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L'importance des traditions dans la prévention des conflits
L'exemple du Mali

Par Angela Reding


La conférence du 8 mars 1998, organisée par le Cercle de Coopération des ONGD en collaboration avec le Ministère des Affaires Etrangères (Service de la Coopération) a été très intéressante et enrichissante surtout pour quelqu'un pas du tout familière avec le thème. Au lieu de revenir sur l'exposé de chacun des orateurs, nous allons nous limiter à résumer les différents points de vue pour nous attarder ensuite un peu plus sur l'exemple du Mali, souvent présenté comme un modèle pour la paix.


Les "petites" guerres sont les plus meurtrières

Depuis la deuxième guerre mondiale, notre pays et ses voisins connaissent la paix. La troisième guerre mondiale, toujours imminente et donnant lieu à une frénésie d'armement sans égale, n'a pas eu lieu. Cependant des centaines de guerres ont eu lieu depuis, la plupart d'entre elles se sont déroulées dans des pays les moins favorisés.

Le bilan de ces guerres est très lourd: sans parler des dégâts matériels et de la destruction des tissus sociaux et économiques, des blessures physiques et psychiques, ces guerres ont coûté la vie à plus de 25 millions de personnes, et plus de 35 millions de personnes ont été déracinées ou sont devenues des réfugiés!

Ce n'est donc pas seulement depuis la fin de la guerre froide que ces guerres ont lieu, en Afrique et ailleurs, mais jusqu'à la fin de la guerre froide la recherche était principalement fixée sur le danger d'"UNE Guerre" atomique dans le cadre du conflit est-ouest, les petites guerres conventionnelles n'intéressaient guère que quelques-uns.

La co-responsabilité des pays industrialisés

Aujourd'hui il semble que nous soyons plus concernés car, entre autres, mieux informés. Du moins, nous savons que ces guerres ont lieu, mais souvent nous restons peu ou mal informés sur les pourquoi et les comment.

Or, nous ne sommes pas seulement concernés, nous sommes également co-responsables.

Les armes avec lesquelles ces guerres et répressions sont menées, viennent pour la plupart des pays industrialisés, respectivement le financement et le transfert des armes se font par l'intermédiaire des pays industrialisés. Ainsi, l'Europe exporte le tiers de sa production d'armes dans les pays dits du tiers monde.

Il serait certes illusoire de vouloir prohiber la production d'armes, c'est un des métiers les plus lucratifs du monde.

Mieux vaudrait prévenir que guérir...

La production d'armes ne posant pas problème, il faudrait plutôt arriver à réguler la vente ou le transfert des armes produites. A cet effet la Communauté Européenne envisage l'élaboration d'un code de conduite, qui est actuellement dans la phase de négociation et loin d'être ratifié.

Les ONGD estiment que le code sous sa forme actuelle est un instrument bien trop faible. A elles de faire des propositions pour le rendre plus efficace. C'est en tout cas un point qui doit rester à l'avant-plan des agenda des ONGD.

La Communauté européenne est consciente que la réglementation des transferts d'armes n'est pas le seul problème à résoudre. Car, avant qu'une guerre ne se déclenche, elle se prépare. En principe, la guerre est la phase ultime, le point culminant d'une situation de crise. Reconnaître ces situations et essayer d'y remédier avant qu'elle ne se dégradent à l'extrême, est donc d'importance capitale.

La politique du développement et d'aide au développement joue un rôle important. Il semble qu'il y ait un lien entre „sous-développement" et guerre (Gianni Rufini, VOICE).

Or, le développement économique n'est pas le garant d'une situation stable. Au contraire, s'il est inégal, injuste et s'il perdure, il contribue à l'éclatement des conflits. Nos politiques de commerce et d'aide au développement sont aussi pour quelque chose dans le maintien des inégalités. Il serait certainement plus humble d'affirmer avec M. Goerens que nous n'avons pas de leçons à donner, mais plutôt des enseignements à tirer.

Les combats d'indépendance des Touaregs du Mali

L'exemple du Mali tel que retracé dans les deux exposés de Mme Fatoumata MAIGA du Mouvement National Des Femmes pour la Sauvegarde de la Paix et de l'Unité Nationale et de Mme Rokiatou N'Diaye KEITA, Conseillère spéciale auprès de la Présidence du Mali est très riche en enseignements.

Le Mali est un pays entièrement enclavé, subissant ainsi les conséquences des conflits des pays voisins, comme l'afflux de réfugiés, mais aussi la contrebande, notamment des armes.

En 1960 le Mali devient une république indépendante dirigée par Modibo KEITA, favorable à un système socialiste et tourné vers les pays de l'est. Dès son indépendance, le Mali tel que tracé par les puissances coloniales n'a pas réussi à sauvegarder son unité territoriale.

Au Nord de son territoire les peuples touaregs affirment leur volonté de constituer un état indépendant. Cette volonté a été soutenue par la France, voulant garder un droit de regard sur le Sahara.

A partir de 1961 les touaregs organisent la rébellion ouverte contre le gouvernement central. Cette rébellion a été durement réprimée dans les années 1963-19965.

En 1968, Moussa TRAORE prend le pouvoir par un coup d'état et reste au pouvoir jusqu'en 1991, renforçant et entretenant politiquement le clivage entre le Nord et le Sud, en favorisant le développement de la région du Sud et en délaissant le Nord.

Dans les années '70, la crise s'accentue lorsque, en sus des répressions armées, une grande sécheresse frappe sévèrement le Nord du pays. L'aide internationale accordée aux populations du Sahel est détournée par le régime dictatorial. Les populations touarègues vivent alors un véritable drame humain et économique, la plupart d'entre elles devant se réfugier dans des camps.

En même temps au Sud, la société civile s'organise dans les villes et de nombreuses associations voient le jour, notamment des associations de femmes, faisant pression sur le gouvernement qui commence à s'affaiblir.

En 1990 une nouvelle rébellion touarègue éclate. Bien que Moussa TRAORE entame des pourparlers avec les rebelles, son régime est déjà affaibli à un tel point qu'en mars 1991, le pouvoir lui est arraché par un coup d'état dirigé par le général Amadou T. TOURE.

Jusqu'en 1996 le Mali se trouvait ainsi dans une situation de véritable guerre civile, faisant des milliers de morts.

Les forces armées, rebelles et militaires, ne faisaient pas de distinction entre combattants et populations civiles, faisant ainsi du combat un combat généralisé entre population nomades et populations sédentaires.

Le renouveau des traditions

Mme KEITA insiste que, depuis des millénaires les populations nomades et sédentaires, vivaient ensemble, chacune bénéficiant d'une large autonomie.

De même, la tradition prévoit des mécanismes de régulation des litiges avant qu'ils ne dégénèrent en conflits. Les opposants se réunissent sous un arbre et les problèmes sont discutés ouvertement.

Le gouvernement transitoire s'est basé sur cette tradition pour entamer les pourparlers entre les différents opposants tout en impliquant directement la société civile. Installé en mars 1991, le régime de transition intègre les représentants des mouvements rebelles. Un pacte national est signé en mars 1992.

Egalement en 1992, le général TOURE se retire de la présidence pour laisser le pouvoir à Oumar KONARE, élu démocratiquement.

Mais, il faut attendre mars 1996, pour assister à „la flamme de la paix", geste symbolique brûlant 3000 armes - vétustes - délivrées par les rebelles.

La situation reste précaire et la paix reste tributaire des efforts réalisés concernant la promotion des rencontres intercommunautaires, la formation des militaires, la réintégration socio-économique des anciens combattants qui n'ont pu être intégrés dans l'armée, et le soutien au développement durable des régions les plus défavorisés.

Le rôle des femmes dans la prévention des conflits

Mme KEITA et Mme MAIGA insistent sur le rôle des femmes dans la prévention du conflit et dans la réalisation des pourparlers. Bien organisées en ville, les femmes se sont faites les intermédiaires pour rapprocher militaires et forces rebelles.

Elles ont tissé des réseaux de contact aussi bien avec les rebelles qu'avec les militaires et le gouvernement malien. Elles sont allées dans les camps de réfugiés pour donner appui aux femmes et aux enfants avec leurs moyens disponibles. Recueillant d'abord la risée ensuite la méfiance des hommes en combat, les femmes ont finalement réussi à faire passer leur message de paix.

De manière générale, la population civile, bien organisée a joué un rôle important dans les différentes phases de négociation et de désarmement.

Les sociétés maliennes connaissent des traditions qui permettent la régulation de conflits. Sans cette tradition on ne peut pas sincèrement s'imaginer que les parties en opposition se mettent autour d'une même table - ou plutôt sous un même "arbre de palabre"? Il semble même que les femmes dans la tradition des peuples maliens aient leur mot à dire. Sans cette tradition, serait-il vraiment probable, que les associations de femmes aient joué un rôle et veulent encore jouer aujourd'hui un rôle dans le maintien de la paix?

On parle souvent de la phase de démocratisation, qui au Mali serait particulièrement bien réussie et donc à la base du processus de paix. Ceci est peut-être vrai. Mais, il est intéressant que ces mécanismes sociaux sont des mécanismes anciens qui n'ont pas attendu l'arrivée du colonialisme ou son éradication pour trouver leurs formes d'expression.

Bien au contraire, ces mécanismes ont été jusqu'à présent réprimés, notamment et surtout par la force des régimes autoritaires armés par les puissances étrangères.

Un code de conduite n'est pas la solution miracle

La situation du Mali, son histoire et ses évolutions récentes sont bien plus complexes qu'on ne puisse les retracer dans un bref discours - qui finalement vise aussi à attirer les moyens nécessaires pour la construction et le maintien de la paix - et encore moins dans un article écrit par un amateur.

En fin de compte, chaque pays se situe aussi dans une région dont il ne peut faire abstraction. Les efforts nationaux ne peuvent réussir véritablement que dans un cadre régional.

De même le succès des efforts de la Communauté européenne pour contenir les transferts d'armes, n'est-il pas mis en cause, si l'Europe restait seule à entreprendre de telles démarches?

Nous oublions souvent que la guerre est aussi un métier profitable pour certains, sur le terrain mais aussi et surtout hors du terrain.

L'exposé de Monsieur Peleman sur certaines firmes privées de mercenariat, agissant notamment pour des cartels actifs dans les domaines des ressources minières (pétrole, or, diamant … etc.) fait vraiment penser à un roman de science-fiction. Or, c'est la réalité!

Du moins peut-on dire que nous nous situons dans une phase de conscientisation où la part de responsabilité de chacun des acteurs est en train de se définir et conclure avec Monsieur Paul Eavis que les problèmes sont loin d'être résolus par un code de conduite, faible en plus, mais qu'il s'agit d'un premier pas, dont il faut dans tous les cas observer la suite.

La conférence a été une réussite, même si l'on peut se plaindre que les ONG, notamment luxembourgeoises, n'ont pas été fortement représentées. Espérons néanmoins que ce n'était pas la dernière conférence de ce genre organisée au Luxembourg.

République du Mali

(Afrique de l'Ouest)

Nature du régime: présidentiel

Chef de l'Etat: Alpha Oumar Konaré

Chef du gouvernement: Ibrahima Boubacar Keïta

Population: Maliens, Bambara, Fulbe, Senououffo, Soniké, Tuareg, Songhai...

Capitale: Bamako

Surface: 1 240 192 km2 (Luxembourg: 2586 km2)

Habitants: 9 788 000


ASTM - Brennpunkt Drëtt Welt, juin 1998

Pour plus d'information, contacter : Action Solidarité Tiers Monde
39, rue du Fort Neipperg - L-2230 Luxembourg
Tél: 00352/ 400 427; Fax: 00352/ 40 58 49
Email: citim@ci.ong.lu


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Horizon Local 1997
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