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Le dispositif EDEN


Avec l'apparition de 268 919 entreprises nouvelles en 1999 dont 36 % créées par des chômeurs (selon les chiffres de l'Agence pour la Création d'Entreprise) et 532 672 emplois sur le territoire national, la création d'entreprise est devenue un moyen incontournable de résorber le chômage et de développer le tissu économique en France.

Ce constat, les pouvoirs publics l'ont fait depuis plusieurs années. Aussi, la participation de l'argent public à la création d'entreprises peut prendre plusieurs formes. D'une manière indirecte, l'Etat et les collectivités locales participent au financement d'organismes appartenant aux grands réseaux de financement de proximité (Association pour le Droit à l'Initiative Economique, France Initiative Réseau, Fonds France Active) et d'accompagnements des créateurs. D'une manière plus directe, l'Etat aide les créateurs d'entreprises depuis 1977 à travers le dispositif d'Aide aux Chômeurs Créateurs Repreneurs d'Entreprise (ACCRE). En 1977 cette aide était destinée aux cadres demandeurs d'emploi. Par une loi du 3 janvier 1985, elle s'est étendue à toutes les catégories de chômeurs et est devenue une aide de droit. D'autres lois l'ont modifiées par la suite.

Aujourd'hui, dans un soucis de combler au mieux les besoins des entrepreneurs en situation d'exclusion du marché de travail et les salariés repreneurs de leur entreprise en difficulté, l'Etat a mis en place un dispositif d'aide financière et d'accompagnement innovateur à bien des égards. S'il apporte des avancées considérables, ce nouveau dispositif baptisé EDEN (Encouragement au développement d'entreprises Nouvelles), au regard des aléas de sa mise en place, suscite aussi de nombreuses controverses. Cet article a pour but de présenter EDEN à travers ses grandes lignes et les modalités de sa mise en application, et de mettre en lumière les aspects qui restent à améliorer.

1. Constats

Depuis sa création en 1977, l'aide de l'Etat français aux chômeurs créateurs repreneurs d'entreprises (ACCRE) a fait l'objet de plusieurs réformes. En 1997, alors que les chômeurs créateurs d'entreprises pouvaient bénéficier d'une aide financière de 32000 F, la loi de finance a réduit la portée de l'ACCRE en ne maintenant en vigueur qu'une exonération de charges sociales pendant les douze premiers mois de l'activité et le dispositif du chéquier conseil. Ce chéquier représente une aide financière aux créateurs leur permettant de consulter des conseillers spécialisés lors de l'élaboration de leur projet et du démarrage de leur activité. Chaque chèque-conseil, d'une valeur de 400 F, donne accès à une heure de conseil ; gratuitement pour les allocataires du Revenu Minimum d'Insertion (RMI) et moyennant une participation financière de 100 F pour les autres allocataires. La loi de finance 1997 a également prévu pour les bénéficiaires de l'Allocation Spécifique de Solidarité (chômeurs de longue durée) et du RMI le maintien de leur allocation pendant six mois. Ces dispositions demeurent en vigueur.

Les réflexions conduites sur la création d'entreprise ont démontré la nécessité d'une politique plus ambitieuse de la part de l'Etat. La création d'entreprise ayant révélé ces dernières années qu'elle était un moyen de retour à l'emploi et de développement économique important, les pouvoirs publics la considèrent désormais comme nécessitant un appui spécifique.

Actuellement, le taux de défaillance des entreprises créées par des personnes de moins de 25 ans est nettement supérieur au taux constaté pour les autres créations (taux de survie après trois ans de 52% contre 68%, en moyenne pour l'ensemble). En effet, de même que les bénéficiaires des minima sociaux, les jeunes créateurs souffrent de l'isolement, du manque d'expérience et de ressources financières insuffisantes pour mener à bien leur projet.

C'est pour répondre aux besoins de ces publics, leur faciliter l'accès à des financements complémentaires et faciliter les chances des entreprises créées ou reprises, que la loi du 16 octobre 1997 relative aux développement d'activités pour l'emploi des jeunes, d'une part , et la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, d'autre part, ont créé de nouveaux outils publics qui conjuguent aides financières de l'Etat et accompagnement/suivi des créateurs.

2. Le dispositif EDEN

Ce nouveau dispositif, baptisé " Encouragement au Développement d'Entreprises Nouvelles " (EDEN), vise d'une part à faciliter l'accès des jeunes et des personnes bénéficiaires de minima sociaux au crédit bancaire, par le biais de l'avance remboursable susceptible de faire " effet de levier ", d'autre part à pallier l'inexpérience de ces créateurs ou repreneurs grâce à un accompagnement post-création. Plus précisément, il s'agit d'accorder une aide spécifique aux jeunes âgés de moins de 26 ans (et sous certaines conditions âgés de moins de trente ans), aux bénéficiaires de minima sociaux (RMI, ASS, Allocation Parent Isolé) créateurs ou repreneurs d'entreprises, ainsi qu'aux salariés reprenant leur entreprise en difficulté. Cette mesure se compose d'une aide financière prenant la forme d'une avance remboursable (prêt sans intérêt) et d'un suivi renforcé pendant les premières années de l'activité (accompagnement post-création).

L'avance remboursable est d'un montant maximum de 40 000F pour un créateur, 60 000 F lorsque le projet de création est présenté par plusieurs personnes et 500 000 F maximum en cas de reprise par des salariés de leur entreprise en difficulté. Ce prêt sans intérêt est accordé après expertise du dossier de création ou de reprise d'entreprise, pour une durée maximum de 5 ans, avec un différé de remboursement maximum de 18 mois. L'avance remboursable est conditionnée part l'octroi d'un financement complémentaire qui peut être accordé soit par un établissement de crédit, soit par un organisme délégataire. Son montant doit être au moins égal à la moitié du montant de l'avance.

L'accompagnement post-création est d'une durée maximum de 3 ans. Sa prescription et sa réalisation sont confiés à des organismes experts en matière de soutien à la création et au développement d'entreprises. La durée moyenne de l'accompagnement post-création est de 35 heures, modulable en fonction des besoins de chaque créateur. En cas de reprise par des salariés d'une entreprise en difficulté, la durée totale de l'accompagnement dégressif et modulable sur trois ans est portée en moyenne à 50 heures.

Par ailleurs, l'Etat assure des ressources minimales aux créateurs les plus démunis pendant la phase de démarrage de la nouvelle activité ; les créateurs ou repreneurs, bénéficiaires de l'ASS, du RMI, de l'API, de l'Allocation d'Insertion ou de l'allocation veuvage, conservent désormais le bénéfice de leur allocation à taux plein pendant les six premiers mois suivant la création.

3. Une intervention de l'Etat profondément innovante

Les modalités d'intervention de l'Etat pour la mise en œuvre de ce dispositif se trouvent profondément modifiées. A titre expérimental, initialement jusqu'au 31 décembre 2000, l'attribution et la gestion de l'avance remboursable, ainsi que l'accompagnement post-création ont été délégués, dans certains départements, à des organismes privés agissant dans le champ de l'aide à la création d'entreprise et reconnus pour leur capacité d'expertise financière et d'appui au développement d'entreprises nouvelles. Sur la base d'un cahier des charges dont les principales obligations sont arrêtées au niveau national, ces organismes ont été sélectionnés par les préfets dans le cadre des procédures de marchés publics. Dans les départements non retenus pour l'expérimentation, ou lorsque l'appel d'offre s'est révélé infructueux, ainsi que pour les personnes ne demandant que le bénéfice de l'exonération de charges sociales et l'accès aux chèques conseil, l'instruction des demandes continue de relever de la compétence du préfet.

La mise en œuvre de ce dispositif s'inscrit dans une procédure de marché public dont le mode de passation est l'appel d'offres ; jusqu'ici réservé aux entreprises privées mises en concurrence pour l'obtention d'un marché.

Il s'agit d'un marché à lots comportant au minimum deux lots : un lot " décisions d'attribution et gestion des avances remboursables " et un lot " accompagnement post-création ".

Les organismes experts compétents peuvent être des associations de soutien à la création ou à la reprise d'entreprises, des sociétés spécialisées dans le conseil ou l'accompagnement de créateurs ou de repreneurs d'entreprises, des établissements financiers (organismes de crédit solidaire…) ou nationaux (banques à structures mutualistes…) ; ou encore des regroupements de ces différentes catégories d'organismes.

En pratique, les organismes qui ont répondu à cet appel d'offres ont été les membres des principaux réseaux de financement de proximité français (France Initiative Réseaux, Association pour le Droit à l'Initiative Economique, Fonds France Active), ainsi que des établissements de crédit, pour le lot 1, et des organismes spécialisés dans l'accompagnement (Boutique de Gestion, Chambres Consumaires, cabinets d'experts…) pour le lot 2.

Les réponses, dans les départements concernés par l'appel d'offres ont pu faire l'objet de groupements d'organismes. On a vu par exemple des délégations de l'ADIE répondre conjointement avec une Boutique de Gestion ou une Plate-forme d'Initiative Locale, la première se positionnant sur le lot 1 et les secondes le lot 2. Certains organismes spécialisés dans le financement de la création d'entreprise faisant également de l'accompagnement ont répondu dans certains cas sur le lot 2 ou sur les deux lots, un autre organisme financier s'appropriant le lot 1.

Ces différents regroupements ont entraîné quelques complications qui ont fortement ralenti la procédure et retardé la mise en place du dispositif EDEN. Ils ont eu pour effet de faire collaborer des organismes et des réseaux généralement en concurrence et peu enclin à établir des propositions communes. Ainsi, une étude sur une dizaine de cas réalisée par France Initiative Réseau et les Boutiques de Gestion montre que le dispositif a été révélateur de ce qui se passait sur le terrain : quand il existait des situations conflictuelles ouvertes ou latentes, le dispositif les a aggravées ; en revanche, dans les cas de relations de coopération, l'EDEN a favorisé les contacts.

4. Les difficultés rencontrées

Si le dispositif EDEN présente des avancées significatives (aide financière pour les créateurs démunis, différé de remboursement qui préserve le caractère de quasi fonds propres, cofinancement qui permet un effet de levier) et des modalités très innovantes (décisions d'attribution confiées à des opérateurs spécialisés), la procédure présente toutefois des incohérences.

Premièrement, elle poursuit deux objectifs contradictoires. L'Etat a délégué la gestion de l'avance remboursable bien que les réseaux n'aient souhaité avoir qu'une délégation pour la décision d'attribution. La mise en place d'une procédure d'appel d'offres visait à respecter les règles de dépenses des fonds publics. Cependant, l'Etat souhaitait travailler avec des attributaires qualifiés, bien que cette dimension ne soit pas prévue par la procédure d'appel d'offres. En effet, l'idée que l'on introduise d'autres critères que le prix (de type qualitatif) dans une procédure d'appel d'offres était contraire à la notion même d'appel d'offre selon la loi française s'y rapportant.

De plus, elle a apporté la concurrence entre les organismes délégataires là où il était nécessaire de trouver des complémentarités pour le bien du créateur et l'efficacité de l'aide. Cette ambiguïté entre coopération et concurrence s'est traduite par des comportements hétérogènes et contradictoires des pouvoirs publics. Le Ministère du Travail et les Directions Départementales du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle (DDTEFP) souhaitaient que les opérateurs s'entendent pour répondre de façon groupée, mais à plusieurs endroits (Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais), les appels d'offres ont été déclarés infructueux, faute de concurrence. Cela a donc plutôt encouragé la concurrence entre les réseaux, puisque le principe de l'appel d'offres suppose qu'une seule offre soit retenue.

En conséquence, la procédure a été longue et complexe. Longue car le dispositif EDEN a été instauré par deux lois votées en 1997 (Loi sur l'Emploi des Jeunes) et mi 1998 (Loi contre les Exclusions). Au 31 décembre 1999, aucune avance remboursable sur les 400 Millions de francs prévus pour 1999 n'avait effectivement été versée à un créateur d'entreprise. Certains appels d'offres n'étaient d'ailleurs toujours pas sortis en janvier 2000. Les créateurs avaient cependant la possibilité de déposer des demandes depuis le début de l'année, ce qui a entraîné une accumulation importante des dossiers en attente à traiter dès le début 2000, dans certains départements (Hauts-de-Seine, Haute-Garonne, Pas-de-Calais, Maine et Loire).

La procédure s'est avérée complexe car la délégation de ces deux fonctions a fait l'objet d'appels d'offres au niveau départemental (au moins 2 par département donc plus de 200 en tout). De plus, elle était méconnue à la fois des organismes opérateurs et des DDTEFP et a donc posé des problèmes de rédaction, en retardant d'autant plus la mise en œuvre (les premiers appels d'offres sortis en mai et juin ont dû être recommencés car le prix des prestations ne figurait pas parmi les critères de sélection).

Par ailleurs, on constate d'autres lacunes : l'information des créateurs et la coordination entre les organismes attributaires des deux lots n'ont pas été prévues. De plus, la rémunération des organismes ayant la fonction gestion-attribution (lot 1) est trop faible : 2000 F par dossier accordé pour assurer convenablement l'instruction des dossiers, sachant que tous les dossiers ne seront pas validés, et que le recouvrement peut s'échelonner sur cinq années. Le travail n'ayant pas été réellement quantifié ; la compétence financière d'analyse et d'expertise des dossiers a été sous-évaluée. C'est tout de même une avancée, puisque en dehors de ce dispositif le coût est complètement supporté par les structures, et par ailleurs, les 2000 F accordés couvrent uniquement les frais de gestion. Néanmoins, le dispositif apporte un afflux supplémentaire de dossiers important qu'il faudra expertiser, même si seule une faible part sera retenue

Il résulte de ces difficultés que ce dispositif expérimental, initialement prévu pour faire l'objet d'un nouvel appel d'offres à la fin de l'année 2000, va être maintenu sous sa forme actuelle jusqu'en 2002.

5. Les enjeux

Plusieurs collectifs d'organismes (Synergies, Profession Créateur), auxquels participe Eficea réfléchissent déjà à l'élaboration de propositions à soumettre aux pouvoirs publics afin de pallier les lacunes du dispositif actuel.

Ces propositions portent notamment sur un remplacement de la procédure d'appel d'offres par l'agrément par le Ministère de l'emploi d'organismes qualifiés pour l'attribution des aides. Les organismes pourraient avoir la décision de l'attribution de l'avance remboursable, mais celle-ci serait gérée par l'Etat. Afin d'assurer l'articulation entre lot 1 et lot 2, l'attributaire du lot 1 pourrait indiquer avec quel prestataire retenu pour le lot 2 il va travailler, en aval de l'agrément. Un autre axe de proposition porte sur une éventuelle extension de l'avance remboursable à tous les créateurs, et l'instauration d'une prime de 20 000 F à la création pour les bénéficiaires des minima sociaux.

Compte tenu des lourdeurs et controverses suscitées par la mise en place du dispositif EDEN, il est à prévoir que les débats vont s'intensifier dans les mois à venir, notamment lorsque vont se poser les problèmes du suivi des remboursements et de l'accompagnement des créateurs. Certaines modifications devront être apportées afin que cette initiative de l'Etat, unique en Europe trouve les moyens de son bon fonctionnement.

Source: "Développer l'investissement social 50 études de cas"
Cette publication a été réalisée avec le support de la DGV, projet pilote Troisième système et Emploi.

Février 2000


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