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Financement du développement durable

Par Laurent COMELIAU (CRID)


ETAT DES LIEUX
LE DEBAT INTERNATIONAL
PROPOSITIONS POUR LES Ong FRANCAISES

1. ETAT DES LIEUX

Davantage de flux financiers et une reprise de l'endettement

Le principal document qui présente une vue d'ensemble de la dette des pays en développement (en y incluant tous les pays à revenu faible et moyen, y compris les pays de l'Est européen et l'ex-Union soviétique) et du financement du développement est constitué par le rapport World debt tables/external finance for developing countries de la Banque mondiale. On note d'emblée que l'édition 1993/1994, qui fournit les données pour 1992 et les prévisions pour 1993, ne fait aucune allusion à des besoins de financement nouveaux à la suite de la reconnaissance internationale du concept de "développement durable" au Sommet de Rio.

Ce rapport souligne l'accroissement global des flux nets de ressources financières (avant intérêts et transferts de dividendes) depuis la fin des années 1980. Ces flux atteignent des niveaux records (157 milliards de dollars en 1992 et 177 milliards de dollars en 1993) après une période de réduction ou de stagnation. Le solde des transferts reste largement positif (80 milliards de dollars en 1992 et 92 milliards de dollars en 1993) après déduction des intérêts et des profits rapatriés, alors qu'il avait été négatif de 1986 à 1988 et négligeable en 1989.

Le rapport souligne en particulier l'accroissement des flux de capitaux privés vers certains pays à revenu moyen et vers la Chine. Ces financements sont de plus en plus non-bancaires : l'apport net des banques commerciales n'a été que de 18,5 milliards de dollars, soit 12 % des apports totaux, en 1992. Ils bénéficient de plus en plus à des entreprises privées. Les investissements directs prennent un poids important : ils se sont élevés à 47 milliards de dollars en 1992, dont 11 milliards pour la Chine, et devraient atteindre 56 milliards de dollars en 1993, dont 15 milliards pour la Chine.

Les flux privés non-bancaires ont également pris une place importante en Amérique latine, principalement en Argentine et au Mexique, à l'occasion d'opérations de conversion de dettes en capital de sociétés privatisées. Les investissements directs en Amérique latine sont estimés à 14,5 milliards de dollars en 1992 (dont 5,4 milliards de dollars au Mexique et 4,1 milliards de dollars en Argentine). Ils sont estimés à 17 milliards en 1993. Ce retour de flux privés vers une région qui avait été au coeur du déclenchement de la crise de la dette au début des années 1980 avait incité la Banque mondiale et le FMI à faire état du "succès du Plan Brady" et de "la nouvelle stratégie de la dette" et du "retour à la confiance". Les interrogations sur la pérennité de ce mouvement restent pourtant permises : les grandes opérations de privatisation ne touchent-elles pas à leur terme ? Ces flux de prises de participation ne vont-ils pas entraîner des sorties massives de dividendes, voire des désinvestissements, si la conjoncture se détériorait? L'équilibre atteint aujourd'hui dans certains pays d'Amérique latine n'est-il pas précaire et transitoire, par exemple au Mexique, victime de sa dépendance pétrolière ?

Malgré la prudence, voire le désengagement, des banques commerciales, des ressources importantes continuent à être apportées par accroissement de l'endettement, principalement vers la Chine et quelques pays asiatiques.

Globalement, les transferts nets au titre de la dette, négatifs jusqu'en 1991, sont de nouveau positifs en 1992 et 1993, bien que les transferts nets sur la dette publique à long terme ou garantie soient encore négatifs de 9,3 milliards de dollars en 1992, marque de la stagnation des financements officiels.

L'endettement reprend, timidement. La dette des pays en développement continue à s'accroître pour atteindre 1662 milliards de dollars à fin 1992 et probablement 1770 milliards de dollars à fin 1993. Mais elle ne fait plus peur aux banques et aux gouvernements du Nord. La crainte de réactions en chaîne pouvant conduire à un effondrement du système financier international a disparu.

On notera pourtant que les flux positifs constatés actuellement ne concernent qu'un petit nombre de pays, surtout en Extrême-Orient, en Amérique latine et en Europe de l'Est. Ceci contraste avec la stagnation des flux vers les pays à faible revenu, et surtout vers les plus endettés, ce qui représente un déclin pour la plupart d'entre eux, compte tenu du cas exceptionnel de la Chine.

Les transferts nets vers les pays à faible revenu très endettés se sont réduits de 15,7 milliards de dollars en 1990 à 14 milliards de dollars en 1991 et 1992.

Les transferts nets vers l'ensemble des pays à faible revenu, à l'exclusion de la Chine, ne sont que de 12 dollars par habitant, contre 17 dollars pour l'ensemble des pays en développement.

Ces pays continuent à dépendre de financements officiels, souvent soumis à de fortes contraintes budgétaires. Le nombre des demandeurs d'aide s'est par ailleurs accru avec l'évolution des pays de l'Est et l'éclatement de l'Union soviétique. Le nombre de bailleurs de fonds s'est réduit et ceux-ci se montrent plus sélectifs. L'aide des pays de l'Est a disparu et celle des pays pétroliers arabes a fortement chuté.

Le fardeau de la dette (voir encadré 1) reste écrasant pour une trentaine de pays à faibles revenus, situés pour la plupart en Afrique subsaharienne. La dette totale des pays à faibles revenus très endettés s'élevait à 204 milliards de dollars à fin 1992, chiffre en légère baisse par rapport à fin 1991 mais qui représente un triplement depuis le début de la décennie 1980, malgré diverses mesures spécifiques pour les pays les plus pauvres : annulations de dettes publiques, par exemple par la France au Sommet de Dakar, en septembre 1989 ; application de conditions plus favorables au Club de Paris (voir encadré 2), permettant l'annulation d'une partie des montants rééchelonnés.

L'impact de ces annulations n'a été que de l'ordre de 25 milliards de dollars, dont 13 milliards de dollars au titre du traitement exceptionnel accordé à l'Egypte en 1991 pour des raisons politiques, en remerciement pour la position prise par ce pays lors de la guerre du Golfe.

La Banque mondiale note pourtant une évolution positive avec la tendance à la substitution de prêts par des dons depuis 1989. La décision de financer les pays les plus pauvres sous forme de dons a été prise par la France lors du Sommet de la Baule.

Cette décision a cependant reçu une interprétation très restrictive de la part du Trésor : alors que le discours du Président de la République indiquait qu'il convenait de ne plus faire que des dons à 100 % aux pays les moins avancés, l'application tirée de cette déclaration a consisté à entendre "Etats" là où il avait été question de "pays". La France fait des dons aux Etats, mais des prêts directs aux entreprises, publiques ou privées, ou aux banques et continue donc à endetter les "pays les moins avancés".

La situation est également préoccupante pour quelques pays africains à revenu moyen (Angola, Cameroun, Congo et surtout Côte d'Ivoire) dont l'endettement à fin 1992 s'élevait à 39 milliards de dollars, dont 18 milliards de dollars pour la Côte d'Ivoire, pays dont l'endettement par tête était proche du triple de la moyenne mondiale.

Un certain soulagement a été apporté par les annulations de dette décidées par la France après la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 : annulation de la totalité de la dette au titre de l'APD (aide publique au développement) des pays moins avancés et annulation de la moitié de celle des pays à revenu intermédiaire de la zone franc, pour un montant total de l'ordre de 25 milliards de francs.

Pour de nombreux pays, le poids de la dette n'est malheureusement que l'un des obstacles au développement, aux côtés de la chute des cours des matières premières, du déséquilibre des finances publiques et de la déliquescence de l'appareil d'Etat, voire des graves crises politiques et sociales pouvant aboutir à la guerre civile et à l'anarchie. L'annulation de la dette n'est qu'une étape, nécessaire mais non suffisante. Le véritable problème est celui du financement de politiques de développement adéquates, en particulier pour les pays les plus pauvres.

La persistance de fortes inégalités et de la pauvreté absolue

Les banques nord-américaines, menacées à partir de septembre 1982 par l'insolvabilité de quelques pays d'Amérique latine sont tirées d'affaire, avec l'appui des gouvernements des grands pays industrialisés et les institutions de Bretton Woods, soit en définitive avec l'argent des contribuables du Nord. Le secteur privé, en particulier les grandes entreprises multinationales, investit massivement en Chine et prend le contrôle des services publics en Amérique latine. Est-ce à dire que la crise de la dette est terminée pour tout le monde ? Peut-on considérer que la question du développement équitable pour les pays du Sud est résolue ?

La persistance de fortes inégalités et de la pauvreté absolue après une décennie d'"ajustement structurel" est attestée par les données fournies par la Banque mondiale elle-même, chef de file des financiers du développement.

Selon les World development indicators publiés par la Banque mondiale en 1994, le PNB (produit national brut) moyen par tête des économies à revenu faible et intermédiaire était de 1 040 dollars en 1992, pour une population totale de 4,6 milliards de personnes. Le PNB par tête des économies à faible revenu était de 390 dollars, pour une population de 3,2 milliards de personnes alors que le PNB par tête de 23 pays riches, de 828 millions d'habitants, s'élevait à 22 160 dollars.

Les régions les plus défavorisées sont l'Asie du Sud, avec un PNB moyen par tête de 310 dollars en 1992, et l'Afrique subsaharienne, avec un PNB moyen par tête de 530 dollars, mais de 360 dollars sans l'Afrique du Sud.

Ces données montrent également que le PNB par tête a stagné (+0,9 %) pendant la période de 1980 à 1992 dans l'ensemble des pays en développement, malgré la croissance accèlérée de quelques pays comme la Chine, la Thaïlande et la Corée, et a décru dans trois régions : Afrique du Nord et Moyen-Orient (-2,3 %), Afrique subsaharienne (-0,8 %) et Amérique latine (-0,2 %). Pendant la même période, il augmentait de 2,3% dans les pays riches.

Le Rapport sur le développement dans le monde 1992 de la Banque mondiale, intitulé "le développement et l'environnement" indique que plus du cinquième de l'humanité vit encore dans la misère et que le recul de la pauvreté a été négligeable durant la seconde moitié des années 80 dans les pays en développement. En réalité, le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 1051 millions à 1133 millions entre 1985 et 1990.

Les régions touchées par la pauvreté sont évidemment l'Asie du Sud (511 millions de personnes, soit 49 % de la population, en deçà du seuil de pauvreté) et l'Afrique subsaharienne (216 millions de personnes, soit 48 % de la population, en deçà du seuil de pauvreté). Des préoccupations se font jour quant à l'évolution de la situation en Chine, qui bénéficie d'une croissance élevée mais qui risque d'accroître fortement les inégalités au détriment de la masse de la population rurale.

L'ajustement structurel a souvent eu des effets négatifs sur les services publics et les dépenses à caractère social, y compris dans les régions où son impact sur la relance de l'économie est reconnu, comme en Amérique latine, et malgré divers programmes marginaux portant sur la "dimension sociale de l'ajustement".

Certains indicateurs sociaux présentés dans les World development indicators sont également particulièrement parlants : mortalité infantile de 7 % dans les 23 pays à revenu élevé et de 65 % dans les pays en développement (99 % en Afrique subsaharienne).

La poursuite des tendances actuelles risque d'aboutir à l'enlisement et à la marginalisation des pays les plus pauvres, en particulier en Afrique subsaharienne, contrastant avec la croissance de quelques "bons élèves" latino-américains et de quelques "dragons" asiatiques, partenaires à part entière des pays du Nord.

Il est clair que nous ne pouvons assister passivement au développement de l'exlusion à l'échelle mondiale, à l'extension des famines, des épidémies et des guerres civiles, parfois à nos portes.Aux yeux des citoyens et associations soucieux d'équité et de solidarité internationale cette situation impose une poursuite et une intensification des efforts en faveur du développement des pays du Sud, impliquant des politiques adéquates, qui ne sont pas nécessairement la reproduction de modèles ultra-libéraux.

Quelles sont les perspectives, à la lumière des débats sur de nouveaux types de développement, plus équitables et plus respectueux de l'environnement ?

2. LE DEBAT INTERNATIONAL

Les nouvelles exigences de Rio

Selon le rapport Notre avenir à tous, de la Commission mondiale pour l'environnement et le développement "Commission Brundtland"), le développement durable veut répondre aux besoins des générations actuelles sans compromettre la possibilité de répondre à ceux des générations à venir. Il se définit comme un développement répondant aux besoins présents d'une humanité solidaire, mais qui laisse aux générations futures la possibilité de survivre et de prospérer.

Les diverses interprétations du développement durable, son ambiguïté tiennent à la dualité qu'il implique entre deux exigences : celle de la solidarité pour un développement équitable, aujourd'hui, et celle de la préservation de l'environnement demain ;

Au delà des inévitables divergences sur les objectifs, et plus encore sur les moyens, Rio a marqué une étape essentielle dans l'affirmation collective d'une volonté de concilier ces deux exigences majeures.

Selon l'un des principes de base de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement : l'élimination de la pauvreté et la réduction des inégalités entre les peuples sont les conditions essentielles d'un développement qui satisfasse durablement les besoins de la majorité de la planète. Il est précisé plus loin que : Les Etats doivent coopérer en vue de promouvoir un système économique mondial favorisant la croissance et le développement durable dans tous les pays. La lutte contre la pauvreté relève de la responsabilité collective de tous les pays du monde et en particulier des pays les plus riches.

Rio a reconnu qu'à cause de leur responsabilité historique dans la dégradation des ressources de la biosphère, il incombait au pays à revenu élevé de financer les moyens de lutte contre le réchauffement par accumulation de gaz carbonique et d'autres gaz à effet de serre, l'affaiblissement de la couche d'ozone sous l'influence des chlorofluorocarbures et la réduction de la biodiversité). Il a été admis que les financements correspondant aux problèmes globaux ne faisaient pas partie de l'aide au développement.

La position des gouvernements du Nord et de la Banque mondiale, telle qu'exprimée à Rio et telle que manifestée dans les suites données au Sommet, tend cependant à minimiser et à banaliser les conséquences des orientations adoptées.

Le Rapport sur le développement dans le monde 1992 de la Banque mondiale souligne les liens entre la protection de l'environnement et le développement. Il énumère les domaines où la qualité de l'environnement apparaît comme une composante chiffrable du développement : impact sur la qualité de l'eau et de l'air, menacée par des pollutions diverses ; maintien de la productivité agricole par la lutte contre l'érosion et la dégradation des sols. Le Rapport considère que "les pauvres" sont les premières victimes de la dégradation de l'environnement : eau de mauvaise qualité, pollution atmosphérique dans les mégalopoles du Tiers-monde, impact sur les masses rurales de la baisse de la productivité agricole. Il s'attache parallèlement à démontrer que la pauvreté est un facteur majeur d'atteinte à l'environnement, par exemple par suite des défrichements agricoles et de l'extension de l'habitat spontané.

Beaucoup se demandent s'il ne faudrait pas remettre en cause les bases mêmes des raisonnements et des calculs économiques, qui sont susceptibles de s'opposer à la sauvegarde de l'environnement et des ressources naturelles car l'économie raisonne toujours sur le court terme, même lorsqu'elle feint de prendre en considération le long terme, en ignorant systématiquement les éléments non-marchands. La Banque mondiale quant à elle maintient pour l'essentiel une totale confiance dans les mécanismes de marché, en confondant le "développement durable" avec le développement telle qu'elle l'a toujours pratiqué et celui-ci avec l'extension du marché. Elle considère aussi que certaines atteintes à l'environnement sont dues à des distorsions des mécanismes de marché qu'il suffit de corriger (l'eau et l'énergie qui ne seraient pas vendues "à leur juste prix" par exemple).

Les gouvernements du Nord se contenteraient volontiers de limiter l'apport de Rio à la prise en compte de quelques problèmes globaux et à la mise en oeuvre du FEM (Fonds pour l'environnement mondial). Ils seraient portés à qualifier de "développement durable" la politique actuelle de la Banque mondiale, légèrement infléchie et assortie de la prise en compte de quelques études d'impact.

Une telle position revient malheureusement à exonérer les pays du Nord de leur responsabilité historique, en ne posant le problème de l'environnement qu'au Sud, sans remettre en cause le modèle dominant de production et de consommation, ce qui revient sans soute à perpétuer un mode de développement "insoutenable". Cette position minimise aussi l'exigence immédiate de solidarité internationale pour la réduction des inégalités, l'éradication de la pauvreté et donc l'ampleur des efforts, notamment financiers, à consentir.

On constate effectivement que la nature des besoins et le volume des financements peuvent varier dans de très fortes proportions selon le sens que l'on donne au développement durable, selon la gamme des problèmes abordés et les objectifs qui concernent l'ampleur et le rythme de réduction des inégalités.

Les besoins de financement du développement durable

Le Rapport sur le développement dans le monde 1992 estime au chapitre 9 le coût d'un meilleur environnement pour les pays en développement à environ 75 milliards de dollars (1990) par an pour quelques grands programmes comme ceux qui concernent l'eau et l'assainissement, la réduction des émissions de centrales à charbon, le passage aux carburants sans plomb, la réduction des émissions, effluents et déchets de l'industrie, la conservation des sols et le reboisement. Il indique que ce montant s'élève à environ 1,4 % des PIB des pays en développement et pourrait éventuellement atteindre 2 % à 3 % de ce PIB en prenant en compte d'autres problèmes, comme celui de la protection des forêts, et des normes plus ambitieuses. La Banque mondiale estime qu'une part substantielle des coûts sera prise en charge par les entreprises, et donc payée par le consommateur. Le marché des pays du Sud, en quelque sorte, apporterait l'essentiel des financements...

Le Secrétariat de la CNUED (Conférence des Nations unies sur l'Environnement et le Développement) a fourni des estimations du coût de la mise en oeuvre de l'Agenda 21 : 561,5 milliards de dollars par an, dont les 2/3 pourraient être fournis par les ressources propres des pays, laissant 142 milliards de dollars par an à la charge de l'aide extérieure (voir tableau 1).

On conçoit, face à une telle comparaison, qu'un très important travail d'analyse sur le contenu et les moyens, notamment financiers, nécessaires à la mise en oeuvre de l'Agenda 21 reste à fournir et que celui-ci ne saurait être laissé à la Banque mondiale et à la technostructure du G7.

Dans toutes les hypothèses, d'énormes apports de financements supplémentaires semblent nécessaires. L'Agenda 21 indique que la communauté internationale doit fournir une assistance financière et s'efforcer de réduire la dette extérieure de nombreuses nations en développement, en particulier les plus pauvres d'entre elles. Le chiffre de 142 milliards de dollars d'aide extérieure qu'il cite, est très supérieur aux transferts nets actuels.

Il est clair qu'un effort important doit être consenti par les pays riches, parce qu'ils sont les seuls à détenir les richesses suffisantes, mais aussi parce que ce sont eux qui ont le plus prélevé sur les ressources naturelles dans le passé, se rendant redevable d'une "dette écologique" colossale, et qu'ils continuent de le faire.

La Banque mondiale souligne naturellement le rôle du développement des exportations en provenance des pays du Tiers Monde et le rôle de l'accroissement des investissements en provenance des pays industrialisés. Il ne semble pas certain que de telles ressources arrivent, par le jeu des "forces du marché", avec la rapidité nécessaire, ni en quantité suffisante, ni qu'elles se dirigent spontanément vers les investissements nécessaires au "développement durable" : quelle contribution les privatisations en Amérique latine ou les "zones économiques spéciales" de la côte chinoise lui apportent-elles ?

Des aides financières publiques importantes sont donc nécessaires. Or l'aide publique au développement provenant des pays de l'OCDE n'était que de 57,2 milliards de dollars, soit 0,34% du PNB, à fin 1991. On est très loin de l'objectif d'une contribution de 0,7 % du PNB réaffirmé à Rio et figurant dans l'Agenda 21. Seuls les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark, la Suède et la Finlande dépassent ce seuil, la France atteignant 0,62 %, contributions aux DOM et TOM incluses (voir tableau 2).

Mais, quelle que soit l'ampleur des ressources externes, elles ne pourront et ne devront que constituer un complément au financement interne du développement.

3. PROPOSITIONS

Information, transparence, participation et consultation, priorité au développement humain, décentralisation... Voici quelques maîtres mots des Ong en matière de financement.

Globalement, les Ong exigent un contrôle du choix de l'exécution des projets initiés par les Institutions de Bretton Woods par la société civile au Sud et au Nord. Elles revendiquent leur participation afin que les programmes d'action soient plus proches du terrain et développés dans le cadre d'un développement durable. L'accroissement du rôle des Ong dans la mise en oeuvre du financement du développement durable devrait aussi favoriser son orientation vers les besoins des plus démunis.

Le problème du financement du développement durable étant profondément lié à l'évolution de l'économie mondiale, et notamment à la régulation du commerce mondial et à la stabilisation du cours des matières premières, les Ong se doivent donc de conduire un débat global sur l'ensemble du financement du développement durable.

On retrouve ces exigences sur les différents sujets.

Le soutien à des propositions institutionnelles

Certaines propositions institutionnelles ou officielles vont dans le sens des préoccupations des Ong de développement, qu'elles soient mentionnées dans l'Agenda 21 ou qu'elles émanent des experts du PNUD. Celles-ci sont reprises ici car elles sont en général soutenues par ces Ong, même si quelques-unes pensent qu'il faut aller plus loin.

La responsabilité des Etats des pays en développement ne saurait être éludée. D'importants rééquilibrages budgétaires sont possibles, par exemple avec une réduction des dépenses militaires. C'est d'ailleurs l'une des propositions du PNUD que les Ong soutiennent : si les dépenses militaires continuent à baisser de 3 % par an d'ici 2000, les 460 milliards de $ de nouveaux dividendes de la paix qui apparaîtront pourraient au moins partiellement servir à financer les mesures sociales et environnementales prioritaires dans le monde (voir fig.1 et chapitre VIII). Mais la suppression de certaines subventions est également nécessaire, dans la mesure où elle permet entre autres d'éliminer les incitations à la destruction de l'environnement : que l'on songe aux avantages fiscaux et crédits bonifiés consentis aux grandes exploitations d'élevage extensif, réalisées par des défrichements massifs de la forêt amazonienne. De très fortes inégalités de revenu interne peuvent et doivent être corrigées.

Autres propositions avancées par le PNUD et qui méritent attention :

- celle de "taxer" les mouvements de capitaux (voir encadré 3),

- un pacte 20-20 pour le développement humain : ceci consisterait à consacrer 20 % des budgets des pays en développement et 20 % de l'aide des pays industrialisés à des dépenses prioritaires pour le développement humain (voir encadré 4).

L'une des modalités de réorientation des financements internes vers les priorités du développement durable pourrait être, comme l'indique l'Agenda 21, qui préconise l'établissement d'ici 1996 d'"Agenda 21 locaux", de confier davantage de responsabilités et de ressources aux collectivités locales, échelon des pouvoirs publics le plus proche de la collectivité. Cette délégation à un niveau local renforcerait les mécanismes de coopération décentralisée.

L'Agenda 21 propose aussi d'alléger la dette (cf. ci-dessous). Mais les principaux mécanismes de financement sur lesquels il repose, les flux d'investissement privés, l'APD et le FEM sont aux yeux des Ong, soit insatisfaisants, voir inadéquats, et en tout cas insuffisants.

Les flux d'investissement

L'Agenda 21, fidèle aux préceptes libre-échangistes, recommande à la fois une liberté de commerce et d'accès aux marchés ainsi qu'une mobilisation accrue d'investissements directs étrangers et de transferts technologiques afin de contribuer à une interaction harmonieuse entre croissance économique et protection de l'environnement pour tous les pays et en particulier pourles pays en développement et les pays en transition vers une économie de marché.

Mais le problème est que les investisseurs étrangers trouvent peu d'intérêt à investir dans des pays très pauvres tels que le Bangladesh (au 159ème rang sur 173 selon le PNB), le Nicaragua (133ème) ou encore le Tchad (164ème) pour ne prendre que ces quelques exemples. L'intérêt ne s'éveille, et pour des investisseurs quoi de plus naturel, que lorsqu'il y a un début de décollage économique. Aussi les Ong insistent-elles particulièrement pour rappeler à la communauté internationale que la totale libre circulation des mouvements de capitaux et la totale libéralisation du commerce risquent de mettre davantage au ban de l'économie mondiale les pays les plus pauvres de la planète. Les difficultés actuelles rencontrées par le Mexique qui accueille des investissements volatiles placés par des investisseurs versatiles confirment ces inquiétudes. Les pays en développement ne constituent pas un ensemble homogène : sans entrer dans un débat de fonds, on peut dire que si les recommandations libérales peuvent en avantager et dynamiser certains, le renforcement de l'APD constitue pour beaucoup d'autres la seule solution pour obtenir un minimum de devises.

L'Aide Publique au Développement (APD)

L'APD, qui finance tous les programmes d'action édictés dans le cadre des Nations unies, tend à diminuer ou à stagner : on ne mobilise toujours pas les ressources nouvelles annoncées à Rio. Les Ong doivent donc s'assurer que ces programmes sont maintenus dans une certaine cohérence financière. Pour cela, les gouvernements doivent tenir leur engagement d'atteindre une part d'APD au moins égale à 0,7 % de leur PNB.

Mais rappelons-nous quand même que le volume des financements ne garantit pas la qualité des projets et que celle-ci n'en garantit pas la réalisation correcte. Il faut procéder à une révision des orientations et des modalités de l'aide au développement afin :

- qu'elle soit prioritairement utilisée pour des actions de développement humain,

- qu'elle favorise une assistance plus grande au développement local,

- qu'elle soit plus largement déléguée aux Ong, plus proches des intérêts des populations,

- qu'elle soit découplée des intérêts stratégiques (commerciaux, politiques...) des pays donateurs et qu'elle soit donc réellement désintéressée.

- que ce ne soit pas l'Etat seul qui décide de l'aide, mais que cette aide soit incarnée dans le tissu social des pays donateurs.

Ces orientations sont particulièrement indiquées pour la France où le dispositif de coopération est peu cohérent et peu transparent.

Le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM)

Nombre d'Ong de développement reprochent au FEM de n'aborder qu'un certain nombre de problèmes globaux directement liés aux priorités des pays industrialisés. Présenté comme un mécanisme novateur, le FEM serait alors typiquement un produit de "l'enthousiasme" pour un développement durable qui ne remet pas en cause les modalités de croissance économique. A ce titre, l'approche proposée tenterait essentiellement de contrecarrer les effets néfastes du modèle d'industrialisation du Nord. Il est révélateur à cet égard que 3 des 4 domaines d'action du FEM sont intrinsèquement liés au développement industriel. Il ne fait aucun doute que les problèmes de réchauffement climatiques ou de couche d'ozone sont globaux, mais d'autres le sont tout autant : l'approvisionnement en eau douce concerne toute l'humanité et constitue une urgence encore plus grande.

Enfin, la gestion du FEM par la Banque mondiale suscite de nombreuses inquiétudes et appréhensions de la part des Ong. Celles ci devraient se cordonner afin de contrôler aussi bien la conception que la réalisation des projets qui entrent dans le cadre du FEM. Lors des négociations sur la restructuration du Fonds, les Ong se sont beaucoup mobilisées sur le principe de transparence. Bien que ce principe ainsi que ceux d'universalité et de démocratie aient été réaffirmés, leur mise en oeuvre mérite d'être surveillée de très près.

Les Institutions de Bretton Woods

Les Ong doivent s'opposer systématiquement aux politiques de ces institutions, même si certaines choisissent plutôt de négocier avec elles. Un certain nombre d'éléments montrent que la Banque et le F.M.I. sont susceptibles d'accepter des changements sous la pression continue des Ong et des populations2.

La Banque mondiale décide de l'affectation d'une grande partie des crédits multilatéraux alors que sa propre contribution au financement de projets est minoritaire. Cette vision hégémonique de la conception du développement n'est pas acceptable : les gouvernements doivent reconquérir une part de leur autonomie en matière de financement du développement.

Les Ong demandent par ailleurs l'évaluation des actions du FMI et de la Banque et réclament des correctifs sociaux et environnementaux ou des palliatifs humanitaires aux rigueurs de l'ajustement structurel imposé par ces gérants du développement.

Si le financement de gros projets infrastructurels reste nécessaire puisqu'il ne peut être pris en charge par les Ong, celles-ci réclament toutefois que la politique de prêts serve aussi les microprojets élaborés en collaboration avec les populations locales et avec les Ong. Ceci permettrait d'ailleurs des économies importantes. Il s'agit donc là de privilégier la qualité des prêts plutôt que leur quantité.

Le discours de la Banque est parfois séduisant, mais il ne se traduit pas toujours dans les faits. Elle reconnaît en effet que les projets doivent être évalués par rapport à leur impact sur le développement, et pas seulement d'après des critères financiers. Les Ong aimeraient la voir agir concrètement : l'élaboration d'indicateurs du développement soutenable qui prenne en compte les objectifs écologiques et sociaux doit être l'une de ses priorités.

Si les récents mécanismes d'appel ouvrent aux citoyens des possibilités non négligeables d'assumer un certain contrôle sur les décisions prises à Washington, les OSI réclament une plus grande responsabilité à l'égard du public et une divulgation plus grande de l'information.

La Banque mondiale et le FMI devraient par ailleurs être à l'avant-garde dans le domaine de l'utilisation de la comptabilité des ressources naturelles.

Enfin, restructurer ces institutions en les régionalisant pour éviter que des plans d'ajustement structurel soient imposés qui seraient sans rapport avec les réalités sociales des pays concernés, transférer les responsabilités de la Banque mondiale et du FMI à des organismes régionaux, voilà deux autres mesures qui seraient sans doute susceptibles d'améliorer le fonctionnement de ces institutions.

Le problème de la dette

A ce sujet les Ong de développement ont déjà affirmé cinq grands principes directeurs à la fin des années 1990. Il ne fait pas de doute qu'ils sont toujours d'actualité, c'est pourquoi nous les reprenons ici de façon résumée :

1- L'ensemble des dispositifs financiers, aussi bien par leurs ressources que par leurs procédures, doit fonctionner de manière à ce que le flux net annuel de capitaux entre les PVD et les autres pays redevienne positif durablement en faveur des PVD.

2- La résolution du problème de la dette doit être concrètement et durablement insérée dans les programmes de développement prenant en compte les facteurs d'avenir que constitue le capital humain des pays concernés.

3- Les dettes qui ne correspondent pas à une quelconque réalisation réelle dans le pays concerné ne peuvent être considérées comme légitimes.

4- Limiter le service de la dette à une fraction des recettes d'exportation du pays considéré.

5- Atténuer dans l'immédiat la charge de l'endettement pour les pays les plus vulnérables et pour les populations les plus défavorisées.

Mais au delà des seules propositions techniques, les Ong envisagent d'aller plus loin, de définir un nouvel ordre international. Parmi les réformes radicales que l'on peut envisager, l'abolition de la dette permettrait d'amorcer une rupture fondamentale. Il ne s'agit pas là de demander un simple effacement de la dette ni de proposer une morale fondée sur le droit d'un pays à ne pas payer ses dettes. Les mesures envisagées ici pour y parvenir permettent de tracer les contours d'un nouvel ordre économique possible :

- geler les avoirs à l'étranger des dirigeants des pays endettés (300 milliards de $ sur 1300 de dette totale d'après le FMI) ; les sommes ainsi récupérées pourraient alimenter un fonds pour le développement ;

- réunir dans le cadre du Tribunal de la Haye une commission internationale et indépendante d'évaluation des responsabilités pour les prêts accord ;

- mener une enquête sur les libéralités et les cadeaux fiscaux qui ont permis aux banques de provisionner leurs pertes ;

- assurer le financement de l'abolition de la dette par l'émission de droits de tirages spéciaux, afin d'éviter les tendances récessionnistes.

L'Agenda 21 recommande d'alléger la dette des pays en développement à faible revenu où à revenu intermédiaire. A l'occasion du cinquantenaire des Institutions de Bretton Woods, un certain nombre d'Ong internationales ont signé quelques propositions rédigées par La déclaration de Berne et Eurodad. Le CRID étant signataire, voici donc les principaux points de cette plate-forme :

- annulation totale des dettes des pays les plus pauvres les plus fortement endettés face au FMI et la BIRD (Banque mondiale) et annulation pour la moitié des dettes des pays pauvres fortement endettés ; ces annulations pourraient être financées avec les réserves de la Banque mondiale, par la vente d'une partie des réserves d'or du FMI ou encore par une nouvelle attribution de droits de tirage spéciaux. Ces annulations devraient être gérées par un nouveau comité dans lequel seraient représentés le FMI, la Banque mondiale, des agences de l'ONU, les gouvernements et les Ong du Nord comme du Sud. Pour ce qui est des gouvernements violant systématiquement et gravement les Droits de l'Homme, les remises de dettes devraient être suspendues sur demande d'organisations de base ou d'Ong représentatives. En outre, la dette annulée pourrait être convertie partiellement ou entièrement en fonds de contrepartie pour financer des programmes de développement ou d'environnement. De tels fonds doivent être créés uniquement s'ils sont le seul moyen de permettre à une majorité de la population de bénéficier de la remise de dette.

- traitement plus égal des créanciers : les institutions multilatérales ne devraient plus être exemptées d'annulation de dette, tout en restant privilégiées par rapport aux créanciers privés. Ceci aurait pour effet positif d'intéresser la Banque mondiale et le FMI aux résultats des programmes et projets qu'ils financent.

Ces mesures ne constitueraient qu'un premier pas facile à franchir en vue d'une solution globale au problème de la dette multilatérale. Il faudra dans le futur inclure plus de pays (pays à revenu intermédiaire et pays non officiellement considérés comme fortement endettés) ainsi que les banques régionales de développement. De même un accord international devra déterminer les critères de légitimité des crédits.

Globalement les Ong de développement appellent la Banque mondiale et le FMI à assumer leur part de responsabilités dans la crise de la dette.

L'échange dette/nature

Si les Ong soutiennent largement ces initiatives pour alléger la dette, elles ne manquent pas d'en souligner les ambiguïtés. Ce type de financement donne pour le moment la priorité à des actions en faveur de l'environnement, souvent concentrées sur des réserves naturelles où l'activité humaine est proscrite. Remettant en cause cette priorité, les Ong de développement insistent pour que ces opérations soient menées avec les populations concernées. Il faut pour cela intensifier le partenariat avec les Ong locales. Les Ong de développement craignent de voir des critères environnementaux renforcer la conditonnalité des prêts accordés par le FMI et la Banque Mondiale. Enfin, si les accords de conversion de la dette exonèrent, certes, le pays débiteur des remboursements en devises, ce dernier doit couvrir en monnaie locale les dépenses du programme "nature" prévu. Il est fort à craindre que ces nouvelles charges ne viennent en déduction d'autres dépenses publiques (enseignement et santé par exemple) ou se traduisent par une augmentation de la fiscalité.

Il est indispensable que la gestion des programmes participe à la réduction des inégalités, condition sine qua non d'une gestion plus respectueuse des ressources naturelles.

Les Ong du Nord et du Sud ont un rôle immense à jouer pour la démocratisation, la conquête du droit au contrôle et à l'évaluation de l'aide au développement, y compris l'évaluation internationale des politiques d'ajustement structurel.

décembre 1994


Le cercle vicieux de la dette des pays du Sud

Pour rembourser sa dette, un pays du Sud doit obtenir des devises grâce aux revenus de ses exportations. Encore faut-il que que le coût des importations n'excède pas les recettes tirées de leurs exportations. Or, bien souvent c'est ce qui se passe, et les réserves en devises servent à payer les importations. Certains facteurs viennent aggraver cette situation : la détérioration des termes de l'échange, la réduction de la demande des pays importateurs de matières premières, la variabilité des taux de change et d'intérêt. Le poids des remboursements et des intérêts rend déficitaire la balance des paiements et, à terme, le pays ne dispose plus d'or, ni de créances, ni de devises. En état de cessation de paiement, le pays ne peut plus se procurer les fournitures dont il a besoin et se voit contraint de se tourner vers le FMI. Après de nombreuses étapes de négociation, le pays débiteur peut rééchelonner quelques échéances de sa dette publique pour une période limitée (Club de Paris), ce qui allège sur le moment les charges financières pour les accroître en fin de période : c'est l'effet "boule de neige". Il peut ensuite négocier un remboursement global d'une partie de la dette privée (Club de Londres) grâce à un nouveau prêt de même montant, pour une durée plus longue. Après la signature des accords de rééchelonnement et de consolidation avec chaque pays et chaque créancier, le pays n'est plus en cessation de paiement et peut recevoir de nouveaux crédits, nécessaires à la poursuite de son activité économique. Cette nouvelle situation entraîne le pays dans une boucle sans fin entre dettes et emprunts. Et l'on peut d'ores et déjà prédire que le montant des échéances atteindra un seuil critique à la sortie des différés de remboursement, c'est-à-dire à la fin de cette décennie.

Le Club de Paris

Le Club de Paris a été créé en 1956 sous l'égide du Trésor français qui en assure le Secrétariat. Il réunit les principaux créanciers de la dette publique bilitérale d'un pays à la demande de celui-ci. Les négociations du Club de Paris s'inscrivent dans les démarches d'un pays pour se sortir d'une crise économique qui ne lui permet plus payer ses dettes ni les fournitures dont il a besoin, ni d'accéder aux crédits. Il adresse alors au FMI une demande officielle d'aide pour couvrir le déficit de sa balance des paiements. Après avoir accepté les recommandations du FMI, fondées sur une analyse purement financière de la situation du pays, il se voit signer par le FMI un accord dit "stand by" qui lui accorde un crédit qui couvre 18 mois environ. Ce crédit ne couvre qu'une faible partie de ses besoins et il doit obtenir le reste par une réduction des charges de la dette, c'est-à-dire son rééchelonnement pour pouvoir ensuite demander de nouveaux crédits auprès des pays créanciers et des institutions financières.

C'est le rôle du Club de Paris de fixer avec un pays endetté les grandes lignes d'un accord de réaménagement de la dette publique. Cet accord sert ensuite de référence pour les accords bilatéraux signés avec chaque créancier public. Le rééchelonnement porte en général sur un nombre limité d'échéances.

Depuis 1985, les principaux groupes de pays ont vu le montant de leur dette publique et les intérêts qui y sont liés augmenter sans cesse. Si bien que d'ici 1997, ils devront payer, simplement au titre du service de la dette (les intérêts) 41 milliards de dollars par an, somme qui représente 4 fois leur capacité de paiement en 1991. Les aménagements du rééchelonnement de la dette approuvés par le G7 n'ont pas été suffisants pour les pays les plus endettés. Depuis 1991, le Club de Paris autorise une remise de 50 % sur les montants dus à échéance si le pays concerné respecte le programme du FMI. Une autre pratique consiste à accorder une remise sur le montant total de la dette (ou stock de la dette) lorsque celle-ci a déjà été rééchelonnée et que le pays ne peut toujours pas faire face à son endettement. Dans un certain nombre de cas, les créanciers du Club ont annulé la dette ou l'ont convertie en monnaie locale pour des projets sociaux et environnementaux ou pour des projets d'investissements.

En 1994, le G7 de Naples déclare encourager le Club de Paris à poursuivre ses efforts pour réduire le stock de la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés et pour en augmenter la concessionalité lorsque des pays sont confrontés à des difficultés particulières. Cependant aucun accord entre les membres du G7 n'a été conclu sur les pourcentages de réduction du stock de la dette, même s'ils envisagent un minimum de 66 %.

Une étude de la CNUCED portant sur l'expérience de 8 pays d'Afrique montre que c'est en amont du Club de Paris, au moment où l'on négocie un programme avec le FMI que la marge de manoeuvre est la plus grande.

Par ailleurs, il faut savoir que 62 % des titres de la dette sont détenus par les pays membres de l'OCDE et du Club de Paris, et, dans ce groupe, ce sont les pays membres du G7, c'est-à-dire les pays les plus riches, qui en détiennent la majorité. C'est donc sur ces pays que les efforts des Ong doivent se porter dans la perspective de la réduction ou de l'annulation de la dette.


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