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Des services de proximité au service du développement durable

Par Laurent Comeliau, Jean-Pierre Nicol


(Article paru dans Devenirs n°25, cahiers de la fondation Ailes, mai 1997)

Le développement durable vise à intégrer dans toute politique les aspects sociaux, économiques et environnementaux, dans le souci d'assurer l'équité actuellement et de préserver les possibilités pour les générations à venir. Autrement dit, toute politique conjugue les aspects du développement dans des projets pour l'homme, pour le présent et pour l'avenir. S'agit-il pour autant de vastes desseins ou d'ambitieuses avancées dont le théâtre serait la planète, et elle seule ? Les principes fondateurs du développement durable, affirmés à Rio en 1992, rappellent l'indispensable coopération de tous les acteurs et l'implication de tous les niveaux.

Les services de proximité sont "fournis aux personnes pour améliorer la qualité de la vie ou de l'environnement local, et correspondant autrefois à des fonctions remplies par la sphère familiale élargie … Ils modifient la consommation des ménages en faveur de biens et services dont le contenu direct en emplois résidents est élevé." Cette définition, proposée par G. Cette, P. Héritier et V. Singer suggère un lien avec le développement durable. La qualité de la vie ne s'appréhende pas seulement en termes d'environnement physique. Les emplois de proximité contribuent à maintenir des relations sociales dans un cadre économique localisé.

Cet article se propose de préciser l'intuition que ces deux approches du développement local convergent. À quelles conditions les emplois de proximité peuvent-ils proposer un mode de développement durable ? Les effets de tels emplois sur le lien social, sur la dépense en énergie, sur la répartition de la population, sur l'environnement, sur le cadre de vie et le mode de consommation, sont-ils compatibles avec des objectifs de développement durable ?

Penser globalement, employer localement

Le mode de développement économique actuel cherche avant tout à lier le bien-être à l'augmentation des quantités globales, à l'élargissement des marchés solvables, à l'accroissement continu des échanges et des transports, sans considération des effets sociaux et des dégâts environnementaux, conduit à des gaspillages évidents. Si la logique des échanges (économie de marché) contribue largement à la diffusion des améliorations et des progrès techniques, elle emporte aussi une suite de déséquilibres tant sociaux (pauvreté, concentrations urbaines, dévalorisation du travail, dislocation des services interpersonnels) qu'écologiques (surexploitation de ressources locales, négligence des "biens libres" - air, eau, flore, faune - sous-évaluation de l'énergie). L'extension de la sphère des échanges marchands et monétaires induit une amplification de la consommation de biens non durables. Le processus appelé "mondialisation" ou "globalisation" traduit cette dilatation de l'économie marchande et des appétits financiers, mais aussi la perception de l'unité du monde et l'intégration des problèmes dans un espace qui transcende les frontières nationales.

La globalisation dissimule mal l'ensemble des déséquilibres locaux, des disparitions plus ou moins accentuées de ressources locales et de liens sociaux. La nécessité d'agir localement est apparue dans les années 60-70 aussi bien pour des questions de développement équilibré de régions entières que du fait des phénomènes de nimby [not in my backyard, pas de ça dans mon jardin] qui tendent à exporter nuisances et déchets dans des zones extérieures à leur production. Ce que les économistes nomment coûts externes ou coûts sociaux, s'est trouvé déporté vers des zones délaissées et donc doublement défavorisées.

En concentrant la richesse, en standardisant la production et la consommation, en recherchant la productivité à toute force, le modèle économique global a contribué à faire disparaître les façons locales adaptées à leur environnement et a dévalorisé les liens sociaux traditionnels. Le chômage ne fait que transposer la dévalorisation du travail humain et des relations de proximité, souvent étrangères à la mécanique des échanges monétaires. Non qu'il eût fallu maintenir des relations fondées sur des inégalités flagrantes, il aurait mieux valu adapter les mécanismes collectifs de telles sociétés.

Pourtant, l'apport de l'économie de proximité, qu'elle soit formelle ou informelle, a été rappelé notamment lors des rendez-vous internationaux de l'après-Rio organisés par les Nations unies comme le Sommet social (Copenhague, 1994) et le Sommet des villes, Habitat II (Istanbul, juin 1996).

Les emplois verts de proximité

En France, le Ministère de l'Environnement a justement choisi l'année du Sommet Social pour lancer son opération "35 000 Emplois verts". Les premiers bilans sont mitigés. Essentiellement constitués de contrats emploi-solidarité et de contrats de qualification ayant pour objectif la réinsertion, l'opération se heurte à la pérennité, à la durabilité des emplois créés. Début 1995, sur les 15 000 emplois déjà crées, seulement environ 450 correspondaient à des contrats à durée indéterminée...

La réussite des expériences de ce type s'évalue en effet non seulement aux services rendus à la population locale mais également au devenir de ceux qui les rendent. Les initiatives créatrices d'emplois de proximité de long terme doivent généralement leur succès à un véritable accompagnement continu (au moins dans les premiers mois) des personnes embauchées, que ce soit en terme de formation ou d'aide social (démarches administratives, logement,...).

Des emplois verts "durables" en Corse L'Office de l'Environnement de la Corse a choisi d'axer sa stratégie de développement durable sur le thème de l'emploi et de l'environnement en zone rurale. Cette démarche repose sur l'expérience conduite en partenariat avec la Diren depuis 1994 qui a permis de créer 200 emplois verts aidés au travers d'associations et de collectivités locales. Elle vise à explorer le gisement d'emploi à partir des réalités de terrain que sont la mise en valeur du patrimoine bâti et naturel de l'Île. Ce projet, intitulé "environnement-emploi-développement" est financé par des fonds européens dans sa phase de démarrage. Il a pour objectif d'être rentable à terme et de créer des emplois pérennes.

Ces emplois qui correspondent dans leur majorité à des emplois de proximité (entretien de chemins de randonnées de berges et d'espaces verts, réhabilitation des façades en centre-ville,...), ont au moins le triple avantage d'être bons pour l'environnement, bons pour la collectivité et facteur de réinsertion sociale pour les exclus qui en bénéficient. Deux études récentes présentent plusieurs initiatives de ce type développées un peu partout en France .

Elles permettent notamment d'avoir un aperçu de la multitude des associations, entreprises et services publics agissant dans ce domaine et de la pluralité des démarches dans lesquelles elles s'insèrent (Contrat de ville, Charte d'Environnement, Plan d'Insertion par l'Économique, Comité de Bassins d'Emploi...). Nous verrons en conclusion qu'une appréhension globale de ces acteurs et engagements, est nécessaire.

Les secteurs à fort potentiels : déchets, énergie et transports

Mais les emplois de proximité au service du développement durable vont au-delà de ces seuls type d'emplois sans qualification et axés essentiellement sur des tâches de maintenance-entretien.

Que ce soit dans la gestion des déchets, dans le domaine de l'énergie, dans celui des transports, ou encore en terme d'activité de production et de consommation de biens, il existe un potentiel important de création d'emplois locaux destinés à répondre à des besoins locaux. Les exemples qui suivent en témoignent.

Des transports publics plus sûrs grâce à des emplois de proximité

L'insécurité dans les transports publics fait partie des facteurs évoqués par les automobilistes quand ils justifient leur choix de mode de déplacement.

Dans le cadre de ses actions de solidarité urbaine, la RATP a mis en place depuis 1994 des équipes de "Grands Frères" pour améliorer la sécurité sur ses réseaux et en banlieue nord de Paris (notamment Garges-les-Gonesse, Sarcelle, Goussainville). Recrutés dans les cités par l'intermédiaire des associations de quartier, ils ont pour mission d'apaiser le climat généré par les jeunes et de favoriser un usage plus civique du bus. Pour l'ensemble des cinq communes concernées, 12 emplois ont ainsi été crées.

Huit "agents d'ambiance" chargés de faciliter l'accessibilité du service pour le voyageur devaient par ailleurs être recrutés en 1996.

L'agriculture urbaine offre une bonne illustration de production/approvisionnement de voisinage. Observée surtout dans les pays en développement à des fins de subsistance, elle a fait son apparition en Europe (notamment aux Pays Bas, en Allemagne, en Angleterre et en France) . Il n'existe hélas à ce jour pas d'estimation du nombre d'emplois générés par cette activité.

Les Agendas 21 locaux, forums des emplois de proximité

Les services de proximité répondent par définition à des besoins ayant des particularités locales. Toutefois, il existe des freins puissants qui les empêchent d'occuper toute leur place dans l'économie. Leur définition se heurte à d'indéniables difficultés de financement. Celui-ci est supporté pour l'essentiel par les collectivités publiques, au nom de la solidarité sociale. Mais comme dans le temps les ressources leur sont comptées en vertu de critères de rentabilité, définis par les contraintes appliquées aux entreprises, il faut compter. L'externalisation des fonctions sociales par les firmes oblige oblige à repenser les contributions des différents acteurs impliqués localement.

Les acteurs de terrain que sont les associations, les syndicats, les collectivités locales, mais également les entreprises sont les plus à même de révéler ces attentes de la population, d'analyser les demandes sociales locales. La mise en commun des connaissances et compétences de chacun est largement insuffisante. La concertation régulière des acteurs locaux et la négociation d'objectifs (qui ne seront pas strictement économiques) peut permettre d'élaborer une véritable stratégie d'emplois de proximité au service du développement durable. Cette stratégie devra veiller à assurer une vraie formation ainsi qu'un accompagnement social aux bénéficiaires des emplois ainsi crées afin que ceux ci soient durables au sens propre du terme : stables dans la durée.

C'est là l'un des objectifs des Agendas 21 locaux, ces forums de développement que les Nations unies ont recommandé aux collectivités locales de mettre en place à Rio en juin 1992. Ils doivent permettre d'identifier à la fois les problèmes environnementaux et sociaux et les potentiels locaux permettant d'y répondre, que ce soit en matière de ressources ou de main d'oeuvre.

L'association 4d essaye de promouvoir ce processus pour élaborer une vision de long terme à l'échelle des collectivités. Elle le fait depuis novembre 1996 par le biais de journées régionales de sensibilisation au développement durable qu'elle organise avec plusieurs partenaires.

avril 1997


Association 4D

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