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L'argent chaud du développement local

Par Joël Lebossé


Le secteur de Lotbinière-Ouest est situé dans la zone rurale de la MRC de Bécancour (Région 04 Mauricie- Bois-Francs) et comprend 10 municipalités qui regroupent environ 12 000 habitants. Il n'est pas vraiment éloigné des centres urbains (environ une heure de Québec, Victoriaville ou Trois Rivières) mais la distance est malgré tout suffisante pour avoir, depuis le tournant du siècle, conduit ce coin de pays au lent processus de dévitalisation propre aux régions en déclin.

Ce processus est caractérisé dans Lotbinière par une économie à dominante agricole sur de petites exploitations, qui ne génère plus un niveau d'activité suffisant. Cette situation conduit à l'exode des jeunes et donc au vieillissement de la population, entraînant ainsi délocalisation ou fermetures des petites entreprises et disparition progressive des services et des emplois.

Le mouvement de retour des retraités ne suffit pas à compenser le départ des jeunes (44% des 15/25 ans entre 1986 et 1991) et la courbe démographique continue de descendre pendant que la pyramide des âges tend graduellement à s'inverser.

De plus, le faible niveau de scolarité, fréquent en région rurale, n'a pas permis à la population de la région de bénéficier vraiment des retombées économiques liées à l'implantation au début des années 80 du parc industriel et portuaire de Gentilly, où les entreprises requièrent de la main d'oeuvre spécialisée (60% des emplois ont été couverts par des personnes venues de l'extérieur).

C'est dans un tel contexte que s'est graduellement construite et amplifiée une motivation collective à réagir contre cette " fatalité ". Il a suffit que quelques uns se mobilisent pour soutenir l'initiative de jeunes désirant travailler et rester vivre dans leur région, pour qu'elle se manifeste concrètement dans un fort élan de " solidarité d'appartenance " 1.

L'argument était aussi simple que concret: " pour freiner le déclin économique et inverser la tendance, il faut inciter à la création d'entreprises, la reprise ou le développement de commerces et de services en privilégiant les jeunes d'ici ".

C'est en 1985, année internationale de la jeunesse que tout a commencé. Dans le cadre d'un projet "Canada au Travail" (soutien à l'initiative des jeunes) appuyé par un animateur du CLSC de Fortierville, un groupe de trois jeunes qui veulent partir en affaires décident, devant l'impossibilité d'obtenir un prêt bancaire, de lancer une souscription dans le milieu pour trouver l'argent nécessaire au démarrage de leur entreprise.

En quelques jours, 100 personnes acceptent de leur confier chacune 30$, la moitié en capital de risque, l'autre en capital-garanti. D'autres accepteront par la suite de suivre leur exemple ce qui permettra de réaliser les deux prêts de 1500$, nécessaires aux jeunes entrepreneurs pour mettre en oeuvre leurs projets.

C'est dans la foulée de ce premier succès que va naître le Centre d'Initiative à l'Emploi de Lotbinière (C.I.E.L.), le 25 octobre 1985.

Sa vocation : aider les jeunes (18-30 ans) à créer leur propre emploi et à en maintenir et développer d'autres. Il s'agit de lutter contre le chômage et de revitaliser la région.

Le moyen privilégié : un " circuit court de financement ". La population est invitée à " prêter " de l'argent au C.I.E.L qui prête à son tour aux jeunes entrepreneurs en complétant ainsi leur apport personnel. On parle de " compenser les insuffisances du système bancaire " qui ne peut accorder de crédit sans garantie. Dans cet esprit, les prêts du C.I.E.L sont limités à 4 000$ et ne vont pas au delà d'un pourcentage qui varie de 50% pour les petits crédits (moins de 1 000$), à 20% pour les opérations plus importantes (3 000$ et plus). L'enjeu est de permettre un effet levier pour l'obtention d'un crédit bancaire.

Le principe : la confiance. L'argent confié au C.I.E.L est investi à risque pour 50%, l'autre moitié est réservée pour des placements sécuritaires afin de garantir une capacité de remboursement aux apporteurs de fonds. De la même façon, aucune garantie n'est demandée par le C.I.E.L aux entrepreneurs bénéficiaires d'un prêt.

Le fonctionnement : Il est totalement bénévole. De plus, chacun des participants prend à sa charge ses propres frais de déplacement.

La règle : la transparence. Tous les apporteurs de fonds et tous les emprunteurs sont membres du C.I.E.L. Ils participent ainsi à la vie démocratique et aux décisions de cet organisme sans but lucratif.

En 1986, ce sont cinq prêts qui seront accordés à de jeunes chefs d'entreprise grâce au succès de la seconde campagne de financement. L'opération sera encore renouvelée sur les mêmes bases la troisième année et permettra d'en accorder 8 de plus.

En 1989, le C.I.E.L. qui a su démontrer son sérieux dans ses décisions d'engagement financier et son efficacité pour le développement local, continue d'élargir son " cercle " d'apporteurs de fonds. Au début de l'année, la " cagnotte ", alors de 14 000$, a déjà permis de réaliser 12 prêts, dont certains sont déja complètement remboursés.

Cette crédibilité croissante va lui permettre de rallier des ressources nouvelles et d'enrichir le conseil d'administration avec l'arrivée de gens d'affaire du milieu qui acceptent d'apporter leur appui à cette action positive pour le développement économique et social de la région.

Leur influence ne tardera pas à se manifester sur les ambitions du C.I.E.L. en terme d'objectif financier ainsi que dans les modes d'organisation.

Les changements vont surtout porter sur les modalités de collecte qui se renforcent par des stratégies de communication et de mobilisation de l'environnement plus marquées.

Le conseil d'administration et son nouveau président, M. Roland Paradis entrepreneur en maçonnerie, vont ainsi déployer beaucoup d'énergie à mobiliser plus fortement les réseaux actifs du milieu et les engager à soutenir l'expérience.

Les institutions financières, les municipalités, les regroupements professionnels, les élus (députés fédéraux et provinciaux) sont ainsi approchés pour apporter leur appui par une participation financière à l'initiative du C.I.E.L. Dans le même temps, des contacts sont pris avec la presse locale régionale (et même provinciale avec plusieurs émissions TV), pour mieux faire connaître l'organisme, rallier de nouveaux apporteurs de fonds à la poursuite de ses objectifs et inciter les entrepreneurs ayant des projets à le contacter.

Les campagnes de levées de fonds sont complétées par des événements ponctuels avec l'organisation (toujours bénévole) de " brunch-conférences " annuels, mettant l'emphase sur le " métier " d'entrepreneur en donnant la parole à des leaders économiques de la région.

Ils sont aussi l'occasion pour les jeunes entrepreneurs qui ont bénéficié d'un " coup de pouce " du C.I.E.L, de présenter leur entreprise et leurs produits à ceux, grâce à qui, ils ont pu démarrer.

Cette action d'animation économique a de multiples avantages :

Ce passage à la " vitesse supérieure " a produit depuis quelques six années, des résultats tout à fait bénéfiques en donnant à cet outil de financement et de développement, une capacité d'intervention sérieusement renforcée. Des 14 000$ disponibles au début de 1989, le C.I.E.L dispose aujourd'hui (à la veille de sa campagne annuelle pour 1996) de plus de 120 000$.

De plus, grâce à des prêts de particuliers ou d'entreprises qui se sont par la suite transformés en dons, l'obtention de commandites, l'accumulation des bénéfices dégagés par les " brunch-conférences ", et surtout en raison de la quasi absence d'impayés sur les prêts, l'avoir propre du C.I.E.L dépasse aujourd'hui les 60 000$.

En d'autres termes, il n'y a plus, à toutes fins pratiques, le moindre risque financier à prêter de l'argent au C.I.E.L , les rares échecs (toujours possibles) pouvant être absorbés sur ses propres fonds.

L'organisme compte maintenant plus de 250 membres et il est soutenu par 55 groupes prêteurs et commanditaires parmi lesquels on trouve les Caisses Populaires du secteur ainsi que plusieurs municipalités.

Ce membership représente pour le C.I.E.L. bien plus qu'un simple compte des adhérents, grâce à la possibilité (qu'il utilise souvent) de les mobiliser pour supporter ceux qu'il a décidé d'appuyer, ne serait-ce qu'en les incitant à faire appel de façon privilégiée aux services de la jeune entreprise pour l'aider à démarrer.

Du côté des " prêts d'honneur " (c'est ainsi qu'on les appelle dans Lotbinière), le niveau d'activité s'est aussi sérieusement accéléré. Le rythme annuel a plus que doublé et dépasse aujourd'hui les 20 prêts par an, et le C.I.E.L totalise en juin 1996 plus de 120 opérations réalisées qui auront permis de maintenir ou créer plus de 200 emplois en 10 ans. À titre d'illustration, 19 prêts ont été accordés au cours de l'année 1995 pour un total de plus de 62 500$.

Les critères d'acceptation se sont affinés avec le temps et l'expérience. La limite d'âge est passée à 40 ans, avec même des possibilités d'aller jusqu'à 45 ans. Il est désormais possible d'accorder des prêts à des groupes comme dans le cas très récent d'une coopérative, fondée par les résidants de Manseau qui ont décidé de relancer ensemble la quincaillerie du village fermée par son dernier propriétaire.

Les principes de départ ont néanmoins été maintenus : sérieux du projet et de son promoteur, pas de facturation d'intérêt, aucune garantie demandée, obligation d'un remboursement mensuel (même modeste afin d'enclencher tout de suite le rythme de remboursement).

Les entrepreneurs peuvent aussi bénéficier du conseil et de l'appui technique de leurs aînés, auprès des membres du conseil ou d'autres chefs d'entreprises auprès de qui ils peuvent être référés. Après le démarrage, les administrateurs du C.I.E.L. les rencontrent souvent pour les encourager et leur donner quelques conseils si nécessaire: " les gens qui partent en affaire ne sont pas nécessairement des gens d'affaire et il faut parfois les aider à apprendre le métier d'entrepreneur "

Mais la confiance n'empêche pas le sérieux et la rigueur. En 10 ans, seulement 3 prêts n'ont pu être intégralement remboursés. Même si parfois, il a fallu aménager les arrangements prévus au départ afin de faciliter un passage difficile pour une jeune entreprise, tous les autres emprunteurs ont pu tenir leurs engagements.

C'est sans doute pour ces " façons de faire " que l'acceptation d'un prêt du C.I.E.L. est devenu aujourd'hui pour le jeune entrepreneur, une sorte de " passeport " facilitant l'obtention d'un crédit auprès des institutions bancaires.

En effet, avec la montée en charge progressive de ses activités financières, au vu de son très faible taux de défaillances, du sérieux et du savoir faire des dirigeants et enfin de l'ampleur de la mobilisation locale, les Caisses et les banques de plus en plus étroitement associées à cette expérience, ont pris le réflexe. de lui référer les jeunes entrepreneurs sous-argentés.

Dans les situations où elles ne sont pas en mesure de donner suite, elles savent que le C.I.E.L peut apporter une réponse là où leurs contraintes professionnelles les en empêchent. Dans ce cadre, elles peuvent accorder le crédit nécessaire au démarrage de l'entreprise à la suite du C.I.E.L., en sachant que le projet et le sérieux de l'emprunteur ont été évalués positivement par des entrepreneurs du milieu, et ce, sans qu'elles soient obligées de déroger à leurs obligations prudentielles, tant sur le pourcentage de financement que sur la validité des garanties.

Les incrédients de la réussite

Une telle réussite ne se réalise pas facilement. Les difficultés sont nombreuses avant que ne soit franchi le cap de la crédibilité.

Ainsi, il ne va pas de soi de convaincre son voisin ou ses relations amicales et professionnelles de l'importance d'un geste de solidarité pour se donner collectivement une chance de relancer l'économie de leur région.

Il aura d'abord fallu agir concrètement, en aidant des jeunes à créer leur emploi pour rester au village, et démontrer ainsi le bien fondé de l'intuition des premiers fondateurs.

C'est le sérieux des jeunes entrepreneurs (ils ont remboursé sans faillir l'argent de la solidarité locale), qui a pu convaincre les plus réservés de la pertinence d'une formule reposant uniquement sur la confiance et sur le sens de l'honneur.

Il n'est pas non plus évident de convaincre les institutions financières de s'associer à un tel projet (dans lequel elles n'ont que très peu d'influence sur les décisions). À de rares exceptions près, l'idée du C.I.E.L à ses débuts, est apparue aux professionnels du financement comme " anecdotique, peu sérieuse et risquée, voire parfois un peu concurrente ".

Les municipalités non plus, n'ont pas été faciles à convaincre (d'ailleurs toutes ne participent pas encore). Il n'est pas dans leur habitude de financer du développement économique en laissant la décision à un organisme extérieur sans garder une capacité de contrôle direct sur l'usage des fonds apportés (et sur l'impact en retour pour leur territoire).

À notre avis, le succès de cette expérience tient à la combinaison " gagnante " de plusieurs facteurs :

Cette expérience, aujourd'hui reconnue3 comme un exemple de " prise en main 4" d'un milieu, est maintenant en train d'en inspirer d'autres, en particulier dans les régions proches de son épicentre.

Un 2ème C.I.E.L. (Centre d'Initiative pour l'Emploi Local) a démarré en 1993 dans Nicolet-Est, créé par le milieu sur le modèle du premier. Profitant de l'expertise de son aîné, il a pu amasser plus de 30 000$ (dont 8000$ des Caisses Populaires et 1500$ des municipalités du secteur), s'appuyer sur près de 175 membres et réaliser 30 prêts reliés à la création de 105 emplois, tout cela, en à peine 3 ans.

Un troisième C.I.E.L. est en opération depuis 1995 dans la région de Nicolet-Centre. Il a bénéficié pour son lancement du parrainage de la Chambre de commerce (promoteur du projet) de l'évêché et de deux députés provinciaux. La collecte de la première année de 30 000$ a déja permis d'accorder 10 prêts et de créer une vingtaine d'emplois.

Trois autres encore sont à l'état d'étude ou de préparation, et tous ont adopté les grands principes et la charte de constitution du modèle développé dans Lotbinière.

La dynamique sociale du love money ... " l'argent du coeur "

Le succès d'une telle formule n'est certes pas l'effet du hasard. Au Québec comme dans la plupart des pays de l'OCDE, et malgré une prolifération de fonds de développement5 faits de capital de risque ici ou de systèmes de garantie ailleurs, les micro-entreprises (ou plutôt les travailleurs autonomes voulant simplement créer leur propre emploi) trouvent difficilement une offre de financement qui leur soit adaptée. La situation de démarrage d'un jeune entrepreneur sans capital de départ, sans garantie à offrir et assez peu d'expertise professionnelle n'est pas vraiment compatible avec les degrés d'exigence de la plupart des programmes gouvernementaux, et encore moins avec les contraintes des professions bancaire et de capital de risque. En fait, les seuls (et rares) instruments financiers qui permettent d'accorder les 1000 à 3000$ nécessaires aux premiers pas du jeune entrepreneur sont toujours d'initiative locale et portées directement par le milieu.

Elles fonctionnent selon les mêmes ressorts de solidarité et d'implication bénévole des animateurs et partenaires que dans Lotbinière, qu'il s'agisse par exemple:

Si l'on tourne son regard vers l'extérieur du Pays, on trouve de multiples initiatives qui s'apparentent à ces expériences Québécoises, comme la cinquantaine de Fonds mis en place par les groupes communautaires aux États Unis qui s'appuient sur la " solidarité d'appartenance " pour collecter les fonds finançant localement l'activité économique à utilité sociale.

On peut aussi citer les CIGALEs Françaises (lancées au début des années 80 et au nombre d'une centaine aujourd'hui), clubs de financement " solidaires " qui investissent dans les petits projets économiques d'orientation alternative, ou encore la communauté de Newry, petite ville d'Irlande du Nord qui s'est dotée d'un fonds de soutien financier aux entreprises nouvelles et s'est constitué à partir de l'épargne de ses habitants-actionnaires avec l'appui des deux communautés catholique et Protestante. Enfin, on peut relever l'initiative du Crédal en Wallonie (Belgique), qui collecte des prêts sans intérêt auprès de ses membres et accorde des financements (eux aussi sans intérêt) aux entreprises de l'économie sociale.

Si l'on met de côté les particularismes culturels et les priorités propres à chaque situation locale, on peut constater dans chacune de ces expériences, que les processus développés sont très proches de celui qui a permis au C.I.E.L. de naître et grandir. Ces circuits courts de financement, sont conçus comme des " palliatifs 8" à l'absence d'offre financière institutionnelle. Ils fonctionnent de la même façon que l'argent chaud des pays en voie de développement9, c'est à dire sur des motivations de solidarité en s'appuyant sur le sens de l'honneur de l'emprunteur.

Dans les petites communautés rurales, la dette contractée devient ainsi presqu'autant sociale que financière et ne pas rembourser l'argent prêté par la communauté reviendrait pour l'emprunteur à s'exclure de celle-ci. Elle est en cela, tout à fait comparable à un prêt familial qui autorise toute la souplesse nécessaire (et permet les appels aux " coups de main " ponctuels pour sortir d'une situation difficile), mais où ne pas tenir ses engagements est lourd de conséquence pour la qualité des relations ultérieures. C'est notamment ce qui explique l'excellente performance financière de ces " micro-fonds " et leur très faible taux d'échec.

Un impact en " tâche d'huile " pour le développement de la communauté locale

Ces expériences ne se limitent pas à la création de circuits courts de financement. Et elles sont prolongées presque toujours par d'autres initiatives complémentaires. Ainsi, le réflexe de la concertation et de l'action collective est amené progressivement à jouer sur les autres champs d'action du développement local (mise en réseau des entreprises, développement de l'immobilier professionnel, nouveaux services à la population, formation des jeunes, etc ...).

Ainsi, quand la mobilisation de la communauté a donné des résultats tangibles lors d'une première expérience, elle est capable de devenir un moteur puissant au service de l'imagination collective... à condition, bien sûr, de pouvoir compter sur une équipe de mécaniciens sachant comment maximiser ses performances. La constitution progressive d'un leadership collectif (c'est à dire capable d'assumer les relèves successives), reste une condition essentielle à la pérennité d'une dynamique vivante et efficiente de développement local.

Dans un contexte de crise économique quasi récurrente, d'internationalisation des marchés avec leurs conséquences sur l'emploi ( restructuration et délocalisation des entreprises), en même temps que la remise en cause de l'état providence aujourd'hui d'actualité dans l'ensemble des pays industrialisés, nous ne pouvons que constater la multiplication d'expériences de cette nature.

Le fait qu'elles tendent à s'accélérer depuis une dizaine d'années, est à notre avis le signe d'un phénomène qui est inévitablement appelé à se développer. C'est et ce sera le cas à chaque fois qu'une communauté rurale sur la pente de la désertification, une communauté culturelle solidarisée par ses origines ou la communauté constituée d'un quartier de grande ville en difficulté économique, décideront qu'il est temps pour elles de se " prendre en main ", trouver elles-mêmes et mettre en oeuvre leurs propres solutions aux problèmes constatés localement et cesser d'attendre que leurs difficultés soient résolues par des interventions (gouvernementales ou privées) de plus en plus hypothétiques, venues de l'extérieur.

Joel Lebossé
Argos consultants (grenoble) argos@total.net Coopérative de conseil Pythagore (Québec) pythagore@qc.aira.com

Le C.I.E.L. .... en gros plan

Organisation juridique: Le C.I.E.L. est une corporation sans but lucratif, fondée et administrée par des bénévoles. Elle est dirigée par 7 administrateurs (1 poste d'observateur est réservé au représentant des Caisses Populaires participantes).

Origine des fonds : au départ, prêts sans intérêt de personnes physiques et d'entreprises locales dont seulement la moitié est " risquée " auprès des entrepreneurs. Par la suite, les Caisses populaires, quelques municipalités, entreprises et institutions du secteur ont complété les apports par des prêts, des commandites, des dons et subventions. Une part de la " cagnotte " s'est aussi développée avec les activités propres du C.I.E.L. (Brunchs conférences) et les produits financiers de l'argent non investi dans les prêts d'honneur.

Capacité financière : 122 000$ dont plus de 70 000$ sont des prêts en cours. Les prêts sont accordés sur des durées courte et le renouvellement des disponibilités est rapide. Les remboursements sont de l'ordre de 5 000$ mensuels.

Critère de décision : la confiance dans l'entrepreneur et la viabilité du projet. Le "Fonds d'aide à l'initiative" est animé par trois membres (élus) qui ont pour rôle d'évaluer les demandes de prêt. Ils rencontrent (ou plutôt visitent) le demandeur et vérifient la pertinence du projet et le sérieux de l'entrepreneur puis soumettent leurs propositions au Conseil qui est l'instance de décision finale.

Types d'intervention : Prêts d'honneur sans intérêts ni garanties d'une durée de 1 à 3 ans. Il est possible d'aller jusqu'à 5 ans si le montant le justifie.

Cibles :Entrepreneurs âgés de 18 à 40 ans de tous secteurs d'activité. Depuis 1995, le C.I.E.L. accepte des personnes de 40 à 45 ans dans la limite de 10% de ses possibilités de prêt.

Montant : de 500 à 5 000$ mais il est possible d'aller jusqu'à 10 000$ si le nombre d'emplois le justifie ou pour des projets collectifs.

Critères d'éligibilité : Permettre la création ou la sauvegarde d'au moins un emploi et avoir sa résidence et sa place d'affaire sur le territoire du C.I.E.L.

Territoire d'intervention : Secteur de Lotbinière-Ouest c'est à dire les villages de Deschaillons, Parisville, Fortierville, Ste Françoise, Manseau, Ste Sophie de Lévrard, Ste Cécile, St Pierre des Bèquets, Lemieux et Ste Marie de Blandford

Modalité particulière : devenir membre du C.I.E.L.

Prêts d'honneur accordés : 124 pour 220 000$, 3 échecs pour 5000$ nombre d'emplois créés ou préservés : 207 au 31/12/95

Type d'activités financées : toutes celles qui permettent la création ou le maintien d'emplois, sans aucune exclusive : commerce (quincaillerie, dépanneur ...), services (mécanique agricole, coiffure, soins esthétiques...), production manufacturière ( usinage, menuiserie ...), agricole (commercialisation de produits fermiers, élevage ...).

C.I.E.L. Centre d'Initiative pour l'Emploi dans Lotbinière ouest
120 rue St Jacques C0S 1X0 Parisville QUÉBEC
Contacts : Roland PARADIS Président (819) 356 2211
Charlotte Castonguais, secrétaire (819) 292 2089

1 voir à ce sujet l'article de Hélène Simard, directrice générale du réseau des SADC " Relance économique et sociale des communautés locales en milieu rurale à travers l'expérience des SADC " Revue Coopérative et développement volume 27 1995/1996
2 Elles ont participé progressivement aux campagnes de levée de fonds, apportant ainsi une caution morale sur le sérieux, et elles ont abondé de façon significative ( 2 prêts sans intérêts de 8000$ chacun) le Fonds d'Aide à l'Initiative.
3 le C.I.E.L. a été le lauréat du grand prix DESJARDINS du développement économique en mai 1995. 4 au sens de " l'empowerment communautaire " décrit par M. W. Ninacz, chargé de cours à l'université du New Hamphire, lors de son intervention au colloque de l'IFDECsur le développement économique communautaire du 15 juin 1996 à Montréal
5 plus de 200 sont répertoriés au Québec par le Groupe interuniversitaire de recherche sur les fonds de développement animé par B. Lévesque (UQAM) et M. Mendel (Concordia)
6 MRC Maria Chapdelaine dans le Saguenay-Lac St Jean
7 comté de l'Islet, située le long de la frontière américaine à la hauteur de St Jean-Port-Joli
8 pour citer le président du C.I.E.L., M. Roland Paradis
9 la Grameen Bank du Bangladesh qui prête aux villageois sur la seule foi de leur parole et la caution morale de leurs voisins a inspiré de nombreuses expériences dans plusieurs pays occidentaux, dont celle de l'ACEM, ou encore les Tontines africaines ou chacun des membres est prêteur et emprunteur à tour de rôle comme dans les quelques six Cercles d'emprunt Québécois


Pour plus d'informations, contactez:

Argos consultants (Grenoble)

Coopérative de conseil Pythagore (Québec)


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Horizon Local 1996-99
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