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Conclusions de l'étude européenne Les instruments financiers d'économie sociale en Europe et la création d'emplois

 

Les instruments financiers de l'économie sociale qui ont été l'objet de notre recherche témoignent d'une vitalité et d'une créativité qui en font de véritables innovateurs dans le domaine de l'économie sociale et, plus généralement, dans l'exploration de nouvelles voies pour changer les rapports sociaux et économiques. Précisons que les instruments retenus pour cette étude exploratoire sont bien des instruments de type « financiers » (bank-like), à savoir des instruments de crédit, de capital risque et de garantie. Mais ces instruments financiers pratiquent des politiques de « soft banking », que ce soit en matière de garantie ou de rendements exigés, à quoi elles ajoutent généralement un accompagnement intensif des projets. Ce type de démarche facilite l'accès au financement autant que cela rend viable des projets à faible rentabilité (notamment à but non lucratif). On peut regrouper la plupart des instruments étudiés dans quatre grandes catégories :

  1. Les instruments de micro-crédit et de start-ups ;
  2. Les instruments financiers orientés vers le secteur social et les coopératives de travailleurs ;
  3. Les banques éthiques ;
  4. Les instruments qui bénéficient ou ont bénéficié d'une intervention publique directe et substantielle.

 

Les organisations faisant l'objet de cette étude inscrivent clairement leurs actions dans tous les secteurs de l'activité économique. En effet, leurs interventions permettent de créer ou de soutenir des activités dans l'agriculture et dans l'industrie tout autant que dans le secteur des services. En outre, ces organisations sont extrêmement actives dans le domaine des nouveaux gisements d'emplois. Finalement elles jouent un rôle non négligeable dans le développement de nouvelles activités économiques et de nouveaux marchés comme le recyclage, l'agriculture biologique, etc. Dans l'un ou l'autre cas même, les initiatives financées ont contribué à la structuration d'un secteur d'activités nouvelles (par exemple : le développement de la production d'énergie éolienne).

 

Mais ces instruments ont beaucoup d'autres objectifs que de développer des activités économiques, même si ces activités défrichent &emdash; c'est souvent le rôle de l'économie sociale &emdash; de nouveaux types d'activités. Ils le font en accordant une place très importante aux hommes et aux femmes. D'abord en se servant de ces activités pour aider des personnes que l'économie dominante laisse au bord du chemin. Ensuite en plaçant ces activités dans des cadres institutionnels (coopératives, micro-entreprises et groupes d'entraide d'entrepreneurs, échanges non monétaires,Š) qui permettent de construire d'autres rapports humains, y compris sur le lieu du travail. Enfin, ils participent activement à la revitalisation sociale des communautés (géographiques ou sociologiques) dans lesquelles s'inscrivent leurs actions.

 

C'est la globalité de leur démarche &emdash; une démarche éthique tant pour la collecte que l'affectation de l'épargne, s'inscrivant le plus souvent dans un « projet de société » &emdash; qui explique que l'emploi, pour lui-même, n'est pas la préoccupation centrale de la majorité des instruments financiers étudiés. Si cette observation peut à première vue étonner, elle s'explique assez facilement à la lecture de l'objet social des organisations rencontrées. Celui-ci est en effet, comme nous venons de le rappeler, le plus souvent centré sur d'autres préoccupations : soutenir des activités utiles, aider certains types de public (femmes, chômeurs, personnes âgées, etc.), contribuer à mettre en ¦uvre un projet de société. Cette attitude de benign neglect par rapport à l'emploi explique que l'évaluation statistique des emplois créés par l'action des instruments financiers de l'économie sociale est souvent difficile. Il faut souligner à ce propos que, dans de très nombreuses activités et expérimentations socio-économiques, l'emploi a tendance à devenir un concept plus flou, ce qui ne facilite évidemment pas l'étude des impacts sur l'emploi ; il en va très souvent de même pour les initiatives soutenues par les instruments étudiés. On peut en effet s'interroger sur, par exemple, la portée exacte d'un projet qui apporte des revenus supplémentaires ; on peut aussi se poser des questions sur le statut exact de certains des emplois créés. D'une manière générale, l'examen des projets soutenus par les instruments financiers étudiés confirme que, de plus en plus, l'emploi se définit le long d'un continuum &emdash; des activités d'échanges aux emplois créés dans une PME &emdash; et non plus par des « cases » bien définies et bien isolées les unes des autres.

 

Cela dit, dans les faits, beaucoup de projets finissent &emdash; dans un délai plus ou moins rapproché &emdash; par créer de l'emploi (ou, dans certains cas, à « sauver » de l'emploi, ce qui pour les économistes revient à augmenter l'emploi par rapport à ce qu'il aurait été sans cette intervention). Certes, vu la taille des instruments financiers de l'économie sociale, le plus souvent très modeste, les créations d'emplois sont relativement peu nombreuses. Mais l'engagement financier direct associé à chaque emploi est lui très faible. C'est ainsi que l'engagement par emploi créé est inférieur à 10 000 Écus pour la plupart des instruments financiers, et même inférieur à 3 000 Écus pour 40 % des instruments financiers. Pour des raisons expliquées en détail dans l'analyse, il est difficile de situer ce type d'évaluation par rapport aux évaluations, au demeurant rares et imparfaites, d'autres instruments d'aide à la création d'emplois. Mais, d'une manière générale, l'engagement financier par emploi créé apparaît très modeste, également en termes relatifs.

 

Les instruments financiers étudiés contribuent donc à créer de l'emploi avec des engagements financiers modestes. Dans certains cas, mais ceci vaut aussi pour la plupart des instruments de financement « classiques » (par exemple les Fonds structurels européens), il y a évidemment d'autres apporteurs de capitaux ou de prêts ; mais les sommes globales en jeu demeurent globalement modestes. Il faut aussi tenir compte des coûts « cachés » supportés par nombre des instruments étudiés. En effet, la nature des activités et personnes aidées, comme la taille réduite de beaucoup d'instruments, impliquent la mobilisation de ressources bénévoles (par exemple sous la forme d'expertises de personnes compétentes) et/ou non marchandes (par exemple sous la forme de subsides pour financer les frais de fonctionnement) et/ou d'apports de capitaux à bon compte. Ces différentes aides, explicites ou implicites, sont souvent indispensables aux projets aidés par les instruments financiers de l'économie sociale, en particulier quand il s'agit de financer des micro-entreprises : en effet, dans ce cas, un taux d'intérêt même « normal » (c'est-à-dire proche de celui du marché) ne pourrait couvrir à la fois l'ensemble des dépenses de toute nature liées à l'octroi du crédit et une rémunération « normale » du capital. Mais, même en tenant compte de ces coûts cachés, qui peuvent parfois représenter un pourcentage très important de la somme prêtée, le « coût » total par emploi créé demeure toutes proportions gardées relativement faible.

 

Pour compléter le tour de table financier ou pour les aider dans les tâches d'accompagnement/encadrement des porteurs de projets, certains instruments se sont engagés dans des partenariats avec des banques plus classiques (de l'économie sociale traditionnelle surtout). Les moyens ainsi drainés restent dans l'absolu assez limités et ne représentent sans doute pas des acquis irréversibles, structurellement ou stratégiquement indispensables pour les banques classiques. Cela dit, les effets de ces moyens, même limités, sont remarquables. Mais on ne pourra sans doute pas espérer étendre substantiellement ce genre de collaboration sans mesures incitatives ou contraignantes.

 

À cet égard, on peut se demander si les instruments financiers dont on a étudié l'action ne contribuent pas à préparer des marchés pour les banques plus classiques, qui, une fois que le projet soutenu arrive à maturité ou en tout cas devient plus sûr, deviennent le partenaire financier de l'entrepreneur. La fréquence et l'importance de cet apport extérieur dont bénéficient les banques classiques ne peuvent cependant être évaluées avec précision. Ceci est une illustration de plus des influences positives générés par l'activité des IFES et donc une justification de plus des aides, qu'elles soient publiques ou &emdash; pourquoi pas &emdash; privées.

 

Un examen minutieux de ce qui se passe sur le terrain nous indique que, dans beaucoup de cas, les emplois créés ne l'auraient pas été sans l'intervention des instruments financiers de l'économie sociale. Même si, comme nous l'avons précisé ci-dessus, d'autres acteurs contribuent au lancement des projets, l'intervention des instruments étudiés se révèle souvent déterminante. En effet, on peut très souvent observer que les instruments financiers de l'économie sociale opèrent sur des « segments » du « marché » qui ne sont pas couverts par des intermédiaires financiers dits « classiques », et ce pour de multiples raisons (c'est ce que nous appelons l'additionnalité). Nous avons repéré cinq raisons principales :

  1. Le financement est demandé par des publics qui ne correspondent pas au profil requis de l'entrepreneur ;
  2. Les institutions financières classiques ne comprennent pas la logique de l'économie solidaire et doutent de la viabilité des projets issus de cette logique ;
  3. Les projets pour lesquels un financement est demandé se situent sur de nouveaux créneaux de production et de services et/ou visent à favoriser l'innovation sociale, économique ou écologique ;
  4. Les projets manquent de garanties et/ou sont portés par des structures d'initiatives économiques non classiques et/ou situés dans des zones « à risques » ;
  5. L'absence d'expérience en matière de gestion de la part du demandeur du financement (individu ou organisation) et donc la nécessité de lui procurer une assistance et/ou une formation dans ce domaine (type de tâches dont les banquiers classiques n'ont pas l'habitude).

On comprend à la lecture de cette liste que le problème est, en partie, culturel : la représentation de ce que doit être &emdash; ou ne pas être &emdash; un entrepreneur.

 

À l'instar de la vision de leur rôle défendue par les instruments financiers eux-mêmes, nous pensons que l'évaluation de leurs interventions ne peut s'arrêter aux créations d'emplois. Ces interventions produisent &emdash; de par leurs modes opératoires et les objectifs poursuivis &emdash; un ensemble d'effets multiplicateurs : renforcement des liens sociaux, protection de l'environnement, évolution des mentalités vers plus d'esprit d'entreprise, développement économique régional, etc. Ces effets multiplicateurs forment un tout et entretiennent entre eux des relations d'entraînement réciproques.

 

En particulier, la grande attention qu'apportent beaucoup d'instruments à l'insertion des projets dans une communauté et à l'accompagnement des entrepreneurs contribue au développement personnel des personnes aidées, accroît leur confiance en soi et l'esprit d'initiative des créateurs d'entreprises. En quelque sorte, on peut dire que les instruments étudiés remplacent la garantie réelle exigée dans les prêts « classiques » par l'accompagnement et, par rapport à la démarche « classique », ajoutent au capital financier un capital de connaissances. C'est pourquoi, on constate également que beaucoup des emplois créés par ces instruments ont une durée de vie qui se compare favorablement à celle d'emplois soutenus ou initiés par d'autres dispositifs. Cela dit, on ne peut peindre un tableau idyllique. Les entrepreneurs aidés par les instruments financiers de l'économie sociale butent sur les mêmes difficultés que tous les créateurs ou repreneurs d'activités économiques. Mais, à certains égards, ils ont parfois plus d'atouts (l'aide bénévole d'un expert, le soutien d'un autre entrepreneur,Š) que les entrepreneurs aidés par le système financier « classique ». Dans une certaine mesure, étudier, comme nous l'avons fait, les mécanismes d'interventions et les modes opératoires des instruments financiers de l'économie sociale revient à étudier la manière dont se construit et se vit l'entrepreneuriat aujourd'hui, en particulier quand celui-ci s'exerce dans de nouvelles activités ou de nouvelles pratiques.

 

Le bilan de l'action des instruments financiers de l'économie sociale est donc, comme on dit, globalement positif. Ce résultat n'est cependant pas acquis sans peine. Il est avant tout le fruit d'un engagement déterminé de personnes ou d'associations pouvant mobiliser des ressources bénévoles et non marchandes au service d'un objectif humainement et socialement élevé, le plus souvent en dehors des sentiers battus (autres publics aidés et autres activités). Des aides de toute nature sont donc les bienvenues, et probablement indispensables pour que certains de ces instruments puissent se développer, voire même durer.

 

 

Les recommandations formulées dans le 3ème chapitre poursuivent les objectifs suivants :

 

  1. Supprimer les discriminations négatives dont souffrent certains instruments ;
  2. Valoriser les apports de ces instruments, aussi bien en termes de créations d'emplois que d'effets multiplicateurs, pour justifier et modaliser des aides directes (par exemple subsides) ou indirectes (par exemple déductions fiscales) ;
  3. Reconnaître l'importance du temps et de l'expérimentation (éviter la pression de l'urgence) dans les dispositifs de soutien publics aux instruments financiers de l'économie sociale ;
  4. Faciliter la récolte de capitaux quand ceux-ci manquent (ce n'est pas toujours le cas) ;
  5. Mobiliser les synergies (par exemple avec les programmes publics) et éviter les incohérences de politique économique ;
  6. Développer certains marchés dans lesquels peuvent s'épanouir les entrepreneurs et les projets soutenus par beaucoup d'instruments financiers de l'économie sociale.

 

 

Les principales recommandations concrètes retenues au terme de notre analyse peuvent être regroupées en 8 catégories :

 

  1. Aménagement du cadre bancaire ;
  2. Aménagement de la fiscalité des IFES ;
  3. Encourager « l'épargne éthique » ;
  4. Mise sur pied de fonds pour la création d'emplois ;
  5. Elaboration et introduction de méthodes d'évaluation d'impact ;
  6. Aménagement de la législation sociale face à la création d'entreprise/d'activité ;
  7. Relancer/redynamiser le concept d'économie sociale ;
  8. Poursuite d'une démarche de réflexion européenne dans le domaine des IFES.

 

 

Dans la mesure où la Commission est actuellement amenée à réfléchir sur le devenir des Fonds structurels, nous souhaiterions conclure par trois observations :

 


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