Perquisition sur des serveurs de l’anti-G8

, par Lunar, Nil

Le 9 mai 2007, de 8h à 17h, le serveur de so36.net, a été la cible d’une perquisition par des officiers de la police allemande. Au moins le contenu des boites mails, listes de discussion et des sites web hébergés a été copié.

Basé à Berlin, so36.net est un fournisseur de services Internet indépendant, non-commercial, sans pub et politiquement engagé. Des membres de l’équipe de Globenet et de celle de l’équipe de so36 (ainsi que celle d’autres serveurs similaires) ont d’ailleurs pu se rencontrer à l’occasion de la conférence de l’Action Mondiale des Peuples l’été dernier.

Les perquisitions de cette matinée du 9 mai 2007 (de) ont ciblé de nombreuses structures impliquées dans la préparation du contre sommet du G8, prévu du 1er au 9 juin 2007, dont so36. Ces saisies policières ont été faites en invoquant l’article 129a du code pénal allemand (formation d’une coalition terroriste) qui donne les pleins pouvoirs à la police pour saisir matériels et données.

La loi du 24 janvier 2006 contre le terrorisme, l’équivalent français,
présentée par un ministre devenu depuis président, pourrait permettre à la police de prendre des mesures semblables pour réprimer l’agitation sociale en cours. Mesures qui pourraient donc menacer les serveurs de Globenet et de No-log...

Il nous apparaît important de développer des solidarités entre
utilisateur·ice·s de tous ces serveurs « à risque ». Nous vous tiendrons informé·e·s des possibilités de faire vivre concrètement cette solidarité dans les prochains temps.


Voici la traduction du communiqué écrit par les membres de so36.net :

Salut, voici un petit positionnement de SO36.NET concernant la perquisition de notre salle serveur.

Les circonstances en bref : à 8h, le lundi 9 mai 2007, 900 salarié·e·s du service public porteurs d’insignes partaient sur les routes de toute l’Allemagne pour optimiser la mobilisation autour du sommet du G8 qui aura lieu en juin à Heiligendamm.

Comme on pourrait s’y attendre, tous les groupes impliqués dans la
préparation de la chorégraphie des protestations accompagnant le sommet — des organisations non-gouvernementales, extra-parlementaires et civiques, en passant par la gauche radicale, des groupes liés à l’église et aux syndicaux jusqu’à l’intérieur même de la maison de folie du parlement — ont contesté cette violation de vie privée.

Nous conseillons de consulter les organes de publication bien connus pour obtenir plus d’information — mais surtout nous n’avons pas voulu vous priver de ce beau morceau de prose tiré du mandat signé par le pas très honorable juge Hebenstreit : « ...avec (...) des actions violentes perturber ou empêcher le sommet économique mondial (G8) de l’été 2007 à Heiligendamm. Ces délits sont destinés à bousculer l’ordre public et économique de la république fédérale allemande et peuvent surtout nuire considérablement à la position internationale de la république fédérale comme partenaire fiable dans le groupe des huits nations économiques les plus importantes. »

Exact — et on trouve ça bien.

Concrètement sur le déroulement de la perquisition : à 8h15 environ,
l’étage de bureau dans lequel se trouve aussi notre salle serveur a reçu la visite de 10 policiers et 10 fonctionnaires de la BKA [1]. (Un utilisateur du bureau a pu leur ouvrir la porte juste avant qu’illes ne la forcent.)

Vers 8h50, nous avons réussi à entrer dans les lieux en compagnie d’une avocate. À ce moment, trois fonctionnaires du BKA se trouvaient déjà dans la salle serveur et avaient, comme première mesure, coupé le cable de la connexion Internet. Leur deuxième mesure consistait à désactiver la webcam installée là en coupant son alimentation éléctrique. Ils n’avaient pas encore touché au serveur lui-même ; ils se trouvaient apparement encore dans une phase d’orientation.

Les techniciens du BKA nous ont ensuite demandé de leur donner les mots de passe root et un accès complet à tous les systèmes.

Après notre refus, ils ont menacé d’enlever et d’emmener tous les racks [2].

Après l’intervention de l’avocate présente et un bref échange avec le magistrat qui était arrivé entre temps, ils ont annoncé que leur enquête se focalisait sur des boites de messagerie. Dans le courant de la négociation, ils ont précisé leur intérêt pour exactement 22 adresses électroniques qu’ils avaient déjà associé à 10 noms. De plus, ils ont demandé 2 listes de discussions (également mentionnées dans le mandat) et 7 URLs (sites web).

Au vue de la situation, nous avons décidé de leur livrer les données précisées et mentionnées dans le mandat. Sans doute est-ce une décision entre la peste et la choléra ? Mais toute autre décision aurait eu comme conséquence la saisie du serveur et ainsi la mise à découvert de toutes les données.

Après avoir pris cette décision, nous avons fourni un shell root au technicien présent du BKA. Leur portable a dû être intégré au réseau pour copier les données par scp. Cela a posé problème aux techniciens du BKA pendant un bon moment. Après avoir lu des manuels et s’être informés sur la significations des netmasks, ils ont copié les boites de messagerie demandées sur leur portable. (La liste des boites demandées a, entre temps, été rallongée de trois autres boites, suite aux perquisitions qui avaient lieu ailleurs.)

Après avoir eu, à deux reprises, des difficultés en matière de ifconfig et de netmasks, ils ont copié également les données des listes de discussion et des sites webs.

Pendant toute la copie et le travail, nous avons suivi les experts du BKA de près et nous pouvons assurer qu’il n’y a pas d’autres données qui ont pu être copiées.

Nous avons informés les personnes concernées.

— Salutations de SO36.NET

Notes

[1BKA : L’équivalent de la DST.

[2Les serveurs sont disposés dans des armoires spéciales, qui accueillent des machines de format spécifique, appelé « rack ».