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Les habitants dans la décision locale: 6 comportements pour favoriser la participation

Par Adels


1/Favoriser la rencontre entre l'offre et la demande

2/Construire une pédagogie de la participation

3/Ne pas jouer sur les mots

4/Diversifier les thèmes et les formes de participation

5/Clarifier avec les élus ce qui motive la paticipation

6/Donner le temps de la participation aux différentes échelles


Le décalage est important entre " l'idéologie de la participation ", qui donne lieu à des discours démocratiques quasi-généralisés, et la " pratique de la participation ", qui mobilise peu les habitants. Comment comprendre ce décalage sans tomber dans le discours idéologique ? Nous vous proposons six hypothèses, issues des pratiques locales, qui constituent des leviers pour la réussite d'une démarche de participation.
 
 
 
1/Favoriser la rencontre entre l'offre et la demande
 
Sans mobilisation des habitants, l'offre de participation reste une coquille vide. Sans reconnaissance du pouvoir local, l'implication des gens faiblit rapidement.
La participation se situe au carrefour des initiatives citoyennes et de la volonté des élus.
 
Nous avons constaté, au travers des travaux menés depuis deux ans dans le cadre de l'Observatoire des initiatives locales de citoyenneté, que la question de l'initiative - l'origine de l'action - était fondamentale. Reprenant une classification courante dans les milieux du développement local, nous avons distingué les initiatives issues des pouvoirs locaux (municipalité, bailleur de logements sociaux ou autres), et celles issues des habitants eux mêmes, individuellement ou collectivement, le plus souvent par le biais de la vie associative.

Dans le premier cas de figure, " l'offre de participation ", émanant d'en-haut, cherche à rencontrer les habitants, à les faire participer à des structures, à des processus qui ont été conçus et organisés par les pouvoirs. Par exemple, un conseil municipal découpe une ville en quartiers, adopte un règlement pour des conseils de quartier, invite les habitants à participer à la vie du quartier au sein de ce dispositif préétabli.
Nous avons appelé ce schéma " mouvement descendant ", c'est-à-dire mouvement initié par le pouvoir et qui va vers les habitants.

Inversement, dans le deuxième cas de figure, des habitants se sont auto-organisés pour mener une action et se sont dotés d'une structure (le plus souvent associative). Ils expriment " une demande de participation ". Ils se tournent vers le pouvoir local pour obtenir une reconnaissance, des moyens (matériels, financiers) pour mener leur action, c'est-à-dire pour réaliser leur projet collectif.
Nous avons appelé ce second schéma " mouvement ascendant ", c'est-à-dire mouvement initié par des habitants et qui va vers les pouvoirs. Dans le même ordre d'idée, des chercheurs en science politique opposent " la démocratie conquise " et la " démocratie octroyée ".

L'étude de nombreux cas alimente notre première hypothèse : la participation ne s'épanouit réellement que s'il y a rencontre équilibrée entre le mouvement descendant et le mouvement ascendant. Si l'offre des pouvoirs ne fait pas l'objet d'une appropriation durable par un nombre significatif d'habitants, elle reste un ensemble vide ou formel qui disparaîtra assez vite, ne serait-ce que par découragement des élus qui déplorent " la non-réponse " des habitants.
Si la mobilisation des habitants se heurte à un mur d'incompréhension ou d'autoritarisme du pouvoir local, si elle ne débouche pas assez rapidement sur des réalisations concrètes, elle retombe aussi dans le scepticisme, " l'apolitisme " et " l'anti-politisme " des citoyens frustrés.

Il nous faut donc travailler sur tous les éléments qui favorisent une interactivité constructive et sur tous ceux qui l'entravent.
 
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2/Construire une pédagogie de la participation

La pédagogie de la citoyenneté traditionnelle est cantonnée dans des limites sociales qu'il faut dépasser. Quelle discrimination positive l'élu est-il prêt à opérer pour élargir le champ social de la participation ?
 
Ce n'est pas ici le lieu d'inventorier toutes les raisons, économiques, sociales, culturelles qui peuvent pousser les citoyens à ne pas participer. Les replis identitaires, familiaristes, communautaristes ne favorisent pas l'engagement collectif des habitants d'un même lieu, au-delà de toutes les singularités, de tous les particularismes.
Mais, en plus des contextes socio-culturels, nous pouvons nous interroger sur le caractère, inné ou acquis, de l'esprit et de la pratique participatifs.

L'analyse des expériences nous fait émettre l'hypothèse que " le spontanéisme des masses " n'étant pas de la plus grande évidence, il faut admettre que la participation et la citoyenneté s'apprennent, s'éduquent. Depuis plusieurs années, la " pédagogie de la citoyenneté " est à l'ordre du jour de la réforme de l'école publique. Elle se travaille aussi dans toutes les fédérations d'éducation populaire qui tentent de redonner du sens à leur action.
Les pouvoirs locaux qui entendent mettre en oeuvre des processus participatifs doivent, simultanément, proposer des actions d'information, de formation-développement, des occasions d'apprentissage de la responsabilité qui poussent le maximum de citoyens à entrer dans les processus participatifs.
Déjà en 1977 l'arrêté interministériel qui créait la procédure de réhabilitation des grands ensembles, appelée " Habitat et vie sociale ", parlait " d'animation sociale concertée " plutôt que de " participation des habitants ", en soulignant tout le travail de dynamisation des populations démunies préalable à leur engagement dans la procédure. Cet engagement éducatif, en amont de la participation proprement dite, considéré comme un point de passage obligé, doit être étudié au même titre que les actions participatives elles-mêmes.
 
* Des inégalités comme dans tout apprentissage:

On en trouvera plusieurs exemples dans notre échantillon. Puisqu'il s'agit d'éducation, les inégalités apparaissent immédiatement, comme à propos de tout apprentissage.

Les sociologues des associations ont montré depuis longtemps que face à l'outil d'auto-organisation et d'action collective offert par la loi de 1901, les couches et sous-couches sociales réagissent très différemment. Ce sont les " couches moyennes ascendantes ", socio-culturellement et économiquement évoluées, qui entrent le plus volontiers dans le mouvement associatif et dans les propositions participatives, au point de les confisquer, de les monopoliser, parfois à leur profit.
Au contraire, les couches les plus populaires, socialement, culturellement et économiquement démunies, les étrangers ou les populations issues de l'immigration, les jeunes, les exclus ne répondent que marginalement aux propositions de participation, et sont beaucoup moins capables de faire preuve d'initiatives citoyennes face aux pouvoirs.

Deux facteurs conjoints, complémentaires et non contradictoires, peuvent expliquer l'absence de la jeunesse, déplorée partout et par tous les autres acteurs. D'une part, il faut tenir compte de la réalité d'une " culture jeune " qui n'accepte guère de rentrer dans des cadres préétablis, trop institutionnalisés, réglementés, et qui préfère des " comités d'action ", des " coordinations ", des rassemblements totalement informels et souvent éphémères ; cette " culture jeune " s'investit plus dans des " coups " ponctuels que dans la continuité d'un engagement et d'une adhésion à des organisations pérennes.
D'autre part, il est presque toujours évident que " l'offre de participation " proposée aux jeunes correspond mal à cette " culture " et aux formes spontanées d'engagement individuel ou collectif. Autrement dit, l'offre classique de participation produit une sélection sociale ; la réponse sociale s'effectue avec un " filtre qualitatif " qui vient s'ajouter à la réduction quantitative constatée partout. Beaucoup de discours qui rendent la jeunesse d'aujourd'hui coupable de désintérêt feraient bien d'interroger la pertinence des formes de l'offre de participation qui lui est faite.

Il en est de même avec certains mouvements adultes qui démontrent, depuis plusieurs années, leur capacité d'organisation sous des formes innovantes, inédites, parfois déconcertantes pour ceux qui sont habitués notamment aux formalismes issus de la loi de 1901 (AC !, Dal, sans-papiers, etc). Ces modalités contemporaines d'engagement et d'action collective s'insèrent mal dans les offres classiques de participation.
Un pouvoir local qui désire faire participer le plus grand nombre et l'ensemble des catégories d'habitants doit donc mettre en oeuvre des processus de "discrimination positive", en faveur des types de population qui ont le plus de mal à entrer dans les processus classiques de participation ; ainsi qu'en faveur des types de population qu'on ne rencontre presque pas dans les structures et les actions participatives, quand ce travail préalable d'éducation, d'apprivoisement, de réconciliation avec le lien social n'a pas été effectué.
Les travaux relatifs au " silence social " et aux moyens à mettre en oeuvre pour " donner la parole aux populations sans voix " constituent des apports précieux à cette pédagogie de la citoyenneté.
 
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3/Ne pas jouer sur les mots
 
Information, consultation, concertation, participation. ces différents registres déclinent des pratiques spécifiques, légales ou extra- légales, qui participent au contrat local.
 
L'un des aspects les plus évidents qui ressort de nos enquêtes est que l'on attribue le nom de participation à des opérations très diverses qui ne devraient pas toutes être recouvertes par ce terme. Reprenant et simplifiant une échelle proposée par des sociologues nord-américains de la participation, nous nous sommes appuyés sur la distinction de quatre degrés.

À la base, les mécanismes de l'information locale constituent un premier degré, considéré comme " une pédagogie de la participation ", " une maïeutique de la participation ".
Il s'agit aussi bien de l'information ascendante (des habitants vers les pouvoirs) que de l'information descendante (des pouvoirs vers les habitants). La manière dont une municipalité recueille, prend au sérieux et traite la " plainte " des habitants, aussi bien à propos des " grands " problèmes locaux qu'à propos des " petites " questions de la vie quotidienne de voisinage, est déjà révélatrice d'un esprit plus ou moins ouvert à la démocratie participative. L'attention apportée par les élus et par les administrateurs des institutions publiques et semi-publiques à la parole des habitants, l'organisation repensée des services publics locaux (notamment techniques) pour une réponse rapide et adaptée, la modernisation des rapports administration/administrés montrent déjà aux citoyens qu'ils peuvent influencer le pouvoir. L'information émise par les pouvoirs peut être aussi longuement et scientifiquement analysée, tous supports confondus, au regard de leur utilité pour provoquer le jugement et l'engagement du citoyen. L'autojustification, l'auto-satisfaction, la personnalisation excessive du pouvoir, le langage technique inaccessible au commun des mortels sont autant de symptômes d'une maladie anti-démocratique locale.
 
* L'habitant : un problème ou une ressource ?

Le second degré s'appelle la consultation, que celle-ci soit légalement obligatoire (comme les enquêtes publiques, par exemple) ou volontaire, facultative, édifiée par les pouvoirs locaux, au-delà de la loi. Le pouvoir recueille un avis dont il tient compte ou pas mais qui, en principe, doit éclairer sa décision.
Le citoyen, individuellement ou à titre collectif, fait l'expérience d'une expression informée, sur un dossier précis. La qualité de la consultation dépend, en grande partie, de la qualité de l'information qui l'entoure avant, pendant et après, comme le montrent par exemple toutes les études sur les enquêtes publiques ou sur les référendums locaux.
La participation n'est importante que lorsque la consultation a été entourée de mécanismes importants de communication, d'animation sociale, qui sont aussi révélateurs du plus ou moins grand esprit démocratique du pouvoir qui consulte.

La concertation constitue le troisième degré. Elle implique l'intervention de non-décideurs (les habitants, et/ou leurs représentants), tout au long de la constitution d'un dossier, dans des structures pérennes, sectorielles ou territoriales, du type " commissions mixtes extra-municipales " ou des conseils et comités de quartier, ou bien dans des structures ad hoc, plus ponctuelles et plus limitées dans le temps. Elle reconnaît aux habitants " un pouvoir d'expertise " pour des questions qui les concernent, au même titre que les professionnels-techniciens, voire le favorise en les dotant de moyens. Elle considère les habitants comme des " personnes-ressources ", comme " un gisement de créativité et de dynamisme social " dont le pouvoir local aurait tort de se passer. L'intervention des habitants, leurs contradictions surmontées, est capable d'enrichir l'instruction et, par conséquent, de permettre au pouvoir de trancher en meilleure connaissance de cause. Des opérations de communication, de formation, d'accroissement du pouvoir autonome d'expertise peuvent encore améliorer l'intervention des habitants.
 
* Un espace privilégié pour l'élaboration de projets

La participation proprement dite arrive au bout du processus dont les trois premières marches ne doivent en aucun cas être méprisées et négligées. Elle implique " un partage du pouvoir " que nous avons rarement trouvé dans nos enquêtes.
Le discours dominant est celui de la légitimité du pouvoir " éclairé " à être le seul à prendre la décision finale. L'information ascendante, la consultation, la concertation rendent le pouvoir plus averti, plus intelligent, mais il ne peut, pour autant, admettre la "codécision" avec des habitants ou leurs représentants. Les élus disent être élus pour cela : être seuls à trancher. On est le plus souvent très loin de l'autogestion et même de la cogestion. Quelques expériences " d'enveloppes budgétaires de quartier " restent limitées quantitativement et qualitativement.
Ce qui se rapprocherait le plus d'une participation, au sens exact du terme, se fait sous forme contractuelle, un pouvoir local acceptant de se lier contractuellement et pluri-annuellement, avec une structure d'habitants, par exemple sur un "projet de quartier".
La politique de la ville a induit cette manière de faire qui s'étend actuellement à d'autres quartiers, plus banaux. Mais la culture de la négociation et du contrat local n'est encore que peu répandue, et reste entravée par les modèles dominants d'omnipotence et d'omniscience des pouvoirs.
 
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4/Diversifier les thèmes et les formes de participation

L'objet, l'amplitude du propos, les limites choisies, la place dans les différents temps de la décision publique locale, les formes de la participation sont aussi variées que les champs d'intervention.
 
La déclinaison de la participation est très différente selon les objets et les moments auxquels cette méthode d'action publique s'applique. Les expériences que nous avons étudiées s'appliquent à des objets très divers et impliquent, par conséquent, des acteurs eux aussi très différenciés : participation autour de l'école ou d'un autre service public local (comités d'usagers) ; participation liée à l'urbanisme ; participation autour d'équipements et de services sociaux, socio-éducatifs, socioculturels, culturels ; participation liée à des problèmes d'environnement, au sens large du terme ; participation (plus rare) à des choix gestionnaires locaux, y compris budgétaires et fiscaux, etc.
Ces expériences varient par leur nature ; elles varient aussi par leur taille, ou plutôt par l'importance de l'objet et des enjeux. On participe à de grands projets d'urbanisme comme on participe à des aménagements de détail, parfois minuscules, de l'espace public. On prend en compte des initiatives (des projets) nées au sein de groupes particuliers (jeunes, sportifs, RMIstes), comme on cherche à faire entrer dans de vastes mécanismes participatifs des centaines, voire des milliers d'habitants d'un quartier ou d'une ville.

Il est important de ne pas seulement proposer aux habitants des objets de participation trop importants et sophistiqués, car on accentuerait alors les phénomènes de sélection sociale dont nous avons déjà parlé. Il n'y a pas de trop petits, de trop modestes objets pour l'apprentissage de la participation.
Un projet très simple, dont la réalisation ne sera pas trop longue, peut correspondre à l'insertion dans la dynamique de groupes, notamment de jeunes, qui ont l'habitude de s'engager dans le ponctuel et l'éphémère. Les choix des objets de la participation peuvent prendre ainsi une valeur pédagogique avérée.

L'autorité qui prend l'initiative de la participation, ou qui accepte la demande de participation d'habitants (d'usagers), organisés par eux-mêmes, est aussi très diverse : la commune, un établissement public local (notamment un bailleur de logement social), l'échelon local d'une institution (par exemple une Caf ou son antenne, une section locale de l'ANPE), etc.
 
Dans le même ordre d'idée, des équipes de développement social urbain tendent à privilégier une attitude de non-action, ce qu'on pourrait appeler un silence institutionnel préalable. Le principe d'une telle démarche consiste à se rendre capable d'écouter la moindre manifestation des habitants, un simple avis sur leur environnement ; à s'interdire d'agir quand il serait pourtant tentant d'affirmer immédiatement l'efficacité des dispositifs ou services publics ; à permettre une démarche d'appropriation, si modeste soit-elle par son ampleur dans l'espace, le temps et la lisibilité publique de ses effets.
 
Nous avons rencontré trois écueils principaux à l'épanouissement de la participation. Le premier consiste à appliquer d'une manière inversée et antidémocratique le principe de subsidiarité.
Nous avons assez souvent entendu dire qu'il fallait confiner les habitants participatifs aux " petites " choses de la vie quotidienne (les bordures de trottoir et les crottes de chiens), qui " étaient à leur portée ", mais que les " grandes " choses, techniquement et juridiquement complexes, que les habitants " ne pouvaient pas comprendre ", étaient du seul ressort du pouvoir technico-politique local. Cette attitude cantonne la participation dans un champ réduit, pour ne pas dire dérisoire, là où la participation des habitants ne risque pas de déranger les grandes affaires (" la réparation du réverbère, mais pas la radiale nord-sud " ; " la couleur des papiers peints, mais pas la conception générale, urbanistique et architecturale de la réhabilitation des immeubles "). À la limite de ces discours, la participation peut apparaître comme un gadget pendant que les grands enjeux sont traités dans l'opacité par un cercle restreint de décideurs.
Nous partons de l'idée inverse : la participation n'admet pas de limites. Par nature, comme la démocratie, elle doit investir tout le champ social. Les pouvoirs locaux n'ont pas de domaine réservé.
 
Le deuxième écueil consiste à ne prendre en compte qu'un seul aspect de la participation: par exemple celui que nous avons appelé " le recueil et le traitement de la plainte ".
En revanche, la reconnaissance des projets émanant des habitants ne se fait pas ou se fait mal, dans la mesure où ces initiatives ne rentrent pas dans les cadres et dans les méthodes établis préalablement et unilatéralement par les pouvoirs. On veut des habitants disciplinés qui répondent, dans les formes voulues par le pouvoir, aux offres de participation qu'il a octroyées. On ne veut pas être dérangé par des initiatives intempestives, en particulier celles qui sont très difficilement prises en compte par des services techniques traditionnels.
 
Le troisième écueil est lié au moment de la mise en oeuvre de la participation, notamment de sa phase de concertation.
Beaucoup de pouvoirs font intervenir les mécanismes participatifs trop en aval du cheminement des dossiers, quand ces derniers sont déjà quasiment bouclés et que la marge de manoeuvre laissée aux habitants est minime, voire dérisoire.
Nous partons de la pétition de principe inverse : comme la participation est appelée, par sa nature démocratique, à investir la totalité de l'espace de la gestion publique, elle est appelée à investir la totalité du temps de l'instruction et de l'exécution des dossiers, depuis l'amont le plus précoce, jusqu'au suivi ultime. Il faut aussi s'interroger sur les rapports entre la participation des citoyens et une évaluation intéractive des processus et des conséquences de la décision publique. La participation la plus rare, mais pas totalement inexistante, se rapporte à des réflexions prospectives auxquelles les habitants auraient accès.
 
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5/Clarifier avec les élus ce qui motive la participation

La participation: mode de management public ? Médiation sociale ? Observatoire du changement ? Renouveau de la démocratie ?
 
Tout ce que nous venons de dire illustre la difficulté de conduire des processus participatifs authentiques. Et pourtant, un nombre croissant d'autorités locales se lancent dans cette aventure, notamment depuis les élections municipales de 1995.
Pourquoi?: notre hypothèse est qu'il existe deux motivations principales, tantôt contradictoires et exclusives l'une de l'autre, tantôt complémentaires et conjuguées.
 
* Une part des motivations tournent autour d'une conception moderne (moderniste ?) du management local.
Il s'agit d'une sorte de décalque de la gestion privée des entreprises par la gestion publique, les collectivités locales et leurs satellites. Venue des États-Unis et construite sur la critique radicale de la production fordiste, la gestion participative dans les entreprises a pris les formes suivantes : motivation des personnels, gestion par objectifs, cercles de qualité, intériorisation des contraintes, rapports plus directs entre le sommet et la base par affaiblissement des hiérarchies intermédiaires, mise en réseau de petites unités s'opposant aux grands systèmes pyramidaux, etc.
L'entreprise européenne, et notamment française, a adapté ces méthodes à notre "culture d'entreprise". Les collectivités publiques ont suivi. La critique de la gestion publique autocratique s'est alors développée. Faire participer les habitants à la gestion d'une collectivité locale, c'est s'enrichir de la récolte des points de vue et des ressources variés, voire contradictoires, des citoyens, administrés, contribuables, utilisateurs de services publics locaux, et donc améliorer la conception et la gestion des services à la population, accroître le degré de satisfaction électoralement payant C'est aussi donner une image moderne, ouverte, sympathique des dirigeants, et faire partager à tous les inévitables contraintes de la gestion.
 
Deux cas de figure peuvent être distingués : celui des pouvoirs qui pratiquent la démocratie directe, c'est-à-dire la participation directe, et celui des pouvoirs qui pratiquent la démocratie médiatisée, c'est-à-dire la participation médiatisée.

Au coeur du débat: la vie associative, principal vecteur de la médiatisation entre le pouvoir et les habitants (médiatisation descendante) et entre les habitants et le pouvoir (médiatisation ascendante).
Les associations sont-elles aujourd'hui des relais ou des écrans à la participation des habitants ? Confisquent-elles à leur profit l'offre de participation grandisaante des pouvoirs ? Représentent-elles vraiment la réalité sociale, dans sa diversité, dans sa totalité ? Jouent-elles, elles-mêmes, le jeu de la démocratie interne et participative pour leurs adhérents ?
Les élus locaux manifestent souvent une certaine méfiance à l'égard d'une vie associative qui est aussi, pour eux, une menace de contre-pouvoir, une pépinière de formation des outsiders pour les prochaines élections.
 
Il semble qu'un nombre croissant d'entre eux pratiquent aujourd'hui des formes de démocratie participative directe, très centrée sur " la personne du maire " : visite personnelle dans les quartiers, numéro vert, permanences, systèmes de communication autour de sa figure, de son image. Ce rapport direct entre le maire et les citoyens est tantôt complémentaire des structures et des processus plus institutionnalisés et collectifs, tantôt se substituent à eux. Dans certaines villes, participer, c'est être " branché sur le maire qui vous écoute et qui vous veut du bien ". Cela concerne les rapports avec les citoyens, mais aussi les rapports internes à la mairie, qui s'établissent entre le maire et ses adjoints, entre le bureau municipal et le conseil municipal, entre la majorité et les minorités, entre les hommes et les femmes qui siègent au conseil, comme cela concerne les rapports entre le maire et " ses " fonctionnaires. Le code des communes favorise de manière incontestable le pouvoir personnel et entrave les expériences de collégialité.
Il y a quelque dérision à prôner la participation la plus large à l'égard des habitants, tout en la réduisant tant que faire se peut à l'intérieur de l'appareil municipal, en centrant la totalité des pouvoirs sur la personne du maire, en brimant au maximum les minorités. Peut-on être démocrate vers l'extérieur quand on est autocrate à l'intérieur ? Peut-il y avoir participation véritable s'il n'y a pas un minimum de partage du pouvoir à l'intérieur ? Peut-on exiger des services un changement de " culture du pouvoir et de l'action " quand on est incapable de mettre en place les mêmes principes au sein du conseil municipal ?
 
* La deuxième grande série de motivations se rapporte à un renouveau de la démocratie et des valeurs républicaines qui l'irriguent.
 
Faire participer les citoyens à la gestion locale, c'est leur montrer une autre image de la politique, proche d'eux, déterminant les conditions de leur vie quotidienne, forgeant, avec eux, l'avenir de leurs enfants et de leur cité. La participation illustre " une autre manière de faire de la politique ". Cette image s'oppose à celle de la politique " politicienne ", des magouilles et des affaires. Elle constitue une réponse émise par des dirigeants politiques " éclairés " face à la déconsidération dont ils se sentent l'objet et si dangereuse pour la démocratie.
La participation a pour but de réconcilier les citoyens avec la politique et avec leurs représentants élus. Elle lutte donc à la fois contre le développement de l'abstentionnisme électoral, contre l'apolitisme et l'anti-politisme croissants.
 
Cette nouvelle approche de la politique, qui aboutit à intégrer les risques de la démocratie participative, correspond aussi à " une attitude de modestie " vis à vis de la complexité de l'avenir.
Si les élus traditionnels continuent d'affirmer qu'ils savent et maîtrisent tout, les
" nouveaux élus " admettent que plus personne ne peut prétendre à lui tout seul détenir la vérité. Les médiations partisanes s'effacent, les lieux de réflexion et de prospective qu'étaient les instances locales des partis jouent mal leur rôle. Il faut trouver de nouveaux lieux pour inventer une nouvelle manière de faire de la politique. La participation apparaît comme le cur de cette transformation.
 
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6/ Donner le temps de la participation aux différentes échelles

La participation est pertinente pour régler les questions de proximité comme pour contribuer aux débats de société: du local au global, dans chaque espace public intermédiaire.
Ce travail est exclusivement basé sur des expériences locales de participation. Mais il faut achever cette série de leviers pour développer la participation par deux réflexions complémentaires.
 
* La première résulte du constat que l'on demande aux citoyens de participer simultanément dans différentes échelles emboîtées. De plus en plus souvent, l'échelle de la commune, qui semble la plus évidente et qui est, localement, la seule dotée d'une représentation légitimée par le suffrage universel direct, semble dépassée par le haut et par le bas.
À une échelle infracommunale, la participation la plus intense s'effectue dans les quartiers. Les quartiers, eux-mêmes, ne correspondent pas toujours à l'espace le plus pertinent et au sentiment d'appartenance le plus intense pour une participation de voisinage. On lui préfère la montée d'escalier, le bloc d'immeubles, la barre, la tour, la cité, le lotissement, l'îlot, autant de sous-quartiers à l'échelle desquels se mènent des expériences diverses, et peut-être les plus riches, de participation des habitants.
À l'échelle supracommunale, la participation est sollicitée sur des compétences et des enjeux d'établissements publics de coopération intercommunale, qu'il s'agisse des structures d'agglomération dans l'espace urbain, ou des structures de " pays " dans l'espace rural.
Il ne faut pas condamner trop vite le cadre communal, mais il faut comprendre que l'on demande au même habitant d'assimiler les enjeux de plusieurs niveaux gigognes, et de s'engager simultanément, à ces différentes échelles, du sous-quartier, du quartier, de la commune, de l'ensemble intercommunal. De plus, les espaces sont à géométrie variable selon le type d'objet que l'on propose à la participation. S'engager dans un mécanisme participatif relatif à un service de proximité ne se fait pas de la même manière que s'engager dans des mécanismes participatifs relatifs au tracé d'une grande voirie.
Le département, la région, l'État, l'Europe, le monde constituent aussi des références pour d'autres citoyennetés.
 
* Enfin, l'autre question conclusive est relative à la spécificité de la participation locale : un citoyen mieux mobilisé localement est un " meilleur citoyen " pour la démocratie nationale, pour la démocratie sociale, dans son association, son syndicat, sa coordination, pour la démocratie économique, dans son entreprise
Le local est le lieu privilégié de l'apprentissage de la participation, dont les bénéfices se diffusent ensuite dans l'ensemble de la société, et dans toutes les formes des relations sociales.
 

Adels - Octobre 1999

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Horizon Local 1997 - 2001
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