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La micro-finance : un outil de développement dans un contexte de lutte contre la pauvreté

Par Mia Adams, ADA


Contexte

Depuis quelques années les agences de développement commencent à repenser sérieusement certains aspects de leur politique d’aide au dévelop-pement.

Le manque d’emploi, la pauvreté grandissante dans la plupart des pays en développement, l’absence apparente d’efficacité des pratiques traditionnelles d’aide au développement, imposent une ré-allocation des budgets disponibles et un changement important de stratégie et d’attitude des intervenants.

A cet égard, le secteur la micro et petite entreprise, en tant qu’outil d’émancipation économique et sociale, représente un champ d’intervention intéressant. Ceci, en vertu de ses capacités de création d’emplois et de revenus, de l’ampleur qu’il prend dans la plupart des pays en développement, ainsi que par la nouvelle dimension plus équitable qu’il apporte en matière d’aide au développement.

Par la démarche initiale de s’engager dans les activités rentables d’auto-emploi, les micro-entrepreneurs ne sont pas des bénéficiaires passifs d’une aide sociale sous forme de dons. Il ne s’agit plus ici d’une relation de donateur/bénéficiaire dominée par le Nord. Par contre le micro-entrepreneur se présente comme un client actif, un demandeur de services financiers contre remboursement dont il a besoin pour le développement de ses activités et dont il prend la responsabilité.

Comment définir la micro-entreprise?

Depuis une trentaine d’années, les populations pauvres des pays en développement ont recours aux activités rentables d’auto-emploi pour survivre et améliorer leur situation. En effet, le secteur de l’auto-emploi est pour eux la seule possibilité de s’assurer un revenu.

Il s’agit en fait de toute une gamme d’activités génératrices de revenu allant de la vente de légumes au coin de la rue, du coiffeur, de la petite restauration, des petites entités de production, de commerce et de services plus formelles, telles que la menuiserie, la boulangerie, l’atelier de réparation, etc. Les micro-entreprises sont principalement familiales. Leurs activités sont financées à partir des capitaux propres. Elles fonctionnent au jour le jour et n’ont pas, ou très peu de stocks et elles n’ont pas de trésorerie. Elles utilisent du matériel très usagé et une main-d’oeuvre peu qualifiée. Bien que « small » elles ne sont pas « beautiful ».

En même temps, elles souffrent de la loi du marché, la plus brutale et la plus déréglementée que l’on connaisse. L’écoulement des produits est difficile par manque d’infrastructure.

Le secteur de la micro-entreprise peut être défini comme :

Le secteur de la micro-entreprise n'est pas un phénomène nouveau. Il reflète en quelque sorte la réaction des populations pauvres face à la situation d’endettement et de crise économique que connaissent la plupart des pays en développement. Par sa croissance extraordinaire (dans certains pays en développement 60 à 70 % de la population active tire actuellement son revenu de ce secteur), il est reconnu depuis une dizaine d’années comme catalyseur de développement économique.

Contrainte majeure des micro-entreprises

Parmi les contraintes auxquelles doivent faire face les micro-entrepreneurs, le manque d’accès aux moyens financiers est le plus important. Comme toute activité économique, le secteur de la micro-entreprise a besoin de ressources financières pour son fonctionnement et son investissement. Le problème est que les pauvres n’ont pas de garantie à offrir. Les montants dont ils ont besoin pour financer leurs activités sont généralement trop petits et n’intéressent pas les banques. Le micro-entrepreneur est, par conséquent, exclu du crédit bancaire.

Les limites de la micro-finance

Mais le crédit n'est pas la panacée. Il ne peut pas à lui tout seul résoudre tous les problèmes auxquels doivent faire face les micro-entreprises.

S’il mérite beaucoup d’attention, il n’y a pas lieu de lui réserver une attention exclusive. Les besoins des MPEs sont multiples et diversifiés. Au delà du crédit stricto sensu il faut développer d’autres dispositifs tels que le renforcement institutionnel, l’investissement en ressources humaines, la formation, l’aide à la commercialisation.

Par ailleurs, la micro-finance ne peut résoudre tous les problèmes du développement. Au-delà de l’accès à l’économie, il y a les besoins sociaux, les problèmes d’urgence, etc., auxquels il faut prêter attention par des moyens et des mécanismes adaptés.

La micro-finance et les institutions de micro-financement (IMF)

Le défi majeur des institutions de micro-financement consiste à mettre en place des systèmes qui permettent au plus grand nombre de micro-entrepreneurs, qui en sont actuellement privés, un accès à des services financiers et ce de manière durable.

Le fonctionnement des IMF

Face au problème de financement de la micro-entreprise, des organisations spécifiques de micro-financement ont été créées, ayant comme objectif principal de capter des ressources financières, que ce soit l’épargne locale (les coopératives d’épargne et de crédit, les caisses villageoises) ou des ressources externes (donations, fonds de crédit, ligne de crédit d’ONG ou donateurs) pour les distribuer sous forme de petits crédits, principalement à court terme aux pauvres micro-entrepreneurs.

Ces institutions de micro-financement ont révolutionné les pratiques bancaires. En adoptant des innovations importantes, telles que la caution solidaire et le crédit de groupe et à cause de leur proximité des clients, elles ont fourni la preuve non seulement que les pauvres sont capables d’épargner, de gérer une micro-entreprise viable avec peu de moyens, mais qu’ils sont également en mesure et disposés de payer les intérêts aux taux du marché et parfois même supérieurs, pourvu que cela leur donne accès aux activités économiques rentables.

En effet, l’expérience montre que les taux de remboursement des micro-crédits frôlent les 95 à 100% et se situent donc bien au-delà des résultats que les banques commerciales peuvent espérer.

Par ailleurs, comme il s’agit de petits montants pour le financement d’activités très rentables à court terme, les taux d’intérêt élevés (24 à 50%), bien au-delà des taux pratiqués par les banques commerciales, sont parfaitement acceptables. L’expérience montre que le niveau des taux d’intérêt n’a pas un impact significatif sur la rentabilité de la micro-entreprise. Une enquête réalisée par ACCION confirme ce fait. Ce qui compte pour le micro-entrepreneur, c’est l’accès au crédit.

Dans ce contexte le micro-entrepreneur se présente comme un client, demandeur de services financiers et non-financiers dont il a besoin pour le développement de son entreprise, de services auxquels il veut avoir accès rapidement et en permanence et pour lesquels il peut payer un prix réel.

Les IMF et leurs défis

Pour atteindre les objectifs de la micro-finance, c’est-à-dire, rendre les services financiers accessibles au plus grand nombre possible de gens pauvres, et ce de manière pérenne, les Institutions de micro-financement doivent être aussi compétitives que possibles et financièrement viables, c’est-à-dire, rentables.

En fait, il s’agit de systèmes de services financiers souvent décentralisés, qui visent à rendre disponible, d’une manière durable et financièrement viable, des services de petits prêts sans garanties matérielles. Ils sont destinés à financer des activités économiques d’auto-emploi des populations à faible revenu et aux micro-entrepreneurs urbains et ruraux, qui n’ont pas accès aux services bancaires formels et commerciaux.

Elles ont bien souvent trouvé leur origine dans les projets de développement et auprès des ONGs (Organisations Non Gouvernementales) et doivent leur succès à l’introduction de méthodes non traditionnelles de couverture de risque telles que la caution solidaire, les pressions sociales ou les garanties personnelles.

Pour certaines d’entre elles la vision sociale prédomine. Elles sont très proches de leurs clients et se caractérisent par un certain amateurisme financier, une dépendance vis-à-vis des prêts subsidiés. D’autres se sont développées en véritables intermédiaires financiers canalisant vers le secteur de la micro-entreprise les fonds commerciaux et autres.

A l’heure actuelle à peine 2% de l’ensemble des micro-entrepreneurs ont accès au crédit.

Dans leur recherche pour obtenir des ressources financières additionnelles, indispensables pour satisfaire une demande toujours croissante de micro-crédits, les institutions de micro-financement se trouvent confrontées à une série de problèmes, comme par exemple, le besoin de réduire les coûts de fonctionnement au strict minimum, de renforcer les performances de gestion financière et administrative ainsi que de rechercher une articulation avec le secteur bancaire.

Afin de pouvoir négocier des ressources financières auprès des banques commerciales, les IMFs doivent inspirer confiance et se conformer à certains critères de gestion et d’information financière, assurer leur propre viabilité, développer des mécanismes financiers adaptés pour capter les ressources financières, leur permettant de réaliser des économies d’échelle.

Mais le besoin d’articulation avec le secteur bancaire ne se traduit pas uniquement par les services financiers que les banques pourraient rendre à la micro-finance, mais également par des services autres que le crédit tels que les assurances, les formations en produits financiers, formations en pratiques bancaires et analyses financières, les facilités d’épargne, etc.

La solution à ces problèmes n'est pas toujours aisée. Une attention trop poussée à la rentabilité risquerait d’éloigner l’institution des pauvres en faisant une sélection trop rigoureuse des clients. Par contre, une vision trop sociale pourrait inciter à l’application des taux d’intérêts trop bas mettant en danger la viabilité de l’institution.

Des expériences ont permis de tirer des leçons. Certaines organisations, comme par exemple, la Grameen Bank, ont une renommée mondiale. D’autres se sont spécialisées dans les services financiers et ont adopté le statut de « micro-banque ». Elles sont soumises aux règlements de sécurisation et aux contrôles bancaires de leur pays. BancoSol en Bolivie en est un exemple.

Le souci commun, en apparence contradictoire, de toutes ces institutions reste le soulagement de la pauvreté par l’octroi des financements aux conditions du marché dans un souci de pérennité.

L’intermédiation sociale et l’intermédiation financière peuvent donc faire l’objet de priorités et d’attentes divergentes et donc facilement entrer en conflit.

Quel est le rôle des donateurs ?

Dans un contexte d’aide au développement charitable les organisations d’appui, ONGs, donateurs, ont été la principale source de financement et d’innovation.

Les fonds aussi bien que le savoir-faire proviennent du Nord. Ce modèle d’aide est en fait basé sur une relation peu équitable de « donateurs actifs » en face d’un « bénéficiaire passif ».

Ce modèle présente le problème qu’avec chaque opération, les fonds disponibles pour l’aide diminuent.

Depuis quelques années, le financement du secteur de la micro-entreprise y apporte une toute autre dimension. Le micro-entrepreneur se présente comme un client actif, un demandeur de services contre remboursement. Il prend toute une série de décisions concernant l’organisation, la rentabilité financière de son entreprise, les achats, les ventes, les investissements.

Nous nous trouvons donc en face d’une toute autre relation, plus équitable de « demandeur » et de « prestataire » de services, qui fait qu’à chaque opération de crédit, les fonds disponibles pour l’aide augmentent au lieu de diminuer.

Dans ce contexte nouveau, le rôle des donateurs se limite à :

Faciliter, favoriser, encourager la mise à disposition de moyens financiers nécessaires à la croissance des opérations de micro-financement (crédit et épargne locale)

L’expérience nous montre que la collecte de l’épargne, même dans un milieu d’extrême pauvreté, n'est pas négligeable.

Les financements extérieurs, par contre, impliquent l’utilisation d’un mélange de subventions et de capitaux, à moyen et long terme, empruntés aux bailleurs de fonds et aux gouvernements ainsi que des ressources commerciales (provenant des marchés financiers pour refinancer durablement le besoin de crédit).

Dans ce domaine, les institutions de micro-financements jouent un rôle clé. Il s’agit donc de renforcer ces institutions en se basant sur trois principes fondamentaux :

Pour ce qui concerne les MFIs, toute stratégie d’intervention devrait prendre en compte trois éléments :

En revanche, certaines lois valables pour les banques classiques valent également pour les IMFs. Ainsi, les règles relatives à la transparence de la comptabilité sont au moins aussi importantes pour les IMFs que pour les banques. Il en est de même pour les lois destinées à lutter contre tout type de fraude et des sanctions frappant les IMFs défaillantes (insolvabilité).

Pour les IMFs qui veulent faire appel à la collecte de l’épargne et pour celles qui souhaiteraient étendre leurs capacités d’octroi de crédit en ayant accès aux sources conventionnelles de financement telles que les dépôts des banques commerciales, une certaine réglementation, ainsi que des contrôles stricts mais appropriés à la micro-finance, deviennent nécessaires. Les mesures administratives et les politiques macro-économiques favorables aux micro-entreprises sont tout aussi im-portantes que le cadre régulatoire et juridique des IMFs.

Quelques mécanismes d’intervention : sur base de l’expérience de ADA

Appui à des groupes de base :

Activités d’auto-emploi des groupes de jeunes, groupes de femmes (démarrage d’une dynamique d’auto-financement). Il s’agit ici de familiariser les groupes de base avec une dynamique d’auto-financement d’activités économiques rentables et de les soumettre par la même occasion à la rigueur de la gestion financière et des remboursements de crédit.


ADA - ADA Dialogue, numéro numéro 14, août 1998

Pour plus d'informations, contacter: ADA -Appui au Développement Autonome-
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Tél: (+352) 45 68 68; Fax: (+352) 45 68 60
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Horizon Local 1997
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