultats tangibles. Les opposants auraient alors beau jeu de se gausser du caractère purement théorique de la démarche " Plus ça change plus c'est la même chose! ". Ce manque de résultats risque d'être perçu comme un échec et de créer un sentiment de frustration chez les innovateurs qui s'y sont engagés. Enfin, il est impossible de mettre d'emblée toute l'organisation en cohérence avec une nouvelle règle du jeu. Il y aurait alors décalage entre le discours - qui deviendrait une nouvelle langue de bois - et la pratique vécue, d'où une perte de confiance.

b) Mettre en place des structures participatives

L'audit est plus qu'un diagnostic qui dresse un catalogue de problèmes, il porte un regard nouveau sur la situation : avons-nous les mêmes priorités? partageons-nous une même vision des mêmes problèmes?. Il doit permettre de "sortir le nez du guidon", de cesser d'agir sous la pression de l'urgence pour prendre du recul, pour briser les conflits de chapelle. Sa portée doit donc être d'un poids suffisant pour contrer cette gestion au jour le jour imposée par une organisation bureaucratique. Pour cela il faut que la direction s'engage, que la hiérarchie s'affirme comme responsable de la non-qualité mise en avant par l'audit et affiche son intention d'améliorer la situation. La démarche pourra se mettre en marche de la manière suivante :

L'audit permet de dégager 4 ou 5 axes de progrès (7 est un chiffre à ne pas dépasser) qui visent à combler l'écart entre les objectifs et la situation actuelle. A chaque axe de progrès retenu correspond un atelier qui réalisera des actions qui seront évaluées et validées par un comité de pilotage réunissant les dirigeants de l'association et les responsables d'ateliers. Ce comité aura la charge d'analyser les expériences réalisées, de rechercher les causes des erreurs commises, et de proposer des solutions aux instances dirigeantes qui les valideront et les communiqueront à l'ensemble des membres et du personnel pour renforcer le développement de la démarche de progrès.

Le comité de pilotage et les ateliers sont des équipes pluridisciplinaires : toutes les fonctions de l'association doivent travailler sur les mêmes problèmes, établir un constat partagé des déficiences et s'engager ensemble dans un plan d'amélioration. Dès lors que le comité de pilotage juge que le travail des ateliers a, au travers d'expérimentations successives, abouti à des conclusions opérationnelles, il les propose pour validation par les instances dirigeantes qui seules peuvent apporter aux innovations proposées la légitimité nécessaire pour qu'elles deviennent la norme de travail dans l'association.

c) Développer l'expérimentation

En s'engageant et en prenant sur elle la responsabilité des dysfonctionnements, la hiérarchie reconnait le droit à l'erreur pour chacun et assure ainsi les conditions de mise en oeuvre d'une véritable démarche expérimentale.

L'expérimentation des solutions se fera au sein de petits ateliers - que l'on peut baptiser cercles de qualité, groupes de progrès ou toute autre appellation, l'essentiel est qu'ils regroupent tous les acteurs concernés par le problème étudié - programmant leur activité autour du principe : un objectif, un pilote, une méthodologie, une échéance et des indicateurs permettant d'évaluer si l'objectif a été atteint. L'atelier pourra résumer son plan de travail sur une fiche simple de ce type :

Le chantier est la déclinaison de l'axe de progrès au niveau de l'atelier et peut s'étendre sur un à trois ans. L'objectif procède de la stratégie des petits pas et est réalisable sous une échéance de un an. Le pilote est un responsable ayant les pouvoirs de décision nécessaire pour atteindre l'objectif. Le co-pilote pourra être un expert qui apportera un point de compétences. La méthodologie résumera la méthode de travail adoptée par l'atelier. Les indicateurs donneront la mesure de l'atteinte du résultat recherché.

Tant que l'objectif n'est pas atteint l'atelier remet sur le métier son ouvrage en analysant les erreurs et en capitalisant l'expérience réalisée au sein du comité de pilotage. C'est un cycle continu d'amélioration qui s'engage :

Ce cycle continu permet de maintenir un perpétuel courant d'innovation et d'expérimentation qui impliquera tous les partenaires de l'association

d) Commencer par la formation, consolider par la formation, boucler par la formation:

Le développement d'un tel programme repose sur la formation d'un réseau de formateurs internes entraînés aux techniques d'animation de groupe et maîtrisant un certain nombre d'outils pour soutenir l'engagement de chacun dans la démarche de changement. Toutefois l'acquisition d'outils, aussi séduisants soient-ils, ne remplacera jamais l'approche méthodologique : ce n'est pas en implantant un cercle de qualité que l'on produit de la qualité. L'achat des outils n'apporte ni la méthode ni le savoir-faire, et se laisser abuser conduirait tout droit à la qualité langue de bois !

La formation n'est pas une finalité en soi et toute action doit s'inscrire dans le projet stratégique. Le mot d'ordre en la matière doit être "100% ciblé, 100% utile". La formation des premiers animateurs-formateurs est relayée par cette formation sur le terrain qu'est l'expérimentation réalisée au sein des ateliers. Former les autres est la plus immédiate et plus fructueuse des formations tant pour le formateurs que pour le formé. Mais la seule expérience de l'association ne suffira pas : l'achat de compétence, notamment en provenance des secteurs économiques les plus performants, comme le secteur industriel, sera une étape clé du développement de la démarche de progrès.

La formation a trois finalités :

- "Plus ça change, moins c'est la même chose" : Le premier travail est de permettre à chaque acteur de l'organisation de comprendre comment elle fonctionne. Quelle est la règle du jeu en action? Quelles sont les relations de dépendance entre les individus et le système? Quels sont les modèles mentaux en action...? L'objectif est ici de faire comprendre les évolutions de comportement nécessaires à l'atteinte des objectifs. Le comportement est la clé du changement, et l'efficacité d'un manager dépend totalement de sa capacité à les faire évoluer. Est-ce que "plus ça change, plus c'est la même chose" , ou les choses évoluent-elles ailleurs que dans les discours satisfaits des apparatchiks associatifs ?

Quelques règles incontournables :

1) On n'impose pas un comportement : c'est aux gens de comprendre ce qui ne va pas dans leur comportement actuel et de déterminer eux-mêmes le comportement le plus appropriés;

2) On ne prend pas les décisions à la place des autres : les décisions prises soi-même débouchent sur un engagement supérieur et des convictions plus authentiques.

3) L'efficacité des comportements se mesure à la capacité à résoudre les problèmes en groupe : le but n'est pas de parvenir à une solution qui fera l'unanimité mais de créer un processus de discussion d'où émergera une solution cohérente avec les comportements des individus et du système.

- Donner de vastes perspectives : Une fois établi l'écart entre les comportements actuels et les comportements favorisant le changement, l'équipe dirigeante doit développer une nouvelle règle du jeu qui codifiera les comportements souhaités, apportera le soutien de l'organisation aux acteurs du changement. Les dirigeants ont entre leurs mains les clés du développement ou du blocage de l'organisation. S'ils ne s'impliquent pas dans la démarche, s'ils adoptent un comportement différent de celui qu'ils préconisent, ils créent un phénomène de "schizophrénie institutionnelle" : ils disent à leurs membres et salariés "Changez, évoluez, mais nous, nous avons des tâches beaucoup plus importantes..." Pris entre la contrainte du changement impulsée par l'environnement et la contrainte de l'immobilisme des dirigeants, les acteurs du changement sont pris dans un conflit insoluble qui est le plus sur garant de la désintégration de l'association. Le rôle des dirigeants est de s'élever au dessus des oppositions formelles entre disciplines et approches, d'éviter que le conflit positif des idées ne dégénère en conflits de pouvoir. Le rôle des dirigeants est d'ouvrir de plus vastes perspectives, d'indiquer et de maintenir le cap.

Quels sont les indicateurs de l'efficacité du management ?

- Les gens sont-ils plus intelligents ensemble qu'individuellement? Est-on dans une dynamique de type 1+1>3, ou l'association rend-elle bêtes les éléments les plus brillants qu'elle attire?

- L'association est-elle capable de s'adapter rapidemment aux nouveaux problèmes rencontrés, ou a-t-elle tendance à faire des procès au monde qui n'est pas gentil avec elle, à désigner des boucs émissaires, à se centrer sur elle-même et à se complaire dans des jeux sans fin qui ne font que l'isoler un peu plus...?

- Est-on capable de travailler sur des faits et de développer des méthodes de résolution de problèmes, de faire dialoguer rigueur et imagination, ou reste-t-on dans l'affrontement d'idéologies, de points de vues abstraits, de clans et de territoires? La première de toutes les formations est l'action quotidienne des dirigeants qui, par leur comportement, montrent quelle est la règle du jeu en vigueur dans l'association, aident, guident et valorisent l'action des éléments les plus dynamiques.

- Donner des outils pour l'action : Le pilotage d'un processus complexe requiert des méthodes rigoureuses et efficaces. Ils permettent d'affronter les problèmes avec le même langage, d'avoir la même boite à outils, la même mesure de l'efficacité. Mais les meilleurs outils seront inefficaces si le management n'est pas capable de guider leur action, de leur donner du sens par un comportement approprié.

Tant que le mépris, la suffisance et l'aveuglement règneront sur l'asociation, l'implantation de telle ou telle technique - marketing, qualité, communication...- ne sera que mensonge, illusion et gabegie!


En résumé :

 

Conduire le changement, c'est :

 

1) Ne pas bricoler les structures mais créer une nouvelle règle du jeu

2) Définir des objectifs clairs et ambitieux et évaluer l'écart avec le présent;

3) Faire confiance aux gens pour trouver les bonnes solutions

4) Avoir un comportement de dirigeant cohérent avec les objectifs affichés

5) Progresser par petits pas au sein d'une démarche participative

6) Faire de l'élévation de la compétence de tous le levier le plus puissant du changement.

Dun le Palestel, novembre 1991.

 


Et maintenant, à vous de jouer !

LES 11 POINTS DE LA REGLE DU JEU !

1) BRULONS NOTRE LANGUE DE BOIS

 

2) LAISSONS LA CRAINTE HORS LES MURS

 

3) SOYONS NOUS-MEMES ET AUTHENTIQUES

 

4) PERSONNE N'A TORT, TOUT LE MONDE A RAISON !

 

5) FAIRE DES ERREURS EST NATUREL ET NECESSAIRE

 

6) SACHONS DONC PRENDRE DES RISQUES....

 

7)...ET ASSUMER NOS RESPONSABILITES !

 

8) LES BONNES IDEES DES AUTRES SONT AUSSI LES NOTRES

 

9) CE SONT LES PERFORMANCES DE L'EQUIPE QUI COMPTENT

 

10) HIER EST PASSE ET DEMAIN EST UN AUTRE JOUR: PENSEZ AUJOURD'HUI !

 

11) PRENONS DU PLAISIR A EXPERIMENTER ET A INNOVER !!


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