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Epargne, Entreprises, Emplois : l'expérience de
"Autonomie et Solidarité"

Par Henri NOUYRIT, Ancien Directeur de la C.F.C.A. (Confédération Française de la Coopération Agricole) - Président de la NEF (Nouvelle Economie Fraternelle)


De l'économie sociale à l'économie solidaire

Le terme d'"économie sociale" fait un retour remarquable dans l'actualité politique et sociale quand en 1981 le gouvernement de l'époque crée la "délégation interministérielle à l'économie sociale", avec la mission de développer des relations avec les coopératives, mutuelles et associations gestionnaires qui composent le vaste ensemble d'entreprises et d'institutions" qui ne relève ni de l'économie privée classique, ni de l'Etat ou de l'économie administrative"
(J. Moreau, voir bibliographie). Ce que l'on désigne aussi sous le nom de "troisième secteur " couvre donc, dans tous les pays développés et de plus en plus dans les pays en voie de développement, des formes variées d'organisation des personnes, qui ont peu ou prou pour but de corrige r les effets de l'isolement des citoyens vis-à-vis de l'Etat et de l'isolement des agents économiques vis-à-vis des marchés. La mission de ces organismes (coopératives, mutuelles, associations) est donc d'introduire le principe de solidarité dans les actes de la vie sociale et économique.

Le concept "d'économie sociale" est bien plus que centenaire, on le voit apparaître sous la plume de beaucoup des inspirateurs des mouvements coopératifs et mutualistes au fur et à mesure que, dans le contexte de la révolution industrielle tout au long du XIXème siècle, s'élaborent les formes et les statuts des coopératives, mutuelles et associations. Pour Charles Gide et Léon Walras notamment, "l'économie sociale est une nouvelle façon de faire de l'économie politique, en intégrant les problèmes sociaux, occultés jusqu'alors et rendu e prépondérants du fait de la profonde mutation sociale liée à la révolution industrielle" (Eric Bidet voir bibliographie). Un siècle et demi d'expérimentation ininterrompue de formes sociales fondées sur la primauté de la personne, la responsabilité vis-à-vis du groupe et la solidarité du "tous pour un" produit un ensemble impressionnant d'institutions et d'entreprises qui, en particulier dans les domaines de la banque, de l'agriculture et de la prévoyance, occupent, en France et dans l'Union Européenne, une place considérable ainsi qu'en témoignent les données suivantes.

Pour ce qui concerne l'Union Européenne nous citerons l'extrait suivant d'un rapport de 1992 de Madame Scrivener, membre de la Commission :

"L'économie sociale, dans la Communauté, ce sont les coopératives qui avec 63 millions de membres réalisent plus de 370 milliards d'écus de chiffre d'affaires ; des mutuelles de prévoyance qui regroupent 47 millions de sociétaires et produisent un chiffre d'affaires de 22 milliards d'écus; 25 millions de familles couvertes par les coopératives et mutuelles d'assurance pour un chiffre d'affaires de 40 milliards ; et enfin 40 millions d'associés et 3 millions de salariés qui animent les associations."

Un grand paradoxe réside dans le fait que l'omniprésence d'organismes relevant de l'économie sociale (quatre grands réseaux bancaires en France, un très grand nombre de mutuelles, la situation dominante des coopératives en agriculture, des cohortes d'associations gestionnaires) est à peine perçue par le citoyen qui n'établit pas de rapport entre ces institutions dont il connaît d'ailleurs mal les spécificités statutaires.

Devrait-on juger aussi que ces institutions se sont, en devenant grandes et très p uissantes pour certaines d'entre elles, banalisées au point de perdre sinon leur identité, du moins leur sensibilité sociale d'origine ?

La question mérite d'être posée, puisque l'on assiste depuis quelques années (peut être le début des années 80) à la naissance d'initiatives qui entrent tout à fait dans le champ de l'économie sociale, mais qui se singularisent en reprenant le beau vocable de Charles Gide "d'économie solidaire". Certains y ajoutent même l'adjectif" d'alternatif " pour le distinguer plus encore d'une économie sociale "banale". Ces initiatives sont essentiellement nées de la volonté de trouver de nouveaux remèdes à la dramatique amplification du chômage et de l'exclusion sociale. De même que la révolution industrielle et ses déracinements sociaux avaient engendré par réaction " l'économie sociale ", de même la destructuration actu elle du tissu social conduit à inventer de nouvelles formes d'accès au crédit, d'échange de services, de réinsertion sociale pour des personnes qui n'ont plus accès aux institutions établies, fussent - elles coopératives ou mutualistes. Les formes associatives et coopératives sont utilisées mais avec un souci de proximité, de transparence, d'attention au destin des êtres qui n'est plus le trait dominant des grandes structures plus classiques. Ainsi sont nées pour financer la création de petites entreprises par des chômeurs (ou par des personnes en situation sociale difficile), des organismes prêteurs comme l'ADIE, la NEF, la Caisse Solidaire du Nord ; des petits organismes de capital-risque (Cigales, Garrigue, Autonomie et Solidarité) ; des fonds de garantie spécialisés (par exemple France-Active). On peut ajouter que participent aussi à ce conc ept "d'économie solidaire" les fonds communs de partage et fonds éthiques gérés par les réseaux bancaires coopératifs et quelques autres qui, avec les petits organismes financiers cités plus haut, se sont réunis dans l'association " Finansol "* pour populariser l'idée de "finance pour la solidarité ".

L'exemple de Finansol témoigne d'ailleurs qu'au bout du compte "économie solidaire" et "économie sociale" sont bien des modalités des mêmes choix éthiques et sociaux fondamentaux depuis que les initiatives récentes "d'économie et de finances solidaires" ont opportunément rappelé aux grands de l'économie sociale la permanente valeur de leurs fondements.

* "FINANSOL", 4, rue Jean Lantier, 75001 PARIS

Bibliographie succinte

L'économie sociale face à l'ultralibéralisme, par Jacques MOREAU (Ancien Président de la Caisse Centrale de Crédit Coop&e;acute;ratif). Editions Syros 1994.

L'Economie Sociale, par Eric BIDET (rédacteur en chef adjoint de la revue Internationale de l'Economie Sociale). Edition Le Monde-Editions 1997.


ESF - , numéro 8 - décembre 1997

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Horizon Local 1997
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