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Expériences de capital risque à l'échelle régionale
Cas de l'Afrique de l'Ouest

Par Eric Aithnard - Administrateur délégué/Group Challenge


Le capital-investissement ou capital-risque selon le terme consacré, fait partie des nouveaux métiers de la finance introduits récemment sur le continent africain. Les premières initiatives dans ce domaine datent des années 90 avec la création de FIARO à Madagascar et de la SPPI en Tunisie.

En nous basant sur la définition classique du capital-risque, en l'occurrence "une prise de participation minoritaire dans des P.M.E. à fort potentiel de développement opérée par une institution financière spécialisée dans le cadre d'un partenariat actif et dense entre cette dernière et l'entreprise financée", on peut affirmer qu'il n'existe actuellement en Afrique occidentale que trois institutions de cette nature. Les deux premières créées en 1992, sont SENINVEST au Sénégal et GHANA VENTURE CAPITAL FUND (GVCF) au Ghana. Elles ont a priori une vocation nationale. La dernière mise en place en 1994, CAURIS INVESTISSEMENT entend opérer dans les sept pays de l'UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine).

Bien que ces expériences soient trop récentes pour en tirer des enseignements certains, une analyse comparative des conditions de mise en place, d'organisation et de fonctionnement de ces différentes institutions révèle les solutions pratiques et variées qui, sur une base quotidienne, sont apportées à la problématique de l'évolution de ce mécanisme dans la région ouest africaine.

Notre analyse identifiera d'abord les causes de l'intérêt récent des partenaires économiques de cette zone pour le capital-risque, puis portera successivement sur les promoteurs et les structures mises en place, les particularités du fonctionnement de ces institutions et les problèmes auxquels elles sont confrontées dans leur environnement.

Raisons de l'intérêt récent des acteurs économiques pour le capital-risque en Afrique occidentale

Des facteurs objectifs portés ces dernières années par un phénomène de mode, sont à l'origine de l'intérêt grandissant des décideurs économiques et des organes de développement Afrique de l'ouest pour ce nouveau mécanisme financier. Au tre des facteurs objectifs, on observe que le tissu productif de tous les pays de cette région est dominé par des P.M.E. qui souffrent essentiellement de déficits chroniques de fonds propres, de faiblesses dans leur management, de manque d'actifs pour sécuriser les crédits bancaires et d'absence d'innovation technique. Un mécanisme tel que le capitalrisque dont le but avoué est de financer les P.M.E. en leur apportant dans un même "package" les fonds propres, une assistance en management, les possibilités d'accès à de nouveaux marchés et à de nouvelles technologies, constitue à l'évidence une des réponses les plus complètes et les mieux adaptées aux besoins de ces structures.

Cette situation, associée à la réticence des banques à faire du crédit aux P.M.E. et à la déconfiture des institutions de financement de développement, pousseront les organes multilatéraux de financement et les autorités en charges du développement dans cette région, à initier des actions de promotion des mécanismes alternatifs au financement bancaire que sont les marchés financiers et le capital-risque.

Les trois institutions opérant sur ce créneau en Afrique occidentale, ont vu le jour à la faveur de cette vague d'innovation.

Structures et organisation des trois institutions de Capital-investissement opérant actuellement en Afrique occidental

Le premier élément marquant des récentes structures de capital-risque créées en Afrique occidentale, réside dans la nature de leurs promoteurs initiaux qui sont la Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale (CBAO) pour SENINVEST, le Commonwealth Development Corporafion (CDC) pour le GVCF et la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour CAURIS INVESTISSEMENT. Toutes ces institutions ont une assise financière importante leur permettant de faire des apports de ressources conséquents pour la phase de démarrage de ces initiatives (la totalité pour SENINVEST, 51% pour CAURIS INVESTISSEMENT et 45% pour le GVCF).

Elles ont également la crédibilité suffisante pour offrir la caution morale nécessaire pour convaincre d'autres actionnaires initiaux. Compte tenu des difficultés de l'environnement économique dans lequel ils ont investi et des options alternatives à leur disposition, on peut affirmer que par delà leur volonté avouée de faire des investissements rentables, les motivations réelles de ces promoteurs pionniers pour ces types d'opérations répondaient à des stratégies particulières. La CBAO à travers les interventions de sa filiale S T, se donne les moyens de fidéliser sa clientèle de P.M.E. en renforçant leurs structures financières et en leur ouvrant de nouvelles opportunités de croissance. La BOAD et la CDC qui sont des organes de financement de développement, par le biais de telles initiatives, mettent à la disposition du secteur privé, un outil supplémentaire pour son expansion. Divers autres actionnaires initiaux dont les bailleurs de fonds internationaux tels que Proparco (Société de Promotion et de Participation pour la Coopération, filiale de la Caisse Française de Développement), la Société Financière Internationale - SFI, la Banque Européenne d'Investissement - BEI, et l'Administration Générale de la Coopération au Développement AGCD (Belgique), des structures locales comme les caisses de retraites, les compagnes d'assurance, quelques institutions financières et bancaires et de rares particuliers ont également participé à ces initiatives.

Les niveaux de ressources mobilisées pour démarrer ces institutions étaient relativement modestes. Ils s'élevaient en F Cfa à 2,5 milliards pour CAURIS INVESTISSEMENT, 400 millions pour SENINVEST et à l'équivalent de 1 milliards pour le GVCF. Les supports financiers utilisés étaient essentiellement les actions ordinaires pour CAURIS et SENINVEST et des titres participatifs et actions pour le GVCF.

Deux types d'organisation correspondant à des stratégies de développement différentes ont été adoptés par ces institutions. CAURIS INVESTISSEMENT et SENINVEST ont opté pour des entités juridiques uniques pour leurs activités, tandis que le GVCF a préféré une organisation en deux entités distinctes composée d'une société de gestion qui fournit ses prestations contre rémunération à un fonds qui opère les investissements. Selon les promoteurs du GVCF, ce type d'organisation répond à leur préoccupation de mieux contrôler les coûts de gestion et à une stratégie de développement basée sur la création de fonds à durée de vie limitée, opérant sur des secteurs d'activités différents.

Fonctionnement des institutions ouest africaines de capital-risque

Les trois institutions de capital-investissement ouest africaines ont des structures de gestion légères, composées pour SENINVEST et GVCF d'un directeur et d'un chargé d'affaires et pour CAURIS INVESTISSEMENT de deux chargés d'affaires, d'un conseiller technique temporaire et du directeur de la société. La mission de ces équipes étant d'instruire les dossiers, de les présenter à un comité d'investissement indépendant pour approbation, et d'assurer le suivi des affaires réalisées.

Les particularités de l'environnement économique en Afrique font que le coût de démarrage des initiatives de capital-risque est plus élevé sur ce continent que partout ailleurs. Les trois nouvelles institutions ont toutes par conséquent bénéficié d'assistance extérieure sous des formes diverses durant leurs premières années de fonctionnement. La CDC a dans ce cadre mis à la disposition du GVCF un de ses experts comme premier directeur, tandis que l'African Venture Capital Fund (AVCP/USAID) couvrait une partie de ces charges d'exploitation pour les trois premiers exercices. CAURIS INVESTISSEMENT a eu droit à l'assistance de la Coopération Française à travers l'affectation à la BOAD d'un conseil technique temporaire pour la mise en place de la société et la formation de son équipe de gestion. La coopération belge a également financé une partie des formations nécessaires pour le démarrage de cette entité. SENINVEST qui est une structure captive d'une institution bancaire, a eu l'avantage de disposer gratuitement des infrastructures de sa société mère.

Les niveaux d'intervention de ces différentes institutions ont été fixés en fonction des contraintes spécifiques à chacune d'elle. A titre indicatif, les seuils d'intervention de CAURIS INVESTISSEMENT se situent dans une fourchette de 10 à 125 millions de F Cfa pour un niveau maximum de participation de 35% au capital de la société financée tandis que le GVCF a fixé le plafond de ces investissements à 250 millions de F Cfa avec un financement maximum de 50% du coût des environnements de l'entité bénéficiaire. Pour ce qui est des volumes d'affaires traitées, en excluant CAURIS INVESTISSEMENT dont la création récente ne lui a pas encore permis de faire des investissements, on remarque que SENINVEST a opéré durant sa première année d'activité quatre financements dont trois dans le secteur industriel, et un dans le secteur des services. Le GVCF n'a fait quant à lui ses premières affaires que deux années après sa création.

Difficultés actuelles des institutions de capital-risque an Afrique occidentale

De nombreux facteurs constituent dans l'environnement des pays de l'Afrique occidentale de véritables obstacles à franchir pour les institutions de capital-risque. Du point de vue macro-économique, on constate que la faiblesse de la demande interne au niveau des pays et l'étroitesse des marchés nationaux créent une rareté des opportunités d'investissement éligibles aux critères de ces institutions. Cette situation justifie que CAURIS INVESTISSEMENT situe sa zone d'intervention à l'échelle régionale et que SENINVEST prenne également des participations à l'extérieur du Sénégal.

A ces éléments, on peut ajouter les obstacles socioculturels et ceux liés à l'environnement réglementaire et fiscale des différents pays de la région. Sur le plan réglementaire et fiscal, toutes ces institutions ont négocié dans leurs environnements d'opération, des aménagements spécifiques. Pour le GVCF, ce fût une harmonisation de la fiscalité des opérations de capital-investissement avec celle des investisseurs en Bourse et une adaptation des contraintes d'information de la Banque Centrale du Ghana. CAURIS INVESTISSEMENT travaille actuellement avec les autorités de la région sur un projet de statut fiscal commun pour les opérations de capital-investissement dans les sept pays de la zone. La mise en place prochaine d'une Bourse régionale des Valeurs Mobilières dans l'UEMOA, devrait permettre de surmonter les difficultés découlant de la rareté des marchés financiers et d'assurer, dans des conditions satisfaisantes, les sorties d'investissement pour ces institutions.

Les obstacles socioculturels sont les plus complexes à surmonter. Ils comprennent entre autres, l'absence de culture d'entreprise chez les promoteurs, la réticence au partenariat, l'ignorance des chefs d'entreprises des opportunités que leur offrent les marchés extérieurs, la préférence qu'ils donnent à l'embauche des parents au détriment d'autres cadres plus compétents, la réticence à donner des informations fiables sur les affaires. Autant d'éléments qui ne peuvent trouver des solutions que sur le moyen et long terme, au travers des actions d'information et de formation.

Par le fait qu'il réponde aux besoins effectifs des P.M.E., le mécanisme du capital-investissement constitue de plus en plus une composante majeure des stratégies de développement des secteurs privés de différents pays de la région ouest africaine. Même si les nouvelles institutions opèrent dans des environnements encore peu favorables, les mutations en cours vont dans le sens de l'amélioration des conditions de ce milieu. L'avènement d'un marché plus large avec la création d'une Union Economique et Monétaire des sept pays (UEMOA), les effets bénéfiques de l'harmonisation du droit des affaires et de la fiscalité, la reprise de l'activité économique à la suite de la dévaluation, sont autant d'éléments qui permettent d'envisager des perspectives encourageantes de développement pour ce nouvel instrument dans le paysage financier de cette région.

Pour en savoir plus ...

GROUP Challenge Ingénierie financière et techniques des marchés de capitaux, Avenue du Général de Gaulle,
B.P. 591 CIDEX 1 Abidjan 06 - COTE D'IVOIRE, tél. (225) 22.57.71, Fax. (225) 21.10.25.

SPPI - Société de Participation et de Promotion des Investissements, 52 bis rue du 11 Juin, 1082 Tunis - TUNISIE, tél. (216-1) 785.972. ou (216-1) 791.455, Fax. (216-1) 793.002.

SIDI - Société d'Investissement et de Développement International, 8 rue Jean Lantier, 75001 Paris - FRANCE, tél. (33-1) 44.76.84.00, Fax. (33-1) 40.26.16.84.

PROPARCO, 35/37 rue Bour d'Anglas, 75379 Paris cedex 08 - FRANCE, tél. (33-1) 40.06.31.31, Fax. (33-1) 40.06.38.38.


ESF - , numéro 3, août 1995

Pour plus d'informations, contacter:
Epargne Sans Frontière
32, rue Le Peletier - 75009 Paris
Tél : (33-1) 01 48 00 96 82 ; Fax : (33-1) 01 48 00 96 59


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