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La "maison de la mémoire"


Dans la "favela" vivent de nombreux témoins de la culture traditionnelle, porteurs d'un savoir. Ce sont des "rezadeiras" (guérisseuses par la prière), des "rezadores" (guérisseurs par les plantes), des "pais do santo" (guérisseurs des religions afro-brésiliennes), des "spirites" (guérisseurs par les esprits), des "violeiros" (chanteurs et musiciens populaires). Nous instaurons des rencontres entre ces praticiens pour que, d'une part ils réactivent la conscience de leur savoir millénaire, et que d'autre part, ce savoir soit contextualisé dans son nouveau milieu. Par ces rencontres, nous travaillons à mettre sur pied la "maison de la mémoire" (a casa da memoria) où sont gardés, à la disposition des habitants de la communauté et des visiteurs, les réunions filmées, les récits de vies, les symboles de lutte quotidienne pour la survie, les mémoires artistiques et culturelles, les noms de ceux qui ont été victimes de la violence policière, les histoires des réussites personnelles, les textes écrits par les membres de la communauté et par nos visiteurs, les registres des activités de la communauté aussi bien que ceux des autres "favelas" et des autres communautés avec lesquelles nous entretenons des rapports (le cas des communautés indiennes pour l'instant). D'autre part, ces rencontres permettront aux chercheurs-participants de repérer ce qui, dans le nouveau contexte, est resté de ce savoir, ce qui a été perdu, ce qui a été modifié. Ainsi sera-t-il possible d'évaluer ce qui doit être fait pour renforcer des valeurs qui constituent les racines d'une identité culturelle déniée par la société.

(...) L'originalité de notre travail réside dans la volonté de tenter une expérience de revitalisation de la culture populaire dans la "favela", à partir des éléments refoulés et oubliés de la mémoire collective. De cette manière, une démarginalisation pourrait devenir possible par une actualisation des éléments fondamentaux de la culture brésilienne qui font de la personne un membre actif de la société.

La portée du travail que nous faisons ici consiste aussi à offrir l'opportunité de penser qu'il peut exister quelque chose de différent. Nous proposons un lieu de reconstruction identitaire, d'affirmation et de respect de soi. Ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres qu'ils ne doivent pas être respectés; ce n'est pas parce qu'ils sont pauvres qu'ils ne peuvent pas être entendus. Notre travail ne vise pas seulement 4 Varas, nous atteignons d'autres "favelas", nous établissons des réseaux d'échanges entre les associations de quartiers, les groupes de femmes, les réseaux de jeunes drogués...; nous tentons de développer un espace de communication populaire dans lequel il serait possible de rendre visibles les expériences qui se font dans les "favelas" par les "favelados" eux-mêmes, les petites initiatives, les petits succès, etc.

Les "favelados", pour faire échec à la fragmentation que provoque leur nouvelle situation, ont beoin de lieux de reconstitution et de renforcement des liens sociaux. Depuis trois ans nous organisons des rencontres, jusqu'à présent en plein air. Nous avons organisé dernièrement une rencontre avec une trentaine de chefs Indiens Tremembé venus pour connaître les "favelados" et voir comment ils pourraient s'organiser, de retour dans leur tribu, pour faire face aux divers problèmes communs à toute communauté pauvre. L'expérience vaut la peine d'être contée. Ces Indiens pratiquent le Torem, une danse typique qui évoque les animaux dont le plus célèbre est l'araignée. Aujourd'hui, les Indiens ne savent plus le sens de ces rituels et les réalisent de façon "mécanique". Avec eux, nous les avons étudiés. Puis nous avons essayé de recontextualiser le Torem, c'est-à-dire de voir ensemble quel nouveau "contenu" pouvait être véhiculé avec le vieux "contenant". Ils ont ensuite dansé le Torem dans la "favela" et la communauté a choisi l'araignée comme symbole de reconstitution du tissu de la solidarité : l'araignée sans la toile, c'est comme l'Indien sans la terre, la communauté sans les liens de solidarité. Depuis, nous avons intégré dans les séances de psychiatrie de la favela la danse de l'araignée... Cette dimension de la communication avec les Indiens est centrale pour nous car elle permet d'abord une connaissance mutuelle, et nous permet aussi de remonter aux sources de certaines pratiques traditionnelles.

(S : Marcelin : FPH)


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